La revue de presse hebdomadaire du monde arabe (11-18 janvier)

La revue de presse hebdomadaire du monde arabe (11-18 janvier)

 Dans le cadre du partenariat créé avec nos confrères de l’INALCO, DesOrient.com, Classe Internationale relaie la revue de presse hebdomadaire consacrée  à l’actualité du monde arabe, rédigée par l’équipe de DesOrient. Pour cette première revue de presse de l’année 2014, DesOrient revient sur les résultats du référendum égyptien, la mort d’Ariel Sharon et l’avenir du mariage civil au Liban.
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Ariel Sharon pensant à Bachar el-Assad : « Je ne savais pas que sur terre il y a quelqu’un de plus ‘Sharon’ que moi ».
Texte du journal : boucher, massacre, harcèlement, destruction, bombardement, extermination, torture, expulsion, exécutions.
Dans une actualité particulièrement chargée par le référendum sur la nouvelle constitution égyptienne des 14 et 15 janvier, le décès de l’ancien premier ministre et chef d’état major israélien Ariel Sharon samedi 11 a été toutefois largement commenté par la presse arabeDans son éditorial du 12 janvier, le quotidien al-Quds al-Arabi basé à Londres revient ainsi sur l’histoire de celui qu’Ehoud Olmert – aussi ancien premier ministre – appelait « Monsieur Israël », des premières guerres israélo-arabes de 1948 et 1967 jusqu’au siège puis l’intoxication présumée de Yasser Arafat en passant par le retrait unilatéral d’Israël du Liban en 2000. Arrivant deux ans avant l’entrée de Sharon dans le coma – pour une durée de huit ans – la mort du dirigeant palestinien était comme une « revanche de l’histoire », affirme le quotidien, « face aux victoires du général israélien contre ses ennemis : nous ».Par ailleurs, alors que les révolutions arabes traversent une passe difficile, al-Quds fait une analogie avec l’Intifada de 2002, considérant que celle-ci a été une introduction aux soulèvements dans les autres pays arabes contre les « généraux dictatoriaux et tyranniques », comme Sharon l’était avec les palestiniens et les arabes par extension. Il nous invite ainsi à revenir aux conditions dans lesquelles l’intifada s’est déclenchée, et à s’en inspirer.
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Une électrice faisant le nouveau signe de soutien au général Sissi (CC).
A la veille du référendum tant attendu, l’analyste politique jordanien Fahd Khaitan traite dans el-Ghad, quotidien progouvernemental, du « paradoxe constitutionnel » entre les dispositions préservant les droits et libertés présentes, lesquelles furent votées avec l’appui des islamistes d’el-Nahda en Tunisie la semaine dernière, et celles qui militarisent la vie politique en Egypte, pourtant approuvées en l’absence des islamistes par le « comité des cinquante ». Selon Khaitan, en accord avec d’autres experts, c’est la capacité des Tunisiens à prendre le chemin du consensus, islamistes et opposition confondus, qui a permis un tel résultat. Dans le cas égyptien, les libéraux ont choisi la voie la plus simple qui était de conjurer l’armée et de mettre fin à la crise ce qui a, de fait, entraîné le retour à un Etat fondé sur l’institution militaire, comme durant l’ère de l’ancien président Hosni Mubarak.
La presse égyptienne, dans un (presque) parfait unanimisme encouragé par la censure et la propagande, célèbre l’événement du référendum. Le quotidien gouvernemental al-Ahram titre ainsi le 14 janvier « le peuple s’exprime aujourd’hui et demain » puis « les Égyptiens frappent aux portes de la liberté et de l’avenir » le lendemain. Dans sa chronique du 15 janvier pour al-Masry al-Youm, journal indépendant mais proche du pouvoir, le journaliste et écrivain Mohamed Salmawy écrit que le peuple égyptien est sans aucun doute le premier gagnant du référendum. Dans le même temps, la confrérie des Frères musulmans a perdu son pari d’empêcher les masses d’aller voter, malgré les menaces et les actes terroristes.
Même son de cloche, en adoptant un ton plus neutre toutefois, du côté du quotidien libanais de gauche al-Akhbar pour qui c’est un référendum sur la fin de l’ère de la confrérie et un retour en force de l’armée dans la vie politique égyptienne à travers l’allégeance au ministre de la défense Abdel-Fattah al-Sissi lequel avait déclaré le 11 janvier qu’il serait candidat à la présidence « si le peuple le demande ». Devant les bureaux de vote mis en place dans les écoles, on pouvait voir des rangées d’électeurs brandissant les drapeaux égyptiens et des portraits de Sissi, scandant des slogans en faveur de celui-ci et chantant la chanson de soutien à l’armée « Teslam el Ayadi » (Soyez remerciés) composée par Mostafa Kamel, représentant du syndicat des musiciens élu en mai 2013 et interprétée par onze chanteurs.
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Par ailleurs, le journal revient sur les affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants partisans des « Frères » qui ont fait au moins neuf morts et 20 blessés le 14 janvier, en particulier à Beni Souef, dans la région de Sohag, au sud de la capitale.
L’unes des seules voies discordantes en Egypte est celle de l’éditorialiste d’al-Shourouk Bilal Fadl lequel dénonce la mascarade, notamment dans sa dernière chronique intitulée « Ainsi les urnes ont dit oui au coq ! » [ndlr, Abdel-Fattah al-Sissi] : lorsque les Frères musulmans étaient au pouvoir, les écrans et journaux étaient remplis par ceux qui affirmaient du matin au soir que la démocratie n’est pas seulement faite par les urnes, mais aussi par le respect de l’opinion de la minorité et la garantie de la liberté de l’opposition. Un jour, lorsque cesseront les effets de l’intoxication nationale [ndlr, la propagande], les gens reprendront leurs esprits et se rendront compte du retour à l’intimidation et aux accusations de trahison.
Un Salafiste dit à un Frère musulman : « Je ne comprends pas comment ils ont fait dire « oui » aux gens sans huile ni sucre », allusion à la facilité avec laquelle le régime a obtenu l’adhésion des masses à la constitution, contrairement à la confrérie qui avait mis en place tout un réseau de militants, fournissant notamment de la nourriture aux populations.
Les résultats définitifs du référendum, annoncé par la commission électorale sont de 98,1% pour le oui pour un taux de participation de 38,6% (plus de 20 millions d’électeurs), en hausse par rapport au référendum sur la Constitution proposée fin 2012 par les Frères musulmans, laquelle avait été approuvée à 63,8% pour un taux de participation de 32,9%. Ceux-ci sont présentés par région sur le site Tahrir News.
Résultats du référendum avec les détails pour la région du Caire.
Légende : « Oui » en vert, « Non » en rouge
Encadré, de haut en bas: résultats du référendum de 2012 (approuvé à 63,8% au plan national), de 2014, nombre d’habitants, taux de participation, taux d’analphabétisme, taux de pauvreté et taux de chômage.
Dans le reste de l’actualité, deux événements ont monopolisé l’attention des médias en Algérie : d’une part, l’annonce d’une nouvelle hospitalisation du président de la République Abdelaziz Bouteflika au Val de Grâce à Paris pour procéder à un contrôle de routine de son état de santé, d’autre part l’annonce de la date des élections présidentielles pour le 17 avril, sans avoir de certitude si Bouteflika sera candidat ou non. Le quotidien d’expression française el-Watan (la Patrie) souligne que le mystère devrait rester entier au plus tard jusqu’au 3 mars, date limite pour le dépôt des candidatures auprès du Conseil constitutionnel. Plusieurs candidats ont d’ailleurs assuré qu’ils se retireraient si le chef de l’Etat se portait candidat, estimant que le scrutin ne serait ainsi pas ouvert. Dans son éditorial, Djaffar Tamani espère que l’Algérie pourra enfin sortir de la « salle d’observation dans laquelle elle est maintenue par [son] système finissant ».
Pour terminer cette revue de presse, nous allons au Liban où al-Akhbar s’interroge sur le devenir du mariage civil (cf. notre revue de presse du 8 au 21 avril 2013). Une seconde union a été légalisée en août 2013, après que la première, très médiatisée, eu été officialisée en avril en se basant sur l’arrêté n°60 du statut personnel datant de 1936, époque du mandat français. Selon le quotidien, plus de dix unions « civiles » conclues depuis en terre libanaise attendent toujours d’être enregistrées auprès de la direction générale du statut personnel du ministère de l’Intérieur . Le ministre Marwan Charbel précise que l’examen des dossiers prend du temps, sachant qu’il faut au moins s’assurer que le mariage est bien purement civil. Cependant, selon le juriste Talal al-Husseini, ce devrait être au tribunal, et non à l’administration, de décider si oui ou non le mariage est légal, et l’enregistrement ne devrait être qu’une formalité. Ainsi l’Etat libanais continue de « contrôler les croyances des gens », et la liberté de conscience se fait attendre…

Cyprien Butin

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