Israël-Turquie : retour sur l’épisode de la Flottille pour Gaza

Israël-Turquie : retour sur l’épisode de la Flottille pour Gaza

        Ce mardi 28 juin, la signature de l’accord entre la Turquie et Israël marque la réconciliation officielle des deux gouvernements après le refroidissement imposé par l’attaque de la Flottille pour Gaza par la marine israélienne en mai 2010. L’accord comprend notamment une indemnisation de vingt millions de dollars pour les familles des victimes, en échange d’un abandon des poursuites turques contre les responsables israéliens. Suite au refus israélien de lever le blocus de Gaza, le président turc a tenu à rassurer les Palestiniens et les Gazaouis en annonçant que la reprise des relations marque aussi un retour des ONG turques sur le terrain et prévoit déjà l’acheminement de plus de 10 000 tonnes d’assistance humanitaire ce vendredi. Cet accord lourdement symbolique est l’occasion de revenir sur l’historique récent des relations entre ces deux gouvernements.

Les relations turco-israéliennes semblaient paralysées depuis l’assaut israélien du navire humanitaire turc Mavi Marmara, qui a causé la mort de dix militants turcs le 31 mai 2010 et fait 28 blessés. Ce navire faisait partie de la « Flottille de la liberté», un convoi humanitaire mené sous l’égide de l’organisation Free Gaza, et composé de navires originaires de différents pays qui avait pour objectif de « briser le blocus maritime » de la bande de Gaza. Ce double blocus, maritime et terrestre, de la bande de Gaza a en effet été décrété en juin 2006, après la victoire du Hamas aux élections législatives, et renforcé en 2007. Cet assaut israélien, l’opération « Vent du ciel », menée dans les eaux internationales par un commando de marine, a suscité une réprobation internationale par sa disproportion et sa brutalité. Il pose la question du droit international en ce qui concerne la légalité du blocus maritime et la légitime défense selon l’interprétation que l’on fait du droit de la mer, mais il est surtout considéré comme marquant la rupture de l’entente stratégique de longue date entre les deux pays. En effet, ses conséquences géopolitiques ont été importantes et sérieuses sur la relation israélo-turque tandis que la Cour pénale internationale annonçait l’été dernier qu’elle revenait sur sa décision de ne pas juger Israël. Cependant, on peut se demander si c’est l’affront en Méditerranée qui a provoqué cette rupture brutale, ou si l’on peut dégager d’autres éléments de refroidissement qui pouvaient l’annoncer, notamment en termes de lutte pour le contrôle de la Méditerranée orientale et des enjeux énergétiques et hydrauliques en cours dans la région.

Israël-Turquie: une entente stratégique perturbée depuis la fin des années 2000

  • Les intérêts communs des deux « vitrines de l’Occident en Orient »

On rappelle souvent que la Turquie est le premier pays musulman à avoir reconnu l’État d’Israël, État hébreu, en 1948. Cela s’inscrit dans une relation de nécessité instaurée par le statut de la Turquie, membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) et le contexte régional qui entoure les deux pays.

Ainsi, la Turquie et Israël partagent de nombreux point communs qui en ont fait des alliés presque naturels, à commencer par leur identité non-arabe. Certains observateurs parlent même d’un sentiment « d’extranéité partagé1 » vis-à-vis de leurs voisins arabes. Ils se distinguent de leur environnement proche par leurs structures politiques semblables également : ce sont tous deux des démocraties libérales et pluralistes2. Dans ce sens, Robert Anciaux précisait même que: « Le Moyen-Orient — à l’exception d’Israël dont l’establishment politique turc se sent plus proche — n’est ainsi pour Ankara qu’un marché où elle peut écouler avantageusement ses produits, et non un espace politique, social ou culturel auquel elle s’identifie.3 »

Au niveau économique, le rapprochement s’est aussi fait naturellement, dans la mesure où ce sont deux pays intégrés dans la mondialisation. De façon générale, c’est la proximité avec l’Occident qui a poussé les deux pays à s’entendre et qui a fait d’eux des « vitrines de l’Occident en Orient ». Il faut souligner que c’est une alliance qui fait partie d’un trio, avec le soutien des États-Unis, qui encourage alors la durabilité de cette relation. De son côté, la Turquie compte aussi sur le lobby israélien à Washington pour faire pression sur le Congrès de façon à ce qu’il ne vote pas la reconnaissance du génocide arménien. Israël, pour sa part, profite de la Turquie qui se trouve dans la deuxième ceinture de sécurité de l’État hébreu, après celle des pays arabes hostiles. Enfin, les deux États partagent une certaine vision commune en termes de politique étrangère dans la mesure où ils ont des ennemis communs : la Syrie, l’Iran et l’Irak.

Dans le contexte favorable du processus de Madrid et des accords d’Oslo qui ont permis à la Turquie d’entretenir une relation « décomplexée » avec le voisin hébreu, cette entente s’est matérialisée dans les années 1990 dans de nombreux domaines. Dans ce cadre, les deux pays signent des accords de libre-échange qui font exploser les échanges commerciaux. De même, le tourisme est un élément important de rapprochement entre la Turquie et Israël. Au-delà du commerce et du tourisme, l’entente la plus officielle est atteinte avec la signature d’accords militaires en 1996 qui comptent quatre volets : un programme de modernisation des avions de chasse turcs (F4 et F5), l’exportation d’armement israélien vers la Turquie, l’organisation d’entraînements conjoints ou séparés, et la coopération en matière de renseignement. On note que la coopération dans l’échange d’informations entre les deux services de renseignements, le MIT (Millî İstihbarat Teşkilatı, « Organisation du renseignement national ») et le Mossad, ont permis à la Turquie de profiter des technologies d’espionnage israéliennes pour combattre les rebelles kurdes. Les Turcs ont également bénéficié de l’aide du Mossad, pour capturer le leader kurde du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) Abdullah Öcalan en 1997, au Kenya. L’accord militaire comprend ainsi des manœuvres conjointes réalisées avec Israël mais également les États-Unis. L’accord a donné lieu à des entraînements de pilotes israéliens dans l’espace aérien anatolien, représentant un élément important de profondeur stratégique pour Israël qui est limité en termes d’espaces, d’autant plus que l’espace aérien anatolien est semblable à l’espace aérien iranien.

Cette entente renforcée par le volet militaire connaît cependant un refroidissement progressif dans les années 2000 du fait d’une réorientation des stratégies géopolitiques des deux pays, elle-même impulsée par un changement des équipes au pouvoir d’un côté comme de l’autre. On assiste alors à ce qui semble être la fin des alliances traditionnelles pour une meilleure recherche de nouveaux horizons partenariaux. Ce virement est opéré par l’introduction de nouvelles approches géopolitiques en réaction à un contexte régional changeant. Tandis que l’épisode de la Flotille de Gaza a été évoqué comme le motif de rupture entre les deux États, il faut plutôt le considérer comme le point culminant de la prise de distance progressive entre la Turquie et Israël.

  • L’AKP, le « Grand Moyen Orient4 » et la cause palestinienne

Jean Marcou, spécialiste de la Turquie, explique que « l’un des aspects les plus significatifs de ce que l’on se plaît désormais à appeler la “nouvelle politique étrangère turque” concerne sans aucun doute le développement des relations de la Turquie avec les pays arabes5 ». Or, la mise en place de cette politique étrangère, largement inspirée par l’approche d’Ahmet Davutoğlu résumée dans son ouvrage intitulé La Profondeur stratégique, semble inconciliable avec le maintien d’une relation décomplexée vis-à-vis d’Israël, étant donné la disproportion de la violence utilisée contre les Palestiniens dans les années 2000.

En effet, le début du XXIe siècle est marqué dans la région par le déclenchement de la deuxième intifada. Les images de civils palestiniens ayant pour seule arme des pierres qui se font violemment réprimer, arrêter et tuer choquent la société civile internationale et turque. Dès 2002, année de l’arrivée au pouvoir de l’AKP, Adalet ve Kalkinma Partisi (Parti de la justice et du développement), en Turquie, la désapprobation de la société vis-à-vis de la politique israélienne trouve un écho au sein du pouvoir. La cause palestinienne devient alors un élément central dans la mise en place de la nouvelle politique étrangère turque qui, constatant l’éloignement d’une perspective européenne, mène une « offensive de charme diplomatique au Moyen-Orient6 ». Dès lors, les relations diplomatiques entre les deux États sont ponctuées de déclarations virulentes voire théâtrales. Ainsi, en 2004, le Premier ministre turc Erdoğan n’hésite pas à dénoncer le « terrorisme d’État » d’Israël lors d’une conférence internationale.

Il faut dire que le contexte régional est aussi perturbé, et donne l’occasion à la Turquie de mettre en œuvre ses déclarations, notamment avec le refus d’appuyer l’intervention en Irak en 2003 et la dénonciation de la guerre au Liban en 2006. De façon générale, les actions de l’État israélien mettent en difficulté les positions de la Turquie qui ne peut plus se permettre d’encourager le partenariat avec un allié gênant, voire indéfendable, devant les pays arabes. Or, la Turquie est entrée dans une logique de puissance visant à atteindre le statut de leader régional. Dans ce sens, la politique étrangère de l’AKP, dont fait partie le président Abdullah Gül élu en 2007, tend de plus en plus à reposer sur une volonté d’autonomisation, qui se traduit dans les faits par un désalignement vis-à-vis des positions américaines.

Le partenariat militaire est lui-même remis en question dès 2007 lorsque les Israéliens s’autorisent à utiliser l’espace aérien turc pour aller détruire un réacteur nord-coréen en construction en Syrie sans l’accord d’Ankara. Cela est d’autant plus mal vécu qu’un rapprochement a été opéré entre Ankara et Damas, notamment au niveau militaire : les deux armées commencent même à s’entraîner ensemble, et échangent des renseignements grâce à la création d’un conseil conjoint de coopération stratégique. À cela vient s’ajouter l’opération israélienne « Plomb durci » durant laquelle la population gazaouie est lourdement bombardée. À l’occasion du Forum économique mondial à Davos en janvier 2009, Erdoğan s’en prend alors directement au Président israélien, Shimon Pérès, en s’exclamant: « Vous savez très bien tuer les gens ! » En octobre 2009, la Turquie s’oppose alors à la participation d’Israël aux entraînements conjoints Anatolian Eagle, ce qui déplaît fortement aux États-Unis qui suspend alors les projets militaires prévus avec la Turquie.

Dans le cadre du « redéploiement stratégique de la Turquie vers son environnement immédiat, le Moyen Orient7 », la Turquie se tourne aussi vers l’Iran, ennemi absolu d’Israël. Ce rapprochement est en œuvre depuis 2006 et la signature d’un protocole d’accord dans le domaine des transports. De même, la signature d’un protocole d’accord permet à la compagnie turque TPAO de pomper vingt milliards de mètres cubes de gaz naturel à Pars en Iran. En échange, la Turquie tente par ses positions à l’international de redonner du crédit à l’Iran et refuse le vote de nouvelles sanctions à son égard. Bien plus encore, en 2010, la Turquie est à l’initiative du trio Brésil-Iran-Turquie pour aider à l’enrichissement de l’uranium iranien, vivement contestée au niveau international.

Depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, la Turquie mène en fait une politique étrangère tout à fait décomplexée vis-à-vis d’Israël et des États-Unis, dans la mesure où elle se porte candidate à la place de leader, laissée vacante au Moyen-Orient. De son côté, Israël est vivement déçu et inquiété par cette islamisation du pouvoir qui provoque un virement dans la diplomatie turque. « Pour le principal promoteur du partenariat, l’ancien Premier ministre et Président Shimon Pérès, la déception prend l’aspect d’un désastre », précise même Frédéric Encel, spécialiste d’Israël. Malgré les déclarations virulentes des responsables turcs, Israël choisit d’abord de se raccrocher aux faits et au maintien de la coopération militaire et adopte une position de profil bas, low profile.

  • Netanyahou, la droite nationaliste et la fin du low profile israélien

Du côté israélien, les élections législatives de 2009 mènent une coalition de droite nationaliste au pouvoir, qui met fin à la position de low profile adopté par Israël vis-à-vis de la Turquie. Désormais, il n’y a plus de consensus possible sur la question palestinienne avec Netanyahou. D’autant plus qu’il est accompagné d’une équipe de « faucons », notamment issue de la droite dure israélienne, qui trouve en la personne d’Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères, un fervent opposant à Erdoğan. Il a même déclaré en avril 2010 que le problème n’était pas la Turquie mais Erdoğan qui devient un « Chávez » ou un « Kadhafi ». Par ailleurs, Israël ose même évoquer le génocide arménien, chose qu’il n’avait jamais faite depuis sa création dans la mesure où, au contraire, il était plutôt sollicité par la Turquie pour faire pression contre la reconnaissance du génocide aux États-Unis, comme évoqué plus haut.

Affirmée en réponse aux actes inamicaux de la Turquie, cette nouvelle assurance est notamment renforcée par l’entrée d’Israël dans l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Dans le même temps, l’État hébreu a développé des relations avec de nouveaux partenaires et entretient une relation de bonne entente avec les pays musulmans en Afrique subsaharienne, en Asie centrale et dans le Caucase.

Le phénomène de radicalisation israélienne dans les années 2000 s’exprime évidemment dans la politique mise en place vis-à-vis des Palestiniens, avec l’extension de la colonisation, la construction continue du mur de séparation — débutée en 2002 — et le renforcement du blocus de la bande de Gaza. Le blocus est non seulement terrestre mais aussi maritime, nous amenant à parler d’un « mur dans la mer8 » : dans un travail de recherche pour la Marine, il est précisé qu’« Avec la mise en place en 2006 du blocus total de Gaza, le renforcement de la politique de contrôle du territoire maritime s’est ainsi vue matérialisé par l’instauration d’un véritable blocus maritime. Dans cette optique, la façade maritime devenait un prolongement du domaine terrestre marquant la nécessité de créer un véritable mur dans la mer. Si sur terre construire un mur d’isolement s’avère relativement simple, la problématique se complexifie largement pour la marine. Israël a ainsi intensifié sa présence dans la zone pour parer à toute tentative étrangère de briser le blocus. »

Sur le site de Tsahal, l’armée de défense israélienne, on trouve ainsi indiqué que « depuis le 3 janvier 2009, le Ministre de la Défense a ordonné un blocus maritime au large des côtes de la bande de Gaza, jusqu’à une distance de 20 miles de la côte ». Il est expliqué que « le blocus maritime, selon ce que prévoit le droit international, permet de prévenir l’entrée de navires dans les ports contrôlés par l’ennemi (dans ce cas, il s’agit du Hamas et des autres organisations terroristes palestiniennes), ainsi que le départ de navires depuis ces ports ». Le blocus maritime est ainsi légitimé par la possibilité d’un trafic d’armes en direction du Hamas, parti politique élu démocratiquement, dont le seul but serait de nuire à l’État d’Israël. Bien que le site de Tsahal précise que le blocus n’a en rien endommagé les échanges de marchandises ou l’arrivée de l’aide humanitaire, la réalité est toute autre. Dans un rapport rédigé en 2011, les experts de l’ONU rappellent que « les deux-tiers des ménages de Gaza sont en situation d’insécurité alimentaire et 35 % des terres arables et 85 % des zones de pêches sont totalement ou partiellement inaccessibles à cause des mesures militaires israéliennes. Les experts estiment également que le système de santé s’est détérioré à cause du blocus ». Ainsi, de nombreuses organisations internationales des droits de l’homme tentent régulièrement de « briser le blocus » par la voie maritime. C’était pour l’organisation Free Gaza, la neuvième fois9.

L’opération israélienne « Vent du Ciel » dans les eaux internationales officialise le refroidissement de la relation israélo-turque

  • L’assaut du Mavi Marmara par les commandos de la marine israélienne

En 2010, à l’initiative de Free Gaza, des associations de défense des droits de l’homme ont rassemblé six cents quatre-vingt-deux militants originaires d’une quarantaine de pays différents, répartis dans huit navires au total afin de briser le blocus maritime de la bande de Gaza décrété en 2006. Comptant à son bord cinq cents quatre-vingt-un passagers, le Mavi Marmara part d’Antalya le 22 mai 2010 pour rejoindre le convoi. Les navires de la flottille ont alors pour objectif de se réunir dans les eaux internationales près de Chypre pour la date du 29 mai 2010. Le convoi appareille de Chypre le 30 mai et l’assaut israélien est mené le 31 mai alors que la flottille se situe bien dans les eaux internationales, à 150 kilomètres des côtes israéliennes.

Par contact radio, les navires israéliens ont prévenu à plusieurs reprises la flottille qu’ils allaient intervenir s’ils continuaient à avancer. Finalement, les commandos israéliens du Shayetet 13 décident de lancer l’assaut vers 4 heures du matin, avec un commando de la marine. C’est d’abord un hélicoptère qui s’est positionné au-dessus du navire turc en déployant des cordes de rappel. Face à la résistance des militants qui se sont armés de barres de fer, un deuxième hélicoptère avec une nouvelle équipe de commandos est arrivé. L’opération, vraisemblablement mal préparée, a causé la mort de dix militants turcs et blessé vingt-huit autres. Du côté des soldats israéliens, on compte aussi une dizaine de blessés.

La question lancinante est la suivante : pourquoi Israël choisit d’attaquer uniquement le navire turc ? L’élément mis en avant par les Israéliens est le soutien apporté par les municipalités gouvernées par l’AKP à la Flottille pour Gaza en matière de financements et de logistique. De plus, la fondation détentrice du navire, l’IHH (Insan Hak ve Hurriyetleri Insani Yardim Vakfi), Fondation pour la liberté, les droits de l’homme et l’assistance humanitaire, est soupçonnée d’entretenir des liens avec le Hamas. C’est d’ailleurs une association qui a été déclarée illégale en Israël en 2008. S’ajoute à cela le fait que trois cents quatre-vingts des cinq cents quatre-vingt-un militants présents à bord sont Turcs. L’État turc est alors clairement visé par cette opération. En tout cas, l’intervention ayant été filmée, ses images sont immédiatement diffusées sur les réseaux sociaux qui réagissent en soutien à la Turquie, surtout dans le monde arabe. C’est alors l’occasion pour la Turquie de bénéficier d’une nouvelle popularité auprès des sociétés civiles arabes. Pour Mohammed El Oifi, spécialiste des médias et des opinions publiques arabes, « les débats suscités par l’affaire ont rarement porté sur la pertinence de l’opération, sa légalité ou son efficacité ; elle n’a été le plus souvent que le prétexte pour s’interroger sur les implications de la nouvelle diplomatie turque dans les rapports de forces politiques interarabes. »

Au niveau du droit international, l’opération suscite des commentaires contradictoires. Le fait est que le seul ordre juridique qui s’applique en haute mer est celui des autorités de l’État dont le navire bat le pavillon. Selon le quotidien israélien Yediot Aharonot, « La décision d’aborder la flottille dans les eaux internationales est prise par le chef de la marine israélienne pour surprendre les militants pro-palestiniens avant le lever du jour, en dépit du risque qu’Israël puisse être accusé d’“acte de piraterie” : l’amiral Eliezer Marom aurait assisté lui-même à l’opération sur un bâtiment de guerre à proximité ». De son côté, le porte-parole de Tsahal réagit à la publication de certaines photographies par le quotidien turc Hurriyet, montrant des soldats blessés : « C’est bien la preuve des allégations répétées d’Israël, que le bateau transportait des mercenaires, dont le seul but était de tuer les soldats. Les images auraient pu être différentes si les soldats n’avaient choisi de tirer. Grâce à leur profonde compréhension de l’événement, les commandos de la Marine ont réussi à établir une distinction entre un militant pacifique et un terroriste ». Israël s’entête dans un discours de légitimation de son action en prônant la légitime défense.

Cependant, du côté des passagers, la violence de l’opération fait l’unanimité bien que les détails restent imprécis. Ainsi, Norman Paech, ancien député de Die Linke au Bundestag, a affirmé que « C’était une attaque sur une mission pacifique dans les eaux internationales. Les Israéliens peuvent vouloir défendre leur zone militaire, mais nous étions en dehors de ces limites, ce n’était donc pas un acte de légitime défense mais un crime de guerre. » De même, Thomas Sommer, coordinateur de la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), a confié au Monde : « Nous avons été attaqués par des bâtiments de guerre, nous avons eu droit aux frégates, à des navires énormes, et aussi des Zodiac remplis de commandos cagoulés, habillés en noir, et des hélicoptères de combat. »

  • La fin du partenariat militaire et la suspension des projets

Les conséquences de ce qui est désigné par le Ministre des Affaires étrangères turc comme un « acte de banditisme et de piraterie » ne se font pas attendre. L’ambassadeur israélien est d’ailleurs immédiatement déclaré persona non grata et renvoyé dans son pays. Tandis que la société civile turque dénonce un « massacre », les Israéliens reprochent à la Turquie un virement antisémite et une politique de soutien au Hamas. Un sondage réalisé par le quotidien israélien Israel Hayom en juin 2010 révèle que plus de 78 % des Israéliens juifs considèrent désormais la Turquie comme un « État ennemi ». De nombreuses manifestations sont organisées en Turquie lors desquelles le drapeau israélien est même brûlé. Au-delà du ressentiment des sociétés civiles, les relations entre les deux pays sont suspendues de même que les projets et les échanges. D’ailleurs, Elise Ganem rapporte qu’au lendemain de l’épisode de la Flottille, la Coalition pour la paix et la justice mondiales (Kuresel Baris ve Adalet Koalisyonu) qui comprend en son sein de nombreuses hautes personnalités turques, a pressé l’État turc de cesser ses partenariats avec Israël, « État pirate du Moyen-Orient ».

Alors que la Turquie livrait Israël en énergie, le ministre de l’Énergie turc a décidé, après l’affaire de la Flottille, de geler tous les projets énergétiques avec Israël. Or Ankara est l’élément pivot de la stratégie israélienne d’importation d’hydrocarbures de la Caspienne à travers les projets de connexion entre l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum (BTE) et la ville de Haïfa. Les autorités turques ont mis fin à d’importants projets communs. Ainsi, le projet énergétique Medstrem, estimé à quatre milliards d’euros pour le transport du pétrole et du gaz naturel vers les marchés chinois et indiens via Israël (alors que c’était un projet qui était discuté depuis plus de deux ans) est suspendu. C’est la même chose pour le projet d’extension du gazoduc Blue Stream vers Israël (qui était l’aboutissement de discussions entre Ankara, Tel Aviv et Moscou).

Le partenariat militaire, déjà remis en question en 2007, est naturellement suspendu. Les entraînements conjoints avaient déjà cessé depuis l’opération israélienne menée en Syrie via l’espace aérien turc sans l’aval d’Ankara. Il faut ajouter à cela l’acharnement de l’AKP à réduire le rôle des militaires dans la vie politique turque : « cela n’est pas sans conséquence sur le partenariat quand on sait que les généraux turcs furent de fervents artisans et défenseurs de sa construction » (F. Encel).

  • Le droit à la légitime défense ? Entre dénonciation et légitimation du blocus maritime

Selon Georges Labrecque, professeur de droit international et de géopolitique au Collège militaire royal du Canada, « l’État côtier possède un avantage sur l’État sans littoral : celui d’exercer, en conformité avec la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, des juridictions exclusives sur certaines zones maritimes jusqu’aux eaux internationales, là où doit prévaloir le principe de la liberté des mers et celui de leur usage pacifique ». En effet, l’affaire de la flottille pour Gaza redonne de la matière pour penser la légitime défense et le blocus maritime à l’aune de la Convention de Montego Bay et du Manuel de San Remo. Dans ce sens, Georges Labrecque nous apporte quelques éléments pour aborder l’opération « Vent du Ciel » et ce qu’elle implique. Ainsi, dans un article intitulé « Aspects juridiques du blocus maritime », il précise que « le droit de visite en haute mer doit être distingué du droit de poursuite reconnu à un État côtier lorsque ses autorités compétentes “ont de sérieuses raisons de penser qu’un navire étranger a contrevenu aux lois et aux règlements de cet État côtier, la poursuite devant commencer lorsque le navire contrevenant se trouve dans les eaux sous juridiction nationale (article 111) ». Cela laisse penser que bien qu’Israël ait été dans son droit d’intervenir, il aurait dû intervenir une fois que la flottille entrait dans sa zone militaire et non dans les eaux internationales.

Rendu public le 2 septembre 2011, le rapport du Comité d’enquête10, qui est un organe indépendant établi en août 2010 par le Secrétaire général de l’ONU, estime qu’Israël est confronté « à une véritable menace à sa sécurité par les groupes militants à Gaza » et que « le blocus maritime a été imposé comme une mesure de sécurité légitime afin d’empêcher l’entrée d’armes à Gaza par la mer et sa mise en œuvre respecte les obligations en matière de droit international ». Il faut tout de même souligner que sous la pression de la communauté internationale, Israël décide de lever l’embargo le 20 juin sur les « biens à usage civil », mais il maintient le blocus maritime toujours dans l’idée d’empêcher une éventuelle arrivée d’armes.

On peut s’en douter, le rapport a été vivement critiqué par les organisations internationales des droits de l’homme et par des experts de l’ONU : « le Rapport Palmer avait pour but de réconcilier Israël et la Turquie. Il est malencontreux que dans le rapport, la politique l’emporte sur le droit » affirme Richard Falk.

Cependant, en reconnaissant le cas de légitime défense, le rapport du comité d’enquête doit se rappeler que cela « dépend du respect des critères de nécessité et de proportionnalité » (affaire États-Uni-Nicaragua, CIJ, arrêt de 1986). Il reconnaît donc une utilisation de la force disproportionnée : « La décision d’Israël de procéder à l’abordage des navires avec une force significative, à une grande distance de la zone du blocus et sans avertissement final juste avant l’abordage, a été excessive et non raisonnable » car « aucune explication satisfaisante n’a été fournie au comité par Israël au sujet de ces neuf décès », d’autant plus que les rapports d’autopsie laissent voir des corps criblés de balles, touchés à la tempe ou dans le dos.

Par ailleurs, Georges Labrecque rappelle qu’on peut s’appuyer sur le Manuel de San Remo, un texte non contraignant datant de 1994, qui contient certaines dispositions réparties en deux catégories pour penser le conflit armé en mer. « S’agissant de la première catégorie de règles, le blocus doit être effectif, déclaré et notifié à tous les belligérants et aux États neutres, et il doit être appliqué sans discrimination aux navires de tous les États ». Bien que le blocus israélien soit connu des États, on peut relever ici la nécessité d’appliquer le droit à tous les navires et non à un seul. L’ouvrage précise aussi que « si la population civile d’un territoire soumis au blocus est inadéquatement approvisionnée en biens essentiels, la puissance bloquante doit céder un libre passage pour ces biens aux conditions suivantes : la puissance est fondée à prescrire les conditions de passage, y compris la perquisition ; la distribution des biens peut être effectuée sous surveillance locale d’une puissance protectrice ou d’une organisation humanitaire offrant des garanties d’impartialité ». Or, Israël avait proposé à la flottille de s’arrêter au port d’Ashdod pour un contrôle préalable au transfert de l’aide aux Gazaouis.

De son côté, la Turquie, qui estime toujours le blocus comme illégal, a décidé de porter l’affaire devant la Cour internationale de justice. Les Comores portent également plainte auprès de la Cour pénale internationale le 14 mai 2013, car le Mavi marmara était enregistré sous le pavillon des Comores ; ils ont refait appel en janvier 2014 après avoir dénoncé une décision « politique ». Pour ce qui est des indemnisations exigées par l’État turc, on peut évoquer l’affaire du détroit de Corfou entre le Royaume-Uni et l’Albanie en 1947, lorsque l’Albanie a dû payer des réparations même si l’on reconnaît qu’il y a eu violation des eaux territoriales albanaises par les forces anglaises. Israël a dit qu’un fonds humanitaire serait mobilisé afin d’indemniser les victimes, mais la Turquie demande aussi la levée du blocus sur la bande de Gaza, un point sur lequel Israël n’est pas prêt de céder.

La nécessité de penser une réconciliation malgré les rivalités

  • La recherche de nouveaux partenaires pour le contrôle de la Méditerranée orientale

L’explosion de rivalité entre Israël et la Turquie n’est pas qu’une affaire de flottille et repose même davantage sur les enjeux géopolitiques actuels propres à la région. Au-delà de cet affrontement maritime, il faut en effet voir une lutte pour le contrôle de la Méditerranée orientale et ses ressources. D’ailleurs, depuis le début du refroidissement de ses relations avec la Turquie mais aussi avec l’Égypte, la diplomatie israélienne se tourne vers la Grèce et Chypre pour mettre en œuvre de nouvelles stratégies énergétiques. Dans ce sens, des accords officiels sont signés en décembre 2010, alors que c’était impensable avant puisque ces deux pays sont des ennemis historiques de la Turquie.

Avec la découverte de gisements en mer autour de Chypre, la donne change. En effet, Israël a revendiqué son droit d’opérer dans la Zone économique exclusive méditerranéenne. Pourtant, selon Pierre Royer,« La Méditerranée est traditionnellement une mer sans ZEE, car si chaque riverain devait étendre son domaine maritime jusqu’à 200 nautiques, il rencontrerait immanquablement les prétentions des voisins et la mer se retrouverait totalement appropriée. »

OVIPOT, Observatoire de la vie politique turque
OVIPOT, Observatoire de la vie politique turque

Cela remet sur la table la question chypriote et le règlement du conflit. Le fait est qu’Israël a effectivement signé des accords avec Chypre afin de mener des activités de prospection dans sa ZEE. Par ailleurs, la Turquie est en difficulté car les zones du Liban et de la Syrie sont intercalées, ne laissant aucune légitimité possible à une éventuelle prétention turque sur la ZEE chypriote. Par conséquent, la Turquie a recours aux menaces envers ceux qui répondent aux appels d’offre lancés par Chypre pour l’exploration pétrolière et gazière aux larges de l’île. Ainsi, elle menace de boycotter ces compagnies en Turquie par la suite : « Il sera hors de question d’inclure les compagnies qui auront coopéré avec l’administration chypriote grecque dans les projets énergétiques futurs en Turquie », précise un communiqué du ministère turc des Affaires étrangères. En fait, la Turquie ne reconnaît pas aux îles le droit d’avoir une ZEE ; il faut signaler aussi que la Turquie n’a pas ratifié la Convention de Montego Bay.

Par ailleurs, la découverte des gisements de Tamar et Léviathan offre de nouvelles perspectives stratégiques pour Israël alors que l’Égypte et la Turquie et lui font défaut en termes de livraison énergétique. En dix ans, Israël passe ainsi du statut d’importateur de gaz à producteur et risque même de devenir exportateur, grâce aux découvertes de 2000, 2009 et 2011 qui font que ses réserves sont plus importantes (700 milliards de mètres cubes) que celles de la Turquie (7 milliards).

  • Une rupture risquée face au contexte géopolitique régional

Les relations de la Turquie avec les États-Unis se sont détériorées depuis que la Turquie a refusé en mars 2003 que les soldats américains utilisent les bases turques pour intervenir en Irak. Désormais, un nouveau terme est utilisé pour désigner les relations américano-turques, celui de « frenemy ». Cela s’inscrit logiquement dans la nouvelle politique étrangère turque qui vise à s’autonomiser par le biais d’un désalignement vis-à-vis des positions américaines. De plus, la rupture avec Israël a des répercussions sur les relations que la Turquie entretenait avec ses alliés traditionnels. C’est ainsi que le rapprochement avec l’Iran a quelque peu irrité l’administration américaine et les membres de l’Otan notamment.

Le problème de l’eau est aussi un élément à prendre en compte dans les relations israélo-turques. En effet, « le Moyen-Orient est la région la plus aride du monde : il ne dispose que d’à peine 1 % des ressources en eau disponibles sur la planète, mais représente 6 % de sa population11 ». Alors que la région est en situation de stress hydrique, il faut relever que la Turquie ne figure pas parmi la liste des pays touchés (Irak, Syrie, Israël, les Territoires palestiniens, Liban et pays du Golfe). La Turquie dispose de ressources hydrauliques et un des éléments de sa puissance repose sur le projet GAP du sud-est anatolien, et son réseau de vingt-deux barrages sur le Tigre et l’Euphrate. D’ailleurs, certains observateurs n’hésitent pas à parler de la Turquie comme le « château d’eau du Proche-Orient » (Claude Duval, avocat international).

Dans ce contexte tendu, les révolutions arabes sont venues trouver la Turquie dans une nouvelle position de modèle pour une partie de ces sociétés en transition.  Ce qu’on a appelé les « Printemps arabes » et les régimes transitionnels qu’ils instaurent inquiètent Israël. Cependant, le rôle qu’ils donnent aux Kurdes de la région inquiète aussi la Turquie. « La Turquie est en effet au centre d’un jeu d’équilibriste diplomatique bien difficile : défendre ses intérêts économiques et stratégiques, ainsi que son intégrité territoriale, tout en défendant le droit des peuples arabes à disposer d’eux-mêmes » (E. Ganem).

  • Israël-Turquie : quelles relations pour demain ?

De nombreux  éléments laissaient envisager la voix d’une réconciliation dans la mesure où « bien que les relations entre Israël et la Turquie [aient connu] un coup de froid sans précédent, il semble peu envisageable que les deux pays cessent toute relation » (F. Encel). Il y a, en effet, beaucoup d’intérêts communs en jeu et dans des domaines primordiaux, c’est-à-dire économique et militaire. Ainsi, Elise Ganem rappelle que « si l’ambassadeur israélien a été expulsé par la Turquie, l’attaché militaire israélien est quant à lui resté en poste ». Ainsi, la médiatisation et l’officialisation de la rupture israélo-turque laissent penser que les deux pays tendent désormais à maintenir des relations dans la discrétion.

Dans ce sens, la Turquie a envoyé deux avions Canadair lors de l’incendie de Haïfa en novembre 2010. Le Premier ministre B. Netanyahou a alors immédiatement appelé son homologue turc pour le remercier et lui proposer une relance des pourparlers entre les deux pays. Les observateurs ont alors évoqué une « diplomatie du Canadair » dans la mesure où une reprise de contact a été faite dès le surlendemain à Genève. En effet, a eu lieu une rencontre non officielle entre le sous-secrétaire d’État turc aux affaires étrangères, Feridun Sinirlioğlu, et le représentant israélien au sein de la Commission des Nations unies enquêtant sur l’affaire de la flottille, Yosef Ciechanover, ayant pour objectif de se mettre d’accord pour la rédaction d’un texte d’excuses mutuelles. Cette rencontre a été remarquée car l’initiative venait d’en haut, mais c’était sans compter sur l’acharnement d’A. Lieberman qui voulait empêcher toute normalisation des relations avec la Turquie. Puis, la perspective d’une réconciliation s’est davantage éloignée, avec les déclarations d’Erdoğan qui a signalé que l’envoi d’avions Canadair avait été décidé « par un devoir humanitaire et islamique » et que l’on ne devait pas s’attendre à voir la position turque changer, « tant que le sang qui a coulé en Méditerranée n’aura pas été nettoyé ».

Les déclarations virulentes continuent comme pour rappeler au monde que la Turquie ne « collabore pas » avec Israël. Ainsi, Ahmet Davutoğlu a déclaré après les attentats de Charlie Hebdo en janvier dernier que : « Comme les terroristes qui ont perpétrés les massacres de Paris, Netanyahou a commis des crimes contre l’humanité à la tête d’un gouvernement qui a massacré des enfants qui jouaient sur les plages de Gaza ».

Au-delà du discours, il faut tout de même se pencher sur les faits qui montrent que malgré des relations diplomatiques tendues, « le commerce entre la Turquie et Israël est au plus haut niveau de son histoire » (B. Netanyahou, 2014). On sait aussi qu’en 2013, Israël a repris une livraison d’équipements militaires, qui avait été suspendue après l’affaire de la flottille, vers la Turquie.

« Les deux pays ont fait face à une grave crise diplomatique, qui a été exploitée à l’excès par Erdoğan et Netanyahou pour des raisons de politique intérieure », explique Alican Tayla, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). « Mais leur alliance stratégique n’a jamais été remise en cause, notamment en raison de leurs liens réciproques avec Washington. Ankara a pour ambition de devenir l’allié incontournable des États-Unis dans la région, c’est-à-dire supplanter l’Égypte. » Selon le chef du gouvernement israélien, les développements en Syrie ainsi que la quête de l’Iran pour se forger une place, inquiètent non seulement Israël mais aussi la Turquie. Cependant, l’enlisement du conflit syrien déclenché en 2011 pourrait changer la donne. « Nous avons des intérêts communs, mais ceux-ci peuvent ne pas constituer à chaque fois une base pour la politique » a expliqué Netanyahou.

De son côté, « par des gestes diplomatiques forts, la Turquie veut signifier son mécontentement et gagner des points auprès de son opinion publique et du monde musulman — mais Ankara n’est pas prêt pour autant à mettre ses intérêts économiques et géostratégiques en jeu » (E. Ganem).
L’accord signé aujourd’hui entre les deux parties illustre bien la nécessité du maintien des relations entre les deux pays dans la mesure où ils partagent des intérêts communs les poussant à maintenir des liens diplomatiques, économiques et militaires dans un contexte régional en transition. Cette réconciliation donne de nouvelles indications sur les partenariats qui se jouent aussi sur le terrain syrien et la couleur des relations que les deux pays entretiennent avec Moscou.

 

 

(1) A. Makovsky parle de « sense of otherness » dans« Israeli-Turkish relations: a Turkish periphery strategy? » dans The Washington quarterly, Volume 22, n°1, Hiver 1999.

(2) Malgré les crispations autoritaires observées en Turquie notamment.

(3) Dans Vers un nouvel ordre régional au Moyen-Orient ?, Paris, L’Harmattan, 1997.

(4) Le concept de Grand Moyen-Orient a été repris par AhmetDavutoğlu au service de sa théorie de la profondeur stratégique qui préconise un retour de la Turquie dans la région afin de s’imposer comme la nouvelle puissance régionale.

(5) Jean MARCOU, « Turquie-Israël : la “diplomatie du Canadair” ? », OVIPOT, Observatoire de la vie politique turque, 6 décembre 2010.

(6) Mohammed El Oifi dans l’ouvrage collectif La Turquie au Moyen-Orient, le retour d’une puissance régionale ?, CNRS editions, Paris, 2011.

(7) Elise GANEM, « La détérioration du partenariat israélo-turc », in La Turquie, le déploiement stratégique, dirigé par Firouzeh Nahavandi, coll. Axes savoir, Paris, 2012.

(8)  Thomas GAGNIÈRE, « Israël, Tsahal et la Mer : panorama d’un triptyque complexe », CESM, 2014.

(9) Organisation internationale qui tente régulièrement de briser le blocus, c’était la neuvième fois en mai 2010. Ses initiatives s’avéraient concluantes avant l’arrivée des « faucons » israéliens au pouvoir car les aides parvenaient aux Palestiniens.

(10) Le comité d’enquête est composé de quatre membres : Geoffrey Palmer, président du comité et ancien Premier ministre de Nouvelle-Zélande, Alvaro Uribe, vice-président du comité et ancien Président de la Colombie, Joseph Ciechanover Itzhar, représentant Israël, et Süleyman Ozdem Sanberk, représentant la Turquie.

(11) Cléophée de Ubeda, revue Moyen-Orient.

Solene Poyraz

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