« No women’s land », Camilla Panhard

« No women’s land », Camilla Panhard

Compte-rendu de la conférence à la Maison de l’Amérique latine sur le livre de Camilla Panhard « No women’s land », jeudi 10 mars 2015, animée par Camilla Panhard et Yvon Le Bot.

Camilla Panhard est une journaliste indépendante ayant effectué de nombreux voyages en Amérique latine. Spécialiste des questions relatives à la migration et à la condition des femmes, ayant réalisé plusieurs reportages sur le Mexique, elle a partagé la vie des femmes migrantes d’Amérique centrale, transformées en marchandises pour les passeurs et les cartels mexicains.

Yvon Le Bot est un sociologue, spécialiste de l’Amérique latine et des mouvements sociaux et culturels, directeur de recherche au CNRS et travaillant pour l’Ecole des hautes études de sciences sociales (EHESS).

Camilla Panhard a tout d’abord souhaité commenter la photographie illustrant son ouvrage. Il s’agit d’une photographie de Jessica Meléndez, une jeune migrante de 20 ans, accompagnée de son petit frère et de ses deux enfants. Elle avait confié à la photographe qu’elle venait tout juste d’échapper à un viol à bord d’un train lui permettant de traverser une partie du Mexique, dans la région de Veracruz. Elle avait finalement réussi à pousser son agresseur sous un wagon. La photographe, Isabelle Munoz, a par la suite appris que Jessica avait été kidnappée quelques jours seulement après leur rencontre.

Camilla Panhard a donc souhaité faire connaître le quotidien de ces femmes qui parcourent des milliers de kilomètres jusqu’aux États-Unis malgré les risques encourus (viols, kidnappings, assassinats…) et sans aucune certitude qu’elles parviendront bien à franchir cette frontière. Pour Camille Panhard, ce livre est né d’une véritable indignation, non seulement envers cette situation, mais surtout face à l’oubli dont ces femmes sont victimes. Alors qu’aucune statistique officielle ne permet de savoir avec certitude combien de personnes sont concernées par ces phénomènes, certaines disparaissent totalement, leurs familles apprenant parfois longtemps après qu’elles ont été assassinées.

Yvon Le Bot a quant à lui rappelé que selon les statistiques officielles, la moitié des migrants présents dans le monde de nos jours sont en réalité des migrantes. Il a salué le livre « No women’s land », précisant qu’il s’agit d’expliquer ce qu’est « être une femme dans ce monde d’une violence sans nom » qu’est le Mexique, pays cumulant les trafics d’armes, de drogue et de migrants ainsi qu’une forte corruption au sein de l’appareil d’Etat. Il y règne une atmosphère de terreur où personne n’ose ne serait-ce que prononcer le nom des principaux cartels, la population se contentant de dire qu’« ils » sont responsables ou ne parlant que des « Z » pour évoquer le cartel des Zetas. Après la disparition il y a deux ans de 43 enfants livrés aux cartels par la police, le Mexique voit les massacres se multiplier, à l’instar du celui de San Fernando en 2011, suite auquel 172 cadavres de migrants, principalement venus d’Amérique centrale, ont été retrouvés dans une fosse. Le livre décrit donc ce qu’Yvon Le Bot qualifie de « monde des ténèbres » mais dont la situation rappelle malheureusement celle de l’Europe. La Grèce et la Turquie jouent désormais le rôle que le Mexique tient depuis de très nombreuses années.

Camilla Panhard a également précisé que le Mexique est devenu depuis une dizaine d’années le pays recensant le plus d’assassinats de journalistes. Alors que 1 480 femmes migrantes sont tuées chaque années dans le seul État de la capitale Mexico, 40 maires de petites communes mexicaines ayant tenté de dénoncer la situation ont été assassinés depuis la fin de l’année 2012. Les cas de disparitions subites de populations se multiplient. Récemment, dans une ville  proche de la frontière des États-Unis, 400 personnes ont disparu d’un seul coup sans qu’aucun média n’en parle, à l’exception d’un article aux États-Unis. Pourtant, la situation au Mexique reste peut être moins violente que celle des pays d’Amérique centrale. A titre d’exemple, le Salvador est le pays ayant le plus grand nombre d’enfants tués, au point que des générations entières de jeunes soient qualifiées de « générations enfermées », leurs parents préférant les enfermer chez eux plutôt que de les laisser sortir au risque qu’ils soient kidnappés.

L’auteure du livre a néanmoins précisé qu’il existe des raisons de croire en de possibles améliorations : alors que des caravanes de femmes d’Amérique centrale s’organisent pour tenter de retrouver leurs filles migrantes disparues au Mexique, notamment en faisant la « tournée des bordels », une forte solidarité se met en place dans de nombreux refuges pour migrants. De plus, des immigrés centre-américains désormais installés durablement dans la société étasunienne n’hésitent pas à manifester pour soutenir les nouveaux candidats à l’intégration. Camilla Panhard a également été très marquée par sa rencontre avec Amador, un professeur de sociologie mexicain enseignant dans l’un des quartiers les plus dangereux à proximité de Mexico et qui lutte pour que ces femmes migrantes ne soient pas oubliées. Pour cela, il publie régulièrement des vidéos sur sa chaîne Youtube et en poussant ses élèves à dénoncer cette situation par des œuvres artistiques.

Fiche de lecture : No women’s land, de Camilla Panhard, Édition Les Arènes, paru le 13 janvier 2016.

« Durant cinq ans j’ai essayé de rapporter des scènes du quotidien d’une violence qui semble n’avoir ni début ni fin. Comme si un nouveau mode de vie s’était installé ».

Il s’agit d’une guerre masquée car elle concerne des protagonistes qui disparaissent sans laisser de traces. Depuis quelques années, les bandits préfèrent les kidnappings, plus rentables que les braquages. Avec les femmes migrantes, les profits sont démultipliés. Ils les font d’abord tourner dans des films pornographiques, puis se prostituer. Ils demandent ensuite à leurs familles de payer une rançon en échange de leur acheminement vers les Etats-Unis, sans aucune garantie de libération effective. Sur la route menant les migrantes centre-américaines à l’entrée des Etats-Unis, les attaques sont systématiques. Avant de partir, elles s’injectent des contraceptifs. Elles savent que la probabilité qu’elles se fassent violer au cours de leur périple est grande. Pour survivre durant leur voyage, elles sont souvent contraintes à se prostituer. “Certaines couchent pour ça, pour une gorgée d’eau ou une tortilla”. Il est également courant de voir des migrantes voyager sur les toits de wagons, généralement de nuit, trains dont elles voient régulièrement leurs compagnons de route tomber, voire finir amputés ou broyés sur les rails. Coincées au Mexique, elles restent souvent pendant des années sans aucune nouvelle de leur famille et de leurs enfants restés au pays. Au Honduras, les enfants de migrants sont appelés les « orphelins de parents vivants ».

Certes, il existe désormais des refuges pour migrants à travers le Mexique. Néanmoins, ils tombent parfois sous le contrôle de mafias. De plus, beaucoup de ces abris s’accompagnent de règles strictes limitant  la durée de séjour qui ne peut généralement pas excéder trois jours. Parfois des travaux y sont imposés. « Pour survivre sur les chemins de la migration, il faut agir en espion. Dans les refuges, les téléphones sont sur écoute et les migrants communiquent par messages codés. Ma stratégie : rater systématiquement mes rendez-vous. J’arrive toujours à une heure ou à un jour différents » de ce qui était prévu pour limiter les risques d’enlèvement.

Des caravanes de familles de migrants disparus s’organisent progressivement. Ces parents parcourent le Mexique avec des pancartes représentant leurs proches disparus. A travers le pays, certains habitants choisissent de se mobiliser pour aider les migrants au cours de leur périple. L’auteure donne ainsi l’exemple d’un groupe de femmes du village de La Patrona. Elles se sont associées pour leur distribuer des vivres, principalement en se plaçant le long des voies de chemins de fer aux heures de passages des trains susceptibles de transporter des migrants. Les plus adroites sont alors en charge de la distribution de bouteilles d’eau, d’autres doivent lancer des sachets contenant de la nourriture au risque de se faire happer par un wagon. Certains migrants sautent du train pour participer à la distribution de ces vivres mais ne parviennent pas à remonter dans les derniers wagons. Ces habitantes de La Patrona doivent alors les charger rapidement dans une voiture, suivre le train et leur permettre de sauter de nouveau dans un wagon. Des messages d’espoir et d’encouragement sont aussi laissés par des volontaires sur des bidons d’eau qu’ils laissent dans le désert pour ces voyageurs.

Preuve de l’importance quantitative de ces migrants, les refuges à destination de ces derniers se multiplient. Dans ces lieux s’accumulent des vêtements usagés permettant aux migrants de se changer, sans pour autant trouver nécessairement des habits qui leur correspondent.  «Le bal masqué des kamikazes de la pauvreté », commente l’auteure. De plus, ces refuges sont régulièrement surpeuplés. “Toute l’Amérique centrale avait payé pour le rêve américain et moi je ne trouvais pas de place pour dormir” commente Camilla Panhard. A défaut de trouver un refuge, ces voyageurs sont contraints de rester dans des motels. Si les migrantes ne disposent pas des moyens de régler leurs dettes, il n’est pas rare que les gérants leur fassent comprendre qu’il y a “moyen de s’arranger”. Pour l’auteure, les migrantes bloquées au Mexique se retrouve alors confrontées à un dilemme qui revient constamment tout au long de leur voyage : peser chaque opportunité “sur la balance du risque”.

Conscients des difficultés que rencontrent tous ces candidats à l’immigration, des Mexicains ont mis en place des cours pour apprendre à traverser la frontière. Ces dernières années, la moyenne d’âge dans ces classes a fortement reculé. « Il suffit de jeter un œil à ces élèves pour le confirmer. On dirait une classe de lycée pour qui l’épreuve finale n’est pas le bac, mais la traversée du Rio Bravo sur une bouée ». Les conseils donnés sont de diverses natures : ne pas porter de vêtements de couleurs vives, ne pas allumer de cigarettes car des capteurs infrarouges sont placés par les Américains près de la frontière, marcher d’un pas léger pour ne pas déclencher les détecteurs sismiques américains. Il est aussi préférable de porter des vêtements secs pour ne pas être considéré comme un « dos mouillé » qui serait à coup sûr identifié comme étant un migrant. Le professeur précise que pour ne pas se faire repérer il faut « porter des baskets sales, mais pas trop ». Il est également conseillé de refuser un verre d’eau proposé de l’autre côté de la frontière. En effet, le “piège du verre d’eau” consiste à donner l’impression de venir en aide à un migrant en lui proposant une boisson, stratégie qui permet à certains Américains de gagner du temps pour appeler les Border Patrols (1) et signaler un migrant illégal. De même, il ne faut pas faire confiance aux passeurs qui n’hésitent pas à abandonner des migrants dans le désert dès qu’ils aperçoivent des lumières au loin, en leur faisant croire qu’il s’agit de la ville de San Antonio au Texas.

Les villes américaines à proximité immédiate de la frontière s’organisent également pour faire face à cette situation ou pour en tirer profit. Ainsi, des “visas shoppings” peuvent être accordés aux frontaliers mexicains, leur permettant de faire des achats aux Etats-Unis pendant 48 heures dans un rayon de 60Km. Cependant, ces villes doivent également gérer les aspects les plus sombres de ces tentatives d’immigration. Dans certains cimetières américains, des carrés réservés aux migrants non-identifiés ont progressivement été créés. Des agents américains sont chargés de récupérer les corps des migrants morts noyés et retrouvés le long des cours d’eau. Les services de pompes funèbres locaux doivent quant à eux répondre aux appels intempestifs des familles de migrants disparus.

Au cours de leur traversée du Mexique, les migrantes font face à « un quotidien où le seul fait d’être une femme est plus dangereux que de combattre dans les rangs des Marines au Moyen-Orient ». Néanmoins, la situation n’est pas toujours plus apaisée à leur arrivée aux Etats-Unis, si elles y arrivent. En effet, les migrants originaires d’Amérique centrale ne disposent pas d’autant d’avantages légaux que les migrants cubains, ou “pied secs” dont beaucoup sont aux Etats-Unis grâce à la loi qui autorise les cubains à obtenir l’asile à condition d’entrer sur le territoire américain par voie terrestre. A l’inverse, les “dos mouillés” issus d’autres pays latino-américains doivent attendre douze ans en moyenne pour disposer d’un visa comparable. Si l’ère G.W. Bush avait été marquée par de grands coups de filets destinés à arrêter de nombreux migrants illégaux sur le territoires américain, le nombre d’expulsions n’a pas nécessairement diminué sous la présidence de Barack Obama. Elles seraient seulement plus discrètes. En réalité, nombreux sont ceux qui choisissent volontairement de signer leur acte d’expulsion, ne s’adaptant pas à la vie étatsunienne ou ne supportant pas d’être dans l’incapacité de voir ou de contacter leur famille.

De plus, une fois installés aux Etats-Unis, les migrants restent longtemps sans réelle liberté de mouvement, étant dans l’incapacité de retourner dans leur pays d’origine et n’étant  pas nécessairement bien accueillis à leur retour. Au Honduras, par exemple, des mises en scènes sont orchestrées pour marquer le retour au pays des migrants illégaux qui, dès la sortie de l’avion, sont parfois immédiatement menottés.

Une économie de l’immigration se met également en place dans la partie sud du continent américain pour organiser les voyages des migrants. En témoigne notamment le développement d’une économie des transports routiers qui semble expressément adaptée aux besoins des migrants souhaitant se rendre aux Etats-Unis à partir de l’Amérique centrale. Les médias des pays dont sont originaires ces individus démontrent également que leur quotidien est rythmé par la question migratoire. Camille Panhard donne alors l’exemple d’une radio hondurienne sur laquelle le présentateur annonce chaque jour le nombre de morts dans les “rangs” des migrants.

Il est cependant intéressant de se demander quelle est la particularité du Mexique en ce qui concerne la dangerosité de la situation des migrants sur son territoire ? De même, qu’est ce qui explique que la traversée du pays soit avant tout dangereuse pour les femmes ? Sur ces points, les explications se trouvent dans les particularités de la société mexicaine, notamment marquée par l’importance quantitative des mafias et des gangs, connus pour leur profonde violence. Ces derniers attaquent désormais régulièrement les refuges pour migrants, sorte de “galop d’essai” avant d’étendre leurs menaces au reste de la population mexicaine. De même, les zetas, l’un des principaux cartels, ont pour habitude d’arrêter spécifiquement les bus en direction de la frontière. Un réseau de kidnapping s’est alors mis en place, permettant aux gangs de demander des rançons aux familles. Parfois, ils se contentent d’assassiner immédiatement leurs victimes afin de faire régner un climat de terreur qui leur assure une absence de révolte de la part des populations locales. Au Mexique, certaines familles qualifient désormais la fête des morts de “fête nationale”.

Face à cette situation, les femmes sont les principales victimes. Plus souvent kidnappées, elles subissent par la suite de nombreux sévices de toutes natures. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des jeunes filles mexicaines se travestir pour aller à l’école. Habillées comme des garçons, elles cherchent à réduire les risques d’enlèvement. Peu à peu, de véritables stratégies de survie se sont développées. Les filles doivent éviter de marcher en regardant leurs smartphones afin de ne pas se laisser distraire. Dans les bus, il est conseillé de rester à l’avant, l’arrière étant souvent séparé du reste du véhicule par un grillage. S’asseoir devant permet donc de s’enfuir plus facilement en cas de braquage.

Camilla Panhard raconte alors sa rencontre avec des élèves d’Ecatepec, ville au nord de Mexico. Cette commune a connu un fort exode rural dans les années 1990 mais compense cette perte par un taux de natalité extrêmement élevé, au point que les parents soient obligés de construire eux-mêmes des salles de classe, faute de place dans les autres établissements. Dans le lycée de la ville, les filles portent toutes des baskets pour courir en cas de tentative de kidnapping. Amador, un professeur, confie que ses élèves arrivent souvent essoufflées en classe, lui annonçant qu’elles viennent d’échapper de peu à un ravisseur.  « Comment faire de la théorie en cours alors que ces élèves risquent leur vie pour se rendre au lycée ? ». Devant ce dernier, une banderole rappelle aux enfants qu’il ne faut pas traîner devant l’établissement à la sortie. Ce serait trop dangereux.

Lorsqu’elle interroge les jeunes élèves, l’auteure faire face à une forme de fatalisme, ces dernières semblant depuis longtemps habituées à cette situation. « Avant elles étaient trois mais la troisième copine a été embarquée, elle n’avait pas couru assez vite ». Pour ces victimes, ce phénomène semble d’autant plus incontournable que les ravisseurs choisissent souvent leurs cibles longtemps à l’avance et connaissent leurs habitudes. Il n’est d’ailleurs pas rare que celles-ci soient déposées directement devant leur domicile après leur kidnapping, preuve que leurs ravisseurs savent tout d’elles.

Face à ce fléau qui semble profondément ancré dans la société mexicaine, on pourrait espérer trouver un espoir de résolution dans l’aide de la police locale ou du système judicaire. Or, leurs réponses semblent particulièrement mal adaptées à la situation. A tel point qu’en 1990, suite à des incidents intervenus à Ciudad Juarez, l’Etat mexicain a été condamné pour son incapacité à protéger ses citoyens. Pour tenter de stopper ces violences essentiellement dirigées vers les femmes, le droit de l’Etat de Mexico permet de requalifier un homicide en féminicide, et ainsi de faire appliquer des règles plus contraignantes. Or, la définition confuse de ces actes dans le code pénal expliquent que de nombreux féminicides ne soient qualifiés que de “simples” homicides. Moins favorable aux victimes et à leurs familles, ces “erreurs” de classement sont parfois surtout des stratagèmes permettant d’empêcher les familles d’obtenir pleinement justice. Ces dernières sont d’autant plus désemparées qu’il n’est pas rare qu’elles subissent des pressions et des violences les forçant à abandonner les poursuites judiciaires. De plus, la faible réponse juridique face aux menaces de mort, qui ne sont pas considérées comme des délits, prouve également l’incapacité de l’arsenal pénal de l’Etat de Mexico à enrayer ce phénomène. Les femmes ainsi menacées ne peuvent donc bénéficier d’aucune protection.

Il s’agirait également de régler le problème des gangs et des cartels au Mexique, ces groupes étant les principaux auteurs de ces agressions qui leur permettent de faire régner la terreur. Cependant, la résolution d’un tel problème ne semble pas être à l’ordre du jour, dans un pays où les offres d’emplois des cartels sont diffusées comme de véritables petites annonces. La police mexicaine est quant à elle incapable de faire face à l’importance quantitative de ces enlèvements. Pire, ses agents en sont souvent les complices. Camilla Panhard donne alors l’exemple des policiers encadrant les caravanes des mères parcourant le Mexique à la recherche de leurs enfants migrants disparus. Si certains agents cherchent à les protéger, d’autres sont payés par des mafias pour enlever les femmes qui constituent ces cortèges. Plusieurs policiers abusent tout simplement de leurs pouvoirs et de l’usage de leurs armes, sans que leurs actions ne soient liées à une quelconque collaboration avec les gangs locaux. Eliseo, un jeune Mexicain de 21 ans, a alors expliqué la “loi des fuites” à l’auteure du livre, racontant sa rencontre avec un groupe de policiers lourdement armés. « Ils m’ont dis que j’avais 30 secondes pour partir en courant et que si j’arrivais à passer entre les rafales je serais un homme libre. Je leur ai répondu : Allez-y, tuez-moi, comment voulez-vous appliquer la loi des fuites ici ? Le terrain est plat».

Le secteur associatif quant à lui ne semble pas apporter des réponses adaptées à la réalité de la vie quotidienne de la population mexicaine. L’un des exemples frappant de cette inadéquation se trouve dans la ville d’Ecatepec. Dans cette commune ne disposant d’aucune épicerie, l’Institut de la femme a cependant préféré ouvrir trois salons de beauté. Il s’agissait principalement de créer des emplois pour les mères célibataires. Or, il n’y a pas de clients pour de tels commerces.

Alors que faire ? Un renforcement du dispositif pénal à l’encontre des agresseurs pourrait être souhaitable. Cependant, l’expérience a démontré que le récent durcissement des peines à l’égard des violeurs, des kidnappeurs et des braqueurs s’est avéré contre-productif. En effet, la conséquence principale aura été une augmentation du nombre de meurtres, les victimes étant depuis plus souvent assassinées afin qu’elles ne portent pas plainte. Pour les migrants ne faisant que traverser le Mexique, il existe néanmoins une dernière technique pour espérer échapper aux ravisseurs potentiels : voyager pendant les matchs de foot, lorsque la voie est libre, les agresseurs étant devant la télévision. Quant aux Mexicains, certains se demandent pourquoi ils ne fuient pas les zones jugées dangereuses. « Mais où aller au Mexique si c’est partout pareil ? ».

 

Camille Savelli

 

[1] L’US Border Patrol est une agence fédérale américaine dépendant du Service des douanes et de la protection des frontières. Elle a pour principale mission de surveiller les frontières des Etats-Unis pour repérer les migrants illégaux et empêcher l’entrée sur le territoire américain de terroristes ou de produits issus de trafics ou de la contrebande.

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