Elections législatives au Maroc : quels changements ?

Elections législatives au Maroc : quels changements ?

Les élections législatives se sont tenues le 7 octobre au Maroc. Le PJD (Parti de la Justice et du Développement) est sorti vainqueur du scrutin en remportant 99 sièges. Si les résultats ne provoquent pas de bouleversements au sein du pays, ils attestent de la stabilité politique du royaume et de la confortation de la place du PJD dans les institutions marocaines. Le PAM (Parti Authenticité et Modernité) remporte 81 sièges. Les deux partis totalisent 240 sièges à la Chambre des représentants, sur un total de 395 sièges.

Le Maroc est le seul pays où le parti islamiste (PJD) soit resté au pouvoir après son « printemps » de 2011. La longévité du PJD à la tête du pays ne semblait pas pouvoir s’ancrer aussi profondément dans l’histoire politique du Maroc. Si dans les autres pays qui ont fait leur « printemps arabe », les Frères musulmans (Egypte), ou Ennahda (Tunisie) n’ont pas réussi à s’implanter durablement au pouvoir, le PJD fait figure d’exception.

Spectre politique marocain  

Le PJD (Parti de la Justice et du Développement) est le parti politique de droite conservateur et de référentiel islamique. Né d’un parti proche du Palais et d’une organisation islamiste clandestine, il trouve ses racines dans le Maroc des années 1960 : le MPDC – Mouvement populaire démocratique et constitutionnel, avec à sa tête Abdelkrim Al-Khatib et la Chabiba islamiya, le groupe clandestin.

Au cours des années 1990, le roi Hassan II a souhaité ouvrir le jeu politique à une certaine diversité. Ces deux groupes ont bien compris l’intérêt qu’ils avaient à s’allier pour peser dans le jeu politique. Dans un article de 2005 Khadija Mohsen-Finan, chercheuse, rappelle comment l’islamisme est venu se mêler au jeu politique marocain (1). En 1998, l’alliance des deux mouvements recouvre un nouveau nom : le Parti de la justice et du développement. Les attentats de 2003 ont affaibli le parti, mais les élections municipales de la même année ont confirmé leur retour sur la scène politique.

Le parti ne se définit aujourd’hui plus comme islamiste mais comme « un parti national à référence islamiste » selon Abdelali Hamieddin, député du PJD. (2)

Son adversaire direct le PAM (Parti Authenticité et Modernité) se veut progressiste. Fondé en 2008 par Fouad Ali El-Himma, il a pour objectif de contrer les islamistes (PJD), en s’appuyant sur un réseau de notables locaux, grâce auquel il arrive premier aux élections municipales de 2009. La nouveauté mise en avant par le PAM avant lors de la présentation de son programme pour les élections législatives  est la réforme de la Moudawana, code du statut personnel marocain ou droit de la famille, « dans un sens plus favorable aux femmes et à l’égalité des genres » (3).

Abdelilah Benkirane : figure forte du parti

S’il reste le parti de référence dans la société marocaine, le PJD n’a pas conduit de réforme majeure au long de son mandat. La figure de son chef, Abdelilah Benkirane a largement crédité le parti d’une certaine réputation. Le Monde (édition du 11/10/16) dresse un portrait de ce chef charismatique « Mais ennemis ou amis, reconnaissent qu’il est une bête politique et une pièce maîtresse dans la réussite du PJD ». L’utilisation de la darija, l’arabe marocain populaire, ainsi que sa réputation de non corrompu, ont fait de lui un dirigeant tout aussi proche du peuple… que de la monarchie. L’analyse de Pierre Vermeren, historien du Maghreb, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne permet de saisir à quel point les élections législatives ont certes consacré un parti, le PJD, mais aussi et surtout, conforté la monarchie, qui détient le véritable pouvoir. (4)

21% de femmes siègeront au Parlement

C’est une avancée pour les femmes : 81 sur un total de 395 députés feront leur entrée au Parlement. Une évolution de 4% par rapport au résultat de 2011 qui en comptait 67. 

Constituer des alliances : un jeu politique difficile

Maintenant nommé à la tête du gouvernement, Abdelilah Benkirane doit à présent composer une majorité. Pour ce faire, il devra s’allier avec d’autres partis, et les alliances sont parfois étonnantes (5). L’USFP, adversaire idéologique du PJD a déclaré vouloir se rallier au camp du premier ministre.  L’Istaqal, dont le secrétaire général, Hamid Chabat s’est exprimé lors du Conseil national istiqlalien, fera parti du prochain gouvernement, en s’alliant avec le PJD. Il justifie ce choix « « Pour consolider le champs démocratique nous sommes du côté des partis nationaux démocratiques », en citant implicitement l’USFP, le PJD et le PPS » (6)

Le PJD, l’USFP, le PPS et l’Istaqal pourraient former une alliance, qui obtiendrait 203 sièges, soit un peu plus de la majorité absolue.

Le résultat du scrutin n’est manifestement pas signe de changement radical dans la vie politique marocaine. L’instauration du bipartisme, avec le retour en force du PAM est le seul point tangible du résultat. Reste encore pour le PJD à trouver les soutiens nécessaires pour instaurer une majorité absolue.

Auriane Guerithault

(1) http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_2005_num_70_1_1087?q=Khadija

(2), (4) Le Monde édition du dimanche 2- lundi 3 octobre 2016

(3) Jeune Afrique, 6 septembre 2016

http://www.jeuneafrique.com/354728/politique/maroc-pam-devoile-programme-legislatives-7-octobre/

(5) Jeune Afrique, 21 octobre 2016

http://www.jeuneafrique.com/367352/politique/maroc-casse-tete-pjd-former-gouvernement/?utm_source=Twitter&utm_medium=Articles&utm_campaign=Tweet_21102016

(6)  http://fr.le360.ma/politique/istiqlal-la-participation-au-prochain-gouvernement-se-confirme-92409

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