LE SABOTAGE DE NORD STREAM
Par Pierre SIVIGNON
Le lundi 26 septembre 2022, à 2h03 puis à 19h03, les sismographes danois et suédois détectent successivement deux explosions sous-marines majeures, à quelques encablures de l’île de Bornholm. Le même jour, une première fuite est identifiée sur le gazoduc Nord Stream 2 au sud-est de l’île danoise puis, dès le lendemain, le mardi 27 septembre, deux nouvelles fuites sont repérées, cette fois sur Nord Stream 1, au nord-est de l’île. Rapidement, le monde assiste à l’apparition de gigantesques bouillonnements circulaires, semblables à des cyclones, à la surface de la Mer Baltique. La concomitance des explosions sous-marines et des fuites de gaz ne laisse dès les premières heures aucune place au doute : Nord Stream a été victime d’un acte de sabotage spectaculaire et la première ministre danoise, Mette Frederiksen, évoque sans ambages des “actes délibérés[1]”. Le jeudi 29 septembre, une quatrième fuite de gaz sera identifiée au-dessus de Nord Stream 2, à proximité de la zone où les deuxième et troisième fuites, affectant Nord Stream 1, avaient été constatées deux jours plus tôt. Plus d’un mois après les événements, alors que l’exercice d’identification du ou des coupable(s) occupe les esprits et les colonnes de la presse généraliste, peu d’éclairages ont été fournis sur les conséquences concrètes du sabotage, conséquences qui sont pourtant le cœur du problème. C’est cette lacune que nous nous proposons de combler à travers cet article.
Carte – Localisation des fuites de gaz affectant Nord Stream 1 et 2
Source : Le Parisien
Tout d’abord, quelques éléments de contexte. Nord Stream est un système de gazoducs jumeaux, Nord Stream 1 et Nord Stream 2, dont les pipelines connectent directement les réseaux de gaz russe au marché européen de l’énergie. À quelques différences près, les gazoducs suivent le même tracé – 1224 kilomètres depuis Vyborg (Russie) jusqu’à Lubmin, à proximité de Greifswald (Allemagne), pour Nord Stream 1, 1230 kilomètres au départ d’Oust-Louga pour Nord Stream 2. Conçu comme une extension du premier gazoduc, mis en service en 2012 après six années de travaux, Nord Stream 2 devait permettre de doubler la capacité annuelle d’acheminement – 110 milliards de mètres cubes, soit 55 milliards pour chaque gazoduc. Lancés en 2018, les travaux de construction du second gazoduc ne s’achèveront qu’en 2021 en raison d’une série d’obstacles sur lesquels nous reviendrons. Contrairement à son prédécesseur qui a acheminé en Europe plus de 440 milliards de mètres cubes de gaz russe en dix ans[2], Nord Stream 2 n’a jamais été mis en service et n’a donc jamais livré de gaz en Europe – les pipelines ont pourtant été remplies de gaz en octobre et en décembre 2021[3]. Le coût total réel de ces infrastructures, soit les coûts de construction des pipelines offshore et les coûts relatifs aux infrastructures terrestres nécessaires pour acheminer le gaz, est astronomique : 15,7 milliards d’euros pour Nord Stream 1, de 16,3 à 17,2 milliards pour Nord Stream 2, soit près de 33 milliards au total (Przybyło, 2019, pp.7-8). Nord Stream 1 est la propriété d’un consortium de compagnie gazières créé en 2005, Nord Stream AG, dont les actionnaires sont Gazprom (Russie, 51%), Wintershall Dea, E.ON (Allemagne, 15,5% chacune), Gasunie (Pays-Bas, 9%) et Engie (France, 9%)[4]. En revanche, la société soeur, Nord Stream AG 2, est une filiale de Gazprom, détenue à 100% par le géant russe : la fondation d’une coentreprise (joint-venture) a été empêchée en 2016 par la Pologne, ou plutôt par son autorité de la concurrence[5].
Le 18 octobre 2022, des premières images des pipelines lourdement endommagées, éventrées sur plusieurs dizaines de mètres, nous sont parvenues[6] et l’enquête, menée conjointement par l’Allemagne, le Danemark et la Suède, semble suivre son cours, sans que des éléments d’explication, radicalement nouveaux, n’aient été portés à la connaissance du public. La Russie reste, quant à elle, exclue de cette enquête en eaux troubles. Les gazoducs détruits, ce sont les cartes de l’approvisionnement énergétique européen et du jeu géopolitique qui sont rebattues dans un contexte de tensions extrêmes entre la Russie et les puissances occidentales. Dans cet article, nous tenterons donc de mettre en lumière les conséquences, nécessairement protéiformes, de ce sabotage historique. Puisque le sujet requiert des efforts tant de contextualisation que de prospective, des parties seront dédiées à la dépendance énergétique de l’Europe, aux enjeux stratégiques entourant les gazoducs et à l’opposition farouche qui mina la construction du second gazoduc. Nous nous livrerons enfin à une petite enquête sur les suspects, les potentiels coupables du sabotage, avant de conclure sur l’après Nord Stream.
Genèse, contours et implications de la dépendance énergétique européenne
Pour bien comprendre les implications de la construction puis de la destruction de Nord Stream, il faut revenir sur les origines et la physionomie de la dépendance énergétique de l’Union européenne, a fortiori vis-à-vis de la Russie et à l’aune du partenariat historique entre cette dernière et l’Allemagne. Assise sur d’énormes réserves naturelles d’hydrocarbures (pétrole, gaz et charbon), dont certaines ont été découvertes à l’époque de la Russie impériale, l’Union soviétique dispose de ressources extrêmement précieuses, notamment en temps de Guerre Froide.
Carte – Principaux gisements de gaz en Russie
Source : Sophie Hou, 2014
Durant les années 1960-1980, elle décide donc de développer l’exploitation et l’exportation de ces ressources en construisant de premières infrastructures, d’abord à destination du bloc soviétique. En 1968, un premier gazoduc, Bratstvo (ou Brotherhood, littéralement “fraternité”) permet d’établir une connexion avec l’Autriche et de traverser le rideau de fer (Nies, 2010, p.83). Après la levée d’un embargo américain sur les exportations de tuyaux fabriqués en Allemagne – Guerre Froide oblige -, un tournant historique se produit en 1970 : l’Allemagne de l’Ouest et l’URSS signent en 1970 le-dit “accord tuyaux contre gaz naturel” (Erdgasröhrengeschäft) : “en échange de la fourniture, dès 1973, de 0,5 milliard et, à partir de 1978, de 3 milliards de m3 de gaz par an à la RFA, l’URSS reçoit 1,2 million de tonnes de tuyaux fabriqués par Mannesmann” (Nies, 2010, p.84). Sur la base de cet accord, les autres pays membres de la Communauté européenne vont pouvoir suivre la voie tracée par la RFA en signant “à leur tour des accords d’approvisionnement avec l’URSS afin de se connecter aux infrastructures allemandes” (Nies, 2010, p.84). Les chocs pétroliers des années 1970 aidant, les importations de gaz russe vont augmenter et l’interdépendance entre l’est et l’ouest du continent va s’accroître jusqu’à la fin de la Guerre Froide. En 1980, l’exportation des matières premières russes représente plus de 62% de son PNB (Nies, 2010, p.84) et, à l’aube de la réunification, l’Union soviétique “représente environ la moitié des importations de gaz de l’Allemagne de l’Ouest[7]”.
L’Union soviétique disparue, l’échange de bons procédés va quant à lui perdurer : les pays européens ont pris goût au gaz russe et la nouvelle Fédération a plus que jamais besoin des revenus tirés de ces exportations. Dans l’Allemagne nouvellement réunifiée, les chanceliers vont poursuivre la politique menée par leurs prédécesseurs, l’historique de bonnes relations commerciales entre les deux pays permettant “à l’Allemagne d’acheter le gaz russe à des prix très favorables, donnant un avantage compétitif majeur à l’industrie allemande[8]”. Gerhard Schröder notamment chancelier de 1998 à 2005, sera un fervent soutien du projet Nord Stream – une proximité avec le pouvoir russe qui lui vaudra d’ailleurs une nomination à la tête du consortium Nord Stream AG peu de temps après sa défaite électorale face à Angela Merkel. L’arrivée au pouvoir de la nouvelle chancelière, qui occupera ce poste jusqu’en 2021, n’augure aucun changement de ligne, et pour cause : le gaz (russe) est une source d’énergie hautement stratégique pour le pays, qu’il soit question de la pérennité et de la sécurité de ses approvisionnements, de la compétitivité de son industrie ou de la réussite de sa transition énergétique. Sur ce dernier point, la sortie du nucléaire, initialement prévue en 2022, et celle du charbon, fixée à 2030, rendent d’autant plus important le recours au gaz (russe). À la suite du sabotage, Olaf Scholz a d’ailleurs annoncé que les trois dernières centrales nucléaires allemandes fonctionneraient jusqu’en 2023[9]. Avant le déclenchement de la Guerre russo-ukrainienne, l’Allemagne importait environ 65% de ses besoins en énergie, le gaz naturel représentant un peu plus de 25% de ces importations (Commun, 2022, p.8). Plus encore, “le pourcentage d’importation de gaz russe se situe les trois dernières années entre 55% et 57% des importations [totales] de gaz” (Commun, 2022, p.14), faisant de l’Allemagne le premier client européen de la Russie en volume.
Cependant, la dépendance énergétique (à la Russie) n’est pas qu’une réalité allemande, elle est aussi une réalité foncièrement européenne car “l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne dépend de ses importations” (Nies, 2010, p.79). En 2019 puis en 2020, l’Union européenne a respectivement importé entre 60% et 58% de ses besoins en énergie[10], avec une baisse des importations due à la pandémie de Covid-19 ; un bref calcul, fait à partir des données d’Eurostat, montre que sur le total des importations, environ 40% provenaient de la Russie, toutes sources d’énergies confondues, chiffre qui correspond grosso modo au taux de dépendance énergétique globale de l’Union à la Russie. Le gaz naturel est la seconde énergie la plus importée après le pétrole et devant les combustibles fossiles solides type charbon, représentant environ 27% des importations totales en 2020[11]. Le franc succès rencontré par le gaz repose sur ses avantages par rapport aux autres énergies fossiles, présentés par Jean-Marc Jancovici[12] : jusqu’en 2020-2021, le gaz était bon marché, généralement moins cher que le pétrole ; les réserves gazières sont, de plus, mieux réparties que les réserves pétrolifères, concentrées au Moyen-Orient, rendant de fait le gaz plus accessible. Enfin, bien qu’il reste polluant, il pollue moins que le pétrole et le charbon (respectivement 25% et 40% de CO2 en moins à énergie dégagée équivalente). Logiquement, puisqu’il était moins cher et “perçu comme une solution intermédiaire, souple et fiable, entre les énergies fossiles très polluantes (charbon et pétrole) et les énergies renouvelables[13]”, la consommation et les importations de gaz ont nettement augmenté de 1990 à 2020 au sein de l’Union européenne – au-delà de l’accroissement de la consommation, la hausse des importations s’explique aussi par la contraction de la production domestique sur la même période. Le constat, posé par Eurostat, est simple : “la Russie est le principal fournisseur de pétrole brut, de gaz naturel et de combustibles fossiles solides de l’Union européenne”, entre 37% (2019) et 30% (2020) pour le pétrole (brut), entre 46% (2019) et 43% (2020) pour le gaz (naturel) et 54% pour les combustibles fossiles solides (2020), composés principalement du charbon[14]. En 2021, les importations de gaz russe étaient même en hausse au sein de l’Union, représentant environ 45% de ses importations totales sur l’année et près de 49% au premier semestre[15], les autres fournisseurs extra-communautaires étant la Norvège (23%), l’Algérie (12%), les États-Unis (6%) et le Qatar (5%)[16].
Bien entendu, les taux de dépendance énergétique à la Russie varient assez fortement au sein même de l’Union européenne, avec, par exemple, un espace postsoviétique largement dépendant des importations russes. On constate ainsi “un gradient est-ouest[17]” : pour la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, l’Autriche, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie, “le gaz russe représente plus de 75% de leurs importations extra-européennes de gaz[18]” ; le taux se situe entre 50 et 75% pour la Pologne, l’Allemagne et la Suède, et entre 25 et 50% pour des pays tels que la France, l’Italie ou la Grèce[19]. Pour acheminer son gaz en Europe, la Russie pouvait jusqu’à très récemment compter sur Nord Stream 1 (via le Mer Baltique), Yamal-Europe (via la Biélorussie et la Pologne) et Brotherhood (via l’Ukraine), sans compter Turkstream et la Tesla Pipeline sur lesquels nous reviendrons dans un instant. Globalement, la dépendance énergétique de l’Union européenne s’est accrue au cours des dernières années sous l’effet de trois facteurs, cumulatifs dans leurs effets : la diminution de la production domestique, la réduction du nombre de fournisseurs et l’augmentation de la consommation[20]. Intéressons nous désormais au contexte géopolitique dans lequel s’inscrit la construction des gazoducs Nord Stream.
Carte présentant la dépendance européen au gaz russe –
“Part du gaz russe dans les importations hors-UE de chaque pays de l’UE, en valeur, au 1er semestre 2021 (les échanges intra-européens ne sont pas pris en compte dans ces données)”
Source : Les Décodeurs (Le Monde) – chiffres d’Eurostat
Nord Stream ou la géopolitique des tubes
Comme le lecteur l’aura deviné, la construction de Nord Stream 1 et 2 répondait à des exigences stratégiques clés pour la Russie, ainsi que pour l’Allemagne, les deux pays cultivant de bonnes relations commerciales depuis l’ère soviétique. Au début des années 1990, en raison de la disparition de l’URSS et de la dissolution du bloc soviétique, plusieurs portions d’infrastructures gazières se retrouvent projetées hors des frontières de la nouvelle Fédération : les États de transit se multiplient, États auxquels des droits de passage onéreux devront être payés, et de nouveaux enjeux stratégiques émergent. L’Ukraine, nouveau pays étranger auparavant partie intégrante de l’URSS, joue désormais un véritable rôle de carrefour, de centre névralgique du réseau de distribution de gaz russe en Europe : en 1994, 91% des flux à destination de l’Europe passent par l’Ukraine[21]. Cette situation “monopolistique” va s’avérer très problématique pour le Kremlin en raison de l’accumulation des tensions entre les deux pays. En matière énergétique, l’objectif de Moscou est donc très clair : se doter de nouvelles infrastructures de transport gazier lui permettant de connecter ses réserves naturelles au marché européen sans passer par l’Ukraine. Ce n’est pas un hasard si les travaux du gazoduc Yamal, connectant la Russie et l’Allemagne via la Biélorussie et la Pologne commencent en 1994. Le tracé de Nord Stream répondra à la même “exigence stratégique […]: contourner l’Ukraine[22]”. Les années 2000 vont venir renforcer les craintes et les positions du Kremlin. En effet, à partir de la révolution orange de 2004 et de l’élection, l’année suivante, de Viktor Ioutchenko face à Viktor Ianoukovytch, personnalité pro-russe qui accédera à la présidence en 2010, les conflits vont se multiplier. L’Ukraine est accusée par la Russie “de profiter exagérément des droits de passage, de détourner une partie des flux et de ne pas honorer ses dettes[23]”, des relations délétères qui conduiront à plusieurs interruptions de livraisons entre 2005 et 2009. La chronologie du lancement des projets Nord Stream 1 et 2 reflète ainsi, “la dégradation des rapports russo-ukrainiens : le projet du premier démarre un an après la ‘révolution orange’ de 2004 […]; l’accord sur la construction de son jumeau suit de peu la crise de 2004[24]”.
Carte – Géopolitique européenne des tubes et des méthaniers (Cécile Marin, 2020)
Source : Le Monde Diplomatique (2022)
En toile de fond, c’est aussi une nouvelle confrontation entre la Russie et les États-Unis qui se déploie à cette période et sur plusieurs théâtres, dont l’Ukraine. En effet, la fin de la Guerre Froide ne signe pas la disparition des rivalités russo-américaines, bien au contraire. Depuis la chute de l’URSS, les États-Unis craignent en effet que la dépendance de l’Europe à Moscou ne s’accroisse sous le coup de l’ouverture du pays et cherchent, une nouvelle fois, à contenir l’influence de l’ex-opposant soviétique, toujours assis sur des ressources naturelles stratégiques dont il peut tirer parti. Dans la tête des leaders américains, les accords, échanges commerciaux et projets, tels que Nord Stream, entre les pays européens et la Russie s’apparentent à des subventions permettant au Kremlin d’accroître son influence dans l’espace post-soviétique et jusqu’en Europe de l’Ouest. De son côté, la Russie est obnubilée par le contrôle de son “étanger proche », s’estimant menacée par les extensions successives de l’OTAN et cherchant, elle aussi, à contrer l’influence américaine ou euro-atlantiste dans ce qu’elle considère comme son pré carré. Les Révolutions de couleur des années 2000, la Guerre russo-géorgienne (2008), la Révolution de Maïdan et l’annexion de la Crimée (2014) seront autant d’occasions d’affrontements indirects entre les agendas (géo)politiques russes et américains. Dans ces affrontements larvés (ou même “par proxy”), la question des infrastructures pétrolières et gazières joue évidemment un rôle important. À l’issue de l’annexion de la Crimée en 2014 se produit un événement clé, qui va sans doute précipiter le lancement de Nord Stream 2 : un projet de gazoduc lancé en 2007, South Stream, qui aurait dû permettre de relier la Russie à l’Italie en passant par la Mer noire, la Serbie, la Hongrie et la Slovénie, est purement et simplement abandonné en décembre de la même année, suite à une décision de la Commission européenne, condamnant le gazoduc pour non respect de sa législation. Au vu de tous ces éléments, le doublement des capacités de Nord Stream et le contournement de l’Ukraine étaient plus que jamais au centre des préoccupations du Kremlin. Notons que South Stream sera d’ailleurs “remplacé” par TurkStream, un gazoduc annoncé en 2014 après une entente entre la Russie et la Turquie et opérationnel dès 2020, lui-même complété par la Tesla Pipeline pour acheminer le gaz russe jusqu’en Autriche.
Moscou tire donc un certain nombre d’avantages de Nord Stream. Premièrement, elle augmente ses capacités de livraison, et donc potentiellement les revenus tirés de l’exportation de son gaz en Europe – pour rappel, 55 milliards de mètres cubes pour chaque gazoduc. Deuxièmement, elle sécurise ses livraisons tout en s’affranchissant des coûts liés aux droits de passage de ses autres gazoducs terrestres tels que Yamal-Europe et Brotherhood, évoqués plus tôt. Au-delà des économies manifestes, elle se prémunit également des risques, bien réels, qui pèsent sur la continuité de l’approvisionnement de ses clients – un pays, comme nous l’avons vu avec l’Ukraine, peut en effet utiliser les gazoducs comme un moyen de pression ou de contestation, décider de fermer les vannes et de suspendre les livraisons de gaz. Au moment où la construction du second gazoduc Nord Stream débute, ce ne sont plus que 41% des flux à destination de l’Europe qui transitent par l’Ukraine[25]. Troisièmement, elle se dote évidemment d’un (autre) levier stratégique majeur sur l’Europe. Grâce aux gazoducs, le Kremlin augmente son influence géopolitique et son poids, déjà énorme, sur un marché de l’énergie européen largement dépendant de ses livraisons. Une telle infrastructure présente également de nombreux avantages pour Berlin qui sécurise et pérennise ses approvisionnements en gaz, qui plus est bon marché, du moins jusqu’à très récemment. Bien sûr, la dépendance à la Russie est de ce fait accrue, mais la volonté de sortie du nucléaire et du charbon et les capacités encore insuffisantes des énergies renouvelables, doublées de leur intermittence, ne laissent pour ainsi dire pas d’autres choix à Berlin, englué dans un dilemme complexe et dans les affres de la path dependency. L’avancée de la “géopolitique des tubes” russes et le rapprochement Berlin-Moscou provoque l’ire de Washington qui va, comme nous allons le voir, fermement s’opposer à la construction du second gazoduc.
Nord Stream 2, le gazoduc de la discorde
La construction de Nord Stream 1 s’étant déroulée relativement sans encombres, on aurait pu penser qu’il en irait de même pour son jumeau, Nord Stream 2. De plus, compte tenu de l’instabilité ukrainienne, la construction d’un gazoduc permettant de contourner le pays, et donc de sécuriser les livraisons de gaz en Europe, se justifiait parfaitement, non seulement pour le Kremlin mais aussi pour ses clients. C’était sans compter le changement de contexte géopolitique, la résurgence des tensions russo-américaines et l’avènement des différents évènements mentionnés plus tôt. C’est donc dans ce contexte agonistique que s’inscrira la construction de Nord Stream 2. Le projet va rencontrer une forte opposition, non seulement des États-Unis, mais aussi de plusieurs pays européens. En premier lieu, ce sont les pays percepteurs des droits de passage des gazoducs terrestres russes qui vont tout naturellement s’opposer à Nord Stream 2, au premier rang desquels la Pologne et l’Ukraine. L’opposition ukrainienne ne nécessite sans doute pas de précisions supplémentaires au vu des différents éléments déjà exposés – le contournement du pays est un objectif clair, le manque à gagner est évident pour un pays où “les revenus générés par les frais de transit payés par la Russie et l’UE représentaient [toujours] 3% du PIB total […] en 2017[26]”.
La Pologne, animée par “des motifs idéologiques antirusses[27]” à l’image des pays baltes, va multiplier les prises de position et les actions hostiles au projet. En 2006 déjà, alors que la construction de Nord Stream 1 venait de débuter, le Ministre de la Défense Polonais, Radek Sikorski comparera le gazoduc au Pacte germano-soviétique[28]– ce dernier s’illustrera d’ailleurs après la sabotage de Nord Stream 2 par un tweet d’une rare finesse où une photo des fuites était accompagnée du commentaire “Thank you, USA[29]”. Officiellement, la Pologne s’inquiète du renforcement de la dépendance énergétique à Moscou. L’évitement du pays, la privation de potentiels frais de transit et le risque de rupture d’approvisionnement sont d’autres motifs permettant d’expliquer la réticence polonaise : le pays “se retrouve dans une situation où la Russie pourrait fermer le robinet à destination de Varsovie tout en continuant d’alimenter l’Allemagne et éventuellement le reste de l’Europe[30]” cela alors que “la Pologne importe de Russie la majeure partie du gaz qu’elle consomme[31]”. Cette dimension fait écho à une crainte partagée par “tous les pays d’Europe de l’Est court-circuités par Nord Stream 2[32]”, légitimement concernés par leur sécurité énergétique. Au-delà des prises de position, l’opposition de la Pologne se matérialisera notamment par une décision de son autorité de la concurrence, datée de 2016 et empêchant la création d’une coentreprise, ou encore par l’amende de 6,5 milliards d’euros infligée par cette même autorité à Gazprom en 2020[33].
Beaucoup des opposants au gazoduc se recruteront en Europe centrale et orientale, où la dépendance énergétique au gaz russe est globalement plus élevée. Deux lettres d’opposition seront ainsi envoyées à la Commission européenne, une première en 2015, signée par la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie et la Roumanie[34], une seconde en 2016, signée par la République Tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie[35] expliquant que Nord Stream pouvait “poser certains risques pour la sécurité énergétique dans la région de l’Europe centrale et orientale” et influencer “fortement les développements sur le marché du gaz et les schémas de transit de gaz dans la région, surtout la voie de transit via l’Ukraine[36]”. L’Italie, cultivant “un grand sentiment d’amertume, car elle était impliqué dans le projet South Stream, qui ne se fera pas[37]” rejoindra également la fronde anti-Nord Stream 2 à la fin de l’année 2015 par la voix de Matteo Renzi[38], dénonçant devant le Conseil européen un “deux poids, deux mesures” et une “différence de traitement[39]” tout en affirmant que “les dirigeants européens devaient avoir le courage de bloquer l’expansion [de Nord Stream][40]”. En effet, l’argument est légitime : pourquoi South Stream devrait-il être bloqué si Nord Stream ne l’est pas ? Plus tard, en 2018, le Royaume-Uni viendra lui aussi grossir les rangs des rétifs, son Secrétaire d’État aux Affaires étrangères d’alors, le futur Premier ministre Boris Johnson, dénonçant le projet comme “source de division” et qualifiant “l’unité euro-atlantique” comme “le meilleur outil pour faire face aux attaques malveillantes de la Russie[41]”.
Face à cette opposition, le projet pouvait cependant compter sur un certain nombre de soutiens, plus ou moins tacites. Citons pêle-mêle la Belgique, la Grèce et Chypre[42], les Pays-Bas, rangés derrière la position du voisin allemand[43], l’Autriche[44] ou encore la Bulgarie, forte de “sa relation privilégiée avec la Russie[45]”. La Finlande et la Suède adopteront une position proche de la neutralité tout en donnant leur accord pour que l’infrastructure traverse leurs eaux territoriales[46]. En Allemagne, le soutien populaire au gazoduc atteignait 75% en 2021[47], soutien qui, de plus, était largement transpartisan : hormis les Verts, déjà opposés à Nord Stream 1, et quelques personnalités politiques antirusses, “les forces politiques soutiennent majoritairement le projet[48]”, de la CDU à l’AfD, passant par le SPD et l’AfD. Bien évidemment, des lignes de fractures se dessineront ici et là à l’occasion d’évènements, tels que l’empoisonnement d’Alexeï Navalny par exemple qui cristallise le (re)sentiment anti-poutinien. Enfin, la position de la France a quant à elle été ambivalente : d’abord dans le camp des soutiens du projet, c’est le changement de position du Président Emmanuel Macron qui va permettre l’adoption, le 23 mai 2019, d’un amendement de la directive gaz européenne, voulu par les États-Unis[49] et exigeant “une dissociation entre la gestion des réseaux de transport, les activités de production et les activités de distribution” ainsi qu’un “‘accès tiers’ aux infrastructures afin de les ouvrir à la concurrence[50]”. Traduisons : en raison de cette décision, Gazprom ne peut plus contrôler Nord Stream 2 “via le consortium Nord Stream 2 AG dont elle est seule propriétaire » ni “jouir de l’entièreté des capacités de l’infrastructure et perdrait le contrôle de la définition des tarifs[51]”. S’en suivra une longue bataille juridique entre Nord Stream 2 AG – Gazprom et l’Union européenne qui va, elle aussi, s’opposer au projet en ciblant la mise en service du gazoduc.
Comme esquissé jusqu’alors, ce sont les États-Unis qui vont se révéler les plus féroces opposants de Nord Stream 2. Déjà opposés à Nord Stream 1 sous la présidence Bush, les États-Unis voient d’un très mauvais oeil tous les projets qui permettraient à la Russie de développer ses relations commerciales avec l’Europe, et en particulier l’Allemagne, l’argument officiellement invoqué étant encore une fois celui de la dépendance accrue à “l’ogre russe”. Si “le danger” est réel, comme nous l’avons montré, les États-Unis, loin de défendre l’indépendance de l’Europe per se, privilégient avant tout leurs intérêts nationaux. D’un côté, ils souhaitent trouver des débouchés commerciaux pour exporter leur gaz naturel liquéfié (GNL), obtenu à partir de gaz de schiste, dont ils sont devenus exportateurs à partir de 2015 ; la construction des infrastructures russes s’oppose donc à la conquête américaine du marché européen du gaz, privant de facto les États-Unis d’une grande partie de la manne financière afférente. Pour Washington, “l’indépendance du continent européen” peut très bien passer par une dépendance énergétique, tant que celle-ci n’est pas russe – d’une dépendance l’autre donc. De l’autre côté, les américains cherchent évidemment à contrecarrer l’influence de Moscou en Europe qui passe en grande partie par la dépendance énergétique aux importations russes. Avec plusieurs revers notables depuis la chute de l’URSS, dont la construction de Nord Stream 1 par exemple, l’enjeu se fait de plus en plus pressant surtout que Washington considère que “les exportations de gaz russe vers l’Europe sapent l’efficacité des sanctions frappant la Russie depuis 2014 en raison de la crise en Ukraine[52]”. Ainsi, « [a]u-delà de la traditionnelle volonté de limiter l’influence russe à l’ouest, la politique américaine envers Nord Stream 2 est également influencée par le besoin de l’industrie gazière locale de sécuriser ses débouchés à l’exportation[53]”. “Pour Washington, cibler Nord Stream 2 présente des avantages mercantiles autant que géopolitiques : grâce au soutien de la Commission européenne, favorable au marché flexible du gaz naturel liquéfié (GNL) américain plutôt qu’aux gazoducs russes, et à l’appui des pays les plus atlantistes de l’Union (Pologne, Danemark…), Washington n’entend pas seulement contrecarrer les plans de Moscou, mais aussi et surtout imposer ses excédents de gaz de schiste liquéfiés sur le marché européen[54]”. De 2017 à 2021, Washington va donc prendre un certain nombre de sanctions, des “mesures agressives à l’égard de certains intérêts européens[55]”, visant à empêcher la construction du gazoduc, des efforts qui seront soutenus à partir de 2019 par les obstacles juridiques de la législation européenne. Nous ne les présenterons pas toutes in extenso mais en donneront un bref aperçu, de manière chronologique.
La première tentative d’imposition de sanctions date de l’été 2017 via le projet de loi CAATSA (pour Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act), visant la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. Voté par le Sénat américain, le projet de loi menace “d’amendes, de restrictions bancaires et d’exclusions aux appels d’offres américains, toutes les sociétés européennes qui participeraient à la construction des pipelines russes[56]”. Ce projet de loi ne sera pas sans provoquer de réaction de la part des responsables politiques européens, au premier rang desquels le Chancelier autrichien Christian Kern et le Ministre des Affaires étrangères allemand Sigmar Gabriel qui font paraître en juin 2017 un communiqué commun dénonçant le caractère extraterritorial des mesures, une spécialité des États-Unis (cf. Cuba), et la volonté d’interférer avec les intérêts souverains des pays européens : “L’approvisionnement énergétique de l’Europe est l’affaire de l’Europe, pas des États-Unis d’Amérique ! C’est nous qui décidons qui nous fournit de l’énergie et comment, selon les règles de l’ouverture et de la concurrence en économie de marché[57]”. Face à l’agressivité manifeste des États-Unis, la Commission va d’abord (et étonnamment?) prendre la défense des entreprises européennes, se disant même “prête à adopter des contre-sanctions[58]” bien qu’elle souhaite parallèlement développer le secteur du GNL, et le texte ne sera donc pas adopté en l’état. Surtout, le montage financier relatif à Nord Stream 2 sera exclu des sanctions car conclu en amont de la loi CAATSA. Les années 2018-2019 seront ensuite marquées par le développement d’une “campagne diplomatique d’intimidation[59]” et de nombreuses négociations entre les responsables américains et européens. Citons pêle-mêle les déclarations de Donald Trump au sommet de l’OTAN de juillet 2018, accusant l’Allemagne d’être “contrôlée par la Russie[60]” du fait de sa dépendance énergétique ; les différentes manoeuvres de responsables américains auprès des dirigeants bruxellois (et allemands) visant à obtenir une politique européenne favorable au GNL ; ou encore l’apparition de l’expression “freedom gas” (ou des fameuses “molecules of US freedom[61]”) pour qualifier le GNL américain, consacrée à la suite du Conseil de l’énergie UE-USA de juillet 2018 en marge duquel le Secrétaire de l’Énergie américain Rick Perry déclarera “[l]es États-Unis offrent à nouveau une forme de liberté au continent européen et plutôt que sous la forme de jeunes soldats américains, c’est sous la forme de gaz naturel liquéfié[62]”. On passera évidemment sur le ridicule de l’expression, par la suite revendiquée comme un slogan par Rick Perry et l’administration américaine, et qui rappelle les fameuses “freedom fries”…
C’est en 2019 que les premières véritables sanctions américaines vont commencer à être adoptées, l’obtention d’un permis de construire délivré par le Danemark abattant le dernier rempart contre la construction Nord Stream 2 – à la fin de l’année 2019, il reste encore 160 kilomètres de tuyaux à poser. Le projet de loi “Protecting Europe’s Energy Security Act” (PEEAS), qui cible les navires utilisés pour poser les tuyaux, est intégré au projet de loi du budget de défense national américain (US National Defense Authorization Act, NDAA), lui-même adopté en décembre 2019, ce qui va provoquer la suspension des travaux débutés en 2018 et paralyser le chantier pendant un an environ. Le PEEAS sera ensuite étendu via le “Protecting Europe’s Energy Security Clarification Act”, dont l’entrée en vigueur provoquera le départ de plusieurs entreprises impliquées dans le projet Nord Stream 2, attisant encore un peu plus les tensions entre Washington et Berlin. Pour enfoncer le clou encore un peu plus, “l’accélération du contournement des sanctions par Nord Stream 2 AG” pousse “l’administration Trump à revenir sur la directive d’application du CAATSA […] qui épargnait ‘les accords d’investissement et de prêt décidés avant le 2 août 2017[63]”. Une fois arrivé au pouvoir, Joe Biden, qui s’opposait déjà au projet du temps où il occupait la vice-présidence de Barack Obama et le qualifiait de “bad deal for Europe[64]”, va d’abord adopter une posture dans la lignée de celle de l’administration Trump pour finalement concéder une levée partielle des sanctions en mai 2021, à la suite de négociations avec Berlin, négociations qui aboutiront ultimement à un accord en juillet de la même année. Si l’absence de nouvelles sanctions, ou du moins de sanctions plus sévères, va permettre aux travaux de s’achever en septembre 2021, l’opposition américaine au projet persistera après cette date.
La construction de Nord Stream 2 n’aura donc pas été un long fleuve tranquille, les responsables du projet devant composer avec les entraves américaines et européennes, les premières visant directement la construction, les secondes se concentrant plutôt sur la mise en service du gazoduc. Avant de détailler les conséquences concrètes du sabotage, où en était-on depuis le début de la Guerre russo-ukrainienne ? Deux jours avant l’invasion de l’Ukraine, le 22 février 2022, le nouveau chancelier Olaf Scholz a suspendu le processus de certification de Nord Stream 2 à la suite de la reconnaissance par la Russie de l’indépendance des deux républiques autoproclamées du Donbass (Donetsk et Lougansk) : suite à cette décision, il est désormais certain que Nord Stream 2 ne livrera jamais de gaz en Europe, le projet “perdant” son bénéficiaire clé. Logiquement, les livraisons de gaz en provenance de la Russie ont drastiquement chuté depuis mars 2022 : Nord Stream 1 a été détruit et ne livrait déjà plus depuis début septembre après une baisse continue depuis mai, Yamal-Europe ne livre plus de gaz non plus depuis mai 2022, les livraisons via Brotherhood ont été réduites, de même que celles de TurkStream (après une très nette hausse des livraisons entre juin et juillet)[65][66].
Les conséquences du sabotage de Nord Stream : les jeux sont faits, rien ne va plus ?
Maintenant que les enjeux de la dépendance énergétique européenne et l’historique du projet Nord Stream n’ont plus de secrets pour vous, intéressons-nous aux implications concrètes du sabotage. Bien évidemment, les conséquences sont multiples et nous tenterons d’en donner l’aperçu le plus complet possible sans prétendre à l’exhaustivité. Nous présenterons quatre conséquences majeures sur l’environnement, le marché du gaz, l’économie européenne et les jeux de pouvoir géopolitiques. Comme dans tout exercice de prospective, a fortiori sur un sujet d’actualité en constante évolution, les prévisions énoncées pourront bien entendu se révéler fausses ou imprécises, je laisserai donc le soin au lecteur de me corriger en cas d’erreur(s) manifeste(s). La première question à se poser avant de rentrer dans le vif du sujet concerne la réparation des pipelines : les tuyaux de Nord Stream 1 et 2 peuvent-ils être réparés ? Dans l’hypothèse, certes peu probable, d’une fin de guerre prochaine et d’un rapprochement graduel entre la Russie et les pays membres de l’Union européenne, rapprochement qui serait sans doute dicté par des intérêts commerciaux et/ou stratégiques, on pourrait très bien imaginer que les deux gazoducs soient réparés, si tant est qu’une telle entreprise soit faisable.
D’un point de vue technique, les quatre pipelines résultent de l’assemblage de segments de douze mètres de long – environ 100 000 segments pour chacune d’entre elles. Ces segments très robustes sont faits de tubes d’acier, d’environ 4 centimètres d’épaisseur pour plus d’un mètre de diamètre, eux-mêmes recouverts d’une protection anticorrosion et d’une couche de béton très épaisse (environ 8 centimètres) qui permet à l’ouvrage de rester “cloué” au fond de la Mer Baltique. Tout cet amas d’acier et de béton, 24 tonnes pour chaque segment, porte d’ailleurs le poids total de Nord Stream 1 et 2 au chiffre astronomique de près de 10 millions de tonnes, dont la moitié d’acier (en comparaison, la Tour Eiffel ne pèse “que” 10 000 tonnes)[67]. Dans un communiqué daté du 2 Novembre, Nord Stream AG a indiqué, après l’inspection de Nord Stream 1, que “des cratères […] d’une profondeur de 3 à 5 mètres ont été découverts sur le fond marin à une distance d’environ 248 mètre les uns des autres” et que la zone “située entre les deux cratères est détruite[68]”. Les tuyaux seraient donc éventrés sur près de 250 mètres. Le premier problème qui se pose est celui de la corrosion : la surface extérieure est conçue pour résister à l’eau de mer, mais la surface d’acier intérieure est nue, sans protection, la rendant très vulnérable à cette eau salée qui va s’infiltrer, et s’infiltre déjà, sur des dizaines et des dizaines de kilomètres au coeur des pipelines, vidées de leur gaz par les explosions. Pour limiter les dégâts, il faudrait donc intervenir très vite sur les sections inondées avant qu’elles ne rouillent ; la réparation des gazoducs consisterait donc à “couper une section des pipelines, puis la changer en ressoudant le tout[69]”, ce qui suppose d’une part de disposer du matériel adéquat, d’autre part des fonds nécessaires.
Rappelons que le processus d’assemblage des segments est extrêmement technique et précis, nécessitant des méthodes complexes, parfois créées sur mesure, et un navire spécialisé qui permet de souder les tubes à bord et de les déposer au fur et à mesure au fond de la mer. Concernant les réparations, les gazoducs ont été conçus pour fonctionner sans intervention humaine pendant 50 ans minimum, Nord Stream AG estimant de plus la probabilité d’une fuite ou d’une défaillance de 1 tous les 100 000 ans[70]. “Une stratégie de réparation qui modélise cinq scénarios potentiels”, de “l’éraflure” à la “rupture de l’une des canalisations” a certes été mise au point mais rien n’a été prévu pour faire face à un sabotage d’une telle ampleur – en effet, les tuyaux ne sont pas simplement rompus mais éventrés. Comme mentionné par le consortium, “[d]ans le cas peu probable où des réparations seraient nécessaires, Nord Stream a mis au point un système de réparation d’urgence des pipelines (EPRS), est membre du pool de réparation des pipelines d’Equinor […] et dispose d’une entrepôt rempli de tuyaux de remplacement[71]” ; cependant, si les tuyaux de remplacement existent, on peine à trouver la trace de dispositifs connus ou existants qui permettraient d’isoler des segments ou des tronçons des gazoducs éventrés… En raison des sanctions qui pèsent sur Nord Stream qui, même réparé, n’aurait sans doute pas les autorisations nécessaires à son fonctionnement, il peu probable que la Russie, engagée dans une guerre onéreuse, ou tout autre pays, ré-investisse des milliards d’euros dans une infrastructure acheminant un produit dont les États européens disent, de plus, vouloir se passer à l’horizon 2027. Géopolitiquement et économiquement, la réparation de Nord Stream est une chimère ou, dans le meilleur des cas, hautement improbable.
Les premières conséquences du sabotage, les plus visibles et les plus évidentes, sont environnementales. Au moment des explosions, les pipelines n’étaient certes pas en service mais contenaient tout de même du gaz naturel, “composé à 90% de méthane[72]”, qui a fui massivement dans les profondeurs de la mer Baltique pour remonter jusqu’à sa surface, donnant lieu aux bouillonnements dont les clichés ont fait le tour de la presse mondiale. Or le méthane (CH4) est un gaz à effet de serre puissant : son effet sur le réchauffement climatique est “bien plus important à court terme que celui du dioxyde de carbone (CO2)[73]”, avec un pouvoir réchauffant “84 à 87 fois plus puissant […] sur vingt ans”, et bien qu’il “ne reste qu’environ 10 ans dans notre atmosphère, sur une moyenne de 100 ans, son pouvoir réchauffant est tout de même évalué à quelque 30 fois plus élevé que celui du CO2[74]”. En outre, le “méthane qui s’échappe sous sa forme brute est bien plus néfaste que s’il avait été brûlé – ce à quoi il était tout à faire destiné[75]”. Concernant la quantité de méthane qui s’est échappé dans la mer Baltique, les estimations varient assez fortement, les plus hautes étant le fait de Green Peace : environ 115 000 tonnes de méthane pour Nord Stream 2, soit 230 000 pour les deux gazoducs[76] ; entre 3 millions[77], 10 millions[78] ou même 44 millions[79] de tonnes équivalent CO2. Certains parlent des émissions annuelles d’ “1,4 millions de véhicules[80]”, d’autres de “2 millions de voitures à essence[81]” et d’autres de “29 millions de voitures dans l’Union européenne[82]”. Au-delà de la fuite en elle-même, le recours, qui sera nécessairement plus important, au charbon (et également, comme nous le verrons, au GNL), plus polluant(s), afin de compenser la perte des apports russes participera à une hausse des émissions de gaz à effet de serre.
La seconde conséquence du sabotage, c’est la réorganisation des approvisionnements de gaz en Europe. Avec la destruction de Nord Stream, par lequel passait “40% des exportations de gaz russe à destination de l’Union européenne[83]”, et la réduction ou l’arrêt des livraisons via les autres gazoducs russes, cette réorganisation est inévitable. Selon toute vraisemblance, l’Europe va se tourner vers les autres fournisseurs extra-communautaires de gaz, au premier rang desquels la Norvège et l’Algérie qui peuvent livrer du gaz via un système de gazoducs : Maghreb-Europe (inactif depuis octobre 2021 en raison d’un conflit avec le Maroc), Medgaz et Transmed pour l’Algérie, Langeled, Franpipe, Europipe I, Europipe II, Nordpipe et désormais Baltic Pipe pour la Norvège. Pour rappel, en 2021, la Norvège représentait 23% de l’approvisionnement extra-communautaire en gaz et l’Algérie 12%. Cependant, les capacités de production et de livraison via gazoduc ne sont pas extensibles à l’infini et les deux pays ne pourront évidemment pas couvrir, à eux seuls, la différence engendrée par la disparition de l’offre de gaz russe. En mars 2022, la Norvège avait déjà annoncé qu’elle ne pourrait pas augmenter ses livraisons de gaz, tournant déjà au maximum de ses capacités[84], et son Premier ministre Jonas Gahr Støre s’est récemment prononcé contre un potentiel plafonnement du prix du gaz, quelques jours avant la destruction de Nord Stream : « [u]n prix maximum ne changera pas le problème fondamental, qui est qu’il y a trop peu de gaz en Europe[85]« . Quoiqu’il en soit, la Norvège qui, rappelons-le, est membre de l’OTAN mais pas de l’Union européenne, est devenue notre premier fournisseur de gaz : elle “a largement bénéficié de la flambée des prix” et “est restée jusqu’à présent discrète sur la question d’un plafonnement des prix, renvoyant la balle aux compagnies pétrolières chargées de négocier les contrats[86]”.
Carte – Réseau de pipelines norvégiennes
Source : Euractiv, 2022
L’Europe devrait également se tourner vers les principaux pays exportateurs de gaz naturel liquéfié, à savoir les États-Unis, l’Australie et le Qatar. Le GNL est en fait du gaz condensé à l’état liquide, ce qui permet ainsi de le transporter du pays producteur jusqu’au pays consommateur par voie maritime, sans recourir à un gazoduc. Sa liquéfaction nécessite de recourir à des opérations de transformation industrielle très lourdes (et coûteuses) : il est produit en usine par cryogénie et nécessite une température de -163°C. Depuis 2015, le volume des exportations mondiales de GNL a explosé sous l’effet de la très nette augmentation des exportations australiennes et de l’apparition, puis du développement, des exportations américaines, venues s’ajouter à l’offre qatarie. Les États-Unis notamment disposent de très grandes réserves de gaz de schiste et sont “désormais les premiers producteurs mondiaux de pétrole et de gaz[87]”. La guerre russo-ukrainienne et la destruction de Nord Stream apparaissent donc comme une aubaine commerciale et stratégique évidente, non seulement pour les Américains mais aussi pour tous les autres pays producteurs de GNL : plus que jamais, “l’Union européenne peut répondre positivement à la volonté des États-Unis d’exporter en grande quantité du gaz de schiste vers l’Europe[88]”. Ainsi, “[d]epuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie […], l’Union européenne s’est tournée vers le gaz naturel liquéfié pour moins dépendre du gaz russe”, le GNL représentant “désormais 32% des importations gazières totales de l’UE[89]”. Suite à la guerre russo-ukrainienne, on assiste donc à “une profonde réorientation du commerce international de l’énergie[90]”, réorientation que parachève en un sens la destruction de Nord Stream. Preuve de ce regain d’intérêt pour le GNL, “un embouteillage inédit de navires méthaniers aux portes de l’Europe” s’est produit à la fin du mois d’octobre : “un nombre sans précédent de méthaniers a mouillé l’ancre au large du Vieux Continent alors que la congestion des terminaux de regazéification et la flambée des prix compliquent davantage la situation de l’approvisionnement[91]”. Paradoxalement, ce sont aussi les importations de GNL russe qui sont en augmentation : “Si les États-Unis sont devenus les premiers fournisseurs du continent, la Russie en est le deuxième. Sur les 9 premiers mois de 2022, les importations européennes de GNL russe ont ainsi augmenté de 21% à 15,5 milliards de m3, par rapport à la même période de 2021[92]”.
Infographie – Pays exportateurs de gaz (2020)
Source : Statista, février 2022
Quoi qu’il en soit, le GNL est loin d’être la panacée et son utilisation présente un certain nombre d’inconvénients. Tout d’abord, et comme pour le gaz livré par gazoduc, les capacités de production et de livraison de GNL ne sont pas illimitées, un problème illustré par les récents embouteillages de méthaniers au large des côtes européennes. En effet, la trentaine de terminaux de regazéification européens “n’a pas suffi à absorber l’explosion soudaine de la demande après la baisse des livraisons de gaz russe” et, de plus, “les capacités d’importation sont mal réparties […], abondantes au Royaume-Uni, en Espagne ou encore au Portugal, des pays peu dépendants de la Russie, et inexistantes en Allemagne ou dans certains pays d’Europe centrale – qui achètent massivement à Gazprom[93]”. Autre problème, l’exploitation du gaz de schiste, a fortiori américain, génère de nombreuses dégradations environnementales. Son extraction, très difficile, repose sur la technique onéreuse de la fracturation hydraulique, requiert l’utilisation de grandes quantités d’eau, tout en polluant de nombreuses réserves, et augmente les émissions de gaz à effet de serre. Dès lors, “tant que l’Union européenne n’aura pas accompli sa transition énergétique lui permettant de produire localement une énergie décarbonée, l’objectif de sécurisation de l’approvisionnement et les ambitions environnementales seront difficilement conciliables[94]”. En outre, les prix du GNL sont extrêmement volatils, parfois décidés au jour le jour, contrairement aux prix du gaz naturel vendu via gazoducs qui sont généralement fixés pour plusieurs années ou décennies. Cette volatilité des prix est génératrice de compétition entre les différents marchés, le capitaine d’un méthanier pourra choisir de livrer sa marchandise là où les prix sont les plus avantageux plutôt que là où la livraison était initialement prévue, comme cela s’est produit avec plusieurs cargos à la fin de l’année 2021 : en partance pour l’Asie, plusieurs navires ont finalement choisi de mettre le cap sur l’Europe où les prix explosaient[95]. Le marché de l’énergie est donc amené à devenir de plus en plus spéculatif, une compétition aux conséquences potentiellement délétères puisque le gaz livré ici ne le sera plus là, ce qui exacerbera les tensions entre États et compliquera la tâche pour les marchés les moins lucratifs et les États les plus “faibles”. Enfin, le recours au GNL, a fortiori américain, risque de faire tomber l’Europe dans une nouvelle dépendance, cette fois aux États-Unis : “ce faisant, on procède au remplacement d’une dépendance par une autre dépendance: au dollar, aux technologies américaines et au marché américain[96]”. D’un point de vue stratégique, il n’y a aucun intérêt à remplacer une dépendance par une autre.
La troisième conséquence du sabotage, c’est évidemment l’augmentation des prix de l’énergie en Europe et, conséquemment, l’avènement ou l’aggravation de nombreuses difficultés économiques. Plus qu’une simple augmentation conjoncturelle des prix, la rupture des approvisionnements en gaz russe bon marché risque également d’entraîner la fin d’une ère pour le Vieux Continent, une ère d’opulence énergétique. La destruction de Nord Stream pourrait donc signer la fin de l’abondance (énergétique), pour reprendre une expression chère à Emmanuel Macron. L’augmentation du prix du gaz va en effet affecter l’ensemble des économies européennes, les privant de cet avantage stratégique clé qu’est la fourniture abondante d’énergie peu onéreuse. Bien que la quantité de gaz disponible semble être la seule question qui occupe les champs politiques et médiatiques – “Va t’on passer l’hiver?” se demandent-ils continuellement -, c’est finalement la question du prix qui va réellement poser problème, au moins à court et moyen terme. Précisons d’ailleurs à ce sujet que les réserves de gaz françaises sont remplies à 100%[97] depuis début octobre et que “le niveau moyen de remplissage des installations de stockage de gaz dans les États membres [de l’Union européenne] s’élevait à plus de 92%[98]” au mois dernier. Bien entendu, comme nous l’avons démontré jusqu’ici, puisqu’il va falloir compenser la baisse des apports de gaz russe, beaucoup de pays vont se tourner, une nouvelle fois, vers le charbon. Le prix moyen du mètre cube de gaz en Europe, déjà en augmentation depuis la fin de l’année 2020, a explosé depuis le début de la Guerre en Ukraine. En termes de prix pour les consommateurs, si l’on prend l’exemple de la France, “entre le 1er semestre 2021 et le 1er semestre 2022, les prix moyens pour les entreprises s’accroissent […] de 31% pour l’électricité et de 103% pour le gaz” et “la hausse des prix est importante toutefois plus modérée pour les ménages +7% pour l’électricité et +22% pour le gaz[99]”. Bruxelles s’active pour faire face à la hausse, avec la négociation en octobre d’un “bouclier contre la flambée des prix de l’énergie[100]” comprenant notamment des achats communs… mais excluant le plafonnement des prix du gaz auxquels plusieurs pays s’opposent.
Données relatives aux marchés mondiaux du charbon et du gaz naturel (avril 2022)
Source : Banque Mondiale (p.34)
Puisque le gaz importé est et sera beaucoup plus cher qu’il ne l’avait été jusqu’en 2020-2021, les ménages européens consommateurs de gaz, les entreprises et les collectivités territoriales devraient donc continuer de payer la facture de cette hausse drastique. De plus, la fin des tarifs réglementés du gaz, qui sera effective en France en juin 2023 comme le dispose la loi relative votée en 2019[101], une mesure de dérégulation néolibérale imposée par la législation européenne, a d’ores et déjà poussé de nombreux ménages vers des offres reposant sur le tarif de marché, supposément plus avantageuses certes, mais seulement lorsque la conjoncture est favorable… En raison de l’alignement du prix de l’électricité sur celui du gaz, sujet complexe que nous ne détaillerons pas ici, ce sont également les factures d’électricité qui sont destinées à continuer d’augmenter. Reste que dans un pays comme la France où la majeure partie de l’électricité est produite grâce au nucléaire (et à l’énergie hydraulique), la pertinence des règles du marché européen de l’électricité pose question. Avec les collectivités territoriales, les entreprises seront sans doute les plus touchées par la majoration du prix du gaz (et de l’électricité) – beaucoup sont d’ailleurs déjà incapables de payer leurs factures et risquent de mettre la clef sous la porte. Dans le pire des scénarios, on pourrait assister à une nette baisse de la compétitivité des entreprises européennes, une augmentation de leurs prix (pour compenser la hausse des prix de l’énergie) et donc de l’inflation, déjà galopante, une réduction des investissements et des achats entraînant un ralentissement de la croissance, une potentielle multiplication des licenciements et même des faillites, puis à une récession européenne généralisée en raison de l’interdépendance de nos économies. D’aucuns prévoient ainsi une récession de 0,3% pour la France, de 0,9% pour le Royaume-Uni, de 1% pour l’Allemagne et de 1,3% pour l’Italie[102]. Dans les États qui chercheront à prendre en charge une partie de la majoration du prix du gaz (comme la France), les finances publiques vont également pâtir de la situation, provoquant une hausse mécanique des déficits.
Une quatrième et dernière conséquence du sabotage de Nord Stream, c’est le renforcement des crispations géopolitiques – la rupture déjà consommée entre la Russie et l’Occident, rupture qui viendra certainement renforcer le partenariat entre Moscou et Pékin. En un sens, la destruction de Nord Stream est une rupture matérielle et symbolique du lien entre l’Europe et la Russie, la consécration du processus d’éloignement et de confrontation débuté dans les années 2000. Les comportements agonistiques entre les puissances euro-atlantistes et Moscou ne semblent pas devoir se résorber ces prochaines années, la guerre russo-ukrainienne et ses implications marquant un point de non retour, du moins à court et moyen terme. Le “doux commerce” gazier germano-russe (ou russo-européen) ayant volé en éclat avec la destruction des gazoducs, les excédents russes vont pouvoir se reporter sur le marché chinois. De manière générale, la Russie est appelée à regarder à l’Est. Un premier gazoduc terrestre reliant les deux pays, Force de Sibérie, a été mis en service à la fin de l’année 2019 après cinq années de travaux ; le gazoduc, long de près de 4000 kilomètres, est capable d’acheminer près de 40 milliards de mètres cubes de gaz chaque année, sans doute plus à l’horizon 2025. Le contrat d’approvisionnement global passé entre Pékin et Moscou en 2014, au moment du début de la construction de Force de Sibérie, est de 400 milliards de dollars sur trente ans[103]. Le 4 février 2022, soit quelques temps seulement avant le déclenchement de la guerre, Moscou et Pékin ont également signé de nouveaux accords pétroliers et gaziers “d’une valeur estimée à 117,5 milliards de dollars, promettant ainsi d’accroître les exportations de la Russie vers l’Extrême-Orient à un moment où les tensions avec les clients européens s’intensifient au sujet de l’Ukraine[104]”. En juillet 2022, la construction d’un second gazoduc, Force de Sibérie 2, capable d’acheminer 50 milliards de mètres cubes de gaz chaque année, soit 12 de plus que son prédécesseur, est annoncée[105]. À la mi-septembre, quelques jours seulement avant le sabotage, Alexandre Novak, ministre russe de l’Énergie, déclare que Force de Sibérie 2 remplacera Nord Stream 2, dont la mise en service était alors empêchée depuis février en raison de la suspension du processus de certification – et déjà définitivement enterrée[106]. Les travaux commenceront en 2024 avec une mise en service prévue pour 2030. Le calcul de Moscou est donc simple : vendre le gaz dont ses (ex-)clients européens ne veulent pas à son partenaire chinois, premier consommateur d’énergie mondiale[107].
Carte – Principaux oléoducs et gazoducs existants et en projet vers l’Asie orientale (2019)
Source : Sophie Hou, 2019
Une dernière question doit-être posée : cui bono ? À qui profite le crime ? Comme nous venons de le voir il y a un instant, le partenariat sino-russe ressort raffermi de la crise, la compétitivité de la Chine, déjà significative, va donc être stimulée par les approvisionnements de gaz russe bon marché. L’axe stratégique eurasiatique Pékin-Moscou est donc indéniablement renforcé. En outre, les pays exportateurs de gaz (la Norvège notamment, qui devient le premier fournisseur de gaz du continent) et surtout ceux qui exportent du GNL, comme les États-Unis et le Qatar, disposent désormais d’un nouveau marché à conquérir (et également d’un levier stratégique). Marché d’autant plus lucratif que les tarifs fixés pour la vente de leur GNL aux clients européens seront sans doute largement supérieurs à ceux en vigueur pour leurs industries domestiques, comme c’est actuellement le cas avec les États-Unis. Au lendemain du sabotage, un certain nombre de responsables politiques américains se sont d’ailleurs félicité de la destruction des gazoducs, dont notamment le secrétaire d’État Antony Blinken qui déclarait le 30 septembre : “It’s a tremendous opportunity to once and for all remove the dependence on Russian energy and thus to take away from Vladimir Putin the weaponization of energy as a means of advancing his imperial designs[108]”. Une série d’acteurs impliqués dans la production, le transport et la livraison du GNL, par exemple les constructeurs, propriétaires ou opérateurs de navires et de terminaux méthaniers, ressortent également fortifiés de la crise, de nouvelles opportunités très lucratives s’offrant désormais à eux. Mentionnons également le cas de l’Azerbaïdjan, pays avec lequel l’Union européenne a conclu un accord à la mi-juillet, portant notamment le doublement des livraisons de gaz[109], et qui a logiquement créé la polémique. Comme pour le cas du Qatar, avec lequel elle commerce également, l’indignation de l’Union européenne concernant la nature démocratique de certains régimes politiques semble à géométrie variable : alors que l’Azerbaïdjan mène actuellement une violente guerre contre l’Arménie, on pourrait se demander en quoi le gaz azeri serait plus “propre” que le gaz russe ?
La (longue) liste des suspects – essai de tapissage
Pour terminer notre long voyage à travers la géopolitique des tubes méthaniers, venons-en à la question : qui a bien pu saboter Nord Stream ? Alors que l’enquête suit toujours son cours et que peu d’indices concrets ou d’éléments matériels sont en notre possession, une véritable guerre informationnelle fait rage entre le Kremlin, Washington, Bruxelles et les pays membres de l’Union européenne. Une guerre faite d’accusations, de contre-accusations, puis de nouvelles accusations et ainsi de suite, entretenant de ce fait un “brouillard informationnel[110]” dommageable à l’appréhension pleine et entière du sujet par le grand public. Depuis la découverte des fuites, les accusations vont donc bon train. La Russie “coupable idéal et antagoniste principal des dernières tensions qui agitent le continent européen[111]”, a, très rapidement, été pointée du doigt ; Moscou a répliqué, se dédouanant de toute responsabilité et dénonçant un “acte de terrorisme international[112]”. Si rien ne prouve matériellement l’implication de la Russie dans le sabotage, de nombreux responsables politiques occidentaux, relayés par les médias, n’ont pas hésité à accuser le Kremlin – notamment au Danemark, en Suède, en Allemagne et aux États-Unis. La sempiternelle confrontation entre Washington et Moscou s’est, là encore, matérialisée, cette fois par allégations interposées. L’objectif russe “est de réorienter les soupçons sur son grand rival, qui lorgne sur le marché européen du gaz et a tout intérêt à désunir l’Europe et la Russie de manière définitive”, quand l’objectif américain est au contraire de “déconstruire le discours offensif de la Russie – qui pourrait amener l’opinion publique à s’interroger sur leurs intérêts à commettre un tel acte[113]”. En Occident, où l’invasion de l’Ukraine a fini de transformer la Russie en paria des Relations Internationales, la guerre informationnelle tourne pour l’instant à l’avantage des détracteurs du Kremlin. Ceci étant dit, les efforts de propagande(s) de guerre (informationnelle) ne nous disent rien sur l’identité du ou des coupable(s) potentiels ainsi que de leurs mobiles. Or, la liste des acteurs qui avaient intérêt à voir Nord Stream détruit est, comme nous l’avons préalablement esquissé, longue ; en effet, “de nombreux acteurs auraient pu avoir des motivations suffisantes pour justifier un tel acte : la Norvège, devenant le premier fournisseur de gaz naturel en Europe et bénéficiant de la hausse des prix du marché ; la Suède, grande ennemie de la Russie et pour qui Bornholm représente une zone de contrôle géostratégique ; la Chine, qui pourrait envisager cet acte comme un moyen de concentrer les importations russes vers son territoire […]; ou encore l’Ukraine, les États-Unis et la Pologne[114]”.
Précisons d’emblée que l’exercice de tapissage auquel nous allons désormais nous livrer n’a pas pour objectif d’accuser tel ou tel acteur : en nous fondant sur la somme d’informations réunies, nous nous bornerons à identifier les raisons qui auraient pu les pousser à saboter Nord Stream puis à évaluer la crédibilité des profils retenus. Car pour (vouloir et pouvoir) saboter une telle infrastructure, deux critères doivent être réunis : un mobile et les moyens matériels et opérationnels de détruire les pipelines. Une expérience préalable dans des opérations de sabotage similaires est un possible troisième critère. À l’endroit où se sont produites les explosions, les pipelines se trouvent à environ 80 mètres : plonger aussi profond nécessite donc du matériel professionnel, une formation et de l’expérience, surtout pour réaliser une mission impliquant la pose de charges explosives capables de détruire des tuyaux d’acier recouverts de béton particulièrement robustes. Dans ce cas, des sous-marins ont sans doute été utilisés pour amener les plongeurs au plus près de l’infrastructure, peut-être même un avion (de transport ou de reconnaissance), des hélicoptères ou des navires – tout cela n’est que suppositions, ajoutons que la Mer Baltique est très surveillée, ce qui impose de la discrétion. L’hypothèse des drones sous-marins est également plausible. Concernant les charges explosive, une communication des autorités suédoises et danoises devant le Conseil de sécurité de l’ONU indique que “[l]a magnitude des explosions a été mesurée respectivement à 2,3 et 2,1 sur l’échelle de Richter, soit probablement l’équivalent d’une charge explosive de centaines de kilos[115]” – ces conclusions et les images sous-marines précédemment évoquées confirment, pour ceux qui en doutait encore, la nature intentionnelle et malveillante des explosions. Il va sans dire que ni vous ni moi ne disposons de centaines de kilos de TNT, de sous-marins ou de matériels de plongée profonde : l’opération de sabotage est donc bien évidemment le fait de professionnels, d’un ou plusieurs État(s), d’un commando de forces spéciales mandaté pour la destruction de Nord Stream, ou d’acteurs privés très puissants. Si c’est une option que nous n’étudierons pas en profondeur, il est en effet “possible que l’attaque présumée ait impliqué une coalition de plusieurs acteurs ou qu’elle ait été menée par des acteurs non étatiques […] il faut se garder de sous-estimer les moyens des grandes puissances financières, notamment du lobby du gaz et du pétrole, qui auraient tout à gagner d’une dépendance de l’Europe à leurs produits[116]”.
️L’Ukraine, en guerre avec la Russie, est notre premier suspect. Les Ukrainiens auraient en effet toutes les raisons du monde de chercher à détruire Nord Stream, un gazoduc conçu pour contourner leur pays et un levier stratégique majeur du Kremlin sur l’Union européenne. De manière très pragmatique, la destruction du gazoduc est synonyme de revenus en moins pour la Russie, revenus qui ne seront donc pas engagés dans l’effort de guerre. Saboter Nord Stream pourrait aussi être une façon pour l’Ukraine de s’assurer que l’Allemagne et l’Union européenne n’aient plus aucun intérêt à ce que le conflit se résolve rapidement – et potentiellement à son désavantage, à l’encontre de ses intérêts nationaux. À plusieurs reprises durant les derniers mois, les responsables ukrainiens se sont en effet montrés mécontents de la réponse apportée par les puissances européennes au conflit russo-urkrainien – ils ont même inventé le terme macroner pour désigner le fait de se montrer inquiet d’une situation sans rien faire de concret pour autant. En somme, la destruction de Nord Stream, lien commercial clé entre la Russie et l’Union européenne, achèverait de rallier les États membres à la cause ukrainienne, sans retour en arrière possible. Cela dit, le soutien de l’Union européenne à l’Ukraine ne fait d’ores et déjà aucun doute, pour preuve les différentes prises de position des responsables bruxellois et l’octroi du statut de candidat à l’adhésion : une telle entreprise aboutirait finalement à un gain minime par rapport aux coûts et aux risques pris. Malgré tous les motifs qui auraient pu pousser l’Ukraine à saboter les gazoducs, il est peu probable qu’elle ait mené, seule, cette opération. Attaquer une infrastructure clé pour plusieurs pays membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne, organisation qu’elle entend rejoindre, serait sans doute contre-productif, perçu comme une atteinte grave à la sécurité énergétique du continent et aux intérêts de ses (potentiels) alliés. De plus, on imagine mal les forces spéciales ukrainiennes, mobilisées pour la défense de leur pays, mener une opération de sabotage, inédite pour elles, dans les eaux de la Mer baltique, à plusieurs centaines de kilomètres de Kiev.
Carte – Baltic Pipe & Nord Stream
Source : Deutsche Welle, 2022
Suspect plus crédible sans doute, la Pologne qui, comme nous l’avons vu, n’a jamais porté le projet Nord Stream dans son cœur. Depuis les années 2000, Varsovie n’a eu de cesse de réclamer l’application ou l’extension des sanctions américaines, et de prendre des mesures concrètes pour barrer la route de Gazprom et de ses partenaires. Au-delà des motivations idéologiques antirusses, la Pologne est, elle-aussi, contournée par Nord Stream, ce qui la prive de rentrées d’argent significatives et la faisait, jusqu’à très récemment, craindre pour sa sécurité énergétique. De plus, le sabotage “intervient dans un contexte troublant, celui de l’inauguration du Baltic Pipe (mardi 28 septembre), un gazoduc d’une capacité annuelle de 10 milliards de m3 de gaz reliant la Norvège à la Pologne […] Le sabotage de Nord Stream renforce la position de la Pologne et accessoirement de la Norvège sur le marché européen de l’énergie, par la mise hors-jeu de l’un de leurs principaux concurrents[117]”. Cependant, la rivalité entre Baltic Pipe et Nord Stream est inégale, notamment car le rendement du premier est largement inférieur à celui du second (10 milliards de m3 contre 55). Bien que la Pologne dispose des capacités opérationnelles nécessaires pour détruire les gazoducs, et de plusieurs mobiles crédibles, pourquoi irait-elle saboter les installations de ses alliés, eux aussi membres de l’OTAN ? L’apparente synchronicité entre le sabotage de Nord Stream et l’inauguration de Baltic Pipe est certes troublante mais ne constitue aucune preuve en soi ; l’opposition polonaise au projet Nord Stream non plus.
Voyons ce qu’il en est pour notre troisième suspect, la Russie. Dans le cas où le Kremlin serait à l’origine de la destruction de Nord Stream, nous serions mis face à un cas d’auto-sabotage, qui plus est d’une infrastructure dont elle a assumé la majorité des coûts – le mobile du crime se devrait donc d’être particulièrement solide. Quels pourraient donc être les bénéfices d’une telle entreprise ? La déstabilisation de l’Europe est une première piste, l’augmentation des prix du gaz (et donc des revenus de la Russie) une seconde. Au vu des obstacles, visiblement infranchissables, se dressant face à la mise en service de Nord Stream 2, et de l’arrêt des livraisons via Nord Stream 1, la Russie aurait pu se décider à détruire ces gazoducs, convaincue que les objectifs poursuivis à travers la destruction seraient plus profitables que la reprise hypothétique des livraisons via le gazoduc. Une Russie qui, de plus, est assurée de trouver un débouché pour sa production gazière grâce au partenariat avec Pékin. La mise en place d’une opération false flag ou fausse bannière pourrait aussi permettre au Kremlin de justifier son obsession obsidionale devant l’opinion publique internationale, de donner corps au narratif de la forteresse assiégée, agressée par les puissances occidentales et atlantistes. C’est d’ailleurs la stratégie de communication qu’elle semble pour l’instant avoir retenue. Au bout du compte, une telle attaque sur les intérêts russes pourrait permettre à Vladimir Poutine de justifier une “riposte”, soit une escalade de la violence en Ukraine ou sur d’autres théâtres. Si l’on regarde dans le rétroviseur, des soupçons de sabotage de gazoducs ont déjà plané sur la Russie lorsqu’en 2009 un incident s’était produit sur un gazoduc au Turkménistan[118] sur fond de conflit gazier entre les deux pays. Quant aux capacités opérationnelles, il est évident que la Russie dispose des outils nécessaires pour saboter un gazoduc – cela dit, intervenir de la sorte en Mer Baltique est loin d’être un jeu d’enfant, fût-ce pour la Russie, cette dernière faisant figure de mer fermée, très surveillée et bordée par des pays membres de l’OTAN. Enfin, la destruction des gazoducs la veille de l’inauguration de Baltic Pipe pourrait être perçue comme une menace, un avertissement à l’adresse à des pays hostiles au Kremlin. Ceci étant dit, la plupart de ces explications sont sujettes à caution : pourquoi la Russie aurait-elle détruit un gazoduc hautement stratégique et très onéreux, un précieux levier d’influence et de négociation sur les Allemands et les Européens, alors qu’il lui suffit de fermer les vannes et de stopper les livraisons, ce qu’elle a déjà fait, pour envoyer un message ou faire pression sur ses clients ? En un mot, la destruction de Nord Stream ne sert pas les intérêts les plus évidents de la Russie – c’est même plutôt le contraire.
Les États-Unis sont notre quatrième suspect, sans aucun doute l’un des plus crédibles bien qu’aucune preuve tangible ne puisse pour le moment être avancée. En effet, comme cet article l’aura démontré, les États-Unis se sont farouchement opposés au projet Nord Stream et ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour retarder la construction du second gazoduc et empêcher sa mise en service. Les motifs qui auraient poussé Washington à saboter Nord Stream ont déjà été présentés plus tôt : la conquête du marché de l’énergie européen grâce à l’exportation du GNL, la poursuite d’un agenda géopolitique visant à contenir l’influence russe et à contrecarrer les plans du Kremlin, dans l’espace postsoviétique et ailleurs. Les États-Unis ont, de plus, un passif en matière de sabotages de gazoducs et d’oléoducs : le sabotage d’un gazoduc transsibérien en 1982[119], les attaques contre les infrastructures pétrolières du Nicaragua en 1983[120]. Quant aux capacités opérationnelles, nul besoin de s’étendre sur le sujet. Cependant, au vu de ces éléments, connus de tous les observateurs avertis, peut-on penser que les Américains auraient pris le risque de mener une telle opération et donc d’être, à terme, probablement découverts ? Si la destruction de Nord Stream sert de fait les intérêts de Washington, on parle tout de même d’une attaque frontale contre la sécurité énergétique du continent européen, contre les intérêts et les infrastructures d’alliés, membres de l’OTAN. Selon des informations communiquées par Der Spiegel et relayées Reuters, la CIA aurait, de plus, prévenu Berlin de la possibilité d’attaques contre les gazoducs plusieurs semaines en amont du sabotage[121]. Ne serait-il pas étrange de prévenir l’un des principaux intéressés du sabotage que l’on s’apprête à commettre ? À moins de considérer que l’Allemagne soit “complice” ou satisfaite d’une telle perspective, ce qui est un pari osé ?
Pour le cas des États-Unis, comme pour celui de nos autres suspects, rien ne peut aujourd’hui être affirmé avec certitude. Nous aurions également pu évoquer d’autres pistes, plus ou moins crédibles, comme la Norvège ou la Chine par exemple. D’autres possibilités sont, elles aussi, envisageables, comme celle d’une opération conjointe, de l’OTAN, d’une coalition de pays, ou encore d’acteurs non étatiques. Parmi les développements les plus récents, le 1er novembre 2022, la Russie a accusé le Royaume-Uni d’être à l’origine du sabotage. Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a en effet déclaré que les services de renseignements russes “disposent de preuves suggérant que l’attaque a été dirigée et coordonnée par des spécialistes militaires britanniques[122]”. Le Royaume-Uni a déjà exprimé son hostilité au projet mais, sans preuves tangibles, les accusations du Kremlin restent de simples allégations.
Épilogue – l’après Nord Stream
Le gazoduc le plus polémique de l’histoire européenne n’est plus. Sa destruction intentionnelle est un événement géopolitique majeur dont toutes les conséquences restent encore à déterminer. Une chose est en tout cas certaine : il y aura un avant et un après Nord Stream. Son sabotage ouvre une nouvelle ère pour le marché de l’énergie européen et impose une profonde réorganisation des approvisionnements énergétiques de l’Union, réorganisation qui devrait profiter aux pays exportateurs de gaz et plus particulièrement aux États-Unis. La crise ukrainienne et le sabotage de Nord Stream ont mis en lumière la dépendance énergétique de l’Union européenne et les dilemmes complexes qui se posent pour les États membres désireux d’opérer leur transition énergétique. Du gaz russe au GNL, l’Union s’apprête-t-elle à passer d’une dépendance à l’autre ? Derrière la fin du gaz russe bon marché se profilent aussi un certain nombre de difficultés économiques, certaines accentuées par les politiques de dérégulation voulues par Bruxelles, et des crispations (géo)politiques (malheureusement) appelées à perdurer. La rupture entre la Russie et l’Occident notamment semble plus que jamais consommée.
Quant à l’identité du ou des responsable(s) du sabotage, il est encore trop tôt pour privilégier une piste plutôt qu’une autre et peut-être devrons-nous attendre plusieurs années avant de disposer de preuves tangibles. Quel que soit le coupable, il a en tout cas “atteint sa volonté de déstabilisation profonde de l’Europe, et les stratégies de tromperie et de contre-information (diabolisation, discréditation, décontextualisation), utilisées par l’ensemble des acteurs, ont occupé l’espace informationnel […] afin de convaincre le plus grand nombre de la responsabilité russe[123]”. La Russie, qui ne s’est pas montrée avare des méthodes mentionnées ci-dessus, ne peut être complètement dédouanée et la piste de l’auto-sabotage mérite d’être creusée, cela bien que la logique qui sous-tendrait un tel geste soit pour le moins hermétique. Finalement, plus que la désignation du ou des responsable(s), ce sont les conséquences à court et moyen terme du sabotage de Nord Stream qui devront nous occuper durant les prochains mois.
Pierre SIVIGNON
Notes
Nota Bene : toutes les traductions de contenu en langues étrangères (anglais et allemand) sont des traductions personnelles
[1] “Fuite des gazoducs Nord Stream : la thèse du sabotage privilégiée”. France 24, 27 septembre 2022. URL : https://www.france24.com/fr/europe/20220927-des-fuites-inexpliqu%C3%A9es-sur-les-gazoducs-nord-stream-%C3%A9veillent-des-soup%C3%A7ons-de-sabotage
[2] “Nord Stream 1 égale son record de 2020, en acheminant près de 60 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Allemagne”. La Libre, 7 février 2022. URL :
[3] “Nord Stream 2 starts filling second pipe with natural gas”. Reuters, 17 décembre 2021. URL : https://www.reuters.com/markets/commodities/nord-stream-2-says-it-has-started-filling-second-line-with-natural-gas-2021-12-17/
[4] Site officiel de Nord Stream AG – “Our shareholders”. URL : https://www.nord-stream.com/about-us/our-shareholders/
[5] “Nouveau revers pour le gazoduc Nord Stream 2”. Les Échos, 13 août 2016. URL : https://www.lesechos.fr/2016/08/nouveau-revers-pour-le-gazoduc-nord-stream-2-213639
[6] “Enquête sur le sabotage de Nord Stream : les premières images sous-marines des dégâts”. Euronews, 19 octobre 2022. URL : https://fr.euronews.com/2022/10/18/enquete-sur-le-sabotage-de-nord-stream-les-premieres-images-sous-marines-des-degats
[7] [8]“Nord Stream, une source vitale de gaz pour l’Europe, reprend du service”. Le Temps, 21 juillet 2022. URL : https://www.letemps.ch/monde/nord-stream-une-source-vitale-gaz-leurope-reprend-service
[9] “Nucléaire : l’Allemagne va prolonger le fonctionnement de ses trois dernières centrales”. Le Monde, 17 octobre 2022. URL : https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/17/nucleaire-l-allemagne-va-prolonger-le-fonctionnement-de-ses-trois-dernieres-centrales_6146195_3210.html
[10] Eurostat – “Where does our energy come from?”. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/cache/infographs/energy/bloc-2a.html?lang=en
[11] Eurostat – “From where do we import our energy?”. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/cache/infographs/energy/bloc-2c.html?lang=en
[12] “Le gaz est-il une énergie miracle ?”. Jean-Marc Jancovici, 1 mars 2000. URL : https://jancovici.com/transition-energetique/gaz/le-gaz-est-il-une-energie-miracle/
[13] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.20. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[14] Eurostat – “From where do we import our energy?”. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/cache/infographs/energy/bloc-2c.html?lang=en
[15] “Quel est le niveau de dépendance des pays européens au gaz et au pétrole russe ?”. Les Décodeurs – Le Monde, 11 mars 2022. URL : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/11/quel-est-le-niveau-de-dependance-des-pays-europeens-au-gaz-et-au-petrole-russe_6117070_4355770.html
[16] “UE : un plan pour réduire la dépendance aux énergies fossiles russes et accélérer la transition écologique”. Vie publique, 23 mai 2022. URL : https://www.vie-publique.fr/en-bref/285153-ue-plan-repowereu-dindependance-aux-energies-fossiles-russes
[17] [18] [19] “Quel est le niveau de dépendance des pays européens au gaz et au pétrole russe ?”. Les Décodeurs – Le Monde, 11 mars 2022. URL : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/11/quel-est-le-niveau-de-dependance-des-pays-europeens-au-gaz-et-au-petrole-russe_6117070_4355770.html
[20] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.11-14. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[21] [22] [23] [24] [25] “Comment saboter un gazoduc”. Pierre Rimbert pour Le Monde Diplomatique, mai 2021. URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2021/05/RIMBERT/63053
[26] “Nord Stream 2 : comment interpréter la fin des sanctions américaines ?”. La Tribune, 17 juillet 2021. URL : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/nord-stream-2-comment-interpreter-la-fin-des-sanctions-americaines-889204.html
[27] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.22. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[28] “Poland compares German-Russian pipeline to Nazi-Soviet pact”. EUobserver, 2 mai 2006. URL : https://euobserver.com/world/21486
[29] “Former minister’s Nord Stream sabotage tweet causes uproar in Poland”. Euractiv, 30 septembre 2022. URL : https://www.euractiv.com/section/energy-environment/news/former-ministers-nord-stream-sabotage-tweet-causes-uproar-in-poland/
[30] “Nord Stream 2, le gazoduc qui divise l’Europe”. Franceinfo, 8 novembre 2021. URL : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-club-des-correspondants/nord-stream2-le-gazoduc-qui-divise-l-europe_4820639.html
[31] “La Pologne appelle à l’abandon du projet Nord Stream 2”. Euractiv, 14 septembre 2020. URL : https://www.euractiv.fr/section/lactu-en-capitales/news/la-pologne-appelle-a-labandon-du-projet-nord-stream-2/
[32] “Nord Stream 2, le gazoduc qui divise l’Europe”. Franceinfo, 8 novembre 2021. URL : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-club-des-correspondants/nord-stream2-le-gazoduc-qui-divise-l-europe_4820639.html
[33] “Nord Stream 2 : la Pologne inflige une amende de 6,5 milliards d’euros au russe Gazprom”. La Tribune, 7 octobre 2020. URL : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/nord-stream-2-la-pologne-inflige-une-amende-de-6-5-milliards-d-euros-au-russe-gazprom-859191.html
[34] “L’Europe centrale fait bloc contre le projet Nord Stream 2”. Euractiv, 7 décembre 2015. URL : https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/l-europe-centrale-fait-bloc-contre-le-projet-nord-stream-2/
[35] “EU leaders sign letter objecting to Nord Stream-2 gas link”. Reuters, 16 mars 2016. URL : https://www.reuters.com/article/uk-eu-energy-nordstream-idUKKCN0WI1YV
[36] “Nord Stream 2 le gazoduc de la discorde”. L’Humanité, 18 mars 2016. URL : https://www.humanite.fr/monde/gazoduc/nord-stream-2-le-gazoduc-de-la-discorde-602389
[37] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.22. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[38] “UPDATE 1-Italy urges Europe to have courage to block Nord Stream gas plan”. Reuters, 18 décembre 2015. URL : https://www.reuters.com/article/urkaine-crisis-nordstream-idUSL8N1472KQ20151218
[39] “Nord Stream 2 le gazoduc de la discorde”. L’Humanité, 18 mars 2016. URL : https://www.humanite.fr/monde/gazoduc/nord-stream-2-le-gazoduc-de-la-discorde-602389
[40] “UPDATE 1-Italy urges Europe to have courage to block Nord Stream gas plan”. Reuters, 18 décembre 2015. URL : https://www.reuters.com/article/urkaine-crisis-nordstream-idUSL8N1472KQ20151218
[41] “Boris Johnson joins US in criticising Russia to Germany gas pipeline”. The Guardian, 22 mai 2018. URL : https://www.theguardian.com/world/2018/may/22/boris-johnson-joins-us-criticising-russia-germany-gas-pipeline-nord-stream-2
[42] “Comment saboter un gazoduc”. Pierre Rimbert pour Le Monde Diplomatique, mai 2021. URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2021/05/RIMBERT/63053
[43] “UPDATE 1-Italy urges Europe to have courage to block Nord Stream gas plan”. Reuters, 18 décembre 2015. URL : https://www.reuters.com/article/urkaine-crisis-nordstream-idUSL8N1472KQ20151218
[44] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.22. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[45] “Nord Stream 2, le gazoduc qui divise l’Europe”. Franceinfo, 8 novembre 2021. URL : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-club-des-correspondants/nord-stream2-le-gazoduc-qui-divise-l-europe_4820639.html
[46] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.22. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[47] Sondage – Forsa survey on the project Nord Stream 2 on behalf of the German Eastern Business Association (mai 2021). URL : https://www.ost-ausschuss.de/sites/default/files/pm_pdf/OA-Forsa-Umfrage-Nord-Stream-handout%20ENG.pdf
[48] [49] “Comment saboter un gazoduc”. Pierre Rimbert pour Le Monde Diplomatique, mai 2021. URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2021/05/RIMBERT/63053
[50] [51] “L’affrontement juridique entre Nord Stream 2 AG et l’Union européenne”. Le Grand Continent, 14 janvier 2022. URL : https://legrandcontinent.eu/fr/2022/01/14/nord-stream-2-laffrontement-juridique-entre-gazprom-et-lunion-europeenne/#:~:text=Le%2023%20mai%202019%2C%20un,et%20les%20activit%C3%A9s%20de%20distribution
[52] “Nord Stream 2 : comment interpréter la fin des sanctions américaines ?”. The Conversation, 1er juillet 2021. URL : https://theconversation.com/nord-stream-2-comment-interpreter-la-fin-des-sanctions-americaines-162031
[53] “De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2”. Diploweb, 2 mai 2021. URL : https://www.diploweb.com/De-Biden-vice-president-a-Biden-president-5-ans-de-politique-americaine-envers-Nord-Stream-2.html
[54] “Comment saboter un gazoduc”. Pierre Rimbert pour Le Monde Diplomatique, mai 2021. URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2021/05/RIMBERT/63053
[55] [56] “De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2”. Diploweb, 2 mai 2021. URL : https://www.diploweb.com/De-Biden-vice-president-a-Biden-president-5-ans-de-politique-americaine-envers-Nord-Stream-2.html
[57] Office des Affaires étrangères allemand – “Außenminister Gabriel und der österreichische Bundeskanzler Kern zu den Russland-Sanktionen durch den US-Senat”, 15 juin 2017. URL : https://www.auswaertiges-amt.de/de/newsroom/170615-kern-russland/290664
[58] “Nord Stream 2 : comment interpréter la fin des sanctions américaines ?”. The Conversation, 1er juillet 2021. URL : https://theconversation.com/nord-stream-2-comment-interpreter-la-fin-des-sanctions-americaines-162031
[59] “De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2”. Diploweb, 2 mai 2021. URL : https://www.diploweb.com/De-Biden-vice-president-a-Biden-president-5-ans-de-politique-americaine-envers-Nord-Stream-2.html
[60] “Au sommet de l’OTAN, Donald Trump déconcerte ses alliés”. Le Monde, 11 juillet 2018. URL : https://www.lemonde.fr/international/article/2018/07/11/le-partage-des-depenses-de-defense-au-c-ur-du-sommet-de-l-otan_5329620_3210.html
[61] “‘Freedom Gas’, the Next American Export”. New York Times, 29 mai 2019. URL : https://www.nytimes.com/2019/05/29/us/freedom-gas-energy-department.html
[62] [63] “De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2”. Diploweb, 2 mai 2021. URL : https://www.diploweb.com/De-Biden-vice-president-a-Biden-president-5-ans-de-politique-americaine-envers-Nord-Stream-2.html
[64] “Biden: Nord Stream 2 pipeline is a ‘bad deal’ for Europe”. Reuters, 25 août 2016. URL : https://www.reuters.com/article/us-energy-europe-usa-idUSKCN1101AP
[65] “European natural gas imports”. Bruegel, 2 novembre 2022. URL : https://www.bruegel.org/dataset/european-natural-gas-imports
[66] “Visualisez la baisse des livraisons de gaz russe à l’Europe à travers les principaux gazoducs”. Franceinfo, 20 juillet 2022. URL : https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/infographies-visualisez-la-baisse-des-livraisons-de-gaz-russe-a-l-europe-a-travers-les-principaux-gazoducs_5251645.html
[67] Pour les chiffres donnés dans ce paragraphe, se référer au document officiel publié par Nord Stream AG, “Nord Stream by the numbers”, téléchargeable ici : https://www.nord-stream.com/the-project/construction/
[68] Communiqué de presse de Nord Stream AG – “Incident on the Nord Stream pipeline”, 2 novembre 2022. URL : https://www.nord-stream.com/press-info/press-releases/incident-on-the-nord-stream-pipeline-updated-02112022-529/
[69] “‘Nord Stream 1 est probablement perdu’ : aux yeux de certains experts, le gazoduc serait irréparable”. TF1 info, 28 septembre 2022. URL : https://www.tf1info.fr/international/russie-nord-stream-1-est-probablement-perdu-aux-yeux-de-certains-experts-le-gazoduc-serait-irreparable-2233753.html
[70] [71] Site officiel de Nord Stream AG – “Maintenance”. URL : https://www.nord-stream.com/operations/maintenance/
[72] “Gazoducs Nord Stream : l’impact des fuites alarme les experts climatiques”. Les Échos, 29 septembre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/fuites-sur-les-gazoducs-nord-stream-quel-impact-sur-le-climat-1852596
[73] [74] [75] “Fuites de méthane de Nord Stream : des pics équivalents à la pollution annuelle de Paris en une journée !”. Futura Sciences, septembre 2022. URL : https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/gaz-effet-serre-fuites-methane-nord-stream-pics-equivalents-pollution-annuelle-paris-journee-100986/
[76] [77] “Gazoducs Nord Stream : l’impact des fuites alarme les experts climatiques”. Les Échos, 29 septembre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/fuites-sur-les-gazoducs-nord-stream-quel-impact-sur-le-climat-1852596
[78] “Nord Stream 1 et 2 : quel est l’impact écologique des fuites ?”. TV5 Monde, 29 septembre 2022. URL : https://information.tv5monde.com/info/nord-stream-1-et-2-quel-est-l-impact-ecologique-des-fuites-473206
[79] “Nord Stream : les fuites polluent autant que 29 millions de voitures”. Reporterre, 4 octobre 2022. URL : https://reporterre.net/Nord-Stream-les-fuites-polluent-autant-que-29-millions-de-voitures
[80] “Gazoducs Nord Stream : l’impact des fuites alarme les experts climatiques”. Les Échos, 29 septembre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/fuites-sur-les-gazoducs-nord-stream-quel-impact-sur-le-climat-1852596
[81] “Nord Stream 1 et 2 : quel est l’impact écologique des fuites ?”. TV5 Monde, 29 septembre 2022. URL : https://information.tv5monde.com/info/nord-stream-1-et-2-quel-est-l-impact-ecologique-des-fuites-473206
[82] “Nord Stream : les fuites polluent autant que 29 millions de voitures”. Reporterre, 4 octobre 2022. URL : https://reporterre.net/Nord-Stream-les-fuites-polluent-autant-que-29-millions-de-voitures
[83] “Nord Stream, une source vitale de gaz pour l’Europe, reprend du service”. Le Temps, 21 juillet 2022. URL : https://www.letemps.ch/monde/nord-stream-une-source-vitale-gaz-leurope-reprend-service
[84] “Gaz : deuxième fournisseur de l’UE, la Norvège ne peut augmenter ses livraisons”. Euractiv, 9 mars 2022. URL : https://www.euractiv.fr/section/energie/news/gaz-deuxieme-fournisseur-de-lue-la-norvege-ne-peut-augmenter-ses-livraisons/
[85] [86] “Norway “Skeptical” about a Price Cap”. Energy News, 12 septembre 2022. URL : https://energynews.pro/en/norway-skeptical-about-a-price-cap/
[87] [88] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.21. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[89] “L’Europe reconstitue ses stocks de gaz grâce au GNL…russe, en toute légalité”. La Tribune, 25 octobre 2022. URL : https://www.latribune.fr/economie/international/l-europe-reconstitue-ses-stocks-de-gaz-grace-au-gnl-russe-en-toute-legalite-938173.html
[90] “Comment la guerre en Ukraine a bouleversé le marché de l’énergie en 4 chiffres clés”. Les Échos, 27 octobre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/guerre-en-ukraine-le-bouleversement-du-marche-de-lenergie-en-4-chiffres-1873548
[91] “Gaz : l’embouteillage inédit de navires méthaniers aux portes de l’Europe”. Les Échos, 21 octobre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/gaz-lembouteillage-inedit-de-navires-methaniers-aux-portes-de-leurope-1871763
[92] “L’Europe reconstitue ses stocks de gaz grâce au GNL…russe, en toute légalité”. La Tribune, 25 octobre 2022. URL : https://www.latribune.fr/economie/international/l-europe-reconstitue-ses-stocks-de-gaz-grace-au-gnl-russe-en-toute-legalite-938173.html
[93] “Gaz : l’embouteillage inédit de navires méthaniers aux portes de l’Europe”. Les Échos, 21 octobre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/gaz-lembouteillage-inedit-de-navires-methaniers-aux-portes-de-leurope-1871763
[94] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.26. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[95] “LNG cargoes diverted toward Europe from Asia as gas prices soar”. Reuters, 22 décembre 2021. URL : https://www.reuters.com/markets/europe/lng-cargoes-diverted-toward-europe-asia-gas-prices-soar-2021-12-21/
[96] Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires européennes sur l’indépendance énergétique de l’Union européenne, présenté par M. Vincent Bru et Mme. Yolaine de Courson. Juin 2020, p.26. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3130_rapport-information
[97] “Gaz : les réserves françaises sont remplies à 100 %”. Le Point, 5 octobre 2022. URL : https://www.lepoint.fr/economie/gaz-les-reserves-francaises-sont-pleines-selon-la-cre-05-10-2022-2492528_28.php
[98] “Infographie – Quelle est la quantité de gaz stockée par les pays de l’UE?”. Conseil européen, 3 novembre 2022. URL : https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/gas-storage-capacity/
[99] Prix du gaz et de l’électricité au premier semestre 2022 – Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires. URL : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/prix-du-gaz-et-de-lelectricite-au-premier-semestre-2022#:~:text=Au%201er%20semestre%202022,au%202e%20semestre%202019
[100] “L’Europe parachève son bouclier contre la flambée des prix de l’énergie”. Les Échos, 17 octobre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/monde/europe/leurope-paracheve-son-mecanisme-pour-limiter-la-flambee-des-prix-de-lenergie-1870162
[101] “La fin des tarifs réglementés de vente de gaz”. Gouvernement Français, 6 mai 2020. URL : https://www.ecologie.gouv.fr/tarifs-gaz
[102] “Pollution, récession ou menace… Quelles sont les conséquences du sabotage des gazoducs Nord Stream ?”. 20 Minutes, 28 septembre 2022. URL : https://www.20minutes.fr/monde/4002736-20220928-pollution-recession-menace-consequences-sabotage-gazoducs-nord-stream
[103] “ »Force de Sibérie » : un gazoduc géant entre la Russie et la Chine”. Franceinfo, 2 décembre 2019. URL : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/force-de-siberie-un-gazoduc-geant-entre-la-russie-et-la-chine_3707919.html
[104] “Putin hails $117.5 bln of China deals as Russia squares off with West”. Reuters, 4 février 2022. URL : https://www.reuters.com/world/putin-tells-xi-new-deal-that-could-sell-more-russian-gas-china-2022-02-04/
[105] “Power of Siberia 2 to divert Europe-bound gas to China”. Asia Times, 20 juillet 2022. URL : https://asiatimes.com/2022/07/power-of-siberia-2-to-divert-europe-bound-gas-to-china/
[106] “Gaz russe : trois questions sur le gigantesque pipeline Force de Sibérie 2”. Les Échos, 25 septembre 2022. URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/gaz-russe-trois-questions-sur-le-gigantesque-pipeline-force-de-siberie-2-1851553
[107] “Putin hails $117.5 bln of China deals as Russia squares off with West”. Reuters, 4 février 2022. URL : https://www.reuters.com/world/putin-tells-xi-new-deal-that-could-sell-more-russian-gas-china-2022-02-04/
[108] “Secretary Antony J. Blinken And Canadian Foreign Minister Mélanie Joly At a Joint Press Availability”. US Department of State, 30 septembre 2022. URL : https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-and-canadian-foreign-minister-melanie-joly-at-a-joint-press-availability/
[109] “L’UE et l’Azerbaïdjan renforcent leurs relations bilatérales, y compris leur coopération dans le domaine de l’énergie”. Communiqué de presse de la Commission européenne, 18 juillet 2022. URL : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_22_4550
[110] [111] “Sabotage des Nord Stream : brouillage informationnel sur fond de conflits d’intérêts”. Sixtine de Faletans pour l’École de Guerre Économique, 20 octobre 2022. URL : https://www.ege.fr/infoguerre/sabotage-des-nord-stream-brouillage-informationnel-sur-fond-de-conflits-dinterets
[112] “Nord Stream : Poutine dénonce un ‘acte de terrorisme international’”. Le Point, 28 septembre 2022. URL : https://www.lepoint.fr/monde/fuites-sur-nord-stream-le-kremlin-se-dedouane-de-toute-responsabilite-28-09-2022-2491659_24.php
[113] [114] “Sabotage des Nord Stream : brouillage informationnel sur fond de conflits d’intérêts”. Sixtine de Faletans pour l’École de Guerre Économique, 20 octobre 2022. URL : https://www.ege.fr/infoguerre/sabotage-des-nord-stream-brouillage-informationnel-sur-fond-de-conflits-dinterets
[115] “Nord Stream : des explosions équivalentes à des centaines de kilos de TNT en cause”. Le Point, 30 septembre 2022. URL : https://www.lepoint.fr/monde/nord-stream-des-explosions-equivalent-a-des-centaines-de-kilos-de-tnt-en-cause-30-09-2022-2491949_24.php
[116] [117] “Sabotage des Nord Stream : brouillage informationnel sur fond de conflits d’intérêts”. Sixtine de Faletans pour l’École de Guerre Économique, 20 octobre 2022. URL : https://www.ege.fr/infoguerre/sabotage-des-nord-stream-brouillage-informationnel-sur-fond-de-conflits-dinterets
[118] “Gaz : tensions entre la Russie et le Turkménistan”. Les Échos, 14 avril 2009. URL : https://www.lesechos.fr/2009/04/gaz-tensions-entre-la-russie-et-le-turkmenistan-453609
[119] “Comment Reagan a piégé la technologie soviétique”. Libération, 28 février 2004. URL : https://www.liberation.fr/planete/2004/02/28/comment-reagan-a-piege-la-technologie-sovietique_470604/
[120] “Putin ally compares Nord Stream sabotage to CIA-backed attacks of 1980s”. Reuters, 5 octobre 2022. URL : https://www.reuters.com/world/europe/putin-ally-compares-nord-stream-sabotage-cia-backed-attacks-1980s-2022-10-05/
[121] “CIA warned Berlin about possible attacks on gas pipelines in summer – Spiegel”. Reuters, 27 septembre 2022. URL : https://www.reuters.com/world/cia-warned-berlin-about-possible-attacks-gas-pipelines-summer-spiegel-2022-09-27/
[122] “Le Kremlin accuse le Royaume-Uni d’avoir « dirigé et coordonné » le sabotage de Nord Stream”. L’OBS, 1er novembre 2022. URL : https://www.nouvelobs.com/monde/20221101.OBS65384/le-sabotage-de-nord-stream-dirige-et-coordonne-par-le-royaume-uni-accuse-le-kremlin.html
[123] “Sabotage des Nord Stream : brouillage informationnel sur fond de conflits d’intérêts”. Sixtine de Faletans pour l’École de Guerre Économique, 20 octobre 2022. URL : https://www.ege.fr/infoguerre/sabotage-des-nord-stream-brouillage-informationnel-sur-fond-de-conflits-dinterets
Bibliographie
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Articles de presse, billets de blog et vidéos
“Attentat Nord Stream : nos économies vont-elles tenir le choc?”. Élucid, 13 octobre 2022, URL : https://elucid.media/politique/attentat-nord-stream-nos-economies-vont-elles-tenir-le-choc/
“Comment saboter un gazoduc”. Pierre Rimbert pour Le Monde Diplomatique, mai 2021. URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2021/05/RIMBERT/63053
“De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2”. Diploweb, 2 mai 2021. URL:https://www.diploweb.com/De-Biden-vice-president-a-Biden-president-5-ans-de-politique-americaine-envers-Nord-Stream-2.html
“L’attentat Nord Stream : les origines d’un gazoduc très politique”. Élucid, 6 octobre 2022. URL : https://elucid.media/politique/nord-stream-russie-securite-energetique-europe-allemagne/
“Nord Stream 2 : le pipeline de la discorde”. France 24, 9 juillet 2021. Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=n1Lj2MtcYyQ
“Qui se cache derrière le sabotage de Nord Stream?”. 7 Jours sur Terre, 4 octobre 2022. Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=Kx8haGwK_EI
“Sabotage des Nord Stream : brouillage informationnel sur fond de conflits d’intérêts”. Sixtine de Faletans pour l’École de Guerre Économique, 20 octobre 2022. URL:https://www.ege.fr/infoguerre/sabotage-des-nord-stream-brouillage-informationnel-sur-fond-de-conflits-dinterets
Source de l’image de couverture:
Tempête de neige en mer, peinture de William Turner (1842), Wikimedia Commons
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