Pour la première fois dans l’histoire argentine, les électeurs retourneront aux urnes le 22 novembre pour le second tour de l’élection présidentielle. Un résultat qui en dit long sur le bilan de l’actuelle Présidente, Cristina Fernández de Kirchner.
La bataille devait être serrée entre les trois favoris de la course à la présidence argentine. Daniel Scioli, gouverneur de la Province de Buenos Aires, dauphin de l’actuelle Présidente pour le Front pour la Victoire (FpV), prônait la continuité du bilan de Cristina Fernández de Kirchner tout en essayant de se dégager de son image autoritaire. Face à lui, Sergio Massa, ancien Chef de cabinet de la Présidente, se positionnait en alternative au sein du courant péroniste, sans vraiment séduire les déçus de l’actuel gouvernement. Mais celui qui a créé la surprise dimanche dans la nuit, c’est Mauricio Macri, actuel maire de Buenos Aires. En opposition au FpV, M. Macri annonce l’heure du changement. Dans une tendance de centre-droit conservatrice, il séduit particulièrement les grands entrepreneurs et les classes moyennes.
La coalition d’opposition menée par Mauricio Macri réunit les déçus et les opposants au gouvernement. Cambiemos (Changeons !) veut donner à l’Argentine un virage libéral, qui séduit à l’étranger, comme en témoigne cet article de l’hebdomadaire britannique The Economist.
Une preuve de cet engouement : la province de Buenos Aires, traditionnellement acquise au FpV, a basculé dans le camp de Cambiemos. Ce n’est pas une surprise pour María Eugenia Vidal, nouvelle gouverneure de la province, qui comprend que « les gens avaient besoin d’être écoutés ». Au niveau national, l’écart est plus serré que ce que prévoyaient les sondages. Ils donnaient D. Scioli gagnant à dix points d’avance, il n’en aura qu’à peine deux. Un résultat serré qui est déjà une victoire pour le candidat de Cambiemos. Il promet à ses électeurs qu’il « travailler[a] nuit et jour pour gagner [leur] confiance et [leur] montrer qu’[ils ont] fait le bon choix ». Un résultat inattendu, car Mauricio Macri, très influent dans la capitale dont il est le maire, apparaît comme le candidat des riches. Ce que son adversaire n’a pas manqué de rappeler à la clôture des urnes, en attaquant M. Macri sur ses projets de privatisation d’entreprises nationales et les progrès sociaux qu’il compte supprimer.
Comment expliquer que le parti de la Présidente, qui bénéficie encore d’une popularité proche de 40% d’opinion favorable, ait subi un tel revers dimanche ? Car ballotage il y a, et D.Scioli ne domine le premier tour qu’avec un écart de 900.000 voix, pour plus de vingt cinq millions de votants (97% des votes dépouillés). Il a souhaité se distancier de l’image de la Présidente car celle-ci divise. Mais elle bénéficie surtout d’un soutien incontestable parmi les jeunes et la classe populaire, grâce aux nombreuses aides sociales qu’ont mis en place son gouvernement (2007-2015) et celui son mari (2003-2007). Il a été reproché à Daniel Scioli sa gestion de la Province de Buenos Aires, notamment lors des inondations du mois d’août, où, en voyage en Italie, il avait donné l’impression d’abandonner les habitants à leur sort, alors que Mauricio Macri avait su profiter du champ libre qui lui avait été laissé pour envoyer des secours d’urgence. Alors que le pays connaîtra le premier second tour de son histoire le dimanche 22 novembre, Daniel Scioli rappelle aux Argentins les risques d’« un saut dans le vide » qui reviendrait sur les acquis du FpV et appelle sur son compte Twitter les « indécis et les indépendants pour ce rendez-vous du grand futur de la croissance argentine ». Il peut encore compter sur un report des voix péronistes de Sergio Massa, qui, avec 20% des suffrages, pourra faire pencher la balance et réconcilier les péronistes. La consigne de vote qu’il annoncera la semaine prochaine sera décisive.
Léa Robbe-Dénoyés
- Pour en savoir plus sur les résultats des élections présidentielles et législatives consultez le site de La Nación
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