Retour sur la construction du barrage de Metolong au Lesotho, l’édifice de toutes les tensions.
Le jeudi 22 octobre 2015, le barrage de Metolong au Lesotho a remporté deux prix décernés par la Construction Management Association of America (CMAA) lors de la National Conference and Trade Show à Orlando, Floride. C’est l’occasion pour Classe Internationale de revenir sur les étapes de la construction de ce barrage, dont le démarage est prévue pour la fin de cette année et de tirer un bilan d’une construction aux enjeux sociaux, politiques et économiques majeurs dans la région.
Une construction au coeur d’enjeux nationaux et régionaux
De par sa situation géographique, le Lesotho est un pays extrêmement dépendant du monde extérieur, en particulier de l’Afrique du Sud, pays au sein duquel le Lesotho est une enclave, d’où sa structure économique très hétérogène et fragile. L’enjeu de l’énergie est probablement le plus central de tous dans la question de la dépendance : trop petit et pauvre pour construire des centrales thermiques suffisamment grandes, il a beaucoup dépendu des centrales nucléaires de son voisin pour produire son électricité.
La construction du barrage de Metolong, entamée en 2011 à 35 km de la capitale Maseru, constitue une rupture. En effet, l’édifice va non seulement permettre d’alimenter en très grande partie la capitale et les villes alentours, mais une partie de sa production ira directement en Afrique du Sud, qui co-finance le projet avec l’État du Lesotho et des acteurs internationaux. Le rapport entre ces pays aux poids régionaux et internationaux extrêmement différents, quoique toujours fortement favorable aux Sud-Africains, semble alors s’équilibrer, et devrait permettre au Lesotho de faire perdurer une stabilité fragile après le coup d’État de 2010.
Un projet au coeur du jeu international
Par son financement et sa construction, le barrage de Metolong est le symbole des nouvelles tendances du jeu international, et d’une nouvelle voie de l’aide au développement en Afrique.
En effet, l’édifice est co-financé par les gouvernements du Lesotho et d’Afrique du Sud, la Banque Mondiale, la Millenium Challenge Corporation (une fondation étasunienne indépendante qui investit dans les pays en développement), la Banque Européenne d’Investissement, le Fond Koweitien pour le Développement Economique Arabe, le Fond Saoudien de Développement, le Fond de l’OPEC pour le Développement International, le Fond Arabe pour le Développement en Afrique et le Fond d’Abu Dhabi pour le Développement. Ce sont autant d’acteurs internationaux très divers qui s’inscrivent dans une tendance d’aide au développement par l’entreprise, avec, au-delà d’une volonté philanthropique, un intérêt économique au bon fonctionnement du projet. De plus, l’entreprise chargée de cette construction appartient à un fond chinois, la Sinohydro Corporation, ce qui témoigne de l’investissement croissant des entreprises chinoises sur le continent africain.
Cette situation expose donc les enjeux contemporains de l’aide au développement en Afrique, et permet d’observer ses conséquences. La grève des ouvriers en 2013 est l’événement qui catalyse le plus manifestement les tensions que ces nouveaux managements de l’aide au développement entraînent. En effet, ces travailleurs ont subi des conditions de travail et de rémunération qui ont abouti à un conflit social entre trois parties : la Sinohydro Corporation, la Construction, Mining, Quarrying and Allied Workers Union (CMQAW) et le gouvernement du Lesotho, qui se voulait médiateur dans ce conflit par l’intermédiaire du Ministre des Affaires des Eaux de l’époque, Timothy Thahane. Le blocage du dialogue entre les différentes parties du conflit prend sa source dans le ressenti des habitants de la région et les conséquences des travaux sur leurs conditions de vie. En effet, les conditions de travail sur le chantier et les problèmes d’eau courante qu’ils ont entraînés dans la ville voisine de Thaba-Bosiu ont attisé une certaine peur de ce qui a pu être perçu comme une forme de néocolonialisme de la part de la Chine, en premier lieu, et des autres investisseurs ensuite.
Alors que la fin de l’année 2015 approche, et avec elle l’anniversaire de la date originelle de fin des travaux, les deux récompenses décernées à la construction du barrage de Metolong, au Lesotho, par la CMAA nous rappellent qu’encore aujourd’hui, l’investissement et l’aide au développement en Afrique restent soumis à des enjeux diplomatiques questionnant le degré de souveraineté des États et des populations africaines et la légitimité de l’ingérence des pays riches dans leurs affaires internes.
Références
Bilan du Monde, Edition 2015. Collectif.
http://lestimes.com/metolong-lands-two-global-awards/
http://lestimes.com/chinese-firm-signs-contract-for-metolong-dam/
http://sundayexpress.co.ls/metolong-to-meet-stakeholders/
http://sundayexpress.co.ls/end-in-sight-for-maseru-water-woes/
http://sundayexpress.co.ls/chinese-boss-tells-workers-to-‘go-hang’/
http://sundayexpress.co.ls/company-signs-agreement-with-workers-union/
Classe Internationale
No Comment