2020. L’année qui a bouleversé les États-Unis – Épisode 5 : la tragédie George Floyd, catalyseur de la colère d’une Amérique sous-tension

2020. L’année qui a bouleversé les États-Unis – Épisode 5 : la tragédie George Floyd, catalyseur de la colère d’une Amérique sous-tension

I can’t breathe. I can’t breathe. I can’t breathe. Ces mots, ce sont les dernières paroles de George Floyd, un Afro-Américain tué par la police lors de son arrestation le 25 mai 2020 à Minneapolis, dans l’État du Minnesota. Filmée, cette tragédie a indigné l’ensemble de la société américaine, ému le monde mais plus que tout révolté la communauté noire, fatiguée de ce racisme ambiant dont elle est continuellement l’objet depuis des décennies, voire des siècles. George Floyd n’est pas le premier à succomber aux arrestations arbitraires d’une police souvent blanche, qui se croit pourvue de tous les pouvoirs au nom de l’autorité légitime dont elle dispose. Il ne sera malheureusement pas le dernier. Avant lui déjà, Eric Gardner, Trayvon Martin, Michael Brown, Tamir Rice, Jamar Clark, Ahmaud Arbery, Breonna Taylor. Et bien d’autres… Tous ont été tués par des policiers blancs avant tout parce qu’ils étaient noirs. Selon l’avocat des droits civiques Ben Crump, 96 Afro-Américains ont été victimes de la police depuis la mort de George Floyd. Le dernier, Andre Maurice, a été abattu dans la nuit du 21 au 22 décembre dans l’Ohio alors qu’il n’était même pas armé et ne représentait aucun danger. Malgré ces tragédies quasi quotidiennes, celle liée à George Floyd a été le catalyseur d’un vaste mouvement de protestations qui s’est répandu à travers tout le pays et bien au-delà. Par le passé, d’autres drames avaient suscité beaucoup d’émotions et engendré bien souvent des manifestations et des émeutes comme en 2014, à Ferguson, dans le Missouri. Cette fois-ci, c’était différent.

Plus qu’un slogan, I can’t breathe est devenu le symbole d’une Amérique noire – et pas seulement – en colère. En colère contre un système qui les discrimine en permanence. En colère contre les inégalités raciales auxquelles elle est confrontée chaque jour, encore plus depuis l’élection de Donald Trump. En colère contre cette Amérique blanche qui n’a jamais fait le deuil de la déségrégation, nostalgique de ses heures de gloire et terrifiée à l’idée de voir son monde basculer et son hégémonie raciale piétiner. L’histoire nous a montré qu’elle est un éternel recommencement. Penser que le combat pour les droits civiques des années 1960 a pris fin avec le Civil Right Act de 1968 reviendrait à dire que la lutte contre le réchauffement climatique s’est conclue par la signature des Accords de Paris en 2015. Non seulement, c’est faux mais en plus, on serait tenté de dire que la situation s’est aggravée depuis. En atteste l’augmentation incessante des émissions de gaz à effet de serre depuis cinq ans alors que ces accords prévoyaient de les réduire afin de limiter le réchauffement de la planète à 2°C d’ici la fin du XXIe siècle. Dans le cas de la lutte pour les droits civiques, l’histoire ne se répète pas. Elle ne fait que continuer. 2020 a été l’année de tous les combats, et particulièrement pour la communauté noire. L’épidémie de Covid-19 a tué quatre fois plus d’Afro-Américains que de Blancs. La pauvreté, les inégalités en matière de santé ou d’accès aux soins, la ségrégation résidentielle, les infrastructures de transports ou de santé défaillantes dans nombre de quartiers habités en majorité par les Noirs sont autant de facteurs qui expliquent cette surreprésentation. Dans ce contexte aussi injuste qu’anxiogène, la mort de George Floyd a ravivé les blessures d’un pays connu pour ses multiples épisodes de violences policières et d’inégalités raciales et qui rappelle que le combat des années 1960 pour lequel Martin Luther King et Malcom X ont donné leur vie est loin d’être terminé. Retour sur cette tragédie qui a marqué les États-Unis de 2020 et qui met en exergue les failles mais aussi toute la vitalité de la démocratie américaine.

  •  George Floyd, un homme qui « cherchait un nouveau départ »

George Floyd disait vouloir « avoir un impact sur le monde » selon Jonathan Veal, un ami de jeunesse. Il l’aura tragiquement trouvé par la mort, à l’âge de 46 ans. Cet Afro-Américain a tout du parcours atypique d’un Noir issu d’un milieu pauvre aux États-Unis. Une vie pleine de promesses et d’ambitions dans le pays du tout est possible mais qui, faute d’opportunités, a rapidement glissé vers la délinquance et les petits boulots. Né à Fayetteville, en Caroline du Nord, George Floyd a grandi à Houston, au Texas, dans le quartier noir de Third Ward, un des plus défavorisés de la ville. Comme bon nombre de jeunes de la communauté noire, il trouve dans le sport un échappatoire à la misère qui l’entoure. Un jeu d’enfant pour lui qui mesurait déjà 1,80 mètres à l’âge de 12 ans. Au lycée, il était une vedette de l’équipe de football américain et un excellent joueur de basket, d’après des témoignages recueillis par les médias américains. C’est d’ailleurs à cette époque qu’il se lie d’amitié avec le futur joueur de NBA Stephen Jackson avec qui il partage une ressemblance physique frappante. Il poursuit ses études en fréquentant les bancs du South Florida Community College de 1993 à 1995 où il évoluait dans l’équipe de basket de l’école. Dans un entretien à CNN, l’épouse de son entraîneur de l’époque décrit « un enfant facile à entraîner et doté d’un grand cœur. […] Il a toujours avoué ses erreurs et a toujours essayé de faire mieux ». Cependant, il n’est jamais allé au bout de son cursus en Floride, ni à celui de l’Université A&M du Texas, à Kingsville, dans laquelle il s’était inscrit après son aventure floridienne, se retrouvant ainsi sans diplôme.

C’est-là que le parcours de ce sportif accompli bascule dans la petite délinquance. Stephen Jackson résume ce qui est arrivé à son ami Floyd et qui est une réalité pour une grande majorité d’étudiants noirs chaque année sur le marché des drafts à l’issue de leur formation : « La différence entre mon frère et moi, c’est que j’ai eu plus d’opportunités que lui ». Depuis les années 1970, le basketball, tout comme le football américain, est devenu un sport joué majoritairement par les Afro-Américains. Durant la saison 1994-1995, qui correspond à la période durant laquelle George Floyd jouait à l’université, 82% des effectifs de la NBA était composé d’Afro-Américains. Les étudiants noirs sortants de l’université et qui avaient pratiqué un sport à un haut niveau durant leur scolarité rencontraient donc des difficultés certaines lorsqu’il s’agissait de se faire recruter par des franchises de la ligue nationale ou de première division tant la demande au sein de cette communauté était forte. Peut-être n’était-ce pas la volonté première de George Floyd mais si cette opportunité, pour reprendre le terme de Stephen Jackson, lui avait été donnée, nul doute qu’il l’aurait saisi car être Noir et issu d’un milieu défavorisé ne donnent pas lieu à de grandes perspectives d’avenir aux États-Unis. Sans diplôme et sans avenir, George Floyd sera arrêté à neuf reprises entre 1997 et 2007, principalement pour des accusations de drogue et de vol qui ont abouti à des peines de prison de plusieurs mois. En 2013, après avoir passé quatre ans derrière les barreaux pour braquage à main armé, il trouve la rédemption auprès d’une église locale et de sa communauté. Il part s’installer à Minneapolis et trouve rapidement un premier emploi de gardien de sécurité dans un magasin de l’Armée du Salut. Plus tard, il jonglera entre deux emplois, celui de chauffeur de camion et celui de videur d’un restaurant. En raison de la crise sanitaire de 2020, « Big Floyd », comme le surnomme ses collègues, se retrouve au chômage du jour au lendemain, comme des millions d’Américains.

  • George Floyd, énième victime d’un racisme systémique
Qui est Darnella Frazier, l'adolescente de 17 ans qui a filmé la mort de  George Floyd ? | alNas.fr

Images de l’arrestation de George Floyd, au sol, par des policiers dont Derek Chauvin, qui pose son genou sur son cou.

Le 25 mai, jour férié aux États-Unis (Memorial Day) durant lequel les Américains rendent hommage aux membres des forces armées morts au combat, George Floyd sort acheter un paquet de cigarettes en début de soirée dans un magasin du quartier de Powderhorn Park, à dix minutes du centre-ville de Minneapolis. L’employé de l’épicerie le soupçonne d’avoir utilisé un faux billet de vingt dollars et compose le 911. D’après la chaîne CNN, qui s’est procurée la transcription de l’appel téléphonique, le policier qui reçoit l’appel demande à trois reprises, à propos de Floyd : « Quelle race ? », « Est-il blanc, noir, amérindien, hispanique, asiatique ? ». Une première patrouille arrive sur place et interpelle George Floyd qui se trouve dans une voiture avec deux amis à lui. Il est ensuite menotté puis emmené vers le véhicule de police. Répétant plusieurs fois qu’il est claustrophobe, il refuse d’y monter. Les policiers parviennent malgré tout à le faire rentrer mais pour une raison inconnue, il parvient à sortir par l’autre porte tout en se débattant. Une deuxième équipe de police, composée Derek Chauvin et Tou Thao, arrive sur place. Alors qu’un des agents intervenus en premier tente de faire remonter George Floyd à bord, Derek Chavin le ressort immédiatement de la voiture, l’allonge sur le sol et pratique un plaquage ventral avec l’aide de ses collègues. Pourtant immobile, Derek Chauvin fait pression sur la nuque de George Floyd avec son genou en lui demandant de se calmer. Pendant 8 minutes et 46 secondes, cet agent de police restera dans cette position, imperturbable, sans une once d’humanité, jusqu’à l’arrivée d’une ambulance. 8 minutes 46 durant lesquelles George Floyd a répété à seize reprises « I can’t breathe ». 8 minutes 46 durant lesquelles George Floyd a sangloté « Maman ! ». 8 minutes 46 durant lesquelles George Floyd a supplié en pleurs Derek Chauvin « S’il vous plaît, le genou sur mon cou, je ne peux pas respirer, monsieur […] ne me tuez pas ». « Ne me tuez pas ». Voilà à quoi ressemble le visage de l’Amérique de 2020. Les témoins qui assistent à la scène et qui la filment implorent les policiers d’arrêter de faire pression sur son cou et de vérifier son pouls. L’un d’eux leur fait remarquer qu’il saigne du nez. Un autre s’adresse directement à Derek Chauvin en lui disant : « Vous l’avez eu. Laissez-le respirer ». D’autres encore protestent et s’insurgent en répétant qu’il ne bouge plus. Tou Thao leur répond en se moquant d’eux : « Ne prenez pas de drogues, les gars ». La vidéo, diffusée en direct sur Facebook, prend fin à l’arrivée de l’ambulance. George Floyd sera déclaré mort moins d’une heure après son arrestation, au Centre médical du comté de Hennepin.

Le lendemain, les quatre policiers impliqués sont démis de leur fonction. Il faudra attendre trois jours supplémentaires pour que Derek Chauvin, le principal mis en cause, soit placé en garde à vue pour meurtre au troisième degré et homicide involontaire. Un laps de temps suffisant pour faire bondir les défenseurs des droits civiques qui rappellent que si c’était un Noir qui avait tué un Blanc, il aurait été inculpé sur-le-champ. Ben Crump, l’avocat de la famille de George Floyd, connu pour avoir défendu des affaires similaires en représentant les familles de Trayvon Martin, Michael Brown ou encore Ahmaud Arbery, a demandé à ce que les charges retenues contre Derek Chauvin soient requalifiées en meurtre au première degré, qui prend en compte l’intention de tuer. Cet agent de police n’en est pas à sa première bévue. Entré dans la police en 2001, il a été mis en cause au cours de sa carrière dans dix-huit plaintes pour faute professionnelle sans que jamais il ne soit inquiété. Son coéquipier Tou Thao a, quant à lui, six plaintes à son actif, dont une toujours en cours. Les deux autopsies menées sur le corps de George Floyd, l’une officielle, l’autre indépendante sur demande de la famille du défunt, s’accordent sur une mort par homicide mais s’opposent sur la cause sous-jacente. Celle officielle, menée pour les autorités, atteste que George Floyd avait une « consommation récente de méthamphétamine », une « intoxication au fentanyl » ainsi que de l’hypertension et une maladie coronarienne, autant de facteurs qui ont pu concourir à sa mort. Cependant, selon deux médecins légistes qui ont effectué l’autopsie indépendante, ainsi que l’avocat de la famille, George Floyd n’avait aucun problème de santé sous-jacent assez grave pour être la cause de sa mort. Ils ont également soutenu que non seulement l’officier qui s’agenouillait sur le cou de Floyd l’a tué, mais aussi que les deux agents qui appuyaient sur son dos ont contribué à l’empêcher de respirer correctement. Autrement dit, la compression qu’il a subi au cou et au dos aurait bloqué la circulation sanguine jusqu’à son cerveau, causant ainsi un arrêt cardiopulmonaire. La différence est donc que la seconde autopsie soutient la thèse de l’asphyxie, et pas la première, qui conclut que la mort de George Floyd est la conséquence des manœuvres des policiers pour le maîtriser et le contraindre. Cet élément est essentiel car sur les bases de l’autopsie indépendante, la procureure général du Minnesota, Keith Ellison, a requalifié les faits à l’encontre de Derek Chauvin en meurtre au second degré, c’est-à-dire un meurtre sans préméditation, et inculpé les trois autres policiers pour complicité. Derek Chauvin risque désormais quarante ans de prison. Son procès se tiendra le 8 mars 2021.

  • Un Trump va-t-en guerre dans la crise

Tout cela se déroule dans un contexte politique tendu. Donald Trump n’a eu de cesse durant son mandat de cristalliser les tensions et de discriminer les minorités et les institutions qui n’allaient pas dans son sens pour les discréditer et les écarter du jeu politique. En 2017 déjà, lors de violences qui avaient éclaté à Charlottesville, en Virginie, entre un rassemblement de suprémacistes blancs et des manifestants antiracistes, qui ont entraîné la mort d’une participante, le président américain avait déclaré qu’il y avait « des gens bien des deux côtés », ce qui n’avait pas manqué de provoquer un tollé à travers tout le pays. Bis repetita pour le magnat de l’immobilier qui, au lendemain des protestations qui ont eu lieu devant la Maison-Blanche, dans la nuit du 31 mai au 1er juin, n’a pas hésité à provoquer la foule et attiser les violences en menaçant d’envoyer l’armée en cas de nouvelles violences avant de déclarer avoir déployé « des milliers de soldats lourdement armés à Washington pour rétablir l’ordre ». Si Donald Trump s’est montré dans un premier temps « attristé » par la mort tragique de George Floyd, présentant ses condoléances à sa famille et assurant que « justice sera rendue », le ton présidentiel a très vite changé lorsque les manifestations sont devenues violentes à Minneapolis : « Quand les pillages démarrent, les tirs commencent », reprenant ainsi les mots de Walter E. Headley, chef de la police de Miami, qu’il avait prononcés en 1967 en réponse à une vague de violences en marge du mouvement des droits civiques. Pouvant être interprété comme une incitation aux forces de l’ordre à faire usage de leurs armes, ce tweet lui vaudra d’ailleurs d’être signalé par Twitter pour « apologie de la violence ». Mais plus que ça, cette énième sortie de route jettera de l’huile sur le feu.

Alors que la contestation gronde dans tout le pays, il n’hésite pas à la qualifier de « terrorisme intérieur ». Le 2 juin, sur un ton martial, il menace de déployer l’armée américaine si « une ville ou un État refuse de prendre les décisions nécessaires pour défendre la vie et les biens de ses résidents », appelant les gouverneurs à agir vite et fort pour « dominer les rues ». Des déclarations qui seront critiquées jusque dans son propre camp, à commencer par son secrétaire à la défense, Mark Esper, défavorable à décréter l’état d’insurrection. Selon lui, l’option d’utiliser les soldats d’active ne devrait être employée qu’en dernier ressort et dans les situations les plus urgentes, ce que ne requérait pas la situation du moment. Maires, gouverneurs, officiers supérieurs, beaucoup de responsables locaux ont haussé le ton face au discours présidentiel déconcertant, la maire démocrate d’Atlanta en tête. Keisha Lance Bottoms, qui dirige la plus grande ville de Géorgie, théâtre de nombreuses scènes de violences et de pillages, a déclaré, consternée, sur CNN : « C’est comme à Charlottesville, une fois de plus ». Lorsque les violences gagneront le reste du pays, le président américain scandera à plusieurs reprises, toujours sur son réseau social préféré, son leitmotiv favori : « Law and Order ». Et comme rien n’est un hasard, ces émeutes n’ont pas non plus épargné les journalistes. Omar Jiminez, grand reporter reconnu de CNN, et son équipe, sont arrêtés par la police en plein duplex, visiblement parce qu’ils se trouvaient à un endroit où ils n’avaient pas le droit d’être. Pourtant, le journaliste affirme avoir correctement appliqué les consignes des policiers et s’était écarté de leur chemin. Une scène, retransmise en direct à la télévision, ô combien symbolique qui en dit long sur l’état de la démocratie américaine et le rapport aux libertés de la presse, largement mises à mal depuis 2016.

  •  Des protestations émaillées de violences qui rappellent celles des années 1960

Cette bavure ravive les pires heures des luttes raciales des années 1960. Or, George Floyd n’est pas Malcolm X. C’était un citoyen ordinaire de 46 ans, qui venait de quitter le Texas et cherchait à refaire sa vie à Minneapolis, à coups de petits travaux. Ce nouvel acte de violence policière a été rapidement mis en relation avec le décès d’Éric Garner, un homme noir mort six ans auparavant dans les mêmes conditions. Cette affaire avait contribué à l’essor du mouvement Black Lives Matter et avait eu pour conséquence l’interdiction de la technique du plaquage ventral à New York et Los Angeles. La vidéo de la scène, diffusée en direct sur Facebook, est devenue virale et a immédiatement déclenché un flot de colère et de condamnations dans toutes les sphères de la société. Le président Donald Trump lui-même réagira et qualifiera l’événement de « tragédie grave ». Mais pour la communauté afro-américaine, c’en est trop, alors que les dernières semaines ont déjà été marquées par les morts troublantes de deux autres personnes noires, Ahmaud Arbery et Breonna Taylor. Le premier a été abattu par deux hommes blancs en pleine rue en février, la seconde a été tuée dans son sommeil à son domicile par la police au mois de mai. Dès le lendemain, plusieurs milliers de personnes descendent dans les rues de Minneapolis en appelant la police à « cesser de tuer des Noirs » et réclamant « justice ». Une des nombreuses raisons de cette colère est l’impunité avec laquelle les forces de l’ordre sont traitées en cas d’abus. Et pour cause, nous l’avons dit, Derek Chauvin avait déjà été impliqué par le passé dans près d’une vingtaine d’incidents sans jamais être puni. Ces protestations ont rapidement dégénéré en heurts entre les forces de l’ordre et les manifestants. Les émeutes continueront plusieurs jours durant à Minneapolis et Saint Paul, la capitale de l’État du Minnesota, avec de nombreuses scènes d’incendies et de pillages. Jacob Frey, le maire de Minneapolis, décrètera l’état d’urgence dans la ville et Tim Waltz, le gouverneur de l’État, y déploiera 500 soldats de la Garde nationale, le plus grand déploiement depuis la Seconde Guerre mondiale. Tout un tas d’éléments tombant au compte-goutte ne cessera de venir alimenter la colère des manifestants. La qualification d’homicide involontaire et le rapport de l’autopsie officielle révélé le 29 mai, qui conclut que George Floyd n’est pas mort de strangulation ou d’asphyxie, scandalisent les contestataires, qui ne comprennent pas comment la mort de Floyd peut être qualifiée d’accidentelle au regard de la vidéo qui a fait le tour du monde, contribuant ainsi à renforcer leur indignation. Le lieu de l’interpellation de George Floyd est rapidement transformé en un mémorial temporaire devant lequel viennent se prosterner de nombreux Américains.

Mémorial en la mémoire de George Floyd, à Minneapolis, en mai 2020.

Quatre jours après le drame, les manifestations contre le racisme et les violences policières s’étendent à tout le pays, le tout dans un contexte sanitaire extrêmement difficile. Mais ces mobilisations sont entachées par des scènes de violences ne rendant pas service à la cause. Selon le New York Times, près de 2 500 villes et villages des États-Unis sont touchés par cette vague de contestation. La très grande majorité est réalité est pacifique : le poing levé et le genou à terre, partout, les manifestants dénoncent les brutalités policières qui frappent les Noirs de manière disproportionnée. Ils veulent que cette fois, les forces de l’ordre rendent des comptes. Parfois, des images fortes et réconfortantes émergent comme celles de manifestants enlaçant des policiers, ou des policiers et soldats posant le genou à terre ou marchant aux côtés des manifestants, en signe de soutien. Des images d’apaisement qui contrastent fortement avec les violences qui ont éclaté dans de nombreuses métropoles, conduisant les autorités à déployer des milliers de soldats de la Garde nationale à travers quinze États ainsi que le District de Columbia. De nombreux couvre-feux sont également instaurés pour tenter de dissuader les manifestants de sortir dans les rues. En vain. À Atlanta, le hall d’entrée du QG de CNN est vandalisé. Dans la capitale, la foule s’est massée devant la Maison Blanche en scandant des slogans, en allumant des feux et en brandissant des pancartes. À Lafayette Square, sous les fenêtres du président américain, ont eu lieu pendant plusieurs heures des affrontements violents entre policiers et manifestants malgré le couvre-feu décidé par la maire démocrate de la capitale, Muriel Bowser. Émeutes, pillages, routes coupées, commerces et véhicules incendiés, heurts avec les forces de l’ordre : les violences ont gagné en l’espace de trois jours de nombreuses villes des États-Unis. L’essentiel reste le fond de cette mobilisation qui s’est propagée en moins d’une semaine sur plusieurs continents. Dans certains pays, elles sont liées avec celles concernant des affaires de violence policière locales comme au Canada avec la mort de Regis Korchinski-Paquet ou en France avec celle d’Adama Traoré. Une chose est sûre, tous les commentateurs de la vie politique américaine s’accordent à dire que le climat de tension autour de ces manifestations est inédit depuis les années 1960.

En effet, comment ne pas associer ces mobilisations, souvent émaillées de violences, à celles qui ont secoué les États-Unis lors du mouvement des droits civiques cinquante ans plus tôt. Retour en 1965, en Alabama, un État du Sud farouchement partisan de la ségrégation. Des décisions vont se succéder pour renforcer le Civil Rights Act de 1964. Toutefois, celles-ci vont se heurter dans son effectivité aux manœuvres dilatoires des États du Sud pour diminuer, voire neutraliser cette loi, déclenchant des manifestations qui virent aux émeutes du fait des violences exercées par les forces de police des États réfractaires. Pour protester contre les entraves à l’application de la loi en Alabama, gouverné à l’époque par George Wallace, partisan intransigeant de la ségrégation, qui s’était fait d’ailleurs élire en 1963 avec le slogan « Ségrégation maintenant, ségrégation demain, ségrégation pour toujours », des militants afro-américains, sous la direction d’Amelia Boynton Robinson, organisent ce qui deviendra les marches de Selma à Montgomery. Le 7 mars 1965, lors de la première de ces marches, menée par Hosea Williams et John Lewis, décédé en juillet dernier au moment des émeutes de cet été, 600 manifestants pour les droits civiques quittent Selma pour tenter de rejoindre Montgomery afin de présenter leurs doléances au moyen d’une marche pacifique. Ils sont arrêtés au bout de quelques kilomètres au pont Edmund Pettus par la police locale, sous les ordres du shérif Jim Clark et une foule hostile de blancs ségrégationnistes qui les repoussent violemment à coup de matraques et de gaz lacrymogène. Près de 84 personnes sont blessées dont John Lewis et Amelia Boynton Robinson. Les images de celle-ci, tombée sous les coups des policiers et inanimée sur le pont Edmund Pettus, feront le tour du monde à la suite de leur publication par la presse nationale. Ce dimanche prendra le triste nom de Bloody Sunday (dimanche sanglant). Cette marche, et la répression qui s’en suivit, sera un des événements qui conduira le 4 août 1965 à la promulgation du Voting Rights Act de 1965 interdisant les discriminations raciales dans l’exercice du droit de vote.

Manifestation sur le pont Edmund Pettus, dix ans après la marche de Selma à Montgomery, avec en premier plan John Lewis et Coretta Scott King.

Deux ans plus tard, en 1967, en réaction aux discriminations raciales permanentes à l’embauche et à l’accès au logement, ainsi qu’aux inégalités socio-économiques dont est victime la communauté afro-américaine, des émeutes raciales éclatent dans différentes villes américaines, et en particulier à Détroit.  Dans cette ville, le bilan des émeutes sera de 43 morts, 1 383 bâtiments incendiés et plus de 7 000 arrestations, un événement tragique que le film Detroit, réalisé par Kathryn Bigelow, relate à la perfection, dans toute sa violence. L’assassinat de Martin Luther King en avril 1968 ne fera qu’envenimer la situation, installant un climat de chaos aux États-Unis. A l’issue de ces émeutes meurtrières, le président Lyndon B. Johnson promulgue l’ordre exécutif n°1365 qui instaure une Commission nationale consultative sur les émeutes sociales, plus communément appelée Commission Kerner, du nom de son président Otto Kerner, gouverneur de l’Illinois. Dans son rapport, la Commission s’inquiète du risque d’une fracture sociale entre Noirs et Blancs et préconise un plan volontariste d’intégration sociale et économique. Cependant, en janvier 1969, l’accession à la présidence de Richard Nixon et d’une administration conservatrice va enterrer le rapport, la seule réponse sera d’augmenter les forces de police et d’améliorer leur dotation en armements pour mieux réprimer les émeutes. On voit à travers les nouvelles émeutes de l’été 2020, qui n’ont rien de comparables à celles de 1967, que la non prise en compte des préconisations du rapport a des répercussions tragiques encore aujourd’hui, laissant le sentiment d’un rendez-vous historique manqué. Si effectivement les Afro-Américains sont libres et égaux depuis 1968, les discriminations et inégalités systémiques à leur égard persistent toujours. En effet, les Afro-américains ont trois fois plus de risques que les blancs d’être tués par la police. Selon les données du Washington Post, qui recense depuis 2015 toutes les personnes tuées par la police, celle-ci a tué depuis cinq ans 1 358 Afro-américains. Les chiffres sur le sujet ne manquent pas aux États-Unis : le taux de chômage est deux fois plus élevé au sein de la population noire ; la valeur nette en richesse d’un ménage blanc équivaut en moyenne à celle de 11,5 ménages noirs combinés ; plus de 20% de la population noire vit sous le seuil de pauvreté contre 10,1% de la population blanche non hispanique. Dans un article sur le sujet, le Washington Post a même montré que le fossé économique Noirs-Blancs était aussi important en 2020 qu’en 1968.

En d’autres termes, les inégalités raciales qui rongent le pays et les violences policières répétées ont déclenché depuis les années 1960 une succession d’émeutes, dans la lignée desquelles la tragédie de Minneapolis peut sembler s’inscrire à première vue. Cependant, pour l’historien Pap Ndiaye, auteur de La Condition noire. Essai sur une minorité française, si l’héritage est certain, et si les différentes mobilisations de ces dernières semaines montrent, par de nombreux recoupements de lieux et formes d’hommages, combien la « mémoire noire a été cultivée, ces dernières années, par le mouvement Black Lives Matter », la différence est de taille entre les émeutes d’hier et la mobilisation actuelle. En particulier parce que cette mobilisation est sortie des ghettos. « Les émeutes des “étés chauds et longs” des années 1960 (Harlem en 1964, Watts à Los Angeles en 1965, et les dizaines d’émeutes de 1967 et 1968), qui firent plus de 200 morts au total, se situaient toujours dans les ghettos noirs eux-mêmes, de même que l’émeute de Los Angeles en 1992 (au moins 50 morts) […] Presque toujours déclenchée par une altercation entre policiers et jeunes Noirs, dans un contexte très tendu où la police se comportait avec eux de manière arrogante et raciste, l’émeute commençait par une arrestation brutale. […] Dans les années 1960, les manifestants noirs n’avaient pas la possibilité de sortir des ghettos, bouclés par la police pendant l’émeute, contrairement à aujourd’hui ». En effet, les manifestations actuelles ont lieu dans les centres-villes, « souvent dans des quartiers huppés vers lesquels les gens convergent […] la grande majorité des manifestations se passe sans heurts notables. Des consignes trop agressives pourraient se traduire par la défection d’une partie des forces de l’ordre, d’autant que quelques policiers ont posé le genou à terre en solidarité avec les manifestants ». En conséquence, si la brutalité policière a marqué de nombreuses manifestations ces dernières semaines, la situation actuelle est incomparable avec celle des années 1960 ou 1990. En revanche, elle semble s’inscrire dans la continuité des manifestations nées en 2014 à Ferguson, dans le Missouri.

Policiers et militaires américains à genoux, en signe de soutien aux manifestants.

Alors que des centaines de tragédies contre des Afro-Américains se sont produites aux États-Unis bien avant celle liée à George Floyd, la question est de savoir pourquoi cette fois-ci, les choses sont différentes. Les réponses pouvant être apportées ne sauraient être tangibles prises une par une et doivent être analysées comme un tout. La première est sans aucun doute la plus grande diversité raciale de la foule. Pour Pap Ndiaye, « la remarquable diversité des foules qui manifestent suggère finalement la possible émergence d’une nouvelle coalition entre Noirs et Blancs libéraux, un gros demi-siècle après celle des droits civiques ». Pour Wesley Lowery, journaliste du CBS, « si les choses semblent différentes aujourd’hui, ce n’est pas que le comportement de la police a changé, c’est qu’à la différence d’il y a quelques années seulement, davantage de personnes, en particulier des personnes blanches, sont prêtes à admettre la vérité ». Pour preuve, selon un sondage commandé par CNN, datant du 8 juin, 67 % des Américains considèrent que le racisme est actuellement un problème important alors qu’ils n’étaient que 49 % en 2015. Une autre étude de l’Université de Monmouth citée par le New York Times montre que 57% des Américains pensent que la police est plus susceptible de faire un usage excessif de la force contre les Afro-américains. La proportion était de 34% en 2016. Ces mobilisations diverses, massives, qui se répètent d’un jour sur l’autre depuis la fin mai, font donc naître beaucoup d’espoir quant à la possibilité d’un changement réel. La seconde réponse pouvant expliquer que la colère a éclaté après la mort de George Floyd et pas avant est que cet événement s’ajoute à d’autres déjà présents, tels que la cristallisation des tensions par Donald Trump, la gestion catastrophique de la crise sanitaire ou encore la mort dans des conditions inhumaines d’Ahmaud Arbery et Breonna Taylor. Autrement dit, cette colère est le produit d’une crise multipliée par d’autres.

  • Le retour en force du mouvement Black Lives Matter

I can’t breathe n’a pas été le seul slogan scandé par la foule en colère cet été. Rapidement, elle s’est emparée d’un autre crédo, déjà employé par le passé : Black Lives Matter (la vie des Noirs compte). Son origine remonte à l’été 2013, lorsque George Zimmerman, qui avait tué un adolescent noir, Trayvon Martin, au cours d’une altercation, est acquitté par la justice. En réaction, la militante pour les droits civiques, Alicia Garza, écrit un billet qu’elle décrit comme une « lettre d’amour aux amis Noirs ». Celui-ci se termine par « Black People. I love you. I love us. Our lives matter. », et appelle à s’unir pour rappeler que « les vies noires comptent ». Une de ses amies, elle aussi activiste, Patrisse Cullors, republie le billet sur Twitter et y joint le hashtag #BlackLivesMatter. Rejointe par l’écrivaine et militante Opal Tometi, Alicia Garza et Patrisse Cullors créent un groupe de défense des droits des immigrants afro-descendants et des comptes sur les réseaux sociaux Tumblr et Twitter où elles appellent les internautes à partager des récits expliquant pourquoi « les vies noires comptent ». Les initiatrices du mouvement commencent alors à employer le slogan dans des manifestations, et c’est ainsi que ce dernier a commencé à se répandre. Avec le décès en août 2014 d’Éric Garner, tué dans les mêmes conditions que George Floyd, puis Michael Brown, abattu par la police alors qu’il était non armé, ces trois militantes rejoignent les manifestations à Ferguson, où a été tué Michael Brown, au nom de leur campagne Black Lives Matter. Le slogan commençant à se diffuser sur place, la très forte médiatisation des manifestations et des émeutes de Ferguson lance un mouvement et donne un retentissement au slogan à travers les États-Unis. Il sera ensuite repris dans les revendications liées à de nombreuses affaires où des Noirs sont morts lors de leur arrestation par la police.

Black Lives Matter obtient une grande visibilité lors des manifestations aux États-Unis et dans le monde à la suite de la mort de George Floyd qui appellent à réformer la police et à lutter contre les inégalités raciales. Cependant, ce n’est pas tant le mouvement qui est retenu que le slogan qui restera à n’en pas douter comme le cri de rage d’une Amérique noire meurtrie par les discriminations dont elle est constamment victime. Si le défaut principal de ce mouvement est son manque d’organisation et l’absence de structure centrale, ses fondatrices mettant l’accent sur les structures locales, le mouvement n’en reste pas moins le vecteur de la mobilisation massive que les États-Unis ont connu cet été. On estime qu’entre 15 et 26 millions d’Américains auraient participé à ces manifestations à travers tout le pays, faisant de Black Lives Matter le mouvement le plus important de l’histoire des États-Unis. Même celui pour les droits civiques des années 1960 n’a pas trouvé un si large écho dans la population américaine. « Si l’on additionne toutes les manifestations qui ont eu lieu pendant cette période, on parle de centaines de milliers de personnes, mais pas de millions », souligne Deva Woodly, professeure associée de politique à la New School. Bien que toutes les manifestations qui ont essaimé au cours des derniers mois pour protester contre le racisme institutionnel aux États-Unis n’aient pas nécessairement été organisées par Black Lives Matter, le mouvement a fourni un cadre, du matériel et des conseils pour les nouveaux militants, notamment par le biais des réseaux sociaux, ce qui a permis d’atteindre plus vite et plus efficacement un large public. Comme quoi, l’absence de figure n’est pas nécessairement un frein au développement et à la médiatisation d’un mouvement. On aurait pu penser que Barack Obama soit porteur de cet espoir durant sa présidence mais force est de constater que les choses n’ont pas vraiment changé depuis 2008. S’il reste une voix forte pour porter le message des Afro-Américains, les activistes des droits civiques ont bien compris que l’élection d’élus noirs et la voie politique ne sont plus depuis longtemps la solution.

Moyennant quoi, il est frappant de voir que les populations blanches ont massivement participé à ces mobilisations, ce qui était loin d’être le cas dans les années 1960. Au total, plus de 4 700 manifestations ont été recensées dans plus de 2 500 villes. Kenneth Andrews, professeur de sociologie à l’Université de Caroline du Nord, à Chapel Hill explique : « L’étendue géographique de la protestation est une caractéristique vraiment importante, et contribue à signaler la profondeur et l’étendue du soutien d’un mouvement ». Il faut dire que la présidence Trump a suscité plus de protestations que toute autre depuis la Guerre froide. Entre la gestion désastreuse du Covid-19 et les controverses successives sur les discriminations raciales, l’immigration, le dérèglement climatique et les armes à feu, le contexte était propice à la manifestation. Et les lignes commencent à bouger. Les événements de cet été ont amené à une réflexion poussée sur la nature des institutions policières, et les modèles alternatifs que l’on pourrait imaginer. À Minneapolis, le conseil municipal s’est engagé à démanteler son service de police, quand à New York, une loi qui maintenait secrets les dossiers disciplinaires de la police a été abrogée. Plusieurs villes ont interdit aux forces de police la technique d’étranglement dans le cadre d’une interpellation – sans nécessairement la remplacer, comme en France, par le pistolet à impulsion électrique. Les choses bougent aussi dans la société avec un changement des mentalités, en témoignent les très nombreux clichés pris de ces mobilisations qui montrent autant l’engouement pour la situation afro-américaine que la diversité des manifestants. Près de 95% des comtés où ont eu lieu les rassemblements cette année étaient majoritairement blancs, et près des trois quarts d’entre eux étaient blancs à plus de 75%. Cela montre que l’opinion publique a considérablement changé à l’égard du mouvement et pris – enfin – conscience du fléau des discriminations auxquelles sont confrontés les Noirs en Amérique. Ce qui laisse place à l’espoir. La moitié des personnes mobilisées a déclaré que c’était la première fois qu’elle s’engageait dans une forme d’activisme ou participait à une manifestation, et la tranche d’âge la plus représentée est celle des moins de 35 ans. 

Joe Biden, qui entrera en fonction le 20 janvier prochain, a d’ores-et-déjà annoncé que son administration et son cabinet seront les plus diversifiés de l’histoire. Il faudra plus que ça pour parvenir à mettre fin à ce racisme systémique mais l’arrivée du démocrate à la Maison-Blanche et d’une nouvelle génération plus ouverte aux des défis de demain ont de quoi nous laisser optimiste. Barack Obama est d’ailleurs allé dans ce sens lors d’une visioconférence en juin dernier : « Il y a un changement de mentalité qui est en cours, une plus grande conscience du fait que nous pouvons faire mieux […] Il est très important pour nous de nous saisir de ce moment qui vient d’être créé en tant que société, que pays, et d’utiliser cela pour avoir enfin un impact ». Une bataille pour l’âme de l’Amérique est donc en marche. Pour citer James Baldwin, « il ne tient qu’au peuple américain de décider ou non de regarder en face et d’embrasser cet étranger qu’ils ont si longtemps calomnié ». Et d’ajouter : « L’avenir de ce pays repose sur [sa] volonté d’y réfléchir ». En 2020, la tâche semble donc immense puisqu’il s’agit de changer 400 ans de discrimination raciale. Mais les foules qui se sont déversées dans les rues du pays et les premières avancées semblent rendre raisonnable l’espoir d’un réel tournant.

Un manifestant sur les marches du Lincoln Memorial en juin 2020.

Théo Quiers

Bibliographie

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 « La mort d’un homme noir, tué par un policier alors qu’il n’était pas armé, provoque l’indignation ». Le Monde avec AFP. 25 décembre 2020.  https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/25/etats-unis-la-mort-d-un-homme-noir-tue-par-un-policier-alors-qu-il-n-etait-pas-arme-provoque-l-indignation_6064462_3210.html

 « Mort de George Floyd : après l’autopsie indépendante, le légiste des autorités revoit ses conclusions ». Le Parisien. 1er juin 2020. https://www.leparisien.fr/international/george-floyd-est-mort-asphyxie-conclut-une-autopsie-independante-01-06-2020-8328042.php

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 « Vive indignation après le revirement de Donald Trump sur Charlottesville ». Le Monde avec l’AFP. 15 août 2017. https://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/08/15/charlottesville-trump-fait-marche-arriere-et-reaffirme-que-les-torts-sont-partages_5172716_4853715.html

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