Le Cachemire, au cœur de l’opposition entre l’Inde et le Pakistan

Le Cachemire, au cœur de l’opposition entre l’Inde et le Pakistan

Le Cachemire, région montagneuse du sous continent indien, est revendiqué par le Pakistan depuis l’indépendance de l’Inde en 1947 et la première guerre indo-pakistanaise qui s’en est suivie. L’indépendance de la « plus grande démocratie du monde », dont la majorité de la population est hindoue, a en effet conduit à sa séparation avec le Pakistan, à majorité musulmane. Dès la rupture consommée, les deux frères ennemis se sont disputé le contrôle du Cachemire tandis que le mouvement indépendantiste du Jammu et Cachemire, partie indienne de la région, n’a jamais cessé de prôner une autonomie totale de la région. Après plusieurs guerres, les revendications territoriales du Cachemire ont pris une autre tournure lors de l’entrée de l’Inde et du Pakistan dans le club des puissances nucléaires, respectivement en 1974 et 1998. Dès lors, les démonstrations des capacités nucléaires de chacun suffisaient à empêcher une guerre réelle. Cependant, celles-ci n’ont pas suffi à empêcher de sérieuses crises à l’instar du conflit de Kargil en 1999, l’opération Parakram à la suite d’une attaque du Parlement indien en décembre 2001 et les attentats de Bombay par des islamistes pakistanais en 2008.

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Vue sur la vallée depuis Srinagar, capitale du Cachemire indien ©Chetan Karkhanis

La Chine, qui contrôle elle-aussi une partie du Cachemire, est devenu un nouvel acteur de ce conflit fratricide. Pékin a choisi de se rapprocher du Pakistan afin de contenir la puissance indienne et d’assurer sa propre hégémonie économique en Asie. Le gouvernement chinois participe donc activement au développement industriel et militaire du Pakistan, et plus particulièrement depuis 2006 avec le projet d’un “corridor énergétique” (1) qui passerait par le Cachemire pakistanais. Cet investissement dans les infrastructures du pays vise à relier la ville chinoise de Kashgar au port pakistanais de Gwadar, dans l’idée d’instaurer de nouvelles Routes de la Soie très profitables à la Chine. L’Inde n’est donc pas prête à abandonner le contrôle d’un territoire aussi précieux pour son adversaire économique le plus puissant de la région.

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Source : The Guardian 

Huit ans après, des tensions bilatérales ravivées

L’été 2016 a été le signe d’une reprise virulente du conflit entre l’Inde et le Pakistan. Le 8 juillet, la police fédérale indienne a abattu le jeune séparatiste populaire Burhan Wani, commandant des rebelles du Hizb Al-Moudjahidin, une organisation née en 1989 qui réclame l’indépendance du Cachemire et considérée comme terroriste par l’Inde. Cet événement a déclenché la colère des Cachemiris et des manifestations monstres dans la vallée de Srinagar, durement réprimées. Le 16 juillet, le gouvernement Modi passe à un degré supérieur en coupant internet et en bloquant la presse. Cette censure n’a eu comme effet que de provoquer des émeutes encore plus importantes, on compte alors 70 morts parmi les civils. Le 18 septembre dernier, des islamistes provenant de la partie pakistanaise du Cachemire pénètrent dans la base militaire d’Uri, à l’ouest du Cachemire indien, faisant 18 morts parmi les militaires. La répression sanglante du gouvernement indien s’intensifie et fait plus de 90 morts et 15 000 blessés chez les civils tandis que le ministre de l’Intérieur indien qualifie le Pakistan d’« Etat terroriste» (2), accusant l’armée pakistanaise d’être de mèche avec les terroristes islamistes.

Répression au Cachemire

Les sanctions du gouvernement Modi sur la région n’ont fait qu’attiser les revendications des Cachemiris et aiguiser leur volonté d’échapper au joug de ce qu’ils considèrent comme une occupation militaire par un pays étranger (3). Selon Jean Drèze, économiste indo-belge, presque toutes les familles au Cachemire ont fait l’expérience de la brutalité des forces de sécurité – perquisition, interrogatoire, emprisonnement, bastonnade et même torture. La population réclame plus d’autonomie ainsi que l’organisation d’un référendum sur son indépendance, promis par le gouvernement indien il y a près de 70 ans. Un habitant de Srinagar, capitale du Cachemire indien, témoigne de sa colère: « Les forces indiennes violent nos femmes et tuent nos frères. Nous devons nous défendre. Alors si j’ai l’occasion, j’irai au Pakistan pour rentrer dans la rébellion » (4). Si la plupart des Cachemiris souhaitent davantage de liberté, celle-ci peut avoir différentes significations selon les personnes concernées : « l’indépendance, l’intégration au Pakistan, l’autonomie, l’autodétermination. La revendication principale est que le Cachemire soit géré par les Cachemiris, sans interférence de la part de l’Inde » (Jean Drèze). New Delhi ne semble pourtant pas prête à engager des négociations avec les représentants des séparatistes, davantage préoccupée par la menace pakistanaise.

L’Inde face à sa responsabilité de « Grande Puissance »

Dans la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 septembre, l’Inde a mené des « frappes chirurgicales » qui ont fait « un nombre significatif de victimes dans les rangs des terroristes et de ceux qui essaient de les soutenir » selon le lieutenant général indien Ranbir Singh (5). Islamabad a dénoncé ces frappes en les qualifiant de « tirs transfrontaliers » s’apparentant à une « agression évidente et non provoquée des forces indiennes » (5). Depuis, les tirs transfrontaliers sont fréquents et les deux armées font régulièrement des morts et des blessés, dont de nombreux civils. Le ministre de la défense pakistanais, Khawaja Asif, a menacé de répondre à cette agression en utilisant l’arme nucléaire. Narendra Modi préfère cependant s’abstenir de risquer une guerre indo-pakistanaise en laissant libre cours à l’escalade militaire. Il préfère discréditer l’establishment pakistanais en s’adressant directement à la population « Peuple du Pakistan, demandez à vos dirigeants : nos deux pays ont connu la liberté ensemble, alors pourquoi l’Inde exporte des logiciels alors que votre pays exporte le terrorisme ? » (6).  New Delhi a cependant expliqué se garder la possibilité de réviser les accords commerciaux avec son voisin, notamment le traité du partage des eaux de la vallée de l’Indus. Ce traité, signé en 1960, a permis de garder pacifique la coopération des deux pays vis à vis du fleuve Indus qui irrigue 65% du Pakistan (7). Le traité n’a jamais été modifié mais l’Inde pourrait assécher le Pakistan en détournant les eaux du fleuve.

Si New Delhi souhaite réaffirmer son autorité envers le Pakistan et asseoir sa domination sur le Cachemire, elle ne peut se permettre d’écorcher son statut de puissance responsable à l’heure où elle convoite une place prépondérante dans la diplomatie politique et économique internationale. Plus aucune nation n’ose aujourd’hui s’ingérer dans la résolution de la crise du Cachemire, conformément au souhait de l’Inde. Au lendemain des attaques d’Uri, les messages de condamnation sont arrivés du monde entier. Mais aucun pays ne s’est ému des cas de torture et des violations des droits de l’homme au Cachemire indien, malgré les accusations répétées d’Islamabad (6).

Garance Muñoz

Sources :

(1) http://www.portail-ie.fr/article/1348/Chine-et-Pakistan-meilleurs-amis-de-circonstance

(2) http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/cachemire-linde-et-le-pakistan-couteaux-tires

(3) http://www.francetvinfo.fr/monde/inde/la-repression-au-cachemire-indien-a-fait-plus-de-90-morts-depuis-l-ete_1883395.html)

(4) http://www.lalibre.be/actu/international/au-cachemire-soutenir-les-revendications-d-independance-pourrait-facilement-conduire-a-des-poursuites-pour-sedition-582c2f89cd70735194a28107

(5) http://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/30/l-inde-frappe-le-pakistan-au-risque-de-l-escalade_5005922_3216.html?xtmc=cachemire&xtcr=7

(6) http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/29/la-nouvelle-tactique-de-l-inde-face-au-pakistan_5005628_3232.html#POYVGPqJie7Zkd4L.99

(7) http://www.courrierinternational.com/article/inde-et-si-delhi-arretait-les-eaux-de-lindus-pour-assecher-le-pakistan

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