A la rencontre de nos nouveaux voisins (1) : la nouvelle revue de presse de Classe Internationale consacrée à la Croatie
Alors que la Croatie s’apprête à devenir le 28ème État membre de l’UE le 1er juillet prochain, Classe Internationale vous propose un nouveau rendez-vous entièrement consacré à ce pays balkanique. Chaque mois jusqu’à l’effectivité de son adhésion, Thomas Sila vous livrera l’essentiel de l’actualité croate afin de vous faire découvrir ce qu’il se passe chez cette nouvelle recrue.
Les semaines qui viennent de s’écouler ont bien évidemment été marquées par la future entrée du pays au sein de l’UE : avis favorable de la Commission des Affaires étrangères de l’UE, mais aussi mobilisation citoyenne en faveur de la tenue d’un référendum populaire sur cette adhésion, le tout sur fond de privatisations poussées par la Commission européenne. Un moment particulièrement mal choisi (ou pas) par le New York Times qui révèle l’acheminement d’armes croates aux rebelles syriens. Retour sur les événements.
« La Croatie est sur les rails pour adhérer à l’Union européenne le 1er juillet » pouvait-on lire dans le communiqué de presse relatif à la réunion de la Commission des Affaires étrangères de l’UE du 19 février. À l’occasion, les efforts de démocratisation politique et de libéralisation économique ont été salués. Les députés européens ont d’ailleurs demandé à la Croatie de montrer la marche à suivre à ses voisins balkaniques, afin de faciliter leur future intégration dans l’UE.
L’intégration croate dans l’UE est l’une des motivations du mouvement citoyen « Soulèvement par référendum ». Depuis le 13 février, celui-ci s’est lancé à la chasse aux signatures dans près de cinquante villes du pays, afin de pouvoir proposer la tenue d’un référendum d’initiative populaire sur trois thèmes, en plus de l’adhésion européenne : l’interdiction des OGM, l’annulation des privatisations déjà effectuées et l’interdiction de vendre les ressources et les propriétés de la République. À Zagreb, la municipalité tente de freiner l’initiative en faisant payer près de 20 000 kuna (2 640 euros) pour la concession de stands, comme le précise le site croate Tportal. « Ils violent notre droit constitutionnel à la démocratie directe » crie l’un des bénévoles du mouvement, Dubravko Krčmarek. Alors même que l’UE venait de féliciter la Croatie pour ses avancées démocratiques…
Tandis que « Soulèvement par référendum » demande la fin des privatisations, l’entreprise DIV vient d’acquérir les chantiers navals de Split, détenus par l’entreprise d’État Brodosplit, pour la somme de 3,7 millions de kuna (environ 500 000 euros). Interrogé par le portail d’information croate Index sur le licenciement annoncé de 1 600 employés sur les 3 300 actuellement en poste, le ministre de l’Économie, Ivan Vrdoljak, s’est montré rassurant : « Je pense vraiment que c’est une décision historique. La construction navale croate va pouvoir revivre », ajoutant que « cette négociation (est) une réussite, d’autant qu’il n’y avait pas d’autre solution ». Une privatisation bien entendu approuvée par la Commission européenne, qui n’a eu de cesse d’en exiger la mise en œuvre.
Quelques semaines avant la conclusion du contrat avec DIV, le gouvernement croate soumettait l’idée d’adopter une loi sur les « projets d’investissements d’intérêts stratégiques ». L’objectif, selon Le Courrier des Balkans : faciliter les procédures d’examen de ces projets. La réaction de la société civile ne s’est pas faite attendre, au regard du risque que fait peser un tel projet, à savoir l’accélération du bradage des ressources publiques du pays, sans résultats réels sur l’économie.
Il ne reste plus au pays qu’à liquider ses vieux stocks d’armes, comme le rappelait Classe Internationale il y a quelques semaines. Un blogueur américain, ainsi que le New York Times, ont récemment révélé que la Croatie livrait de l’armement aux rebelles syriens via l’Arabie-Saoudite, contournant ainsi l’embargo de l’UE sur les armes à destination de la Syrie. Pas si bon élève que cela…
C’est d’ailleurs une personnalité peu fréquentable qui a été libérée par le TPIY (Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie) lundi 18 février : Mladen Naletilić, surnommé Tuta. Condamné en mai 2003 à vingt ans de prison pour crime contre l’humanité à l’encontre de la population musulmane de Bosnie-Herzégovine, il a depuis été transféré en Croatie comme le rapporte Le Courrier des Balkans. Chef du sanguinaire « Bataillon disciplinaire » (Kaznjenicka Bojna) ainsi que de la mafia de Mostar, c’est en ces titres qu’il obtint ses entrées privilégiées à Zagreb sous le régime du premier président de la République croate, Franjo Tudjman. Arrêté en 1997 en Croatie, cette dernière avait mis trois ans avant de le remettre au TPIY. Des entraves au travail du TPIY qui ont longtemps freiné les négociations d’adhésion de la Croatie à l’UE.
Pendant que l’UE fait face au scandale de la viande de cheval, la « guerre du lait » est sur le point d’être déclarée dans les Balkans, comme le souligne le quotidien suisse Le Temps. Mi-février, la Croatie a créé la panique en annonçant la contamination de ses produits laitiers à l’aflatoxine, une substance cancérigène produite sous l’effet de la chaleur. Il faut dire que l’été dernier a été particulièrement chaud dans cette région européenne. Exportatrice de lait, notamment en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro, la Croatie n’est pas la seule touchée puisque la production bosniaque l’est également. La Serbie est elle aussi concernée, alors que le pays demeure le plus important exportateur de lait de la région. Le Kosovo, l’Albanie et la Macédoine ont retiré du marché les marques de lait importé, tandis que partout, les clients désertent les rayons laitiers des supermarchés. Les ventes se sont d’ailleurs effondrées de près de 50% depuis le début de l’affaire. La décision prise par la Bosnie-Herzégovine de suspendre ses importations croates de lait ont amené certaines voix en Croatie à déclarer que la Bosnie-Herzégovine voulait « déclarer une guerre du lait ». Ce dont la région a tout à fait besoin en ce moment…
C’est une belle revanche sur la période communiste que prend l’Église catholique en s’immisçant de plus en plus dans le débat public croate. Cette fois-ci, elle s’indigne contre l’introduction des cours d’éducation sexuelle dans les écoles croates, sur lesquels revient DirectMatin. « La paix de notre patrie est en jeu ! » a récemment lancé l’archevêque de Zagreb, Josip Bozanic, au regard des thèmes abordés par le programme : contraception, masturbation, MST, homosexualité et égalité des sexes. De tous ces thèmes, c’est encore une fois l’homosexualité qui offusque le plus, notamment les associations conservatrices de parents. Ces dernières distribuent un peu partout des tracts sur lesquels on peut lire, par exemple : « Cela ne vous gêne-t-il pas que vos enfants apprennent qu’une relation homosexuelle est aussi naturelle qu’une relation entre un homme et une femme ? ». 33% des Croates estiment que ce programme n’est pas acceptable pour les catholiques quand 56% pensent que l’éducation sexuelle est nécessaire et que l’Église ne devrait pas s’en mêler. Un avis que partage le ministre de l’Éducation, Zeliko Jovanovic, qui juge le comportement des autorités religieuses « inacceptable, malveillant et diffamatoire ».
Et pour finir sur une note positive et résolument optimiste, signalons le doux baiser que se sont échangé Uroša Ranđelovića et Antonija Kolobarić, deux adolescents enroulés dans les drapeaux serbe et croate le 12 mars dernier, selon le quotidien serbe Blic, photo à l’appui. Preuve que les jeunes générations sont animées par l’envie de tirer un trait sur le passé et d’envisager l’avenir ensemble.
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