Officiellement reconnue depuis 1977 par l’ONU, la Journée Internationale de la Femme questionne. Sur la forme, tout d’abord. Parle-t-on de Journée internationale de la femme comme ONU Femmes, de Journée des femmes comme le gouvernement français, de Journée de lutte pour les droits des femmes comme les associations militantes ? Certainement pas de Journée de la femme, trop réducteur selon le site « 8 mars info ». L’expression Journée Internationale des Droits de la Femme revient régulièrement cette année.
Que faire lors de cette journée du 8 mars ? Selon l’adage « Un jour pour les femmes, 364 pour les hommes ». Pour certains Etats comme le Vietnam, le 8 mars est l’occasion de remettre des prix aux femmes scientifiques, d’organiser des débats publics sur la prévention du harcèlement sexuel ou encore d’inaugurer une exposition sur les droits des femmes. Quel serait cependant l’impact de ces événements hors d’Hanoi ? Moindre, sans doute.
Le 8 mars a indiscutablement une dimension sociétale symbolique, qui peut poser problème si celle-ci se contente de réduire l’égalité des opportunités à un changement de mentalités. Cependant, cette journée a et doit avoir une place également importante sur la scène internationale, avec des effets que les gouvernements voudraient tangibles au sein de leur Etat.
Selon l’ONU « La Journée internationale de la femme est l’occasion de dresser le bilan des progrès réalisés, d’appeler à des changements et de célébrer les actes de courage et de détermination accomplis par les femmes ordinaires qui ont joué un rôle extraordinaire dans l’histoire de leur pays et de leur communauté.
Or, le bilan n’est pas à la hauteur des espérances des féministes. Le thème du 8 mars 2016 est Planète 50-50 d’ici 2030 : Franchissons le pas pour l’égalité des sexes. Au même titre que les Objectifs du Millénaire pour le Développement, la Journée internationale de la femme est l’occasion de fixer des objectifs à long terme pour les progrès de la condition féminine.
Pour le gouvernement malien, cette journée intervient dans la continuité d’un programme lancé depuis 2010, dont le but est d’intégrer l’avancée de l’éducation des filles et de permettre aux femmes d’être une force active dans l’économie non-précaire, deux projets intégrés dans les Objectifs de développement durable par le chef de l’Etat malien.
Quel est l’impact du 8 mars à l’échelle européenne ? Et au niveau de l’Hexagone ?
Plutôt que de s’en tenir au thème international, le Parlement européen a décidé cette année de mêler actualité internationale et droits des femmes. En effet, les femmes réfugiées et demandeuses d’asile seront à l’honneur. Des députés européens, nationaux, ainsi que des représentants de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes et de la Commission européenne se retrouveront pour discuter des violences commises à l’encontre de ces femmes et pour penser des solutions à leur difficulté de s’intégrer.
En France, le Président Hollande a récemment accordé au magazine Elle une interview « féministe », résumée dans Le Monde. Alors que les métros sont depuis quelques semaines ornés d’affiches encourageant les victimes de harcèlement sexuel à dénoncer leur agresseur sur le moment, elle rappelle au Président que le Sénat a bien failli supprimer l’amendement à l’article 14 de la loi relative à la sûreté dans les transports publics. Celui-ci a finalement été rétabli sous la pression notamment de la députée socialiste Marie Le Vern.
Le Président se livre également sur des sujets du quotidien tels que la répartition des tâches au sein d’un couple, mais également sur l’importance de la présence de femmes dans des postes à responsabilité au sein du gouvernement. La parité mise en place lors de la formation du gouvernement n’est cependant plus d’actualité et le départ de la Garde des Sceaux Christiane Taubira a également entraîné l’absence de femmes dans une fonction régalienne (justice, police, ordre public et sécurité, diplomatie et affaires étrangères, défense, monnaie et finances). L’intégration des droits des femmes au Ministère des familles et de l’enfance a également relancé la polémique sur la vision réductrice de l’Etat qui présente la femme comme non détachable de son rôle de mère.
Le 8 mars se limite-t-il à un écran de fumée, ou peut-il avoir une véritable incidence sur l’agenda international ?
Le problème principal peut être résumé ainsi : tant que la condition féminine sera considérée comme un problème à part, détachable des réalités économiques, sociales et politiques de l’Etat, aucune avancée n’aura de valeur. Les femmes constituent une part sous-estimée du dynamisme économique de tout Etat. Ces derniers doivent ainsi voir un intérêt autre que purement sociétal au développement d’une éducation de qualité pour les filles, ainsi qu’à la multiplication des opportunités pour celles-ci d’exercer dans des postes à responsabilités.
Dans un contexte économique difficile -y compris pour les grandes puissances- la participation croissante des femmes dans les domaines économique et politique est une priorité. La Journée internationale de la femme doit être un tremplin et une tribune pour rendre publics les objectifs à atteindre pour faire avancer la parité. Elle ne peut pas et ne doit pas se réduire à un symbole de réjouissance pour des progrès bien insuffisants. Le hashtag #8marstoutelannee insiste donc sur l’importance de ne pas s’arrêter à une date unique pour promouvoir une lutte qui doit être quotidienne.
Apolline Ledain
Merci pour votre question ! Parce que la Journée des femmes ne se contente pas d’un bouquet de fleurs, j’ai réalisé une installation dans un centre d’art sur le violences faites aux femmes. Intitulée « Loi n°2010-769 », elle rend tristement hommage aux 130 femmes décédées en 2018 et 141 en 2019 en France et à toutes les autres décédées dans le monde, victimes de leur partenaire ou ex-partenaire. A découvrir : https://1011-art.blogspot.com/p/loi-n2010-769_2.html
Et aussi « This is not consent » sur la culture du viol : https://1011-art.blogspot.com/p/thisisnotconsent.html
Ayant reçu de nombreux lycéens pour leur présenter ces travaux, la Journée de la Femme n’a pas été vaine …