Le Mozambique, deuxième espace lusophone le plus peuplé, est un pays d’Afrique australe qui s’ouvre sur l’océan Indien grâce à sa façade maritime de 3000 kilomètres. Poids lourd de l’Afrique australe avec 25 millions d’habitants, ce pays est pourtant marqué par des dynamiques de sous-peuplement. Le Mozambique, une ancienne colonie portugaise, conquiert son indépendance en 1975 avec la victoire du Frelimo (parti d’obédience marxiste-léniniste) qui conduit à la chute de la dictature salazariste au Portugal. Frelimo, une fois au pouvoir, engage le pays sur une voie socialiste. Dans le contexte de Guerre froide, les pays voisins comme la Rhodésie et l’Afrique du Sud lancent une guerre de déstabilisation en finançant l’opposition, la Renamo. Cette guerre qui se poursuit jusqu’en 1992 ruine le Mozambique et cause plus de 900 000 morts, 5 millions de civils déplacés. A la sortie de la guerre civile, le Mozambique connaît un véritable succès économique baptisé « miracle mozambicain ».
Vue sur Maputo, capitale du Mozambique
Crédit/Source : http://www.mozambique.co.za/Mozambique_Travel_Articles-travel/mozambique-maputo1.html
Qu’entend-on par paradis africain ?
Le Mozambique dispose d’un grand potentiel touristique avec ses longues plages de sable fin, ses parcs naturels (1). Mais c’est son succès économique qui fait penser à un « paradis africain » pour les investisseurs étrangers. Présenté par le FMI comme un modèle de développement, le “miracle mozambicain” inclue-t-il toute la population ?
La fin de la guerre civile a entraîné une ouverture soudaine du pays et l’adaptation de son économie au libéralisme. L’arrivée d’experts et de diplomates accompagne l’afflux massif de l’aide internationale (15 milliards de dollars depuis 1992) et d’investissements directs étrangers (IDE) qui explosent de 700 millions de dollars en 2009 à 5,2 milliards en 2014.
Le modèle de développement mozambicain repose sur le secteur privé via de grands investissements. Ils permettent de rattraper un certain retard économique en finançant de grands projets. Symbole de cette nouvelle politique économique, l’usine Mozal, quatrième fabrique d’aluminium du monde, a été inaugurée près de Maputo en 2000. Elle génère 7 % du PIB, la moitié de la production industrielle.
Le Mozambique dispose de nombreux atouts, en premier lieu ses nombreuses ressources : d’abondantes ressources hydriques, des ressources minières et halieutiques, du bois, du charbon, des sables lourds, du tantale (2), des diamants, des hydrocarbures ainsi que d’importantes ressources gazières notamment off shore (3). Elle a, de même, un fort potentiel hydraulique et hydroélectrique. Le lac de barrage de Cahora Bassa, dans la province de Tete, en est un exemple. Il permet d’alimenter en énergie la région.
Les ports mozambicains assurent quant à eux une bonne connexion aux grandes routes commerciales maritimes, ce qui est indéniablement un véritable atout. Le port de Beira, capitale de la province de Sofala, est la principale ressource économique de la région. Toutefois, il convient de souligner que ce dynamisme portuaire est tributaire des tactiques des grands armateurs qui développent les escales d’Afrique du Sud ou des Mascareignes (4) au rang de hubs sous-régionaux, au détriment des ports de la façade orientale de l’Afrique, donc mozambicains. Néanmoins, le dynamisme de l’économie sud-africaine et les perspectives commerciales avec l’Asie comme l’importation de produits manufacturés et l’exportation de ressources naturelles mozambicaines comme le bois, permettent aux ports mozambicains d’être intégrés dans des corridors modernes, et incitent les investisseurs à des créations portuaires ex nihilo comme Porto Dobela, à l’extrême sud du pays, près de la frontière sud-africaine.
Mais ce succès économique ne profite-il pas davantage aux pays étrangers ?
En effet, le pays attire les investissements en provenance des pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil qui ont besoin de matières premières pour assurer leur croissance. Ainsi, 40 entreprises chinoises sont actives au Mozambique et emploient plus de 11 000 personnes. En 2010, l’Inde était le 7eme client du Mozambique. De nombreux expatriés chinois sont venus y tenter leur chance auxquels s’ajoutent de plus en plus des Indiens, des Brésiliens ainsi que des Portugais. Ces émigrés sont souvent des travailleurs qualifiées qui sont une véritable plus-value pour le développement du pays.
Cependant, la croissance se concentre sur des secteurs où la création d’emplois est faible. Ce modèle de développement atteint en quelque sorte ses limites car il est davantage fondé sur une économie d’exportation (minerais, hydrocarbures).
De plus, la situation sociale au Mozambique est compliquée. Une ville comme Maputo présente un fort taux de criminalité. Elle recense 27% de la distribution nationale en terme d’homicide en 2004. Cette violence est perpétrée par des bandes ( dites « quadrilhas ») composées de 3 à 5 personnes qui se sont spécialisées dans les vols de voitures et le trafic de drogues. Le Mozambique serait devenu la seconde place africaine la plus active en matiè
re de trafic de narcotiques (haschish, héroïne, cocaïne, marijuana, mandrax) derrière la Guinée-Bissau. L’aéroport de Maputo serait la plaque tournante du trafic de cocaïne en provenance d’Amérique latine. En réaction à cette criminalité, on observe l’essor de gated communities et des compagnies de sécurité privé – comme dans de nombreuses grandes villes de pays en développement.
Le contexte socio-économique de cette insécurité est celui de l’accroissement des inégalités de richesses, dans une société en profonde recomposition. En effet, la croissance du PIB se fait sans développement. La population demeure l’une des plus pauvres du monde comme l’atteste les émeutes de la faim en 2010. Ces émeutes sont également liées à une forte vulnérabilité à la hausse des cours des matières agricoles qui ont durement touché les franges des paysans les plus pauvres. En effet, l’ouverture des frontières à des produits alimentaires bon marché n’a pas pu s’accompagner d’une vraie politique de développement de l’agriculture vivrière. Ainsi les inégalités progressent (les 20% des ruraux les plus riches concentraient 69% de la richesse en 2002 et 71% en 2008) et sont marquées par une corruption endémique. Par exemple, les proches de l’ancien président Armando Guebusa sont présents dans tous les secteurs. On parle de « Guebusiness ». A cause de la forte corruption, les pays scandinaves ont réduit leur aide.
La gestion de la pandémie du sida est également un véritable défi. 13 % de la population était séropositive au milieu des années 2000. Dès lors, cela entraîne une perte des forces vives de la nation et la gestion des orphelins est un profond problème en termes de développement. Au-delà de ces problèmes d’ordre interne, le Mozambique apparaît surtout comme une périphérie sud-africaine. Maputo est le premier partenaire commercial de l’Afrique du Sud en Afrique australe. Cette dernière y est premier investisseur étranger, devant le Portugal, son ancienne puissance coloniale.
L’émigration vers l’Afrique du sud est très importante avec des envois d’argent qui sont une ressource indispensable à la survie des sociétés rurales. Mais on tombe dans le cercle vicieux de la dépendance car l’émigration prive le pays de sa population active, entravant le développement des activités productives et générant ainsi de la pauvreté. L’économie mozambicaine est arrimée à celle de l’Afrique du Sud et la plupart des projets hydroélectriques sont davantage à l’usage des Sud-Africains. Le Mozambique constitue ainsi une réserve de main-d’oeuvre et de ressources pour le géant Sud-Africain.
Ainsi, le Mozambique même s’il connait un certain succès économique, peut être, paradis pour des migrants européens venus profiter de la manne financière, ne constitue pas du tout un paradis pour sa propre population. En effet, ce miracle n’est pratiquement pas visible dans la campagne et les barrios.
Malgré de grandes avancées depuis la fin de la guerre civile, le pays doit encore faire face à une corruption importante qui freine le développement, à la gestion de la pandémie du sida, à de fortes inégalités, aux problèmes environnementaux (forêts et espaces côtiers soumis à de fortes pressions touristiques et industrielles), à des problèmes d’aménagement du territoire et d’intégration des populations locales en termes de formation, d’emplois et de politiques industrielles et écotouristiques. Sa population jeune et active continue à émigrer vers le géant sud africain en quête d’une vie meilleure ce qui constitue une perte pour le pays. Le Mozambique a un véritable besoin de redistribution des fruits de la croissance et d’une décentralisation politique.
Ramata N’diaye
(1) https://www.tresor.economie.gouv.fr/File/404305
(2) métal de transition rare, dur et de couleur gris-bleu. Il possède une très bonne résistance à la corrosion. On le trouve dans le minéral appelé tantalite et dans certains oxydes associés au niobium, par exemple le coltan. Le tantale est utilisé pour la fabrication d’instruments chirurgicaux et d’implants car il ne réagit pas avec les fluides corporels.
(4)Archipel de l’Océan Indien comprenant Madagascar, l’île Maurice et l’île de la Réunion
No Comment