Massensen Cherbi, « Algérie »

Massensen Cherbi, « Algérie »

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Chercheur diplômé et doctorant de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Massensen Cherbi est spécialiste des questions relatives à l’Afrique du Nord.

 

Plus grand pays d’Afrique et du Bassin méditerranéen, l’Algérie est également l’un des plus riches dans ces deux zones, mais souffre d’un régime opaque qui s’est imposé depuis 1962. Avant la révolution tunisienne, elle était le pays du Maghreb qui avait la plus forte liberté d’expression, le plus grand nombre de manifestations, le plus de locuteurs francophones, tandis qu’une partie de sa population forme toujours la première communauté étrangère en France. Sur la scène internationale, le pays est courtisé pour son rôle dans la lutte contre le terrorisme, ses fortes réserves de change et ses exploitations de pétrole et de gaz. Alors que ces nombreuses ressources culturelles, naturelles et économiques auraient dû permettre son ouverture, force est de constater que le caractère autoritaire du régime a bloqué toute perspective d’amélioration de la situation algérienne. D’autant plus que les rentes des hydrocarbures ont permis la mise en place d’une politique clientéliste fondée sur l’achat du silence de la population contre la distribution de logements, la hausse des salaires ou encore le maintien d’entreprises publiques déficitaires.

Ce clientélisme, allié à l’échec du “printemps algérien” et des revendications portées lors du sanglant automne 1988 expliquent la dépolitisation de la société algérienne et l’absence de réaction face à la reconduction pour un quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, pourtant incapable de s’exprimer en public depuis son AVC de 2013.

Territoire de 2 381 741 Km2, quatre fois supérieur à la France et dont 90% est occupé par du désert (mais disposant de nombreuses ressources telles que le gaz, le pétrole, ou des nappes phréatiques), l’Algérie est divisée en 48 wiliyas, échelon administratif équivalent à la région, avec à leur tête un wali, sorte de préfet nommé par le Président de la République. Chaque wiliya est également dotée d’une assemblée populaire représentant la population civile. Le territoire est ensuite divisé en 276 sous-préfectures, les daïras, et en 1541 communes, contre près de 37 000 en France.

Histoire et géographie

Après l’assassinat de Ptolémée en 40 sur ordre de Caligula, l’Algérie était passée sous le contrôle des Romains pendant quatres siècles. En 212, les populations locales se virent attribuer la citoyenneté romaine tandis que le Sénat romain comptait alors 15% de membres d’origine africaine. Le christianisme s’imposa dans la région entre la fin du IIème siècle et la première partie du IIIème siècle.  Néanmoins, au cours de cette période, une forme de schisme toucha les populations, les berbères n’ayant jamais été concernés par la romanisation. La distinction établie dans la région entre les berbères et les autres habitants est donc une constante dans l’histoire algérienne. Envahi par les Vandales en 429, l’est de l’Algérie basculera finalement sous contrôle byzantin au VIème siècle. Malgré la résistance berbère, la conquête musulmane de l’Orient qui commença au VIIème siècle a été très rapide au Maghreb. Mais à partir de la seconde partie du Xème siècle, le Maghreb a été essentiellement dominé par diverses dynasties berbères. Ces dernières ont ensuite été menacées par la reconquista espagnole qui se caractérisa par l’occupation de plusieurs villes du Maghreb par le Royaume d’Espagne entre le début du XVIème siècle et la fin du XVIIIème. Afin de se protéger, l’Etat d’Alger mis en place la « course barbaresque » : la ville fit appel à des corsaires, la course reposant sur le pillage des navires venus des pays en guerre avec l’Etat d’Alger, une partie des butins devant être remis aux autorités. L’Algérie connut également à partir de cette époque trois siècles de domination ottomane jusqu’en 1830.

Les relations entre l’Algérie et la France ont commencé à être conflictuelles en 1827 lorsque le dey Hussein (le dey étant le terme turc qualifiant l’homme à la tête de l’Etat d’Alger) demanda à la France d’honorer ses dettes découlant de l’importation de blé algérien. En quête de plus de légitimité, Charles X pris pour excuse le fait que le dey avait souffleté avec un éventail le consul de France pour ordonner une expédition à Alger. Alors que Charles X ne souhaitait pas conquérir la ville, la donne changea sous la Monarchie de Juillet. Une guerre débuta donc en 1839 jusqu’à ce que l’émir Abd el-Kader finisse par se rendre en 1847. La conquête française aurait conduit à la mort de 825 000 Algériens entre 1830 et 1875.

En 1848, l’administration coloniale divisa l’Algérie en trois départements : Alger, Constantine et Oran, le pays étant alors dirigé par un gouverneur représentant la métropole. Le terme « Musulman » renvoyait alors au statut juridique spécifique touchant les populations indigènes qui n’étaient pas juives.  Le solde migratoire dans la région devint positif à partir de 1856, mais les Européens arrivant étaient essentiellement étrangers (espagnols, italiens, maltais…). Les Juifs indigènes furent naturalisés par le décret Crémieux en 1870, avant que la naturalisation soit accordée en 1889 aux enfants d’européens nés en Algérie.

Au milieu du XXème siècle la population était composée d’environ neuf millions de “musulmans”  contre près d’un million d’européens. En 1947, les élections pour l’Assemblée algérienne ont entraîné la division du pays en deux collèges électoraux : un premier groupe composé des Français d’origine européenne et juive ainsi que de 11% des musulmans. Le second collège comprenait le reste des « Français musulmans ». Les deux groupes élisaient alors le même nombre de représentants malgré le déséquilibre de leur poids dans la population.

Une autre forme d’humiliation reposait sur la dépossession des meilleures terres au profit des Européens dès le XIXème siècle. De plus, en 1936 seulement 15% des jeunes Algériens étaient scolarisés, alors que la totalité des jeunes Européens présents dans le pays l’étaient. Le code de l’indigénat donna, jusqu’en 1927, la possibilité de sanctionner les populations algériennes en l’absence de jugement et des pénalités exorbitantes de droit commun pouvaient leur être appliquées. De plus, une permission de déplacement était pour eux obligatoire lorsqu’ils souhaitaient aller au-delà des frontières de leur douar.

Après que 25 000 Algériens soient morts pour la France pendant pendant la Première Guerre mondiale, le droit à l’autodétermination fût davantage demandé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais les manifestations sur ce thème ont été violemment réprimées, notamment à Sétif en 1945, ce qui provoqua des attaques importantes contre les populations européennes. En 1948, les élections de l’Assemblée algérienne furent truquées par le pouvoir colonial. La guerre d‘Algérie commença en 1954 suite à une série d’attaques du FLN (Front de Libération nationale). En réaction, les libertés fondamentales furent suspendues en 1956. Sous la pression internationale, les négociations entre de Gaulle et le FLN aboutirent aux accords d’Evian du 18 mars 1962 prévoyant une autodétermination et un cessez-le-feu, l’Organisation de l’armée secrète (OAS) entrant alors en dissidence. Le 1er juillet 1962, les Algériens ont choisi l’indépendance à 99,72%. La guerre aurait fait entre 300 000 et 400 000 morts du côté algérien. Suite à l’indépendance, le colonel H. Boumediene mit A. Ben Bella à la tête du pays qui se caractérisa alors par un système politique à parti unique : le FLN. Le multipartisme ne fut finalement reconnu dans la constitution qu’en 1989.

La population

Elle est composée aujourd’hui 39,5 millions d’habitants contre seulement 3 millions en 1830. Dans le même temps, la population française a seulement doublé. Le taux de fécondité atteignait 8,1 enfants par femme en 1975, contre 2,2 en 2001 et 3,02 en 2012. 47% de la population a désormais moins de 25 ans. L’âge moyen du mariage est de près de 30 ans aujourd’hui contre 18,4 ans en 1966.

La forte immigration en France débutée dès la fin de la Seconde Guerre mondiale a été renforcée dans les années 1990 avec la politique du regroupement familial. En 2008, selon l’INSEE, 710 000 immigrés algériens étaient présents en France (soit 13% des immigrés vivant sur le territoire français), et 65 000 personnes de plus de 18 ans avaient au moins un parent immigré algérien.

Les berbérophones représentent entre 20 et 25% de la population algérienne auxquels s’ajoutent les Touaregs (pluriel de Targui, populations berbères vivant dans divers États du Sahara et du Sahel). Les Kabyles (population berbère vivant à l’est d’Alger), réclament la reconnaissance du berbère au même titre que l’arabe. En 2005, afin de contrer ces revendications, Bouteflika a déclaré ne pas connaître de pays possédant plus d’une langue nationale.

L’article 2 de la Constitution de 1996 dispose que l’islam est la religion d’Etat. L’Etat peut donc financer la construction de mosquées et nommer les imams. Selon l’article 73, le chef de l’Etat doit être de confession musulmane. La Constitution institue également un Haut Conseil islamique chargé d’émettre des recommandations religieuses sur ce qui lui est soumis. En revanche le judaïsme a quasiment disparu du territoire.

Une société déstructurée

La société algérienne semble déstructurée, le pays étant inadapté à la forte croissance démographique qu’il a connu, tandis que les écarts de toutes natures entre les générations se multiplient. Tout d’abord, la population a été multipliée par 13 en moins de deux siècles sans que cela ne soit suivi de politiques adaptées pour la construction de logements et la création d’emplois.

Parallèlement, les personnes âgées se font rares en proportion des jeunes, ce qui pose problème en termes de transmissions des savoirs traditionnels, déstructurant ainsi en partie la société algérienne.

Dans un pays où l’acquisition du savoir se faisait traditionnellement par l’oralité, les passages successifs de l’arabe au berbère (ou inversement), puis au français sous la colonisation avant de revenir à l’arabe après l’indépendance ont pu rendre complexes les échanges entre les générations. La société algérienne est également divisée entre des parents et des grands-parents éduqués en français et amenés à penser “à l’occidentale” et des jeunes arabisés et de plus en plus influencés par le Moyen-Orient. Or, cet islam qui touche désormais les jeunes générations ne correspond pas à la tradition algérienne qui supposait tout d’abord une transmission directe par les anciens, et non via des médias pilotés de l’étranger. De plus, si les grand-mères d’aujourd’hui se voilent avant tout par tradition, les jeunes filles le font davantage pour suivre une forme de mode. Ces dernières, s’éloignant ainsi un peu plus des logiques de leurs aînées, cherchent avant tout à “réenchanter le monde”, leurs croyances étant désormais plus liées aux échecs de la société moderne.

Un autre exemple de l’influence de la colonisation dans la perte de comportements traditionnels réside dans la marginalisation des médianas (ou villes traditionnelles), toujours présentes au Maroc ou en Tunisie, mais en voie de disparition en Algérie. Si les villes de la région sont normalement caractérisées par des ruelles étroites, la colonisation française s’est en effet traduite dès 1830 par la construction de larges avenues, laissant ainsi passer les rayons du soleil, et donc mal adaptées au climat algérien. Si ce type d’erreur de la part des colons ne vient pas immédiatement à l’esprit, elle est pourtant l’une des manifestations les plus concrète de la perte de repères et de traditions que doit subir le peuple algérien.

Pouvoir et politique

L’article 1 de la Constitution fait de l’Algérie une République démocratique et populaire. La Constitution de 1976 avait quant à elle consacré le socialisme comme “option irréversible du peuple”, modèle qui s’avéra désastreux après 1986 et l’effondrement du prix du pétrole privant le pays des moyens de mener sa politique sociale.

Initialement, le président Bouteflika était un proche de Boumediene qui lui a confié en 1961 la mission de proposer une alliance aux chefs historiques du FLN. Successeur programmé du régime, ses concurrents à l’élection présidentielle de 1999 se retirèrent à la veille du scrutin pour dénoncer un truquage. Il fut élu officiellement avec 73,79% des voix mais a rapidement déçu, notamment lors de la répression sanglante des “printemps noirs” en 2001 et 2002. Suite à sa réélection en 2004 avec 84,99% des voix, le journal d’opposition Le Marin titra “une victoire à la Brejnev”. Le journal fut rapidement fermé. En 2008, Bouteflika a fait modifier la constitution pour mettre fin à la limite de deux mandats présidentiels. Il a alors été réélu avec 90,24% des voix, puis à nouveau en 2014 avec  81,49%. Une fois encore, un boycott avait dénoncé le manque de transparence. Régulièrement hospitalisé, et victime d’un AVC en 2013, il ne fait que de rares apparitions et est largement suppléé par son frère Saïd, conseiller à la présidence.

Il semble étonnant que le peuple algérien ne se révolte pas clairement contre son maintien au pouvoir. Pourtant, l’Algérie restait le pays de la zone disposant de la plus forte liberté d’expression avant la révolution tunisienne. A titre d’exemple, au cours de la seule année 2010, des dizaines de milliers d’émeutes, de manifestations et de grèves ont frappé le pays. Mais le gouvernement sait utiliser sa politique clientéliste afin de mater par avance toute tentative de soulèvement. De même, l’époque des “Printemps arabes”, l’augmentation des prix du sucre et de l’huile ont rapidement été pris en charge par l’Etat pour éviter le scénario tunisien. Il y a donc des révoltes sommaires, mais ces dernières ne se sont jamais transformées en révolutions.

Le modèle politique algérien est un régime présidentiel, fondé sur les forts pouvoirs du président, mais également parlementaire car le parlement peut renverser le gouvernement. Le président est élu au suffrage universel direct et nomme le premier ministre qui “met en oeuvre le programme du Président de la République”, selon l’article 79 du texte constitutionnel. Le pouvoir législatif est divisé entre deux organes, la chambre basse (l’assemblée populaire nationale) ayant plus de pouvoirs que la chambre haute (Conseil de la Nation). Seule la première dispose du pouvoir de voter une motion de censure ou de ne pas accorder la confiance au gouvernement. La chambre basse est élue pour 5 ans au suffrage universel direct tandis que les membres de la deuxième chambre sont pour deux tiers choisis par les membres des assemblées de waliyas pour 6 ans, les autres étant nommés par le président.

Le pluralisme est  consacré dès 1989, l’article 42 de la Constitution précisant que les partis politiques ne peuvent être fondés “sur une base religieuse, linguistique, raciale, de sexe, corporatiste ou régionale”. Pourtant, la division gauche/droite semble être remplacée par une opposition entre les partis laïcs et les partis islamistes, bien qu’il n’y ait pas de cloisonnement étanche.

Les relations internationales

Dès le congrès de Bandung en 1955, l’Algérie a su garder sa neutralité pendant la Guerre froide, à l’exception de la rupture de ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis entre 1967 et 1974 en raison de la guerre des Six Jours. Très rapidement, le pays a réussi à obtenir une place importante sur la scène internationale. Il a été à l’initiative de l’exclusion de l’Afrique du Sud de l’Organisation des Nations-Unies en 1974, il a eu une forte influence dans la résolution du conflit entre l’Iran et l’Irak en 1975 tandis que la proclamation de l’Etat de Palestine en 1988 a eu lieu à Alger, tout comme le congrès des non-alignés de 1973. Depuis 2001, l’Algérie est un allié majeur dans la lutte anti-terroriste, d’autant plus incontournable qu’il est l’un des seuls pays stables de la région depuis les Printemps arabes.

Néanmoins, le pays entretient des relations exécrables avec le Maroc malgré l’Union du Maghreb arabe créée en 1988 par les deux pays, accompagnés de la Tunisie et de la Mauritanie. Les tensions sont essentiellement relatives au tracé des frontières, notamment lors de la “Guerre des sables” de 1963. Encore aujourd’hui, ces tensions concernent largement le cas du Sahara occidental. Colonisé auparavant par l’Espagne, ce territoire est revendiqué dès 1976 par le roi marocain Hassan II qui y organise une “Marche verte”. Or, l’Algérie apportant son soutien au mouvement indépendantiste local, le Front Polisario, les relations entre les deux pays s’étaient à nouveau tendues, un cessez-le-feu entre les parties n’intervenant qu’en 1991.

Naturellement, les relations avec la France sont profondément complexes des années après l’indépendance. En témoignent les manifestations pacifiques d’immigrés algériens violemment réprimées à Paris en octobre 1961, le détournement d’un avion d’Air France en 1994 par des activistes algériens, les attentats du RER B de 1995 attribués à un jeune d’origine algérienne ou encore l’assassinat en 1996 de sept moines français en Algérie. En 2005, le parlement français a voté une loi enjoignant d’enseigner dans les programmes scolaires les aspects positifs de la colonisation. Il a également été décidé d’abandonner le traité d’amitié entre les deux pays que souhaitait Jacques Chirac. En 2012, François Hollande a reconnu la répression sanglante de la manifestation de Paris de 1961 ainsi que “les souffrances que la colonisation a infligé au peuple algérien”. Mais ce mea-culpa a très rapidement été mis au second plan, après que le président français ait offensé les Algériens en se réjouissant du retour “sain et sauf” d’Algérie de Manuel Valls. On comprend dès lors que les relations franco-algériennes soient souvent regardées avec méfiance des deux côtés de la Méditerranée.

Economie

Les hydrocarbures du pays, gaz et pétrole, ont été découverts dans les années 1950. Alors que les accords d’Evian prévoyaient le maintien d’intérêts français en la matière, ces gisements furent néanmoins nationalisés en 1971. L’Algérie profita des chocs pétroliers de 1973 et 1979 pour financer des politiques industrielles et sociales (programme anti-pénurie). Mais le gouvernement n’a pas préparé le pays au contre-choc de 1986 et aux conséquences de la baisse des prix des hydrocarbures. 18ème producteur mondial de pétrol, 9ème producteur de gaz, ces hydrocarbures représentaient en 2000 43% du PIB et 75% des recettes budgétaires. L’Algérie semble donc souffrir du “syndrome hollandais” ou “Dutch Disease” : les flux massifs de revenus liés aux hydrocarbures provoquent une hausse du taux de change du pays concerné, rendant ainsi les exportations nationales moins compétitives marginalisant ainsi encore plus les secteurs hors-hydrocarbures. De plus, les revenus du pétrole favorisent les dépenses irrationnelles et irréfléchies sans que ne soient mises en place des politiques concrètes préparant l’avenir. Alors que la corruption est forte, les revenus dégagés par la chocs pétroliers ont certes permis des politiques d’industrialisation mais souvent dénuées de capital humain et n’étant pas tournées vers les exportations. L’investissement public en la matière n’a donc pas pu survivre à la chute des prix du pétrole tandis que l’ouverture du pays au commerce international a provoqué la fermeture d’usines en manque de compétitivité.

Dans les autres secteurs, les résultats économiques algériens sont mitigés. Le pays présente par exemple une compétitivité relativement bonne en matière d’exportations agricoles. Pour le secteur tertiaire, l’Algérie souffre d’un paradoxe : pays le plus francophone de sa région, il dispose néanmoins de beaucoup moins de centres d’appels que ses voisins, ce qui constituerait pourtant un réservoir d’emplois important. Il s’agit de plus du pays le moins visité du Maghreb, le secteur du tourisme n’aidant alors pas à soutenir l’économie algérienne.

Le secteur bancaire essentiellement public, à 92%. La création d’une bourse algérienne en 1997 n’a jamais attiré massivement les capitaux. En 2014, elle n’enregistrait que 207 millions de dollars de capitalisation, contre plus de 50 milliards pour le Maroc.

En 2014, la balance commerciale était excédentaire de 4,63 milliards de dollars, mais ce chiffre est en baisse régulière en raison de l’augmentation constante des importations. En 2013, le PIB était de 210 milliards de dollars selon la Banque mondiale, et la croissance aura été de 4,1% en 2014 selon le FMI. Le pays reçoit néanmoins beaucoup moins d’investissements directs à l’étranger (IDE) que ses deux grands voisins. Ce mauvais résultat s’explique en partie par la mise en place d’une loi depuis 2009 imposant aux investisseurs étrangers de prendre un associé algérien résidant en Algérie.

Sur le plan social, le salaire minimum équivaut à 180 euros par mois, tandis que le PIB par habitant est de 5 361 dollars. Sur ce point, l’Algérie présente un résultat supérieur aux chiffres marocains et tunisiens. Néanmoins, encore aujourd’hui, seul 22% de la population dispose d’un accès à l’eau 24h/24.

Droit et société civile

L’article 36 de la Constitution garantit la liberté d’opinion. Néanmoins, l’expression libre dans les médias n’est pas pleinement satisfaisante. En témoigne par exemple la disparition quasi totale des salles de cinéma dans le pays, alors qu’elles étaient des milliers avant l’indépendance. En ce qui concerne la place de la religion, l’Algérie n’a jamais consacré la charia comment un fondement de son système juridique. Mais selon l’article 1er du code civil, “en l’absence d’une disposition légale, le juge se prononce selon les principes du droit musulman“. Toujours en matière juridique, des peines de morts sont régulièrement proclamées, bien qu’en pratique elles ne soient plus appliquées depuis 1993. Enfin, le système éducatif est caractérisé par un taux d’alphabétisation de 73% contre 78% en Tunisie et 56% au Maroc. Proche du système scolaire français, le modèle algérien reprend notamment le fonctionnement du cursus LMD.

Le pays connaît une amélioration en ce qui concerne les droits des femmes, notamment depuis la réforme de 1996 : la Constitution, dans son article 29, proclame l’égalité des citoyens et interdit les discriminations liées au sexe. L’article 31 bis de la Constitution prévoit une meilleure représentation des femmes dans les assemblées élues du pays. Néanmoins, la loi maintient le principe de l’existence d’un tuteur matrimonial mais la femme est libre désormais de désigner celui de son choix avant de contracter une union matrimoniale. La polygamie est toujours autorisée mais sous certaines conditions. En 2006 elle concernait 4,4% des femmes. Elle suppose d’obtenir l’autorisation du président du tribunal (autorisation donnée dans 43% des situations). Des améliorations ont aussi été faites en ce qui concerne le divorce mais ce dernier reste en partie inégalitaire. En matière d’héritage, comme dans la loi musulmane, une femme ne peut hériter que de la moitié d’une part d’un homme tandis que le code de la famille proscrit aux femmes musulmanes d’épouser des hommes non-musulmans.

Conclusion

Le régime politique issu des violences de l’été 1962 est maintenu par la force et la violence : emprisonnements et assassinats d’acteurs historiques de mouvements nationalistes, répression du Printemps Berbères de 1980, ainsi que des révoltes de 1988 et du Printemps noir de 2001. Ce régime a pu se maintenir par le truchement des forts revenus du pétrole tout en se présentant sur la scène internationale comme un acteur incontournable dans la lutte anti-terroriste, étant le seul Etat véritablement stable de la région. De plus, le régime algérien se maintient paradoxalement malgré une relativement forte liberté d’expression. La reconnaissance officielle de ce droit limite en effet les revendications tandis que les répressions des révoltes de 1988 expliquent le désintérêt des algériens pour la politique.

Les lois de la nature finiront par faire partir Bouteflika mais une forte incertitude plane sur ce qui succèdera à cette ère de l’histoire algérienne. D’autant plus que les nombreux boycotts aux élections empêchent de connaître la véritable influence des différents partis politiques existants. Au-delà des avancées politiques devant être faites, l’Algérie devra surtout relever des défis économiques. Une diversification de ses activités est en effet nécessaire afin de libérer le pays de sa dépendance vis-à-vis du pétrole qui représente 97% de ses exportations et dont les prix se sont effondrés en 2014.

Les printemps arabes ont montré que la démocratie pouvait être mise en place dans les pays du Maghreb et que l’autoritarisme dans la région n’est pas une fatalité. “Reste à savoir si les algériens, plus mobilisés par le football que par la politique, seront prêts à faire le pas et à prendre désormais en charge cette indépendance confisquée”.

Camille Savelli

ClasseInternationale

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