Tour d’horizon de la situation au détroit de Malacca au prisme de l’accélération du projet des Nouvelles Routes de la Soie

Tour d’horizon de la situation au détroit de Malacca au prisme de l’accélération du projet des Nouvelles Routes de la Soie

Par Nathan VICTORIA

À l’heure de la crise taïwanaise et de la guerre en Ukraine, le monde scrute ces deux États. Symboles de l’opposition entre les puissances américano-européenne, russe et chinoise, on en oublie une zone de tension historique entre le géant chinois et américain : le détroit de Malacca. Véritable colonne vertébrale du commerce maritime mondial, le détroit est un haut lieu de lutte d’influence, qui se militarise dramatiquement depuis quelques années. On se propose de donner un résumé le plus exhaustif possible des principaux enjeux relatifs à cette véritable poudrière.

Le détroit de Malacca, point de passage clef du commerce maritime international, est un nœud géopolitique complexe. Au regard du grand chantier chinois des nouvelles routes de la soie (One belt, One Road) visant à remodeler les routes commerciales d’exportations existantes pour les intensifier, le détroit est devenu un point de cristallisation des tensions entre le camp chinois et le camp américain. 

Situé au carrefour des mers de Chine Méridionale, de Java et d’Andaman (cette dernière débouchant ensuite sur l’Océan Indien), le détroit de Malacca est un court bras de mer de 3 kilomètres de large en sa partie la plus resserrée. Il se trouve entre la péninsule malaisienne et l’île de Sumatra indonésienne, mais est également délimité à l’Est par la Cité-État de Singapour, et à l’Ouest par la zone économique exclusive (ZEE) thaïlandaise. À cette complexité géographique et politico-administrative s’ajoute l’immense enjeu commercial que recouvre Malacca.

Carte du détroit de Malacca (source fond de carte : Wikipedia)

Un carrefour central du commerce maritime international

Le détroit de Malacca est un point de passage maritime, mais surtout commercial, historique : dès le XVIe siècle, le Portugal colonisa le détroit afin de bénéficier du commerce de marchandises en provenance d’Asie de l’Est. Le contrôle du détroit fut convoité également par les Hollandais mais surtout par les Britanniques au travers de la Compagnie des Indes Orientales. L’emprise britannique via la Compagnie permit de développer Singapour et Malacca, les deux principaux ports de commerce de la région, qui sont aujourd’hui des mastodontes du commerce international. 

Aujourd’hui, le détroit est le plus fréquenté du monde, et voit passer environ 30 % du commerce maritime mondial. Cette part est composée de biens de consommation, à destination de l’Europe principalement, et, plus marginalement, de l’Afrique. Ces biens de consommation proviennent d’Asie de l’Est, notamment des immenses industries chinoise, taïwanaise, japonaise, ou encore sud-coréenne. Le détroit est aussi clef pour ces pays exportateurs. En effet, le reste du trafic maritime de Malacca est lié à l’industrie pétrolière. Le détroit de Malacca est effectivement la principale, sinon la seule, route d’approvisionnement de l’énergie fossile d’Asie de l’Est. À titre d’exemple, 80 % des importations chinoises de pétrole brut empruntent le détroit ; ce chiffre s’élève à 90 % pour le Japon. On estime ainsi que le quart du pétrole transporté par la mer passerait par le détroit de Malacca.

Il faut noter que le pétrole qui transite à travers le détroit n’est pas nécessairement raffiné. Singapour possède la plus grande raffinerie de pétrole du monde, ce qui lui permet, en plus de la place stratégique qu’occupe son port vis-à-vis du détroit et du trafic mondial, d’exporter une quantité conséquente d’énergie aux grands producteurs de l’Asie de l’Est qui en ont une consommation très importante. Cette production d’énergie fossile permet à la Cité-État de sécuriser son poids dans la géopolitique de la région. 

L’intensification des flux commerciaux de Malacca

Depuis le discours de Xi Jinping, à Astana en 2013, la Chine a lancé son projet de Nouvelles Routes de la Soie, One Belt, One Road (OBOR), les investissements chinois dans la région se sont intensifiés. Le projet vise, à l’image des Routes de la Soie d’antan qui permettaient le commerce entre la Chine et l’Europe, à renforcer et intensifier les exportations chinoises en érigeant de nombreuses infrastructures et en investissant massivement autour du monde. Le projet consiste surtout à multiplier les routes commerciales chinoises. Il prévoit notamment la mise en place de trois nouvelles voies commerciales (voir carte ci-contre pour illustration) :

– Deux nouvelles voies terrestres : l’une passerait par le Kazakhstan, l’Iran et la Turquie ; l’autre  passerait au Nord par la Russie

– Une voie maritime : la plus importante en terme de volumes échangés, passant par Malacca.


Présentation du projet des Nouvelles Routes de la Soie (Source : Agence de voyage chinoise, Top China Travel)

La voie maritime se diviserait ensuite en deux dans l’Océan Indien, une voie à destination de l’Afrique, l’autre à destination de l’Europe, en passant par le canal de Suez. Ce projet implique non seulement de passer par le détroit de Malacca, donc d’y renforcer fortement le trafic maritime, mais aussi d’avoir un contrôle militaire accru des issues Est et Ouest du détroit. 

Dans cette optique, la Chine multiplie les tentatives d’accords bilatéraux avec les pays aux positionnements géographiques clefs. De plus, pour assurer la mise en place de la voie commerciale maritime du Sud, elle lance des séries d’investissements massifs pour construire des infrastructures au Vietnam, en Malaisie, en Indonésie, au Sri Lanka ; pays dans lesquels les porte-conteneurs chinois sont susceptibles de s’arrêter. La Chine investit par ailleurs au Kenya, en Éthiopie, en Grèce dans la continuité de la consolidation de sa voie commerciale. Ces investissements sont présentés comme “gagnant-gagnant” : la Chine pourra profiter des infrastructures nouvelles pour son commerce et les pays accueillant ces infrastructures pourront bénéficier de celles-ci pour développer rapidement leurs économies. 

Concrètement, le projet chinois OBOR a comme effet non seulement une forte intensification des flux commerciaux maritimes passant par Malacca mais aussi la création d’importants flux financiers entre la Chine et les pays prenant part au projet. Ce deuxième point a de nombreuses conséquences au-delà de la sphère économique. D’abord, il renforce la présence chinoise partout dans le monde. Ce soft-power permet à la Chine de concurrencer la domination des puissances européennes et étasuniennes. Au Ghana par exemple, le mandarin devrait devenir la 2nd langue la plus enseignée dans le cursus scolaire, en dépit des 81 langues parlées au Ghana, et concurrençant de près l’anglais, encore langue officielle. En devenant le principal investisseur et pays d’origine des importations dans de nombreux pays du monde, la Chine voit sa monnaie devenir un moyen d’échange de plus en plus présent internationalement. Cette multiplication quantitative des transactions en yuan, concomitamment à la chute de la valeur et de l’attractivité du dollar, tendra à rendre l’étalon de valeur internationale chinois. 

Gestion sécuritaire du détroit : renforcement des tensions et positionnements en région océanique

Cette montée en puissance chinoise ne laisse pas l’Oncle Sam indifférent. Historiquement, c’est le Japon qui a toujours été particulièrement impliqué dans la sécurité du détroit, en raison de la place stratégique qu’il occupe pour son économie. Pourtant, depuis le début du XXIe siècle, la sécurité du détroit de Malacca attire l’attention accrue des États-Unis. Dès les années 1970, le détroit occupait une place majeure dans la stratégie de l’armée américaine car en avoir le contrôle leur permettait une action militaire navale rapide en Asie du Sud-Est, particulièrement importante dans le contexte de guerre du Vietnam d’alors mais aussi dans la potentialité de déploiements armés au Moyen-Orient. Ainsi, même après le départ américain de Saïgon en 1975, les États-Unis ont toujours conservé une position stratégique dans cette partie du globe. Les armées japonaise et américaine ont ainsi travaillé conjointement depuis longtemps dans la région ; les premiers pour lutter contre la piraterie particulièrement virulente dans le détroit, les seconds dans le cadre d’une hypothétique intervention militaire. 

L’élargissement du position militaire américain s’est accentué à partir du XXIe siècle. En Mai 2004, les États-Unis inaugurent à Singapour la base navale militaire de Changi, qui accueillent autant des forces étasuniennes, singapouriennes que britanniques. Cette base est hautement importante par sa localisation – à l’entrée Est du détroit – et par sa taille. En effet, son port peut accueillir des bâtiments remarquables comme des sous-marins et des porte-avions. Les motifs qui auraient justifier la construction de cette base étaient sécuritaires, la présence japonaise de longue date peut en témoigner, Malacca a été pendant longtemps l’une des zones les plus touchées par la piraterie. Elle cumulait au début du 21eme siècle 40 % de tous les actes de piraterie enregistrés autour du globe. La base fut inaugurée en 2004, et dès 2006, suite à des actions d’anti-piraterie conjointement menées par les armées des pays voisins du détroit, le nombre d’actes de piraterie à Malacca a chuté et le détroit perdu son statut de zone navale extrêmement dangereuse qu’elle tenait jusqu’alors. Pourtant, depuis cette période, la présence américaine dans le détroit n’a fait que s’accroître. Plus encore, les effectifs de la base navale de Changi n’ont fait qu’augmenter, malgré la menace minime que représente la piraterie aujourd’hui. 

En parallèle, la Chine a rompu avec sa doctrine qui tendait jusqu’alors à refuser la liberté de circulation dans le détroit et “désinternationaliser” la zone au profit des zone économiques exclusives (ZEE) malaisienne, indonésienne, et singapourienne ; ce qui impliquait également une non-circulation de navires de guerres dans le détroit sans autorisation préalable des autorités responsables. 

Seulement, la libéralisation de l’économie chinoise a complètement changé la donne. Le détroit étant vital pour son projet OBOR, elle prêche maintenant en faveur de la conservation du caractère international de la zone. Au-delà de conserver ce statut, la Chine est également désireuse d’augmenter sa présence militaire dans la région afin que la sécurité de ses routes commerciales ne dépendent que de sa propre marine. Pour ce faire, elle a opéré une dynamique similaire aux États-Unis au début des années 2000. À la différence des États-Unis, la Chine n’avait pas d’historique de coopération avec les pays riverains du détroit. Elle s’en est donc rapprochée, par exemple, au travers du financement du projet indonésien de remplacement des aides à la navigation détruite par le tsunami de 2004, du projet malaisien concernant les substances nocives et potentiellement dangereuses ainsi que du projet singapourien de centres de mesures. La Chine a ainsi pu ratifier des accords de coopération maritime avec les trois pays entre 2005 et 2006, lui permettant d’avoir une présence militaire forte dans la région. 

Le complexe jeu d’alliances et d’allégeances autour du détroit

Suite à cette première expansion, la Chine a encore renforcé sa politique expansionniste dans la région océanique. Un article entier, sinon un livre, pourrait être rédigé sur la stratégie chinoise de colonisation agressive des atolls de Mer de Chine méridionale. Le fait est que, désormais, la Chine possède une capacité de mobilisation navale et aérienne impressionnante dans cette mer se situant au nord du détroit. Elle a également réitéré sa collaboration militaire avec la Malaisie en 2014 au cours d’exercices militaires combinés. Si les élections législatives en Mai 2018 ont propulsé à la chambre basse malaisienne un nombre conséquent de députés plus hostiles qu’auparavant à la Chine, la Malaisie conserve néanmoins de bonnes relations de coopération militaire avec les autorités chinoises.

Plus au Sud et à l’Est, la Chine tente également depuis quelques années de court-circuiter les alliés américains en zone océanique en se rapprochant des États insulaires du Pacifique et en y établissant une présence militaire. Par exemple, en 2021, elle a acquis l’unique piste d’atterrissage des Kiribati et compte y positionner une force aérienne. La Chine a également signé au début de l’année 2022 un accord sécuritaire avec les Îles Salomon autorisant la présence de policiers et militaires chinois sur le territoire. L’État insulaire qui borde l’Australie au Nord-Est va ainsi accueillir des bases militaires chinoises très prochainement.

La stratégie chinoise a cependant essuyé des échecs et fait face à des obstacles. D’abord, un certain nombre d’États insulaires refusent de signer l’accord sécuritaire,que la Chine a proposé à tous, excepté l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Par ailleurs, l’accélération de la politique expansionniste chinoise a reçu en réponse une accélération de la politique expansionniste américaine dans la région. Les États-Unis ont aussi multiplié les capacités d’accueil de leurs troupes ainsi que des troupes australiennes avec lesquelles ils travaillent constamment en coopération dans la région en signant de nombreux accords avec les autorités philippines leur permettant de stationner leur forces armées dans cinq bases différentes. S’ajoute à cela la base de Subic bay, qui fut construite historiquement par les Espagnols puis réaménagée pour les Américains. Suite à la non-réitération du traité autorisant les américains à utiliser la base, elle leur est devenue inaccessible en 1992 mais a été ré-ouverte à leurs troupes en 2015, signe de l’accélération des tensions dans la zone. Le cas de la base militaire de Subic bay avec celui de la base de Changi à Singapour montre la réaction expansionniste des américains en réponse à ce qu’ils considèrent comme une colonisation chinoise de leur zone d’influence. 

L’augmentation de l’arsenal des pays de la région, notamment naval, est un autre signe de l’accélération des tensions. La rupture du contrat d’achat de sous-marins français par l’Australie en 2021, en parallèle de la formation d’un nouveau contrat similaire avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en est un exemple. L’Australie est de plus en plus menacée par l’expansion militaire chinoise, et son entrée dans l’alliance militaire AUKUS, avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, en 2021 témoigne de cette crainte grandissante. Seulement, le contrat rompu va fortement retarder la livraison de sous-marins, initialement prévue pour l’année 2032, si bien que l’Australie pense, un an après, à rouvrir un potentiel contrat avec la France. Plus largement, l’Australie est une grande importatrice d’armes, si bien qu’elle se plaçait à la 4eme place mondiale sur la période 2017-2021, cumulant 5,4% des importations mondiales. Le renforcement de l’arsenal australien, additionné à la force militaire immense dont disposent les Etats-Unis, le budget du Pentagone s’élevant à 728 milliards en 2021, permet aux alliés anglo-saxons d’assumer une place militaire prépondérante dans la région. En 2022, des généraux américains affirment ainsi avoir la capacité de réaliser un blocus total du détroit de Malacca en deux heures grâce à la présence des forces navales australiennes et étatsuniennes dans la région. De son côté, la Chine renforce aussi sa force militaire. Elle suit de près l’Australie en termes d’importations d’armes, et se loge à la 5eme place du classement de la période 2017-2021, avec un cumul de 4,8% des importations mondiales d’armes. Plus encore, la Chine produit un grand nombre d’armes et se place en 4eme exportatrice mondiale d’armes avec 4,6% des exportations mondiales. La Chine, souhaitant moderniser son industrie de l’armement, a beaucoup investi dans la recherche et le développement d’armes militaires, si bien qu’elle possède trois entreprises parmi les dix plus grandes entreprises d’armement du monde et a clairement rejoint les rangs des principaux producteurs de technologies militaires avancées du monde. On peut noter par exemple qu’en Octobre 2022, la Chine a annoncé vouloir se doter d’un nouveau porte-avions à propulsion nucléaire à l’horizon 2027 – soit 13 ans avant la livraison des sous-marins australiens s’ils ne changent pas de fournisseur. 

Carte des bases militaires chinoises et américaines dans la Mer de Chine (source : The Express, 2022)

Dans cette accentuation des tensions, la position floue de certains États pose question. Certains décident de ne s’aligner sur aucun des deux blocs, à l’image des îles Fidji qui refusent l’accord sécuritaire et les investissements chinois mais déclinent également les invitations américaines aux divers sommets de coopération dans la région du Pacifique. Certains États jouent, eux, sur les deux blocs à la fois. On peut évoquer le cas malaisien qui continue sa coopération militaire avec la Chine mais aussi avec les États-Unis. Cette position est d’autant plus ambiguë que la Malaisie s’engage aussi au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), qui souhaite former un troisième bloc. Cette organisation regroupe les pays riverains du détroit et également les riverains de la mer de Chine méridionale comme le Cambodge et le Vietnam, afin de promouvoir notamment le libre-échange entre ses membres, aussi pour répondre aux questions de sécurité dans la région. Sur le volet de la coopération militaire, elle reste dominée par l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande qui ont augmenté progressivement leur contribution depuis la création de l’ASEAN en 1967 avec l’objectif ultime d’être capable d’assurer la sécurité de la région sans l’aide des acteurs internationaux situés à l’extérieur de la région. Il faut néanmoins noter l’importante influence qu’ont les États-Unis dans la ligne sécuritaire de l’ASEAN au travers des Philippines, qui est un des membres fondateurs de l’organisation. 

Finalement, un dernier acteur souhaite avoir son mot à dire dans la région de Malacca. L’Inde montre un intérêt récent dans le détroit car elle perçoit le projet OBOR comme une menace. La Chine investit dans de nombreux ports dans les États riverains de l’Océan Indien dans l’objectif un jour de pouvoir y placer ses forces navales et ainsi assurer la sécurité de ses voies commerciales au-delà du détroit. Elle a, par exemple, investi dans deux ports en Birmanie, Sittwe et Mergui, ainsi qu’au Bangladesh et au Sri Lanka. L’Inde répond en investissant elle-même dans des ports militaires sur ses îles d’Andaman-et-Nicobar, dans la Mer d’Andaman sur laquelle débouche le détroit de Malacca. Pour prévoir l’éventuelle menace d’encerclement, l’Inde a aussi signé des partenariats stratégiques avec la Thaïlande en 2001, et l’Indonésie en 2005 – aucun avec la Malaisie cependant. On peut facilement imaginer que l’envenimement des relations sino-indiennes, suite aux affrontements meurtriers qui ont éclaté dans la région du Cachemire à l’Été 2020 – les premiers depuis 1975 –, va participer à l’accélération des positionnements indiens et chinois dans la partie Ouest du détroit de Malacca.

Le détroit de Malacca, souvent grand oublié, a une place majeure dans la géographie du commerce international. Il a même une importance vitale dans l’économie des pays d’Asie de l’Est car il représente leur principale voie d’importation et d’exportation. Le déploiement de l’arsenal diplomatique chinois au travers de son projet OBOR en témoigne et la position sécuritaire et militaire historique du Japon dans le détroit en est une illustration significative. À la mesure des avancements du projet chinois, la région va ainsi prendre en importance géostratégique. 

Cette crucialité géostratégique permet d’analyser la relation sino-américaine sous un angle plus objectif. Le détroit de Malacca est pourtant un des hauts-lieux des démonstrations de puissance des deux géants. Construction de bases militaires, conclusion d’accords historiques, investissements massifs sont autant d’événements dont l’ampleur et la récurrence les rendent comparable aux déclarations et exercices militaires réalisés à l’Été 2022 autour de Taïwan. La situation de Malacca pour les deux nations représente des enjeux qui pourraient potentiellement faire vaciller le commerce mondial. L’inquiétante course à l’armement fait de la région une véritable poudrière qui, si elle implose, pourrait perturber le commerce maritime dramatiquement. 

Le détroit de Malacca est, de ce fait, une région à scruter de près au jour des tensions grandissantes dans le monde : guerre en Ukraine, rapprochement sino-russe, menaces chinoises contre Taïwan, projet OBOR… On peut supposer que ces tensions trouveront certainement une résonance dans la région océanique. Finalement, l’intérêt indien récent pour la région nous permet aussi d’exemplifier la multipolarisation mondiale. L’étude du détroit de Malacca simplement au travers de la bipolarité sino-américaine a comme angle mort la position indienne. Cet article invite donc le lecteur, après ce tour d’horizon, à porter une attention particulière au futur de la région. 

Nathan VICTORIA

Sources et références :

Port Economics, Management and Policy, Container Traffic handled at main ports around the Strait of Malacca 

Reuters, Malacca is a strategic « chokepoint », 2010

France Info, La Chine continue ses investissements en Éthiopie, 2019

Les Échos, Le Sri Lanka pris au piège des investissements chinois, 2022

Marine Jeannin pour Le Monde, Le Ghana veut intégrer le mandarin à son cursus scolaire, 2022

Marie Charrel pour Le Monde, Le Yuan confirme son rôle de devise mondiale, 2015

Gilles Bonavita, Le rôle des sociétés de sécurité privées dans la sécurisation du détroit de Malacca (2000 – 2008), 2009

– Nathalie Fau, Les enjeux économiques et géostratégiques du détroit de Malacca, dans Géoéconomie, 2013

– Dryad Global, Malacca Straits : significant regional challenges to securing the maritime domain 

Ngeow Chow Bing pour l’Institut Yusof Ishak, ISEAS, Malaysia-China Defense relations: disruptions amid political changes and geopolitical tensions, 2021

– Nathalie Guibert pour Le Monde, Les îles du Pacifique se réunissent sous l’œil de la Chine et des Etats-Unis, 2022

– Arte, Poker chinois : la nouvelle route de la soie, 2022

– Charlie Bradley dans l’Express, South China Sea standoff : China VS US military bases mapped, 2022

– Think tank Council of foreign Relations, What is ASEAN, 2022

– TCT, One Belt, One Road initiative 

– France Info, Sous-marin : un an après avoir rompu “le contrat du siècle” avec la France, l’Australie dans l’impasse?, 2022

– Amnesty International, 2021, les 5 plus grands marchands d’armes dans le monde, 2022

– Opex360, La Chine compte désormais 3 industriels parmi les 10 premiers producteurs mondiaux d’armement, 2021

– Capital, Le prochain porte-avions chinois serait nucléaire, 2022

– Les Echos, Défense : AUKUS, une alliance inédite entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, 2021

– FranceInfo, Crise des sous-marins australiens : un an après l’échec français, l’Australie pourrait finalement faire machine arrière, 2022

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