Nigéria : le pétrole mais pas l’argent du pétrole
Le 30 novembre dernier, l’OPEP a signé d’un nouvel accord sur une réduction de la production de pétrole. Elle la baissera de 1,2 millions de barils par jour à partir du 1er janvier 2017. Deux pays, la Libye et le Nigéria ont été exemptés de cet effort. Le géant économique du grand-ouest est en proie à des difficultés économiques, et espère tirer profit de cet accord pour se ressaisir. La baisse de la production des autres pays, permettrait au Nigéria de bénéficier d’une augmentation automatique des prix des cours du baril. Retour sur les caractéristiques économiques et les enjeux de cette ressource pour le pays.
Le Nigéria est un pays d’Afrique de l’Ouest, qui jusqu’en août 2016, briguait la première place dans le classement des PIB africains juste devant l’Afrique du Sud. Avec un PIB de 490,207 milliards en 2015 (en dollars US) (1), le Nigéria était le pays avec la plus forte croissance dans le continent. Seulement, croissance et développement ne vont pas forcément de paire : deux tiers des 170 millions de Nigérians vivent avec moins d’un dollar par jour. De plus, depuis le début de l’année, les difficultés économiques s’accumulent pour le pays.
Selon le FMI, le PIB reculerait de 1,7% en 2016. C’est la première récession annuelle que connaît le Nigéria depuis 1991. La croissance est majoritairement tirée par l’extraction de l’or noir, dont le pays dispose en grande quantité et qui est une véritable manne financière.
Corruption, sabotage et crise
Le pétrole représente 90% des ressources du pays. Cette énergie constitue un enjeu de taille pour les grands groupes pétroliers du monde entier. Total (France), ENI (Italie) ou encore Chevron (Etats-Unis), y ont élu demeure depuis le début de l’exploitation du pétrole du pays dans les années 1960. Depuis quelques années, ces groupes ont largement asséché les ressources économiques du pays et ainsi détourné les revenus qu’apporte cette activité (2). Ces sociétés payent 85% d’impôts sur le revenu que leur procure cette ressource. Seulement, il est aisé de comprendre l’intérêt qu’elles ont à ne pas déclarer la totalité de leur production. 150 milliards de dollars auraient été détournés en dix ans, selon le récent examen des comptes publics, exigé par le président Buhari, élu il y a moins de deux ans.
Depuis le début de l’année 2016, les Vengeurs du Delta, groupe indépendantiste armé, font régulièrement des opérations de sabotages contre les infrastructures de ces groupes pour faire entendre leurs revendications. Ils réclament notamment que 60% des blocs pétroliers soient attribués aux communautés locales (3).
Le pays est donc en difficulté économique et a revu à la hausse son budget 2017 afin de pallier cette situation. Il s’élèvera à 23 milliards de dollars US soit une augmentation de 20% par rapport à celui de 2016.
Quand écologie rime avec développement
Afin d’assurer ses besoins en financement, le pays s’est lancé récemment dans l’émission d’obligations vertes appelées « eurobonds ». Les fonds récoltés seront principalement alloués à des projets alliant respect de l’environnement et politique publique. Des transports fonctionnant à l’électricité, la reforestation de zones arides dans le nord du pays, sont des mesures que la ministre nigériane de l’Environnement, Amina J. Mohammed a évoqué (4). Le troisième « eurobond » du pays sera donc lancé début 2017.
Si l’accord de l’OPEP permettrait de donner une légère bouffée d’oxygène au pays, la véritable question se trouve dans le système économique du pays, et la mainmise de ces grands groupes pétroliers sur le pays. Selon la CNUCED, entre 1996 et 2014, il y a eu un décalage de 70 milliards de dollars entre les exportations nigérianes et les importations américaines. La NNPC (Nigerian National Petroleum Corporation) est l’organe de contrôle la production sur le territoire qui est censée superviser l’activité de ces groupes. En juin Mohammed Barkindo a été nommé secrétaire général de l’OPEP, après un consensus de la part des pays de l’organisation. Ancien patron de la NNPC entre 2009 et 2014, il s’impose comme une figure redoutable dans le système trouble de l’économie nigériane, et aurait donc participé de près ou de loin à ces accords tacites avec les sociétés américaines.
Alors qu’aux Etats-Unis, Rex Tillerson, ancien PDG d’ExxonMobil société pétrolière et gazière des Etats-Unis, vient d’être officiellement nommé secrétaire d’Etat par Donald Trump (ce qui doit être confirmé par le Sénat), le secrétaire général de l’OPEP salue cette nomination et nous rappelle qu’« Il y a très peu de différence entre le pétrole, la géopolitique et la diplomatie » lors d’un séminaire organisé par le Centre d’Etude Stratégique et Internationales (CSIS).
Auriane Guerithault
(1) FMI, World Economic Outlook Database, avril 2016
(4)http://www.jeuneafrique.com/382924/societe/nigeria-va-lancer-premieres-obligations-vertes/1
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