Géopolitique européenne des échanges fruitiers

Géopolitique européenne des échanges fruitiers

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©Marwane Pallas, The Doctrine of Signatures 

Aujourd’hui, et ce peu importe la saison, nous disposons de tous les fruits que nous souhaitons manger. Cela est même recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), puisqu’il faudrait manger 400g de fruits par jour.

De nombreuses subventions de l’Union européenne (UE) existent pour les producteurs des pays développés et les tarifs sont bas, comparés au reste du monde. Il est notamment possible de réaliser une plus-value grâce aux produits transformés, comme les jus de fruits.

De plus, il existe de nombreux contrôles phytosanitaires stricts qui affectent les importations de fruits. En effet, les bactéries et les virus peuvent être responsables de crises alimentaires, aussi bien à l’échelle européenne que mondiale. Ainsi, comment les échanges fruitiers européens, sont au-delà d’un enjeu économique, un enjeu sanitaire ?


Les enjeux économiques internes à l’UE

Le secteur des fruits est d’une importance stratégique pour l’agriculture et pour les 510 millions de consommateurs européens qui en consomment. Les fruits représentent 17% du total de la valeur de la production agricole européenne et regroupent 1 million d’exploitations spécialisées dans ce secteur.

En 2015, les pays européens ont exporté 20,9 milliards d’euros de fruits frais, échanges intra-européens compris. Plus de 90% des exportations de l’UE sont destinées à d’autres pays européens, l’Espagne demeurant le premier exportateur. De manière générale, les exportations se composent principalement de sa propre production. Les Pays-Bas et la Belgique sont quant à eux devenus des pôles commerciaux importants grâce à une position géographique stratégique et de fortes capacités logistiques. Ils redistribuent ces produits.

A l’intérieur de l’UE, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France sont les destinations finales les plus importantes. Les imports de produits d’autres pays européens dans ces pays représentent environ 45% de la valeur des exportations de l’UE en 2015. 10% de la valeur des exportations de l’UE est redistribuée en Belgique ou aux Pays-Bas, en tant que plaques tournantes du commerce. L’Europe a un potentiel d’exploitation des fruits tropicaux tels que les ananas, ou des agrumes tels que les citrons et les citrons verts. Depuis les ports d’Europe occidentale, ils trouvent leur voie en direction des nouveaux marchés qui se développent en Europe de l’Est.

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Le marché européen peut être divisé en trois zones géographiques avec des modes de consommation et des comportements d’achat différents.

Les consommateurs du Nord-Ouest de l’Europe ont le pouvoir d’achat moyen le plus élevé. Ce marché a la plus forte demande de fruits tropicaux et exotiques. Les consommateurs de cette région achètent la plupart de leurs fruits dans des supermarchés. Les magasins spécialisés en fruits sont légèrement plus chers que les supermarchés, mais avec une gamme de produits plus diversifiée. Le rôle des supermarchés devrait s’étendre davantage. Dans cette aire, presque tous les produits vendus sont de classe I, c’est à dire la plus haute qualité.

Dans le Sud de l’Europe, les fruits représentent une part plus importante de l’alimentation. Les consommateurs ont une préférence pour le goût et les produits locaux traditionnels, bien que l’offre locale ne soit pas suffisante pour satisfaire la demande totale de toute l’année. Le supermarché prend de l’importance dans ces régions.

En Europe de l’Est, les exigences de qualité des produits sont un peu plus faibles que dans le Nord-Ouest de l’Europe. La part de marché des supermarchés est également plus faible mais en expansion. À long terme, la croissance du marché en Europe de l’Est, avec des produits de qualité et responsables pour l’environnement, devrait être substantielle. L’augmentation de la demande qualitative des clients se double d’une augmentation de l’importance d’une chaîne d’approvisionnement de qualité.


Les enjeux économiques extérieurs à l’UE

L’UE est le plus large ensemble régional avec lequel négocie l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cette organisation est l’héritière du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) et plus particulièrement du cycle d’Uruguay qui visait à abaisser les taux de douanes et les droits d’entrée. Depuis, on s’est rendu compte de la volatilité des marchés et des cours des matières premières. Les pays en développement sont fortement touchés par ces fluctuations, notamment car leurs économies reposent essentiellement sur une production agricole ou de produits tropicaux. L’UE, 2e exportateur de fruits à l’échelle mondiale, bénéficie quant à elle de ces accords. Les pays en développement et surtout les PMA sont plus exposés à la fragilité structurelle de leurs économies. L’UE a mis en place en collaboration avec toutes les organisations internationales concernées (1) des programmes de limitations des effets de la déstabilisation du marché. Par exemple, le programme Stabex est destiné à offrir aux pays Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP) une compensation pour les pertes de recettes d’exportation liées à la fluctuation des prix ou de l’approvisionnement en produits de base.

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L’UE est également le 1er importateur mondial de fruits. Elle échange notamment avec les pays africains, réunis au sein du groupe ACP, avec qui elle a négocié des accords de partenariats économiques. Mais, elle échange aussi avec ses voisins proches ou des pays avec qui elle a négocié des accords d’échanges bilatéraux. Dans cette dimension importatrice, les États-Unis, l’Afrique du Sud et la Turquie sont des partenaires privilégiés. Les produits concernés étant principalement des bananes (43%), des agrumes (18%) et des fruits exotiques (13%).

En tant qu’exportateur, l’UE commerce avec ses voisins : la Russie, la Suisse et la Norvège mais également d’autres grands pays comme la Chine, dont la demande en produits européens augmente. Par la qualité des produits et par leur certification, l’UE a un fort attrait. Cependant, certaines régions font pencher la balance commerciale en leur faveur, comme les pays du Mercado Común del Sur (MERCOSUR).

La politique économique européenne a ainsi des conséquences mondiales par sa capacité à influer sur les pays en développement mais aussi par ses normes.


Les normes européennes : quels enjeux?

L’Union Européenne crée régulièrement toute une série de normes et de critères (de taille, de qualité, de pesticides autorisés, de normes phytosanitaires…). Ces derniers sont très souvent mis à jour ou modifiés. Ils font écho à des préoccupations sanitaires mises au jour par des études scientifiques. En UE, ils sont appliqués par les organisations de producteurs ou les groupements de producteurs. Ces derniers ont une capacité à négocier avec l’Union Européenne. Ce sont des acteurs qui recourent également largement au lobbying.

Cependant, cela a des conséquences dans les pays qui exportent vers l’UE, surtout pour les pays en développement et les PMA. Pour avoir des organisations de producteurs, il faut d’abord une stratégie agricole. Et ce n’est pas toujours le cas. En prenant l’exemple des pays ACP, quand un taux de pesticide autorisé diminue subitement, ce sont les cargaisons qui sont refusées ou détruites. De plus, contrairement aux pays européens, l’économie et les cultures sont moins diversifiées. Ainsi, ces normes ont un plus grand impact sur eux. De même, avec l’augmentation de la demande de produits bio sur le marché européen, la production de fruits « bio » est en hausse. Cela est également régulé par des normes. Les pays extérieurs à l’UE doivent s’y adapter pour pouvoir toucher ce nouveau marché.

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Toutefois, face à l’augmentation des préoccupations de sécurité alimentaire, on pense aux vulnérabilités structurelles des pays en développement. Que ce soit la Commission européenne ou le G20, cela est pris en compte. Malgré tout, certaines productions comme celles de bananes sont particulièrement exposées aux maladies fruitières.

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©Giorgio Cravero 

Par exemple, la banane Cavendish, jaune, que nous mangeons en Europe est une variété de culture au génome identique de génération en génération. Lorsqu’un parasite les touche, elles n’ont pas la capacité de muter pour s’en protéger. Ainsi, nous risquons depuis quelques années de perdre ces bananes à cause d’une maladie qui s’étend globalement, le Tropical Race 4. Dans les années 1950, déjà, la banane la plus répandue, la Gros Michel a disparu à cause de la souche précédente de cette maladie, Race 1.

Pour préserver la diversité, il existe des programmes, comme la Millenium Seed Bank créée par les jardins botaniques de Kew, au Royaume-Uni. Il consiste à conserver les graines de chaque espèce face aux changements climatiques.

Toutefois, la banane apparaît aujourd’hui pour 400 millions de personnes comme un produit de nécessité, au même titre que le riz ou le blé. Ainsi, l’Union européenne agit et crée des normes pour protéger ses citoyens et l’environnement, mais également pour contribuer au développement des pays moins avancés. Cependant, ce dernier élément demeure moins efficace.

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Par conséquent, les échanges fruitiers européens sont, au-delà d’un enjeu économique, un enjeu sanitaire. Récemment, le « bio » a conquis les rayons de nos supermarchés. Il faut néanmoins se demander si cela répond à un réel souci de l’environnement et de ce qui se retrouve dans nos assiettes. Aussi, à l’échelle internationale, les cultures agro-écologiques ont-elles une chance de s’implanter, sachant que sans les subventions européennes, les paysans qui cultivent nos fruits doivent endosser pleinement le coût de modernisation de leurs exploitations ? Enfin, les échanges mondiaux ont-ils réellement pour but d’atteindre la souveraineté alimentaire, quand les pays développés comme ceux de l’UE demandent des produits agricoles et spéculent dessus ?

Mortaza Behboudi
Jovana Trajkovic

Note :

  1. : Le Fond Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale, la Food and Agriculture Organisation (FAO), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), etc.

BIBLIOGRAPHIE

  • Sites web

Agritrade, « Enjeux du commerce dans le secteur des fruits et légumes pour les pays ACP », 2010, [En ligne]. http://agritrade.cta.int/fr/Agriculture/Produits-de-base/Horticulture/Enjeux-du-commerce-dans-le-secteur-des-fruits-et-legumes-pour-les-pays-ACP (dernière consultation 04/12/2016)

Agritrade, « Note de synthèse secteur des fruits et légumes », 2013, [En ligne]. http:// agritrade.cta.int/fr/Agriculture/Produits-de-base/Horticulture/Note-de-synthese-mise-a-jour-2013-Secteur-des-fruits-et-legumes (dernière consultation 04/12/2016)

CBI Center for the Promotion of Imports from Developing Countries, « What is the demand for fresh fruit and vegetables in Europe ? », 2015. [en ligne] https://www.cbi.eu/sites/default/files/market_information/researches/trade-statistics-europe-fresh-fruit-vegetables-2015.pdf  (dernière consultation le 04/12/2016)

Commission européenne,  »Fruit and vegetable regime – Agriculture et développement rural – European Commission” [en ligne] http://ec.europa.eu/agriculture/fruit-and-vegetables_fr (dernière consultation le 04/12/2016)

COPA – COGECA (European farmers, European agri cooperatives), « Fruit and Vegetable Producer Organisations in the EU : Overview and Prospects », [En ligne] www.copa-cogeca.be/ Download.ashx?ID=641314&fmt=pdf

FAO, « Continuer la lutte contre la cercosporiose noire pour sauver les petites exploitations bananières des Caraïbes », 12 décembre 2013. [En ligne] http://www.fao.org/news/story/fr/item/210608/icode/ (dernière consultation : le 04/12/2016)

  • Revue spécialisée

AZOULAY, Gérard, « Sécurité alimentaire mondiale et crise structurelle d’un mode de fonctionnement de l’économie agricole », L’homme et la société, L’Harmattan, Université Paris Sud, 2012/1 (n°183-184), p.61-81 [En ligne] http://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2012-1-page-1.htm

 

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