Quelles issues pour la paix en Palestine ?

Quelles issues pour la paix en Palestine ?

Le mercredi 15 mars, à l’Université Panthéon-Sorbonne, se tenait une conférence sur les issues de paix en Palestine, menée par EMA, l’association des Etudiants pour le Monde Arabe. L’intervenant, Xavier Guignard, doctorant de Paris 1, a vécu trois ans en territoire palestinien, période durant laquelle il a pu élaborer sa thèse « Faire l’État au service de la paix », et enseigner à l’université d’Al-Quds Bard Honors College qui se situe à Abu Dis (gouvernorat de Jérusalem).

Il commence son intervention par une chronologie nécessaire à la compréhension des multiples enjeux pour la paix.

Rappels chronologiques

Il fait débuter l’histoire du conflit israélo-palestinien à l’année 1917, et plus particulièrement au  2 novembre. A cette date, Lord Balfour, le Foreign Secretary britannique adresse une déclaration à Lord Lionel Walter Rothschild, financier du mouvement sioniste  expliquant que « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif ». Cette déclaration est aujourd’hui connue sous le nom de Déclaration Balfour. Au début des années 1920, la Palestine existe ainsi sous tutelle britannique. Ce n’est pas une entité discutée. C’est un territoire reconnu.

Suite à l’arrivée progressive des Juifs d’Europe de l’Est à partir des années 1930, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies adopte, le 29 novembre 1947, un plan de partage du territoire palestinien, créant de droit un Etat juif et un Etat arabe. La persécution des Juifs en Europe de l’Est d’une part et la montée en puissance du mouvement juif sioniste d’autre part amènent de fait à la partition de l’Etat de Palestine.

Le 14 mai 1948, l’Etat d’Israël est créé, à la tête duquel le premier président David Ben Gourion, issu du parti travailliste. Cette date est aujourd’hui reconnue comme fête nationale en Israël. Elle est commémorée du côté palestinien chaque année comme la « Nakbah » (i.e. la catastrophe). Elle représente l’immigration de 800 000 Palestiniens dans les pays arabes voisins et donne naissance au problème des réfugiés palestiniens. L’ONU crée de ce fait un organe spécifique à cette question, l’UNRWA (United Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East).

Par la suite,  le mouvement national palestinien se construit en exil. Il faut néanmoins noter que les nouveaux partis qui se constituent en exil ne sont pas les héritiers des partis sous le mandat britannique.

L’OLP, l’Organisation de Libération de la Palestine est créée le 28 mai 1964 au Caire. Elle est la représentation officielle de la Palestine sous la tutelle la Ligue arabe. A ce moment là, les pays membres de la Ligue pensent que cette organisation resterait sous leur tutelle. Cependant, après la guerre des Six Jours en 1967, l’organisation s’émancipe devenant complètement autonome.

En 1974, Arafat prononce un discours devant l’Assemblée Générale des Nations Unies pour appeler à la reconnaissance et à l’auto-détermination. Dans la foulée, la Palestine obtient le statut d’observateur à l’ONU.

Lien Discours de Yasser Arafat à l’ONU en 1974 

Il est important de noter que les deux approches, à la fois diplomatique et militaire ont cohabité de tout temps pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Pendant toute la décennie 1981, plusieurs tentatives de négociations ont avorté. Ces tentatives ont pu passer à travers une multitude de canaux : discussions entre la diaspora juive et l’OLP ; entre les Palestiniens d’Israël, dits Palestiniens de l’intérieur, et les figures de la gauche israélienne comme le parti travailliste, ou les intellectuels et même avec le  parti du Likoud et les autres partis.

La Conférence de Madrid en 1991 marque un tournant pour la résolution du conflit. Les Israéliens interdisent aux palestiniens d’avoir une délégation propre exigée. Ils sont donc représentés en partie par une délégation jordano-palestinienne.

Suite à cette conférence, trois processus parallèles de paix se distinguent.

  • 1.  Le processus multilatéral, qui se tient sous l’égide de Moscou et qui ne sera pas rendu public.
  • 2. Le processus bilatéral sous la tutelle de Washington avec la tenue de rencontres entre Israéliens et Palestiniens qui vont être publiques.
  • 3.  L’ouverture de canaux secrets entre Yasser Arafat et  Yitzhak Rabin, avec la présence des Egyptiens entre autres.

Les négociations d’Oslo, menées sous l’égide des Etats-Unis se révèlent plus efficaces. C’est une filière secrète de rencontres entre le ministre des affaires étrangères israélien et des représentants de l’OLP à Oslo. Les Palestiniens se rendent à 3 ou 4, sans conseiller politique par souci de discrétion. Les deux parties se mettent d’accord et échangent une lettre de reconnaissance mutuelle. On observe ainsi que la question de la paix est liée pendant ce processus à la question de la reconnaissance mutuelle. Une poignée de mains est échangée : les accords d’Oslo sont signés à Washington le 13 septembre 1993.

La question du processus de paix :

Telles qu’envisagées par Oslo, les négociations doivent durer cinq ans. Pendant ces négociations, on assiste à une division des questions en deux : celles que l’on règle dans l’immédiat, et celles qui devaient être négociées entre 1994 en 1999. Parmi ces dernières, la question de Jérusalem, celle des réfugiés ; autant de sujets autour desquels se cristallisent de nombreuses tensions, ce qui démontre une première faille dans le processus de négociations.

Ce processus rencontre cependant une large adhésion. C’est l’aboutissement de plusieurs combats politiques menés par les Palestiniens et les pays arabes. On assiste aussi à une normalisation du processus. En effet, l’Intifada finie, la Guerre froide finie, l’OLP fatiguée, les acteurs se trouvent plus enclin à négocier.

L’Autorité palestinienne est alors créée en 1994. La Cisjordanie et Gaza sont divisées en différentes zones: A, B et C, en fonction de leur degré d’autonomie par rapport au gouvernement israélien.

De 1994 et 1999, on assiste à plusieurs tentatives afin de donner corps au rapprochement notamment à travers des accords économiques.  Mais à travers ces accords, on a assisté de fait à une institutionnalisation de la dépendance de l’économie palestinienne à celle d’Israël. En effet pour que les Palestiniens aient accès aux capitaux, une autorisation des Israéliens est nécessaire. Le marché palestinien est ainsi devenu dépendant d’Israël.

Aussi, il n’y a pas eu de négociations sur les questions laissées en suspens sur le statut de Jérusalem ou sur la question des réfugiés. L’idée des négociations est maintenue pour donner l’illusion qu’il y a toujours une tentative de réconciliation mais en réalité, rien n’est fait pour concilier les deux entités.

En parallèle à cette illusion de négociations on observe deux types politiques de la part d’Israël : d’une part le refus par le gouvernement de produire des documents sur lesquels travailler (carte précisant leur territoire) et d’autre part la poursuite d’une colonisation intense. Ce tableau dépeint l’image de la société au début des années 2000.

La décennie 2000

En 2000, la seconde Intifada éclate. De jeunes palestiniens affrontent des militaires Israéliens lors d’émeutes extrêmement violentes. Cet épisode dure 5 ans. Ces affrontements se concluent par la rencontre de Sharm el Sheikh et la signature entre 13 parties d’accords pour la paix.

A partir de la moitié des années 2000, plusieurs bouleversements politiques surviennent. En effet, en 2004 Yasser Arafat, leader historique de l’OLP meurt à Paris. Parallèlement, Mahmoud Abbas est élu en 2005 à la tête de l’Autorité palestinienne.

Dans le même temps, le gouvernement de Shimon Peres décide de l’évacuation unilatérale de la bande de Gaza, ce qui ravive les débats sur la question du droit à occuper. 6 000 colons sont alors sortis de Gaza et maintenus dans un statut de précarité.

Le tournant des années 2005-2006 est crucial. Le Hamas gagne les élections à Gaza ce qui déclenche un conflit fratricide. il expulse l’Autorité palestinienne de ce territoire qui se replie alors sur la Cisjordanie et Ramallah. Ainsi ces deux entités revendiquent simultanément le pouvoir sur les territoires palestiniens. Du fait de ce conflit, aujourd’hui ni l’un, ni l’autre n’ont de réelle légitimité auprès de la population. Cette période d’affrontement laisse des séquelles graves à la fois économiques et sociales.

Du fait de ces évènements, l’Autorité palestinienne va rechercher le statu quo avec le pouvoir israélien. L’autorité nationale palestinienne est, du fait des accords conclus dans les années 1990, garante de deux choses : la coopération sécuritaire d’une part et la coopération économique. La dimension sécuritaire est un enjeu essentiel pour Israël. En effet, un certain nombre de services de sécurité palestiniens ont explicitement vocation à garantir la sécurité des Israéliens afin d’éviter les tentatives d’attentats. On observe ainsi une délégation de pouvoirs entre Israël et l’Autorité palestinienne : l’économie palestinienne repose sur la capacité de l’Autorité palestinienne à garantir la sécurité des Israéliens.

La question de la détention administrative est aussi très importante au regard de l’enjeu sécuritaire. Initialement,  cette mesure était utilisée pendant le mandat britannique contre les Juifs de Palestine. Elle permet l’enfermement sans procès : environ 40% des hommes d’une classe d’âge connaîtront ainsi la prison.  L’Autorité palestinienne est  de fait un régime banalement autoritaire. Elle est condamnée à agir contre son propre peuple. Les institutions palestiniennes vont être la cible de revendications : l’Autorité palestinienne devient un relai de la colonisation.

Il est vrai que depuis une vingtaine d’années, on a assisté à des efforts de structuration d’un Etat via le développement d’infrastructures publiques. Mais tout cela n’est qu’une illusion : il y a eu une mauvaise compréhension de l’État de la part de l’Autorité palestinienne. L’Etat est une question de souveraineté, pas une question d’institution. La souveraineté passe par la citoyenneté et par la protection d’une autorité politique. L’Autorité palestinienne ne remplit pas ce  rôle. Aucune autorité ne garantit de droits aux Palestiniens.

En conclusion, il est nécessaire d’observer que le processus de paix a uniquement porté sur une question d’apparence. En vingt ans, il n’y a eu aucun gain de souveraineté de la part de l’Autorité palestinienne, le pouvoir s’est divisé, et le conflit s’est durci. Ainsi, les issues pour la paix semblent aujourd’hui, plus que jamais, compromises.

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