Et si les missiles étaient déjà lancés ? En termes de communication, c’est une certitude. A l’occasion de la soixante-septième Assemblée générale des Nations Unies qui s’est ouverte à New-York le 18 septembre 2012, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad se sont prêtés au jeu des interventions/réponses sur les sujets internationaux les plus brûlants du moment. Du pacifisme affiché par Ahmadinejad au véritable show de « Bibi », chacun a voulu convaincre son public. Décryptage.
Deux jours avant son discours à la tribune des Nations Unies, Ahmadinejad accordait une interview exclusive au journaliste Piers Morgan pour CNN. L’occasion pour le chef d’Etat iranien de préciser sa position sur la question syrienne, le printemps arabe, la lutte contre le terrorisme, l’homosexualité et Israël. Il n’en fallut pas davantage à Benjamin Netanyahu pour riposter verbalement dans son allocution aux Nations Unies. Dans un contexte de tensions grandissantes entre les deux pays, chacun des deux dirigeants a joué la carte de la provocation avec des objectifs similaires : plaider la légitimité, adoucir l’image de son pays et rappeler combien l’autre est dangereux.
Opération séduction
Que ce soit devant les téléspectateurs de CNN ou devant le parterre des dirigeants mondiaux à l’ONU, Ahmadinejad et Netanyahu ont fait l’éloge de l’ancienneté de leur pays respectif. Pour le premier, il s’agit de rappeler que l’Iran est l’un des « berceaux de la civilisation » qui, par conséquent, « ne peut être attaqué » ; pour le second, l’objectif est de légitimer l’existence d’Israël en Palestine, répondant à « ceux qui pensent que l’Etat d’Israël n’a aucune raison d’exister dans la région ». Alors que le président iranien s’est exprimé en farsi, Bibi a fait le choix de l’anglais, contrairement à l’usage habituel de la langue nationale lors des discours prononcés à l’ONU. Sans doute une manière de rappeler la proximité d’Israël avec les États-Unis, que le premier ministre aimerait voir s’engager davantage dans son rapport de force avec l’Iran.
Sans surprise, Netanyahu a fustigé « l’Iran postrévolutionnaire » comme l’incarnation du « médiévalisme, (…) l’un des visages de l’Islam radical [qui produit] un grand nombre de bombes humaines ». Et par bombes, la transition était facile : le premier ministre israélien a enfoncé le clou sur le dossier du nucléaire iranien. S’adressant plusieurs fois directement à ses homologues planétaires, il les a invités à « imaginer ce que seraient les attaques d’un Iran nucléarisé » ; enflammé, il est allé jusqu’à comparer « un Iran doté de l’arme nucléaire (…) avec un Al Qaeda nucléarisé ».
Bien entendu, les chaises de la délégation iranienne sont vides lors de l’intervention du chef du gouvernement israélien. Sur CNN, Ahmadinedjad s’est seulement contenté d’invoquer « le droit à l’énergie nucléaire pacifique pour tous ». Pacifique ou non, le président israélien est déterminé à mettre un terme à cette entreprise, proposant comme « seul moyen pacifique (…) la définition d’une ligne rouge claire et précise » à ne pas dépasser, et qui concernerait « en priorité le programme d’enrichissement d’uranium » ; une ligne rouge matérialisée par un schéma brandi aux yeux de tous. Rappelant la menace d’une attaque militaire israélienne contre l’Iran, le journaliste Piers Morgan s’est vu répondre par Ahmadinejad que « chaque nation a le droit de se défendre ».
Jusqu’où la provocation ira-t-elle ?
Outre le nucléaire, les tensions sont également palpables à propos de la question palestinienne. Pour Netanyahu, « nous [Israéliens et Palestiniens] devons […] négocier et rechercher un compromis mutuel à travers lequel un État palestinien démilitarisé reconnaîtra le seul et unique État juif ». « Nous respecterons les choix que feront les Palestiniens en tant qu’entité nationale autonome » a, pour sa part, indiqué Mahmoud Ahmadinejad; et d’ajouter, presque angélique, que « l’occupation et la guerre doivent être éradiquées ». Le journaliste s’empresse alors de lui demander s’il souhaite vraiment qu’Israël soit rayé de la carte : « que feraient les États-Unis si leur territoire était occupé ? » lui répond, non sans une inquiétante malice, le président iranien.
A la télévision, l’ancien maire de Téhéran dénonce le comportement des États-Unis au Moyen-Orient, malgré la déclaration d’amitié faite au peuple américain au début de l’entretien. L’interventionnisme américain en prend pour son grade : « le comportement des Américains dans notre région favorise l’extrémisme. Ils feraient mieux de réformer leur comportement vis-à-vis de nos populations ». Plus généralement, « le monde, dans son intégralité, a besoin de réformes » lance-t-il au journaliste de CNN lorsque celui-ci lui demande son avis sur le Printemps arabe. La question de l’interventionnisme est de nouveau abordée avec la situation en Syrie pour laquelle Ahmadinejad propose que « les choses doivent être résolues pacifiquement sans aucune intervention extérieure » ; et d’ajouter que « nous devons aider la population syrienne à obtenir ses droits de manière pacifique. ».
Mais cette opération de communication, visiblement bien préparée, ne serait pas complète sans les sorties habituelles du chef d’Etat musulman. Autoproclamé « ami des Nations (…et) amoureux de toute l’humanité », monsieur Ahmadinejad a cependant évoqué quelques exceptions : « l’homosexualité est une abomination, soutenue par les capitalistes et ceux qui supportent davantage l’accumulation de capitaux que les valeurs humaines ». Quant à l’Holocauste, dont le régime iranien nie parfois l’existence, Ahmadinejad s’interroge : « quel est le lien avec la terre de Palestine ?» avant d’appeler à « la liberté des chercheurs et universitaires en Occident quant à l’analyse de n’importe quel fait historique ». Chassez le naturel, il revient au grand galop.
Thomas Sila
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