Ferguson, petite ville du Missouri dans la banlieue de Saint-Louis a été le théâtre de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. La situation a dégénéré suite à la mort de Michael Brown, un jeune Afro-Américain de 18 ans abattu de 6 balles par un policier dans des conditions encore floues. Les événements de Ferguson ont fait l’objet d’une intense couverture médiatique aux États-Unis comme à l’étranger. Beaucoup d’analyses ont été écrites, énumérant les causes de cette violence, décortiquant les tensions raciales historiques, établissant des parallèles avec les émeutes de Los Angeles en 1992 ou encore la mort de Trayvon Martin en 2012.
#IfTheyGunnedMeDown
Dans une situation aussi complexe et explosive, le traitement de l’information devient un enjeu en soi. Ainsi lorsque certaines chaines d’information américaines diffusent une photo de Michael Brown faisant un signe de « gangster » plutôt que celle où on le voit coiffé de la graduated cap (la faluche des étudiants américains), la réponse ne se fait pas attendre. De nombreux jeunes Afro-Américains diffusent sur Twitter deux photos, une en costume d’étudiant diplômé ou en uniforme de l’armée américaine et une autre en tenue et une posture faisant référence à l’univers hip-hop, univers associé à la délinquance dans l’inconscient collectif américain. Ces photos sont suivies du hashtag « iftheygunnedmedown » que l’on peut traduire par « s’ils me descendaient ». Ce mot-clé pose une question : s’ils me descendaient quelle photo diffuseraient-ils ? Cette initiative dénonce efficacement la présomption de culpabilité trop souvent attachée aux jeunes Afro-Américains tués par des policiers, ainsi que le poids des préjugés dans la société américaine et leurs reflets dans les grands médias.
Les réseaux sociaux ont également été utilisé par les manifestants de Ferguson pour donner une version des faits différente de celle rapportée par les grands médias nationaux. A coups de tweets, photos et vidéos, les manifestants mettent en avant les comités citoyens spontanés mis en place pour prévenir les pillages ou encore des preuves accablantes des violences policières.
Les images de femmes atteintes par les gaz lacrymogènes ou de policiers usant de la force de manière clairement disproportionnée ont beaucoup choqué. Mais ce qui a le plus indigné une partie de la population américaine est l’apparence même des forces de l’ordre, leurs méthodes d’intervention et surtout leur armement. En effet, les images d’un groupe de policiers surarmés avançant comme un commando des forces spéciales, le viseur pointé sur des manifestants désarmés le tout secondé par un véhicule blindé faisaient davantage penser à Bagdad en 2003 que Ferguson, Missouri en 2014. Les évènements de Ferguson ont ainsi attiré l’attention sur un phénomène méconnu et croissant : celui de la militarisation des forces de l’ordre américaines. Pour dénoncer ce transfert hallucinant d’armes de guerre de l’US Army à des polices municipales, certains choisissent l’humour comme John Oliver.
John Oliver, Last Week Tonight with John Oliver : Ferguson, MO and Police Militarization (en anglais).
Data journalism.
Pour rendre compte de l’étendue du phénomène, le data journalism (ou journalisme de données) secteur de l’information en pleine expansion, s’avère très efficace. Les procédés du data journalism ont été utilisés pour rendre compte de la situation à Ferguson comme dans des visuels montrant la non-représentativité des institutions de Ferguson ou encore le nombre de comtés (county, subdivision administrative d’un État aux États-Unis) ayant acheté des armes à l’armée américaine.
Consulter le blog de Simon Rogers « What data journalism told us about #Ferguson. »
Nicolas SAUVAIN
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