Attentat à Suruç : « Nous connaissons les assassins ainsi que leurs soutiens ! »
#SuruçtaKatliamVar, « il y a un massacre à Suruç »… Lundi 20 juillet 2015, trente-trois jeunes ont perdu la vie à Suruç, ville turque située à la frontière syrienne, dans une attaque suicide menée par un jeune homme de vingt ans appartenant à l’organisation de l’État Islamique.
Ils étaient en tout trois cents jeunes, originaires de toutes les régions de Turquie et membres de la Fédération des jeunes socialistes. Ils comptaient se rendre à Kobanê les bras chargés de cadeaux et de matériel pour la reconstruction de cette ville kurde de Syrie détruite par les récents combats. Ils voulaient notamment aider à y construire des parcs ou des bibliothèques… En attendant de pouvoir passer la frontière, ils résidaient dans le centre culturel Amara qui entretient des liens étroits avec Kobanê, Suruç étant une ville où de nombreux Kurdes de Syrie sont venus se réfugier depuis le début des combats à Kobanê en septembre dernier.
L’explosion ayant eu lieu en pleine conférence de presse, les vidéos et photographies du massacre sont nombreuses, rappelant sauvagement à la société turque la réalité des politiques manigancées dans la région. Depuis lundi après-midi, les réseaux sociaux sont saturés par les messages de solidarité aux familles des victimes et la dénonciation de la politique syrienne de l’AKP. « Nous connaissons les assassins ainsi que leurs soutiens» : les slogans soulignent la responsabilité évidente de la politique d’Erdoğan vis-à-vis de Daech, d’autant plus que le Président n’a pas jugé nécessaire d’interrompre sa tournée dans la partie turque de Chypre pour prendre part au deuil national. La Turquie est en effet accusée d’avoir facilité le déplacement des hommes de Daech, d’avoir soigné leurs blessés et même de leur avoir donné des armes. Sous la pression américaine, la police turque a récemment médiatisé l’arrestation de certains membres de l’organisation, donnant un nouveau ton aux relations entre l’État turc et Daech.
Ils étaient beaux, ils étaient jeunes, ils étaient solidaires… Tandis que certains préfèrent mettre l’accent sur la ville de destination ou la tendance de gauche pro-kurde des victimes, d’autres soulignent la gravité d’un deuil national en rappelant l’importance de la solidarité internationale (voir photo ci-dessus). Tous ont appelé au rassemblement dès lundi soir malgré la répression attendue des policiers turcs, qui n’ont pas manqué à leur devoir en gazant les manifestants sortis par milliers dans les rues de toutes les grandes villes de Turquie.
Mardi, les enterrements des victimes dans leurs villes respectives ont suscité de nouvelles marches spontanées, des foules de citoyens en deuil et en colère contre un gouvernement qui ne peut plus assurer la sécurité de ses citoyens. Partout, des lieux de recueillement sont improvisés, des marches et des sit-ins silencieux sont organisés. À Istanbul et dans certaines villes de l’est, les affrontements entre les manifestants et la police ont duré jusque tard dans la nuit. Mustafa, sept ans, est actuellement en soins intensifs après avoir reçu une capsule de gaz dans la tête.
Comme lors de chaque événement bouleversant en Turquie, les nouvelles sont principalement relayées par les divers canaux créés lors du Mouvement de Gezi en mai 2013 (pages Facebook, comptes Twitter, chaînes télévisées et journaux en ligne…), maintenant éveillée et informée une opposition civile face à un gouvernement qui perd chaque fois plus de crédibilité et de soutien au sein de la société turque.
Un rassemblement aura lieu ce mercredi 22 juillet à 16 heurs devant l’Ambassade de Turquie et samedi 25 à 15 heures à la Gare de l’Est.
Solène Poyraz
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