Le Conseil national de transition (CNT) neutralisé.
Le mercredi 16 et le jeudi 17 septembre, le Burkina Faso a connu un nouveau coup d’État mettant un coup d’arrêt à la période de transition initiée à la fin du mois d’octobre 2014 après la fuite de l’ancien président Blaise Compaoré.
- Pour en savoir plus sur la « deuxième révolution burkinabée » qui a mis fin aux 27 ans de règne du « beau Blaise » et l’état de la transition 4 mois après le départ de Compaoré, lisez notre article « Quatre mois après la deuxième révolution burkinabés : où en est la transition » disponible sur Classe Internationale.
Jeudi 17 septembre des membres du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont interrompu le Conseil des ministres à Ouagadougou, pris en otage les deux figures de la transition : le président Michel Kafando et le Premier ministre Yacouba Isaac Zida ; et déclaré à la télévision nationale la dissolution des principales institutions du pays ainsi que la mise en place d’un bien mal nommé Conseil national de la démocratie (CND).
- Pour en savoir plus sur le déroulé heure par heure du coup d’État, lisez l’article de Jeune Afrique « Burkina : la deuxième journée du coup d’État minute par minute » ou encore ce résumé par Mathieu Olivier disponible sur Jeune Afrique « Coup d’État au Burkina Faso : tout savoir sur le jour où le général Diendéré a pris le pouvoir ».
Quelles sont les motivations des putschistes ?
Ce coup d’État pourrait répondre à des objectifs corporatistes. En effet, le projet de dissolution du puissant Régiment de sécurité présidentielle (RSP) aurait motivé la prise du pouvoir par ses membres qui refusaient d’être remplacés par une unité d’élite de la police. Rappelons que le RSP était la garde prétorienne au service de Blaise Compaoré impliquée dans des assassinats dont celui du journaliste Norbert Zongo en 1998. Le RSP, véritable faiseur de rois, détermine la survie du pouvoir politique par son soutien ou son opposition à celui-ci. C’est la perte du soutien du RSP qui a précipité la chute de Blaise Compaoré en 2014, les mutineries de 2011 avaient déjà ébranlé le pouvoir du « baobab » (un autre surnom de Compaoré). Blaise Compaoré en fuite en octobre 2014 avait d’ailleurs pris le soin de contourner la caserne du RSP. Toujours en 2014 c’est un membre influent du RSP, Yacouba Isaac Zida, qui avait pris la tête de la transition avant de la partager avec un civil, Michel Kafando. Mais les discours de Zida qui reprenaient les revendications des manifestants anti-Compaoré et surtout la réouverture des enquêtes sur les morts de Zongo et Sankara ont consacré la rupture entre Zida et le RSP. Aujourd’hui c’est le chef du RSP Gilbert Diendéré qui se trouve de facto à la tête du Burkina Faso.
- Pour en savoir plus sur Gilbert Diendéré, un militaire de 55 ans, ancien bras droit de Compaoré et aujourd’hui considéré comme étant le « nouvel homme fort » du Burkina Faso selon la formule consacrée, lisez l’article de Courrier International « Gilbert Diendéré, de l’ombre à la lumière ».
D’autres voient derrière ce coup d’État la main de Blaise Compaoré qui d’abord en exil au Sénégal se serait rapproché du Burkina en se déplaçant récemment en Côte d’Ivoire. La reprise du pouvoir par les fidèles de Comparé aurait été motivé par l’impossibilité faite à ces derniers de revenir au pouvoir par la voie des urnes. En effet, le Conseil national de transition (CNT) a interdit la participation aux prochaines élections du 11 octobre à tous ceux ayant soutenu la modification de l’article 37 de la Constitution, le fameux article limitant le nombre de mandats présidentiels que Blaise Compaoré avait voulu modifier au forceps, ce qui avait provoqué des manifestations populaires et causé sa chute.
- Pour en savoir plus sur ce coup d’État, le RSP, son passé putschiste, sur Gilbert Diendéré et ses relations avec la France ; lisez l’article très complet de Bruno Jaffré en accès libre sur mediapart.fr « Burkina : le régiment de sécurité présidentielle rappelle aux yeux du monde son caractère putschiste ».
Les réactions de la société civile et l’ombre de Sankara.
Dans un article « Édition spéciale » de RFI, on retrouve les points de vue de différents observateurs burkinabés et étrangers qui soulignent l’opposition de la société civile à cet énième coup d’État ou encore les signes avant coureur de celui-ci. RFI relève également une « coïncidence » selon les mots de Mariam Sankara, la veuve de l’ancien président Thomas Sankara (1983-1987), égérie du panafricanisme assassiné par son compagnon d’arme d’alors, un certain Blaise Compaoré. En effet, ce même jeudi, le jour du coup d’État, les conclusions d’un rapport d’expertise devaient être rendues publiques après l’exhumation du corps de Sankara et en dire plus sur les causes de sa mort, un certain Gilbert Diendéré y serait impliqué…
- Pour en savoir plus sur cette enquête, lire également les articles de Le Monde et de Jeune Afrique.
Dénoncé par la communauté internationale, notamment la France, l’Union africaine et certains leaders régionaux comme les présidents sénégalais Macky Sall et béninois Thomas Boni Yayi, le nouveau pouvoir de Ouagadougou fait face à de sérieuses contestations. Si le RSP constitue la colonne vertébrale de ce nouveau pouvoir, le reste de l’armée régulière n’a toujours pas pris parti et son ralliement ou non sera décisif. De plus la société civile burkinabée, forte de sa victoire contre Compaoré l’année dernière, ne restera pas silencieuse malgré les menaces des putschistes, des collectifs comme Balai citoyen continueront à réclamer une transition vers une réelle démocratie. Dans ce contexte hautement volatil, les prochains jours vont être déterminants pour l’avenir du « pays des hommes intègres ».
Nicolas Sauvain
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