« L’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent : elle compromet, dans le présent, l’action même ».
Ces quelques mots de l’historien Marc Bloch, prononcés il y a plus d’un demi-siècle, résonnent, dans le contexte turc, comme un avertissement lancé à la politique menée par le régime actuel. En effet, ces dernières années, dans un souci autant idéologique qu’électoraliste, le président Erdoğan et le Parti de la Justice (AKP) ont fait du riche passé turc, un enjeu de mémoire important, source de mobilisation politique.
Ainsi, le 29 octobre dernier, alors que les derniers sondages continuent d’annoncer une future impasse politique à l’issue du scrutin du 31 octobre, Erdoğan a choisi de s’afficher auprès de la petite fille d’Abdülhamid II, dernier grand sultan ottoman, à l’occasion de l’avènement de la République turque et de la fin de l’Empire Ottoman. Ce choix, éminemment réfléchi, interroge, même dans son propre camp. Alors qu’une large partie de l’opinion turque lui attribue des penchants autoritaires, célébrer la mémoire d’un sultan, symbole d’un régime absolutiste révolu apparait comme lourd de sens. De plus, il s’agit d’une rupture volontaire avec l’héritage kémaliste pour qui ce jour commémorait la naissance de la Première République de Turquie.
Démarche singulière donc de prime abord de voir un chef d’Etat en exercice préférer célébrer l’ancien régime là où le protocole attendrait une célébration du régime actuel.
Pour comprendre cela, Classe Internationale vous propose de relire un article publié peu avant les élections législatives de juin, décryptant les rapports ambigus d’Erdogan avec le passé ottoman.
Thomas Gagnière
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