Jean-Baptiste Noé, « Géopolitique du Vatican »
Certes, le Vatican est le plus petit État du monde (0,44 Km2). Avec 110 militaires, la garde suisse pontificale constitue l’armée la plus restreinte. Le Vatican a néanmoins un rôle considérable dans les relations internationales. «Il n’a pourtant pas le hard power des Etats-Unis, ni la profondeur stratégique de la Russie, ni la puissance culturelle et économique de la France, ni l’industrie de l’Allemagne, ni l’attractivité de la Chine. Il n’est présent ni au G20 ni au Conseil de sécurité des Nations-Unies ». Face à la forte influence du Saint-Siège dans le monde, il apparaît nécessaire d’analyser les positions qu’il défend, d’autant plus que l’application des principes de l’Église touche à la fois les sphères politiques, économiques, sociales et diplomatiques.
Source : https://www.revueconflits.com/puissance-21-prochaine-conference-le-26-mai-a-lege/
Le terme de « Saint-Siège » renvoie au gouvernement de l’Église catholique, à savoir le pontife romain et les organismes de la Curie, disposant d’une personnalité juridique reconnue par la communauté internationale et exerçant ainsi sa propre souveraineté. Ce terme ne doit normalement pas être confondu avec ceux de « Vatican » ou de « Cité du Vatican » qui renvoient à l’État à part entière. En pratique, ils sont régulièrement employés de façon analogue. Les États pontificaux ont été créés par la volonté de Pépin le Bref en 752 avant d’être réduits dans les années 1870 au seul lieu du Vatican actuel, lorsque le royaume de Piémont-Sardaigne a annexé l’ensemble des États et royaumes de la péninsule italienne. En 1929, les accords du Latran reconnaissent une juridiction temporelle au Saint-Siège et permettent la création de l’État du Vatican. L’Italie reconnaît alors l’entière souveraineté du Vatican tout en lui accordant une protection, la police italienne pouvant intervenir à la demande du Saint-Siège pour le maintien de l’ordre.
L’État du Vatican est une monarchie absolue élective, le Souverain pontife ayant la plénitude des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire même s’ils sont en pratique délégués. Le Vatican ne dispose pas de revenus publics. Il s’agit du seul État qui ne prélève pas d’impôts. Ses ressources proviennent donc des dons des fidèles et du produit du capital possédé. Mais sur le plan financier, le Vatican est régulièrement critiqué pour le fonctionnement de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), chargé de la gestion des biens transférés pour « les travaux de la religion et de la charité ». Il peut notamment recevoir des placements bancaires dont les intérêts sont reversés dans des activités apostoliques. En 2008, l’IOR gérait 5 milliards d’euros de valeurs et 44 000 comptes courants. Mais cet organe a fait face à de nombreuses crises, notamment en 1969 lorsque M. Sindona, alors à la tête de l’IOR, en a fait un centre de blanchiment d’argent et de transit pour les opérations mafieuses. Suite aux diverses affaires de blanchiment, des réformes de l’IOR ont été entreprises, notamment par Benoît XVI et le pape François. Mais l’IOR a également aidé à financer le syndicat polonais Solidarnosc et à aider des communautés situées dans des pays ne respectant pas la liberté de religion. Le fait que le Vatican dispose d’une forte force de frappe financière a notamment permis au pape François d’accorder un don d’un million d’euros pour aider les réfugiés syriens.
La particularité de la géopolitique du Vatican est qu’elle ne vise pas à étendre l’influence d’un État et de ses prérogatives politiques mais cherche à diffuser et à faire respecter certaines valeurs : le bien commun, la paix, le respect du plus faible et le développement intégral de la personne. Paradoxalement, la perte par le Vatican des larges territoires pontificaux dont il disposait au XIXème siècle, a renforcé son pouvoir en le libérant de ses intérêts nationaux. Cela permet au Vatican de se présenter davantage comme un État neutre, n’ayant aucun intérêt personnel à défendre. Preuve de la volonté de conserver cette indépendance, le Saint-Siège a choisi de n’avoir à l’ONU qu’un statut d’observateur, pour ne pas rentrer dans le jeu politique par le vote, réservé aux États-membres.
La diplomatie vaticane dans l’histoire
Tout au long de son histoire, le Vatican semble avoir sans cesse mis en place d’importantes stratégies diplomatiques. En témoignent les nombreuses nominations de papes antérieurement diplomates du Saint-Siège. Les principales preuves historiques de cette ambition restent certainement l’appel à la croisade par Urbain II en 1095 ou l’influence vaticane lors des grandes expéditions au XVème siècle. Ainsi, en signant le traité de Tordesillas en 1494, le pape Alexandre VI partagea le Nouveau Monde entre l’Espagne et le Portugal. Sur le plan géopolitique toujours, l’Église catholique a très tôt promu l’idée d’une guerre juste, condamnant sauf exception l’usage de la force. Les principaux relais de cette idéologie ont été Saint Augustin puis Saint Thomas d’Aquin. Autre preuve de l’intérêt ancien du Vatican pour la diplomatie, il s’agit du premier Etat européen à avoir créé une école pour former les diplomates en 1710 (l’Académie des nobles ecclésiastiques) permettant la présence dès le XIVème siècle de diplomates du Vatican dans de nombreuses chancelleries d’Europe.
Au XIXème siècle, alors que l’évangélisation réalisée par les missionnaires dans le monde ralentissait, le Vatican a pu de nouveau apparaître au cœur des relations internationales par le biais des arbitrages, des médiations et des bons offices. Les États choisissant ces modes de règlement pacifique des différends ont régulièrement fait appel au Pape pour trancher certains conflits depuis l’initiative de Léon XIII et la première médiation papale en 1885.
Au cours du XXème siècle, les différents papes ont régulièrement pris position lors des grands conflits mondiaux. Néanmoins, force est de constater que leurs demandes n’ont pas toujours été suivies d’effets. En septembre 1914, Benoît XV fera des propositions concrètes lors d’un appel à la paix, et négociera notamment avec l’Allemagne pour obtenir la tenue d’un référendum sur la question de l’Alsace-Lorraine, en évoquant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais alors que la Première Guerre mondiale a témoigné de la bonne volonté du pape pour rétablir la paix, elle a également prouvé son impuissance, notamment du fait de son absence à la conférence de Versailles. En revanche, l’ampleur des discussions autour de sa possible présence à la table des négociations prouve que le Vatican était alors revenu dans le concert des nations.
Il reste difficile d’évaluer l’impact des négociations menées par les papes dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale dans la mesure où les archives du Vatican sur cette période ne sont pas encore ouvertes. On sait néanmoins que Pie XI avait demandé la rédaction d’une encyclique condamnant le régime nazi, publiée le 10 mars 1937 et diffusée de façon clandestine en Allemagne. Le 19 mars, il publia également une encyclique condamnant le communisme à la vision anticléricale. D’après l’historien Pinchas E. Lapide, l’action de Pie XII par la suite aurait permis de sauver environ 400 000 personnes, notamment en les aidant à trouver refuge. Pie XII a même pris part au complot contre Hitler, quittant alors la traditionnelle neutralité du Saint-Siège pour se ranger du côté des alliés.
Par la suite, le Vatican a également eu une influence non négligeable durant la guerre froide.
Tout d’abord durant la crise de Cuba, Jean XXIII ayant directement téléphoné à Kennedy et Khrouchtchev en 1962. Ce type d’initiative vaticane a pu se retrouver très récemment, Barack Obama et Raul Castro ayant publiquement remercié le Pape François pour avoir œuvré à la réconciliation entre les deux Etats, notamment en jouant le rôle de bons offices en octobre 2014.
Toujours lors de la guerre froide, c’est en invitant Lech Walesa à Rome que Jean-Paul II a donné une aura internationale à la dissidence polonaise. La réussite du Solidarnosc apparaît comme une preuve de la force du Soft power du Vatican. Pour Jean-Baptiste Noé « nous voyons comment un ordre international édifié par la guerre peut être renversé non par une guerre nouvelle mais par des manifestations pacifiques. Le concept de puissance est ici délié de la puissance militaire, des hommes (ici les Polonais) et des États (ici le Vatican) pouvant attaquer un régime et un empire sans disposer de moyens militaires ».
Au cours de la période récente Benoît XVI a davantage axé ses positions géopolitiques sur la perte de leadership en Europe. Il a notamment mis en garde contre l’abandon du christianisme par l’Europe qui entraînerait un abandon de sa puissance et de son rayonnement culturel dans un monde de plus en plus porté sur le religieux. L’Europe ne sera alors ni audible ni écoutée.
Alors que beaucoup pensent que la religion perd progressivement de l’influence, l’impact diplomatique du Vatican au XXème siècle n’a fait que s’accroître. Pour preuve, alors qu’en 1900 seulement 4 États avaient une ambassade accréditée auprès de lui, 180 États possèdent aujourd’hui une représentation près le Saint-Siège. Alors qu’elles avaient été coupées sous le règne d’Elisabeth I, les relations diplomatiques avec l’Angleterre ont été rétablies en 1914. Les États-Unis, fondés sur une opposition au catholicisme et une tradition protestante, sont désormais obligés de composer avec le Vatican, 62 millions d’américains étant catholiques, soit un quart de la population. Après des siècles de tensions, les relations avec la Russie se sont améliorées en 2010 grâce à la visite à Rome de D. Medvedev et V. Poutine avec la volonté commune de lutter contre l’affaiblissement des valeurs chrétiennes en Europe et contre la montée du relativisme. Le numéro deux de l’Eglise orthodoxe était d’ailleurs présent lors de l’intronisation du Pape François. Les rapports sont néanmoins plus tendus avec la Chine, les relations diplomatiques entre les deux États étant inexistantes et le gouvernement chinois souhaitant avoir un droit de regard sur la nomination des évêques dans son pays. Enfin, le Vatican apparaît de plus en plus comme un acteur incontournable des grands dialogues inter-culturels. En témoigne la rencontre entre le président israélien et le président de l’Autorité palestinienne accompagnés d’un rabbin, d’un imam et d’un prélat orthodoxe pour prier pour la paix autour du Pape dans les jardins du Vatican, le 6 juin 2014.
Néanmoins, l’influence du Vatican est de plus en plus contestée dans certaines régions du monde.. Ainsi, au-delà de l’accroissement de l’évangélisme en Amérique latine, beaucoup de catholiques deviennent non-pratiquants alors que les nouveaux évangélistes sont particulièrement actifs. La volonté des populations des pays du tiers-monde de se tourner vers l’évangélisme peut s’expliquer par leur envie de « se penser par eux-mêmes » et de ne plus emprunter leurs idéologies à l’Occident. Au final, et contrairement aux idées reçues, c’est l’Europe qui apparaît comme le continent de l’avenir pour le catholicisme en raison d’un retour vers le religieux. En témoigne la présence d’un million et demi de jeunes aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) à Madrid en 2001 (contre 400 000 à Rome en 1984) ou encore l’importance de la mobilisation, y compris de jeunes, contre la loi Taubira.
Le Vatican et la promotion de la culture
L’importance accordée par le Vatican à la promotion de la culture se voit notamment avec la création par Jean Paul II d’un Conseil pontifical pour la culture en 1982. La culture est en effet vue comme un champ essentiel pour permettre le dialogue et faciliter les échanges car c’est un domaine plus neutre que le terrain religieux. Si catholique signifie universel, l’Église n’est pas en faveur d’une uniformisation des peuples. Au contraire, Jean-Paul II considérait que les luttes pour l’indépendance et l’attachement à sa culture d’origine sont des devoirs liés au quatrième commandement portant sur le devoir d’honorer son père et de sa mère. L’Église condamne néanmoins le nationalisme, qui ne recherche que le bien de sa propre nation. En matière de culture, Benoît XVI a davantage insisté sur la sauvegarde de la culture européenne. Il précisait ainsi qu’il serait impossible de mettre en place un dialogue permettant aux migrants d’adhérer aux valeurs européennes si les Européens eux-mêmes les renient.
Le Saint-Siège et les droits de l’Homme
Deux sujets sont essentiellement défendus par le Vatican en matière de droits de l’homme: la liberté, notamment religieuse, et la dignité de la personne. La défense du droit à la vie et une définition extensive du droit à la dignité justifient son opposition au droit à l’avortement et à l’euthanasie. Cela explique aussi l’opposition à l’idée qu’il faudrait réduire la natalité dans les pays pauvres pour assurer leur développement. Si en Europe nous sommes désormais habitués à présenter ces oppositions comme un facteur d’affaiblissement du soft power du Vatican, cette affirmation doit être nuancée. Cela permet en réalité au Saint-Siège de se rapprocher des populations et des pays qui ne partagent pas la vision la plus rependue dans les pays occidentaux. Le Vatican est en effet davantage « capable d’un dialogue réel, c’est-à-dire capable de comprendre que les autres pays et les autres peuples peuvent avoir une vision du monde différente de la sienne ». Alors que les pays occidentaux risquent d’utiliser leurs propres définitions des droits de l’homme pour justifier leurs interventions et imposer leur vision du monde.
La guerre juste
Le commandement divin stipule que l’interdiction de tuer s’applique à l’innocent, son contournement pouvant donc être justifié selon les circonstances. Appliqué aux nations, ce commandement permet de comprendre l’approche de l’Église en matière de recours à la force. Si une guerre d’agression est immorale, le Vatican reconnaît la notion de légitime défense sous certaines conditions. Cette politique ne sera justifiée que s’il s’agit d’une réponse à un dommage grave, si toutes les autres réactions sont inefficaces et s’il existe des chances de succès. Enfin, l’intervention ne doit pas causer des maux inutiles.
En matière de recours à la force, le Saint-Siège lutte aussi contre l’idée que les martyres seraient ceux qui meurent dans des attentats suicide pour prouver leur foi. Pour l’Église, être martyre signifie être resté fidèle à sa foi malgré les persécutions subies en raison de ses croyances. Cette position explique le maintien de communautés catholiques dans les zones où celles-ci sont persécutées comme en Chine, au Proche-Orient ou dans différents pays d’Afrique. « Qualifier de martyrs ceux qui meurent en accomplissant des actes terroristes revient à inverser le concept de martyre, qui est le témoignage de celui qui se fait tuer pour ne pas renoncer à Dieu ».
Soutenir le désarmement
Sans aller jusqu’à préconiser la suppression des armes, le Vatican soutient un désarmement qui respecterait le principe de suffisance : les États ne doivent posséder que les moyens nécessaires à leur légitime défense. Ce désarmement doit également tendre à l’interdiction des armes causant des troubles excessifs ou frappant aveuglement. Le Vatican s’oppose donc clairement à l’utilisation de drones ou d’armes nucléaires. Il s’agit également de s’opposer à la délégation de la décision finale de vie ou de mort à des machines, dans la mesure où « il faut que l’élément rationnel et la capacité de jugement moral demeurent toujours présents ».
Diplomatie du cyber
Au-delà de la forte couverture médiatique qui entoure chaque action et notamment chaque voyage du souverain pontife, la diplomatie vaticane s’est également concentrée sur l’utilisation des réseaux sociaux et d’internet. En 2012, Benoît XVI est devenu le premier pape à ouvrir un compte Twitter. Le Pape François en a fait un véritable outil de communication avec ses messages quotidiens. En octobre 2013, il comptait 10 millions d’abonnés, faisant de lui le deuxième dirigeant politique le plus suivi derrière Barack Obama. Cependant, alors que les tweets d’Obama sont repris 2,3 fois en moyenne par ses abonnés, ceux du Pape sont en moyenne repris 11,1 fois. 10,2 millions de personnes se connectent chaque mois sur vatican.va. De plus, le Vatican dispose de son propre journal officiel, L’Osservatore Romano, d’une radio, Radio Vatican ainsi que du Centre télévisuel du Vatican.
Les idées politiques
Quatre idées politiques sont essentiellement défendues par le Vatican : le bien-commun, la subsidiarité, la participation et la famille.
Pour l’Église catholique, le bien commun est lié à la promotion intégrale de la personne et au respect de ses droits fondamentaux. Néanmoins, dans la vision de l’Église, il doit avant tout être vu comme ayant une dimension communautaire et non comme une somme des intérêts personnels des individus.
En matière de subsidiarité, l’Église est opposée à la toute-puissance de l’État et à sa réduction des libertés ou des initiatives individuelles. L’application du principe de subsidiarité suppose alors, outre le recours accru à des structures locales, de laisser agir les corps intermédiaires. L’Église catholique a donc un rapport particulier à l’État Providence. Si l’État doit apporter la sécurité et les conditions du développement à sa population, cela ne doit pas aboutir à une aliénation des libertés ni pousser les individus à vivre de la charité de l’État ou à les placer à son service.
La vision de la famille est celle d’une cellule naturelle de la société indépendamment de toute reconnaissance artificielle et donc d’un contrat. L’Église s’oppose au mariage pour les couples homosexuels au nom du respect de la loi naturelle, de l’intégrité des personnes et de la protection des enfants dans la mesure où ce type de famille ne permettrait pas d’accomplir « le perfectionnement de l’individu » selon Jean-Paul II. Le Saint-Siège appelle néanmoins à respecter la dignité des personnes homosexuelles. Le Vatican est également opposé à la procréation médicalement assistée (PMA) et à la gestation pour autrui (GPA) au nom de la dignité humaine. La GPA est vue comme une technique qui revient à exploiter et asservir des femmes faibles. L’Église considère que le désir de maternité et de paternité ne justifie pas de « droit à l’enfant ».
Le Vatican et la démocratie
Les rapports entre le Saint-Siège et la démocratie ont été changeant au cours de l’histoire. Léon XIII notamment rejetait la souveraineté du peuple, considérant que le pouvoir vient de Dieu. Il critiquait également le fait que la démocratie provoquait un développement de l’individualisme, ce qui entraîne un risque d’atomisation du corps social. La société ne doit pas être fondée sur une simple juxtaposition d’individus mais sur une véritable réunion. Cependant, l’émergence de régimes totalitaires dans la première moitié du XXème siècle a forcé l’Église à revoir sa position en matière de démocratie et à dénoncer les régimes qui ne l’appliquent pas. Jean-Paul II a alors activement défendu la démocratie, non seulement rempart contre le communisme, mais aussi contre le relativisme moral des sociétés occidentales. L’Église défend avant tout la « démocratie intégrale », permettant la prospérité des peuples mais aussi le respect de la loi morale.
Le Vatican et la mondialisation
Face à la mondialisation, le discours du Vatican porte essentiellement sur la défense de la souveraineté nationale, la nation étant à l’échelle internationale ce que la famille est à l’échelle des personnes. Mais cette souveraineté nationale ne doit pas être limitée aux seuls aspects politiques et économiques mais également culturels. Cela suppose donc de renoncer à l’uniformisation et de promouvoir la souveraineté spirituelle, mise à mal dans la mondialisation. Cette position explique la vision de l’Église sur les organisations internationales. Si ces dernières sont bénéfiques dans la mesure où elles permettent le dialogue entre les peuples, elles doivent rester de simples associations de nations et ne pas limiter la souveraineté, notamment spirituelle, des peuples.
Dans le cadre de la mondialisation, le Vatican fait également face aux défis écologiques. Il rappelle que si l’homme est placé au centre de la nature qui est au service du développement des individus, ces derniers doivent néanmoins la cultiver et la protéger. Comme l’a précisé Benoît XVI lors d’un discours au Bundestag en 2011 (ce qui au passage atteste de l’influence du souverain pontife), « l’homme possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté ».
Les idées économiques
En matière économique, la vision de l’Église est axée sur la liberté. La liberté d’entreprendre, la liberté d’initiative mais aussi la liberté que doivent conserver les hommes face à l’asservissement des biens matériels.
Dans la Genèse, le travail est présenté comme consubstantiel à l’homme, lui permettant de s’épanouir socialement. Paradoxalement, alors que les aides sociales restent importantes pour éviter la misère, elles peuvent être vues négativement par le Saint-Siège dans la mesure où elles risquent d’asservir l’homme en l’empêchant de travailler. Le Vatican met aussi en garde contre les risques du progrès technique et de la mondialisation pour le développement des individus, car ils entraînent la recherche effrénée de la productivité. Le travail peut donc également devenir aliénant notamment s’il empêche de développer une vie sociale et familiale. Cette vision justifie la présentation du respect des jours fériés comme un droit. En 2012, Benoit XVI avait d’ailleurs demandé à Fidel Castro que le vendredi saint soit chômé, demande acceptée par le leader cubain.
Pour conclure son ouvrage, Jean-Baptiste Noé rappelle qu’il faut nuancer l’idée reçue selon laquelle la religion et le Vatican perdraient de l’influence. « Le méprisé a toutefois conservé son rayonnement diplomatique et international, à tel point qu’il s’immisce dans le concert des nations bien au-delà du cercle chrétien ». Les nombreux voyages du pape, sa présence médiatique, son pouvoir culturel et intellectuel ainsi que son influence morale ont permis au Vatican de faire valoir ses idées sans avoir de réels pouvoirs financiers ou militaires.
« La question de sa survie a été tant de fois posée et tant de fois démentie, que l’on ne peut que penser que le méprisé a encore un long avenir devant lui pour susciter jalousie et admiration ».
Camille Savelli
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