Reconduction de Xi Jinping : la Chine entre faiblesses et grandeur

Reconduction de Xi Jinping : la Chine entre faiblesses et grandeur

C’est au terme du 19ème congrès du Parti communiste chinois (PCC), qui s’est déroulé du 18 au 24 octobre, que Xi Jinping a été reconduit à la tête du Parti pour un second mandat de 5 ans. Secrétaire général et président de la Commission militaire centrale du PCC depuis novembre 2012, il a aussi vu sa pensée inscrite dans la charte du PCC – distinction qui n’a été accordée jusqu’ici qu’aux dirigeants Mao Zedong et Deng Xiao Ping, artisan de l’ouverture progressive de la Chine à partir de 1978 et de la fameuse « économie socialiste de marché ».

Quelles perspectives pour la Chine de Xi Jinping ?

 

L’inscription sous le nom de “La pensée Xi Jinping du socialisme aux caractéristiques chinoises de la nouvelle ère” dans la charte de la doctrine de Xi Jinping est d’une importance majeure. En effet, si Deng Xiao Ping a vu sa pensée inscrite elle aussi, ce ne fut qu’à titre posthume. De plus, les deux prédécesseurs de Xi, Hu Jintao et Jiang Zemin, n’ont pas eu cet honneur. La charte du PCC fait office de Constitution chinoise, et la pensée de celui qui est surnommé “Xi Dada” (“Tonton Xi”) sera donc probablement enseignée à l’université. Cela prouve la place prépondérante qu’a pris Xi Jinping dans la vie politique chinoise et fait de lui le dirigeant le plus puissant depuis Mao.

Cet événement montre une caractéristique de l’ère Xi en Chine : le culte de la personnalité. Xi est plutôt populaire en Chine, ce qu’il doit en partie à sa féroce politique anti-corruption, son cheval de bataille prioritaire depuis le début de son premier mandat, ainsi qu’au « rêve chinois » qu’il prône. Cependant, cela est aussi dû à la propagande organisée par le Parti et à la peur de la critique qu’il inspire à ses opposants internes et externes au PCC. La répression et la censure renforcée sur Internet contraint au silence en externe ; la lutte anti-corruption musèle ses concurrents corrompus en interne. Cela représente un retour en arrière par rapport aux combats de Deng Xiao Ping. En effet, le musèlement de l’opposition porte le risque d’entraîner la Chine dans une mauvaise passe si personne d’autre n’a voix au chapitre, comme cela est arrivé durant l’époque de Mao avec le Grand Bond en Avant et la Révolution culturelle qui ont eu des conséquences désastreuses sur le pays [1].

Xi Jingping a veillé cependant à ne pas paraître immobiliste. D’une part, il ne force pas le maintien au bureau politique du fidèle Wang Qishan, son “monsieur anti-corruption » qui a atteint la limite d’âge implicite de 69 ans ; d’autre part, toute l’équipe du Comité permanent du bureau politique change, à l’exception de son premier ministre Li Keqiang. Pour autant, il ne prend pas beaucoup de risques, en choisissant à ses côtés plusieurs membres du Parti qui lui sont fidèles. De plus, ce bureau ne présente pas de successeur potentiel puisque tous ses membres sont trop âgés pour pouvoir prétendre au poste numéro un du PCC. Si la règle implicite devait être mise à bas, ce serait très probablement Xi Jinping lui-même qui en profiterait au terme de son deuxième mandat – en effet, âgé aujourd’hui de 64 ans, la règle lui interdirait un troisième mandat. Si Xi s’accroche au pouvoir, le culte de la personnalité, l’élimination des opposants, et la concentration ultime du pouvoir donneraient à la Chine des airs de nouvel Empire.

Xi est porté par des succès au cours de son mandat. On lui attribue un bien-être économique croissant dans le pays. En effet, au cours du mandat de 2012 à 2017, la Chine a vu sa classe moyenne grandir et en 2017, le niveau salarial a augmenté significativement. Xi Jinping prône l’économie socialiste de marché, et se pose ainsi en défenseur du libre-échange comme cela a été très remarqué lors du Forum économique mondial à Davos en janvier 2017 : « Nous devons rester attachés au développement du libre-échange et des investissements, et dire non au protectionnisme », prenant ainsi implicitement le contre pieds de Donald Trump à la veille de son investiture. L’économie chinoise et sa croissance, bien que faiblissante depuis quelques années, se base sur l’exportation et une politique d’investissements directs à l’étranger (IDE). Xi bénéficie aussi d’une image bénéfique due à une politique environnementale ambitieuse, le pays faisant figure de modèle en matière d’investissement dans les énergies alternatives. Enfin, l’ambition dont il fait preuve pour la nation chinoise, avec notamment le projet de la Nouvelle Route de la Soie [2], donne une place grandissante à la Chine sur la scène internationale. Il profite du vide laissé par les Etats-Unis de Donald Trump, et promet de mettre la Chine au centre du monde, d’en faire un modèle de gouvernance concurrent aux démocraties avancées, ce qui est séduisant pour bon nombre de chinois.

Néanmoins, la Chine fait face à de nombreux défis. D’un point de vue économique tout d’abord, la croissance chinoise à deux chiffres n’est plus de mise. Le pays devra donc trouver un moyen pour continuer à se développer sans elle et de manière plus soutenable : le surpoids des entreprises étatiques peu productives, qui monopolisent les capitaux, est un boulet pour l’économie de la Chine. Certains analystes pensent que la volonté de Xi Jinping d’inscrire son pays dans le libre-échange et de s’ouvrir au monde n’est qu’apparente, ils notent que le mot « Parti » a été prononcé plus de 300 fois dans son discours long de 3h20. De plus, l’explosion de la dette du pays, même si détenue majoritairement par des acteurs chinois, menace à court-terme la croissance.

D’autre part, d’un point de vue environnemental la Chine fait face à la rareté et la pollution de l’eau, ainsi que de l’air dans les grandes villes : les Chinois ont connu des épisodes de pollution insoutenables de plus en plus rapprochés ces dernières années. La politique environnementale est ambitieuse mais est-elle réalisable ? Avec quels financements ?

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La pollution à Shangai, 24 juin 2008, auteur : Peter Dowley

Enfin, le pays fait face à des défis démographiques. D’abord, malgré l’arrêt de la politique de l’enfant unique en 2013, le vieillissement de la population en Chine aura probablement des conséquences sur la faisabilité de la croissance. Ensuite, le renforcement des inégalités entre les populations de la Chine littorale et intérieure depuis les années 1980 ne peut être ignorée car elle représente une bombe à retardement politique.

Xi Jinping a donc une lourde tâche à accomplir pour ce deuxième mandat, mais quelle que soit la façon dont il s’en acquittera, la Chine ressort de sa reconduction à la tête du PCC plus déterminée que jamais à prendre sur la scène internationale et régionale la place qui correspond à son rang de 2ème puissance économique mondiale, ce qui devrait se vérifier dès le 5 novembre avec l’ouverture du sommet de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) à Da Nang et où Xi Jinping et Vladimir Poutine se rencontreront.

Marie Mognard

 

Notes

[1] voir « Chine : le Grand Bond en avant (mai 1958) », Histoire pour tous, 5 mai 2010 ; URL

[2] voir « La Nouvelle Route de la Soie », Huffington Post, 6 mars 2015 ; URL

Sources

« Xi Jinping and other key leaders of China’s Communist Party », Townhall, 25 octobre 2017 ; URL

« Le règne sans partage de Xi Jinping », Courrier International, 25 octobre 2017 ; URL

« Xi Jinping signals intent to remain in power by revealing politburo with no successor », The Guardian, 25 octobre 2017 ; URL

« Chine : Xi Jinping presque aussi fort que le président Mao », Courrier International, 24 octobre 2017 ; URL

« China’s New Emperor », Project Syndicate, 25 octobre 2017 ; URL

« Chine: Xi Jinping ou la «poutinisation» du pouvoir », RFI, 24 octobre 2016 ; URL

« A Davos, le président chinois en apôtre du libre-échange », Libération, 18 janvier 2017 ; URL

« Chine: Xi Jinping reconduit à la tête du Parti communiste », RFI (podcast « Accents du monde »), 27 octobre 2017 ; URL

« Chine: Xi Jinping consacré à la tête du parti communiste chinois », RFI (podcast « Invité de la mi-journée »), 25 octobre 2017, URL

 » Chine. Fin de la politique de l’enfant unique : quel impact ? », Courrier International, 19 novembre 2013 ; URL

Image à la une :

Xi Jinping au sommet G-20 à Hamburg, 7 Juillet 2017, source : www.kremlin.ru

 

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