Et si chaque Intifada, loin de n’être qu’un simple bégaiement de l’histoire, ne traduisait pas à chaque fois, une évolution des rapports de force entre Israéliens et Palestiniens ? Cette idée développée hier sur Europe 1 par le philosophe R. Enthoven centre le débat autour du moyen utilisé et non de la finalité de l’insurrection palestinienne. Littéralement « soulèvement » en arabe, l’expression « Intifada » se banalise en 1987 lors du premier embrasement massif de la Cisjordanie contre l’occupation israélienne. Les médias du monde entier relatent ainsi la « guerre des pierres » qui fragilise l’Etat hébreu. Les images de Palestiniens, souvent jeunes, jetant des pierres sur les soldats israéliens font alors le tour du monde. Loin d’être anecdotiques, ces clichés laissent entrevoir un rapport de force asymétrique entre des soldats israéliens lourdement équipés et des Palestiniens n’ayant que des pierres à lancer dans un remake inversé de David contre Goliath. La Première Intifada s’estompe avec la signature des accords d’Oslo en 1993. La seconde Intifida qui se déclenche au début des années 2000 se caractérise elle par un recours massif aux attentats suicides (plus de 146 recensés pour la seule année 2000), principalement contre des civils israéliens.
D’aucuns diront que la Palestine a aujourd’hui déjà basculé dans une troisième Intifada symbolisée cette fois par l’usage du couteau à tel point que l’expression « Intifada des couteaux » commence à se répandre. Les médias israéliens relaient ainsi en temps réel les nombreuses attaques relevées par les forces de l’ordre instaurant ainsi un véritable climat de psychose parmi la population. Depuis le début du mois d’octobre, ce sont plus d’une vingtaine d’attaques qui ont été recensées. Ce mardi, à Jérusalem, deux individus ont ouvert le feu et poignardé des passagers dans un bus de la ville, tuant deux personnes. Quelques minutes plus tard, un Palestinien a précipité son véhicule sur un arrêt de bus dans le centre de Jérusalem avant de poignarder des piétons, provoquant la mort de l’un d’entre eux.
Le recours au couteau n’est en rien une nouveauté. Un article du Washington Report on Middle East Affairs[1] datant de 1991 montre déjà comment son utilisation avait permis un basculement de la Première Intifada en forçant le gouvernement israélien à empêcher les Palestiniens de rentrer sur le sol israélien. Cette décision controversée avait alors été saluée par une large majorité des députés de l’Etat hébreu.
Le Huffington Post a publié hier un article complet interrogeant la symbolique du couteau et analysant les difficultés d’Israël à empêcher une contagion généralisée. En effet l’Etat hébreu semble aujourd’hui démuni face à une menace nouvelle et où sa supériorité technologique ne peut lui être d’aucun secours. Le couteau, arme légère et objet banal, permet ainsi d’instaurer la peur et la terreur chez son ennemi qui ne sait quand interviendra la prochaine attaque. Clin d’œil de l’histoire, les chercheurs en science politique datent souvent l’émergence d’une première forme de terrorisme avec les Sicaires juifs opposés aux Romains au 1er siècle de notre ère. Leur nom leur était attribué d’après l’arme qu’ils utilisaient pour assassiner des notables Romains : la sica, un poignard à manche recourbé.
Comme le résume assez bien R. Enthoven à travers un néologisme, si un « cessez-le-feu » s’impose aujourd’hui, un « cessez-le-fer » sera bientôt tout aussi nécessaire.
Classe Internationale
[1] Périodique américain, très critique envers la politique américaine au Proche-Orient
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