La ville polonaise de Wroclaw a fêté en janvier 2016 son entrée dans l’histoire des capitales européennes de la culture (1). Les Polonais lors de la cérémonie d’ouverture – orchestrée par le maître des Jeux Olympiques de Londres en 2012, Chris Baldwin (2) – ont affirmé leur attachement à la culture européenne. Paradoxalement, alors que le pays célèbre cette nomination, la Pologne et son nouveau gouvernement ont vu depuis quelques mois leur relation se tendre avec l’Union Européenne.
Wroclaw, la Venise polonaise : un centre culturel européen ?
Capture d’écran Google Map
La ville de Wraclow, quatrième ville polonaise avec 640 000 habitants, se situe au coeur du sous-continent européen. Comme l’illustre la carte ci-dessus, Wroclaw se trouve à moins de 100 kilomètres des frontières allemande et tchèque. Sa position géographique en fait une capitale culturelle de choix d’une Europe en construction depuis plus d’un siècle, et qui a connu sur ces terres les plus dures heures de son histoire.
Construite sur une multitude de petits bras de l’Odra (ou Oder), cette caractéristique lui vaut l’appellation de Venise polonaise. Depuis le Moyen-Age, Wroclaw est une ville d’importance, si bien qu’elle faisait déjà concurrence à l’échelle régionale à Prague. Au-delà de cette situation géographique qui la place de facto au centre de l’Union, son attachement culturel à cette dernière est réel. En 2003 plus de 70 % de la population polonaise répondant au référendum votait en faveur de l’adhésion à l’Union (2), devenue officielle en mai 2004.
• Pour plus d’informations sur la Pologne et son intégration européenne se référer à : https://geocarrefour.revues.org/899
Une Pologne controversée depuis les dernières élections législatives
En effet, Bruxelles a décidé de lancer une enquête préliminaire sur la situation de l’Etat de droit polonais après plusieurs décisions gouvernementales controversées. Les élections législatives d’octobre 2015 ont donné la victoire au parti Droit et Justice (Pis), le parti conservateur eurosceptique (4). Peu de temps après, le nouveau gouvernement a fait enlever le drapeau européen des salles de réunion et des salles de presse. Un acte qui peut paraître tout à fait symbolique de l’opposition du nouveau parti au pouvoir vis-à-vis de certaines décisions prises par Bruxelles comme la création de l’agence des gardes-côtes et gardes-frontières ou plus globalement la politique européenne concernant la gestion de la crise des réfugiés en Europe.
Fin décembre, le parlement conservateur a adopté une loi controversée sur les médias publics, les vouant à devenir des médias nationaux (5). Pour les partis opposants, cette loi a pour simple but de mettre les médias sous le contrôle de l’Etat et donc de nuire à toute liberté de presse.
Quel est l’objectif de cette promotion au rang des capitales européennes de la culture ?
Chris Baldwin dans sa mise en scène de la cérémonie d’ouverture a voulu recréer: « a dialogue between the past and future of Wroclaw, a dialogue at the heart of this multicultural city” / un dialogue entre le passé et le futur de Wroclaw, un dialogue au coeur de cette ville multiculturelle ».
« Quelque 1500 danseurs, jongleurs, acrobates et musiciens polonais se sont retrouvés à Wroclaw pour une fête européenne futuriste. »
Source/Crédits : RFI
Cette nomination au rang de capitale européenne de la culture est bien un moyen pour cette région de l’Europe et pour la Pologne de s’affirmer européennes, de le fêter, quelles que soient les décisions politiques du moment. D’ailleurs, comme le rapporte le maire de la ville dans un article de RFI : «Le livre qui raconte les 1 000 ans de Wroclaw porte le titre : ‘Wroclaw, la fleur de l’Europe’. Restons là-dessus ! Il ne faut pas mélanger la culture avec la politique ». La ville ambitionne d’ailleurs de devenir la troisième place touristique polonaise derrière Cracovie et Varsovie (6).
Wroclaw demeure une ville témoin comme le très bel article de The Independent (7) le laisse entendre. Capitale européenne de la culture, terre historique, centre d’une Europe en mutation, elle nous laisse entrevoir transformations et passions pour une Union ébranlée mais en devenir. Ainsi, si nous vous invitons à lire entièrement l’article britannique, nous pourrions ne retenir que ses derniers mots, comme une invitation au voyage : « In a place that has witnessed the apocalyptic breakdown of monuments, ideologies and identities, the krasnale stand (figuratively) tall as champions of freedom and survival. If you want to grasp the big picture of war and peace in modern Europe, take a stroll among these little folk / Dans cette ville, qui a été le témoin d’une destruction apocalyptique de monuments, d’idéologies et d’identités, les krasnale, les nains de Wroclaw, gardent (métaphoriquement) la tête haute, défendant fièrement la liberté et de la survie. Pour vraiment comprendre les enjeux complexes de la guerre et de la paix dans l’Europe moderne, il suffit de se promener parmi ces petites gens ».
Classe Internationale
(1) L’attribution de ce titre a débuté en juin 1985 par le Conseil des ministres de l’Union européenne, sur l’initiative de la ministre grecque de la culture Melina Mercouri et du ministre de la culture français, Jack Lang, dans le but de rapprocher les citoyens de l’Union européenne. Cette année, deux villes ont ce titre : Wroclaw en Pologne ainsi que San Sebastian en Espagne
(2) se référer à l’article du Point : http://www.lepoint.fr/monde/pologne-wroclaw-revet-ses-habits-de-capitale-europeenne-de-la-culture-2016-17-01-2016-2010787_24.php
(3) http://www.robert-schuman.eu/fr/oee/0202-les-polonais-disent-un-oui-massif-a-l-entree-de-leur-pays-dans-l-union-europeenne
(4) http://www.letemps.ch/monde/2015/12/16/pologne-nationaliste-eurosceptique-placee-surveillance
(6) http://www.lemonde.fr/culture/article/2016/01/27/wroclaw-2016-veut-porter-les-valeurs-de-l-autre-pologne_4854329_3246.html
No Comment