Le 13 février 2017, à l’aéroport de Kuala-Lumpur en Malaisie, Kim Jong-nam, demi-frère de Kim Jong-un, a été tué. Les autorités malaisiennes suspectent la Corée du Nord d’avoir orchestré l’assassinat du demi-frère en exil du Leader Suprême. Pyongyang rejette en bloc ces accusations.
Depuis une semaine, les relations entre la Malaisie et la Corée du Nord n’en finissent plus de s’envenimer. La Malaisie refuse de rendre le corps de Kim Jong-nam aux autorités nord-coréennes tandis que ces dernières refusent de reconnaître la moindre légitimité à l’enquête menée par les forces de polices malaisiennes. Le bras de fer entre les deux États se poursuit toujours, ainsi le 20 février 2017, la Malaisie a rappelé son ambassadeur en Corée du Nord. De son côté, l’ambassadeur nord-coréen, M. Kang Chol, accuse les forces de police malaisienne de ne pas être dignes de confiance. Quatre suspects, tous nord-coréens, ont déjà été arrêtés. Ce n’est pas sans raison que les suspicions de la police malaisienne se concentrent tant sur la Corée du Nord : le jour même de l’assassinat, plusieurs membres de l’ambassade de Corée du Nord ont quitté Kuala Lumpur, passant par Dubaï, puis Moscou pour finalement rentrer à Pyongyang.
Une affaire de famille
La police malaisienne a émis l’hypothèse que Kim Jong-nam a pu être tué par des “aiguilles empoisonnées”, recouvertes d’un agent neurotoxique interdit, le VX. Ce serait donc l’un des agents chimiques les plus mortels au monde qui aurait causé la mort du demi-frère de Kim Jong-un, en exil depuis de nombreuses années. Né en 1972, fils de Kim Jong-il et de sa maîtresse Song Hye-rim, Kim Jong-nam fait figure pendant de nombreuses années de successeur potentiel à son père. Mais son attitude nonchalante, son « occidentalisation » après ses études en Suisse, et enfin son discours anti-conformiste le rendent de moins en moins acceptable aux yeux de l’élite rouge du pays. C’est en mai 2001 qu’il perd définitivement toute chance de succéder à son père lorsqu’il tente de rentrer au Japon avec un faux passeport pour aller à Disneyland avec sa famille. Cet incident a marqué à la fois le début de la disgrâce de Jong-nam et le début de la conquête du pouvoir par Kim Jong-un. Depuis lors, Jong-nam savait sa vie menacée et avait déjà échappé à une première tentative d’assassinat en juin 2009 à Macao.
La purge se poursuit
Plusieurs observateurs ont soulevé l’idée que cet assassinat pouvait très certainement être mis en parallèle avec l’exécution en 2013 de Jang Song-taek, oncle de Kim Jong-un. À la mort de Kim Jong-il, Jang Song-taek s’est chargé de la régence de la Corée du Nord, en attendant que Kim Jong-un soit en âge de régner. Mais le régent, trop ambitieux, faisait de l’ombre au jeune Kim Jong-un. Une fois au pouvoir, ce dernier ne mit pas longtemps à éliminer son oncle et les soutiens de celui-ci. D’après le journal Libération, Kim Jong-nam était proche de Jang Song-taek et estimait comme ce dernier que la Corée du Nord devait s’ouvrir économiquement, en suivant le modèle d’ouverture expérimenté par la Chine dans les années 1980. S’il venait à être confirmé que Pyongyang se trouve derrière l’assassinat de Kim Jong-nam, il s’agirait alors de l’une des purges les plus importantes de l’histoire de la Corée du Nord depuis celle de Jang Song-taek. Kim Jong-nam n’est probablement que la partie émergée d’une épuration plus généralisée au sein du régime nord-coréen, visant à assurer un pouvoir sans partage et sans limites à Kim Jong-un.
Arthur POUZET
Sources :
AFP, « Qu’est-ce que le VX, le poison qui a tué Kim Jong-nam ? », in Le Monde.fr, du 24/02/2017
BERGER Diane, « Mort de Kim Jong-nam: retour sur une semaine de tensions entre la Malaisie et la Corée du Nord », in Le Figaro.fr, du 20/02/2017
CIESLINSKI Charlotte, « Meurtre au poison de Kim Jong-nam : où en est l’enquête ? », in Le Nouvel observateur, du 20/02/2017
PONS Philippe, « Jang Song-thaek : du pouvoir à l’exécution à la mitrailleuse lourde », in Le Monde, du 14/03/2016
ROUSSEAU Yann, « Cette nuit en Asie : après l’assassinat de Kim Jong-nam, l’étau se resserre sur Pyongyang », in Les Echos.fr, du 22/02/2017
URL: http://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/0211820055202-cette-nuit-en-asie-apres-lassassinat-de-kim-jong-nam-letau-se-resserre-sur-pyongyang-2066909.php
Ouvrages de référence :
PONS Philippe, Corée du Nord, un État-guérilla en mutation, Gallimard, Paris, 2016
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