Les finances sont au cœur de cette semaine européenne: appel à l’aide de Chypre, demande de renégociation des plans de sauvetage du Portugal et de l’Irlande…les instances de l’UE ont largement été sollicitées. Et pas seulement par les pays européens: aide au développement au Mali, soutien « démocratique » au Myanmar…Classe Internationale revient pour vous sur toutes ces sollicitations, et plus encore.
Questions politiques et institutionnelles
La Roumanie, principale victime du scandale des lasagnes au bœuf ? C’est ce qu’affirme Nico Teodorescu dans le quotidien roumain Revista 22. Il écarte toute responsabilité de la Roumanie, prétextant que « personne n’a trouvé d’irrégularités du côté roumain de la filière ». Le journaliste accuse les dirigeants et médias britanniques et français de désigner trop facilement un « suspect de service », ce qu’avaient également fait les Allemands vis-à-vis des agriculteurs espagnols suite au scandale des concombres infectés par la bactérie E. coli en 2011. Du fait de cette campagne calomnieuse à son encontre, le gouvernement roumain doit, selon M. Teodorescu, réagir rapidement afin de « regagner la confiance du reste de l’Europe ».
Une confiance que perd de plus en plus l’Italie une semaine après les résultats des élections législatives. Les discussions et les déclarations des différents chefs de file ont confirmé la situation de blocage politique. Euronews précise notamment que Beppe Grillo refuse catégoriquement la formation d’un gouvernement de technocrates. Afin de laisser encore du temps aux forces politiques pour trouver une solution, le président italien, Giorgio Napolitano, a annoncé que le nouveau parlement se réunirait le 15 mars.
L’Italie n’est cependant pas le seul pays de l’UE à connaître une situation politique délicate. Mercredi dernier, le gouvernement conservateur du Premier ministre slovène, Janez Jansa, a été renversé par le vote d’une motion de défiance initiée par l’opposition de centre-gauche. Notons qu’une femme, Alenka Bratusek, a été désignée afin de former un nouveau gouvernement. La nouvelle équipe aura pour principale mission d’empêcher la faillite du pays et de le préserver d’une opération de sauvetage internationale selon Les Echos . Au programme : réforme du système bancaire et du marché du travail, privatisations, hausse d’impôts et réduction des dépenses publiques.
Rien de très réjouissant non plus pour le président de la République tchèque, Vaclav Klaus, qui est accusé de « haute trahison » alors que son mandat prend fin le 7 mars. Le quotidien tchèque Respeckt revient sur les motifs de la plainte déposée auprès de la Cour constitutionnelle tchèque par trente-huit sénateurs sociaux-démocrates : l’amnistie proclamée par le président le 1er janvier dernier, lors du 20e anniversaire de l’indépendance du pays. Cette amnistie aurait permis la libération de plus de 6 000 détenus, vidant les établissements carcéraux du tiers de leurs résidents. S’en est également suivi l’arrêt de poursuites judiciaires, notamment pour faits de corruption, ayant parfois demandé plus de huit années de suivi. Pour l’auteur de l’article, « Klaus peut s’en sortir comme un martyr, ce qui peut encore l’aider dans sa carrière politique ».
D’autres ont le souci de leur carrière politique, et plus précisément de l’avenir de leur parti. Préparant les élections européennes de 2014, Rfi (samedi 2 mars) relate la demande de référendum sur la sortie de la France de l’Union européenne formulée par Marine Le Pen au président français, François Hollande. Encore et toujours les mêmes motivations pour la présidente du FN : le risque d’une « installation exponentielle des Roms », faisant ainsi référence à l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen. Les amalgames ne semblent pas avoir quitté le discours de Madame Le Pen pour qui Schengen correspond à l’UE.
Deux jours plus tôt, la Commission européenne proposait de rendre les frontières extérieures de l’espace Schengen « intelligentes ». Les mesures ainsi préconisées : la mise en place d’un programme d’enregistrement des voyageurs en ligne et d’un système d’entrée et de sortie. Selon le journal luxembourgeois Le Quotidien, le programme d’enregistrement doit permettre la fin des queues interminables aux douanes des aéroports, tandis que le système d’entrée et de sortie améliorerait le suivi des mouvements des étrangers au sein de l’espace Schengen. Ce nouveau système de franchissement des frontières a pour objectif d’attirer les touristes et les hommes d’affaires qui ont dépensé 271 milliards d’euros dans l’UE en 2011, comme l’a souligné la Commissaire en charge de la sécurité.
Cette question de la sécurité a largement été discutée mercredi 6 mars lors du sommet de Varsovie entre le groupe de Višegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), la France et l’Allemagne. L’objectif de cette rencontre demeurait la relance de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), entravée principalement par la Grande-Bretagne. Cette dernière est notamment opposée à l’idée d’un État-major européen permanent souhaité par Paris. Les pays d’Europe centrale présents ont réitéré leurs craintes de voir s’établir une concurrence entre l’OTAN et une Europe de la défense. Toutefois, les six ministres de la Défense ont convenu des vertus budgétaires d’un tel projet, comme le précise Libération : «A l’heure de la crise financière globale persistante et de son impact négatif sur les budgets de défense, nous devrions nous concentrer sur un renforcement de la coopération multinationale de défense».
Parce que d’autres sujets comptent dans la vie des citoyens de l’UE, la Commission a remis le prix européen des Plans de Déplacements Urbains 2012 ce mercredi 6 mars. Il récompense le haut niveau de développement et de gestion des réseaux de transports urbains des villes européennes. La récompense est revenue à la ville d’Aberdeen (Grande-Bretagne). Notons que Toulouse faisait partie des trois finalistes.
Politiques publiques et économiques
La Lettonie, bientôt dix-huitième État membre de la zone euro ? Lundi 4 mars, le gouvernement letton a fait acte de candidature pour adhérer à la zone euro au 1er janvier 2014. Profondément impactée par la crise de 2009, la Lettonie affiche désormais l’un des plus forts taux de croissance de l’Union européenne. Ses comptes seront néanmoins passés au crible par les experts de la Commission européenne afin de vérifier leur conformité aux critères de Maastricht. Euractiv rappelle que cette même Commission a jugé, en mai 2012, que le pays ne respectait pas ces critères d’adhésion. Selon Gunthram Wolf de l’Institut Bruegel, cité par Euronews mardi 5 mars, « La Lettonie a fait d’important progrès en terme d’ajustement de son économie […], il y a de bonnes chances que la Commission européenne rende un verdict positif cette année. » Si c’est effectivement le cas, le rapport des experts sera ensuite transféré à la Banque centrale pour approbation en juillet, puis l’intégration de la Lettonie soumise au vote des dix-sept membres de la zone euro.
La seule vision alarmiste dans la presse vient de La Tribune qui souligne que, si pour les dirigeants lettons l’adoption de la monnaie unique est un objectif de longue date, seulement 8% de la population se dit favorable à une adhésion rapide. L’opposition quant à elle s’inquiète d’une hausse des prix consécutive au passage à l’euro et cite les difficultés rencontrées par certains membres de l’Eurogroupe.
« L’Eurogroupe soutient une extension du prêt, l’Irlande revigorée » titrait The Irish Times mardi 5 mars après l’accord des ministres des Finances de la zone euro, réunis le 4 mars à Bruxelles, sur un étalement de la durée des remboursements des emprunts irlandais et portugais. Si les ministres des Finances des 27 acceptent également le projet, les détails techniques seront ensuite élaborés par la troïka. Les deux pays avaient demandé un report de l’échéance de leurs remboursements à la troïka en janvier, afin de rassurer les investisseurs et les marchés. Cet accord fait suite aux manifestations massives contre l’austérité qui ont eu lieu au Portugal samedi 2 mars. Selon le quotidien portugais Diario de Noticias, elles ont vu défiler plus d’un million de personnes dans quarante villes du pays, dont 800 000 à Lisbonne. Organisées par un mouvement apolitique dont le nom signifie littéralement « Que la troika aille se faire voir », elles appelaient à la démission du gouvernement de centre-droit, et exhortaient les inspecteurs de la troïka, alors à Lisbonne pour examiner les comptes portugais dans le cadre du plan de sauvetage, à quitter le pays. Alors que, d’après Euronews, le gouvernement a prévu une contraction de l’économie de 2% et que le chômage a atteint 17,6%, la troïka prévoit des coupes d’un montant de 4 milliards d’euros dans les dépenses publiques. Et Publico, rappelant que malgré un endettement inférieur, le Portugal paie des taux d’intérêt équivalents à ceux de la Grèce, d’en conclure que « quand un pays qui respecte les règles souffre davantage qu’un pays qui ne les respecte pas, cela donne à penser qu’il vaut sans doute mieux ne pas les respecter ». L’Irlande qui, quant à elle, doit rembourser plus de 30 milliards d’euros d’ici 2020, demande à l’Europe de prendre en charge une partie de la dette de ses banques afin de sortir d’ici à la fin de l’année du plan de sauvetage du FMI et de l’UE. D’après Le Monde, tous les acteurs européens hormis la BCE et l’Allemagne y seraient favorables.
L’économie espagnole connaît également des difficultés. Alors que le pays est plongé dans la récession et soumis à une politique de rigueur drastique, le ministère de l’Emploi a dévoilé mardi 5 mars un taux de chômage à la hausse, le nombre de demandeurs d’emploi s’établissant en février à un chiffre record de 5,04 millions. Ce chiffre, qui équivaut à 26% de la population active, rend compte d’une augmentation de 7% des chiffres du chômage sur l’année d ‘après La Tribune. Cette annonce fait suite à celle effectuée par Mariano Rajoy le 27 février, révélant un déficit du PIB pour 2012 de 6,7% , ce qui est supérieur à l’objectif de 6,3% négocié avec Bruxelles. Toutefois, le niveau de déficit public reste plus bas que ne l’anticipaient les analystes, et le chef du gouvernement espagnol se montre confiant. Après un déficit de 9,4% en 2011, cette réduction signifie selon lui « un énorme effort pour l’ensemble de la société espagnole » et il a déclaré au quotidien El Mundo « que 2014 sera une année de croissance économique et de création d’emplois », ce que confirment nombre d’analystes. C’est cette note optimiste que Bruxelles a choisi de retenir puisque, comme l’indique Le Monde, la Commission européenne s’est montrée satisfaite de la réforme du secteur bancaire espagnol. En effet, dans un rapport sur le plan de recapitalisation des banques espagnoles rendu public mardi, elle n’estime pas nécessaire d’allouer au renflouement du secteur bancaire plus de fonds que les 41,4 milliards d’euros déjà versés. Néanmoins, face aux difficultés économiques et financières que rencontre le pays, le rapport n’exclut pas de réviser les objectifs de réduction budgétaire de l’Espagne, qui a déjà obtenu des délais pour réduire son déficit.
De l’autre côté de l’Europe méditerranéenne, Nicosie a accepté un audit européen sur le blanchiment qui ouvre la voie à un programme d’aide financière alors que Chypre se trouve au bord de la faillite. Son système financier est assez opaque et accueille beaucoup de fonds douteux, principalement des fonds russes qui seraient supérieurs au PNB de l’île. Les ministres des Finances de l’Eurogroupe se sont rejouits lundi dernier de la décision du nouveau gouvernement chypriote. Le Monde note le poids important de l’Allemagne qui souhaite en faire une « condition sine qua non », mais met en lumière une avancée réelle lors de la réunion. Euronews est plus contrasté: en effet, les détails de l’aide financière restent à préciser, et les ministres n’ont pas pris de décision. Euractiv insiste sur les risques auxquels est exposé aujourd’hui le système bancaire chypriote: les actifs grecs et la crise immobilière. Par conséquent, une privatisation et une restructuration du système bancaire sont attendues. Berlin rappelle cependant qu’un prêt de 17 milliards d’euros, comme demandé par le gouvernement de Nikos Anastasiadis, est insoutenable pour l’île dans les conditions actuelles.
Jeudi dernier, un accord à été conclu à Bruxelles pour encadrer strictement les primes des dirigeants des banques européennes dès 2014. La règle serait de limiter les bonus touchés chaque année, comme le souhaite les opinions publiques. L’accord entre les négociateurs du Parlement européen et les Etats doit encore être approuvé en avril par le Conseil et les eurodéputés en session plenière. A cela s’ajoute les accords Bâle III, qui prévoient toute une série de mesures devant prévenir les crises financières grâce, notamment, à un renforcement des fonds propres. Pour l’instant, les fonds spéculatifs et les firmes capital-investissement ne sont pas concernés par cet accord. Une nouvelle fois, Londres est opposée à une telle mesure qui fait d’ailleurs écho au référendum suisse. Les citoyens de la confédération helvétique se sont prononcés contre les « rémunérations abusives ». Le système suisse est ainsi devenu le plus strict au monde pour les sociétés côtées, avec l’instauration d’un droit de véto des actionnaires sur le montant des salaires, et l’interdiction des primes d’entrée et des indemnités de départ.
Relations internationales et élargissement
Une réunion de coordination des ministres du Développement des différents pays de l’UE a été organisée par le commissaire européen chargé du Développement, Andris Piebalgs, dans le but de rendre plus efficace l’action de l’UE au Mali. Les ministres maliens des Affaires étrangères, de l’Économie et des Finances étaient également présents. Les participants ont insisté notamment sur la nécessité de combler le manque d’investissements dans les domaines de l’éducation et de la santé. En février, l’UE avait déjà décidé d’allouer une enveloppe de 20 millions d’euros au titre de l’instrument de stabilité, destinés à fournir une aide d’urgence aux services répressifs et judiciaires maliens. Reste à savoir si les aides annoncées seront effectivement données puisque l’on constate, notamment dans le cas de la Syrie, des effets d’annonce qui ne sont suivis d’aucun effet. Il existe de nombreuses interrogations à travers les presses nationales[1] sur le financement de cette aide.
Euractiv nous signale que dans la perspective d’un engagement plus important de l’UE au Myanmar, la Commission s’est engagée à dégager une aide au développement plus conséquente, ainsi qu’à conclure un accord d’investissement bilatéral. Cela fait suite à la tournée européenne du président birman et à sa rencontre avec Messieurs Barosso et Van Rompuy, et Madame Catherine Ashton à Bruxelles. Une grande première dans l’histoire des relations entre l’UE et la Birmanie. Le président de la Commission a salué les réformes démocratiques engagées par le pays depuis la chute en 2011 de la junte militaire. Une nouvelle page de l’histoire des relations entre les deux entités commencerait donc à s’écrire selon Barroso. Toutefois, comme nous le rappelle le média allemand Deutsche Welle, l’enjeu pour le président birman était surtout de demander la levée de toutes les sanctions à l’égard de son pays. Pour les leaders européens, du chemin doit encore être parcouru, pointant la situation dans les provinces de Kachin et Rakhin. Néanmoins, une aide de 150 millions d’euros a été annoncée pour accompagner le pays dans son processus de démocratisation jusqu’aux élections de 2015.
« Kazan Kazan » (« Gagnant gagnant ») : tels étaient les mots figurant en Une du quotidien grec Ta Nea mardi dernier, en référence à la visite du Premier ministre grec en Turquie entamée la veille. Antonis Samaras et Recep Erdogan ont signé, dans le cadre du Conseil de coopération, créé en 2010 entre Athènes et Istanbul, vingt-cinq accords concernant le commerce, le tourisme, l’agriculture ou encore les aides en cas de catastrophe naturelle. Ceci témoigne de la volonté des deux Etats de renforcer leurs relations commerciales qui sont passées, entre 2011 et 2012, de 3,1 à 3,8 milliards d’euros. L’objectif, à l’horizon 2015, est d’atteindre 10 milliards d’euros. A cette occasion, quatre-vingt dix hommes d’affaires avaient fait le voyage. Voice of Turkey indique que Monsieur Erdogan s’est montré prêt à aider la Grèce à surmonter la crise. De l’autre côté, Athènes a accordé son soutien à la candidature d’Istanbul pour l’organisation des JO de 2020, alors même que la ville est nommée Constantinople dans le texte proposé par Ankara. Monsieur Erdogan a insisté sur l’idée que le développement des relations économiques et commerciales entre les deux pays pourrait permettre de surmonter les divergences politiques. Le Monde relaye l’information à travers le blog de son correspondant à Istanbul, Guillaume Perrier, et met l’accent sur les sujets sensibles écartés, parmi lesquels la question chypriote. « Enterrons la question de Chypre dans l’histoire », a lancé le Premier ministre turc. Une jolie phrase certes, mais qui ne règle rien. La tracé de la frontière en mer Egée et la recherche d’hydrocarbures dans cette même zone ont également été passés sous silence.
Une revue de presse proposée par Claire Berard, Marine Hervé, Clélia Moinard et Thomas Sila.
[1] Sources
No Comment