La semaine européenne (2)

La semaine européenne (2)

Pour son deuxième rendez-vous consécutif, la revue de presse européenne vous propose cette semaine d’oublier (un peu) le budget d’austérité de l’UE et l’affaire Findus afin d’attirer l’attention sur les autres gros dossiers qui ont marqué la semaine: le projet de taxation des transactions financières (TTF) adopté par la Commission, le Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE et le sauvetage financier de Chypre. Une Europe qui n’a pas chômé encore cette semaine.

Chaque vendredi jusqu'au mois d'avril, Le Zap'Int' revêt les couleurs de l'Europe. Photo/© CGinspiration
Chaque vendredi jusqu’au mois d’avril, Le Zap’Int’ revêt les couleurs de l’Europe.
Photo/© CGinspiration

Questions politiques et institutionnelles

Après la Grèce, Chypre ? Suite aux primaires des élections présidentielles à Chypre dimanche 17 février, il semble que ce sera au conservateur Nikos Anastasiadis, arrivé largement en tête, de négocier le plan de sauvetage de l’île. Presseurop relève toutefois que le sauvetage de ce petit pays ne ferait pas la une si l’Allemagne et d’autres pays européens ne s’y opposaient. Les pays membres sont en effet nombreux à préférer voir Chypre sortir de la zone euro plutôt que d’effectuer un sauvetage qui profiterait avant tout aux riches épargnants russes qui prospèrent grâce aux avantages fiscaux de l’île. Le Monde rappelle cependant que le principal obstacle à l’accord d’une aide est le refus de Chypre de se soumettre à l’audit d’une entreprise privée qui contrôlerait le respect des règles anti-blanchiment par les banques. Une aide européenne paraît cependant vitale si l’île ne veut pas être submergée par ses dettes.

Le cas chypriote fait écho à celui de la Grèce qui s’est vue saluée de ses efforts mardi 19 février par François Hollande. Mais le président « normal » n’a pas effectué une simple visite de courtoisie en Grèce. Comme le note Courrier International , François Hollande s’est rendu à Athènes escorté d’hommes d’affaires afin de négocier notamment la vente de frégates multimission aux Grecs. Ce dossier peut sembler incongru au vu de la situation financière de la Grèce mais Paris souhaite relever par ce biais la situation financière de sa société de frégates et Athènes compte bien utiliser ces navires pour la recherche de pétrole et de gaz en mer Égée en laissant le paiement à plus tard.

La Commission européenne vient de connaître un changement significatif de ses pratiques politiques. Comme le relate le quotidien Cinco Dias, une initiative citoyenne à l’échelle européenne, regroupée sous l’égide de l’ONG Right2water, vient de déposer un million de signatures contre la libéralisation des services de fourniture d’eau potable. Pour la première fois de l’histoire de l’UE, la Commission devra partager avec l’opinion publique son droit d’initiative. Et le quotidien de se réjouir de ce qu’il appelle un « véritable tournant démocratique » dans les coutumes politiques à Bruxelles.

C’est pourtant un « déficit de démocratie » que dénonce Friedrich Moser dans une interview accordée à Press Europe. Friedrich Moser est le réalisateur du récent documentaire diffusé sur Arte le 12 février dernier, intitulé The Brussels Business qui rend compte de l’interpénétration des réseaux politiques et des réseaux d’intérêts privés. Au-delà d’une simple condamnation du lobbyisme, qu’il estime nécessaire en démocratie, il regrette le caractère occulte de ces initiatives dans le processus de décision politique européen.

Politiques publiques et économiques

Suite à l’accord budgétaire conclu par les 27 lors du Conseil européen des 7 et 8 février derniers, la Commission européenne a proposé, mercredi 20 février, une stratégie d’investissements sociaux en faveur de la croissance et de la cohésion. Le Figaro revient sur les propos du commissaire européen à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Inclusion, Laszlo Andor, qui insiste sur la nécessité pour les États membres de mieux utiliser l’aide financière du Fonds social européen. Pour cela, il préconise un investissement prioritaire notamment dans l’amélioration des systèmes de protection sociale. « Il est fondamental d’investir dans le domaine social si nous voulons sortir de la crise plus forts, plus solidaires et plus compétitifs ». L’Europe sociale serait-elle de retour ?

Jeudi dernier, une nouvelle étape a été franchie dans le secteur financier avec l’adoption d’une directive par la Commission sur la taxation des transactions financières (TTF). L’objectif de la TTF est de faire participer le secteur financier à l’effort de sortie de crise supporté par les États européens depuis 2008 comme le rappelle le site TouteL’Europe. Sa mise en œuvre consisterait en une harmonisation des règles de taxation des transactions financières au sein du marché commun, ce à quoi s’opposent seize États dont la Grande-Bretagne. Les onze autres membres soutenant ardemment la directive, dont la France, ont demandé à ce qu’elle soit mise en application dans le cadre de la coopération renforcée. Le risque : voir l’émergence d’une Europe financière à plusieurs vitesses.

Une négociation vieille de quarante ans vient enfin de s’achever entre les pays membres de l’UE : le brevet unique européen est né. Approuvé par le Parlement en décembre 2012 et ratifié par treize États membres, dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, le texte prévoit la création d’une agence européenne unique de dépôt de brevets dont le siège central serait à Paris, mais avec quelques attributions délocalisées à Londres et Munich. Un nouvel organisme européen qui serait opérationnel dès 2014 selon Euractiv.

Dans la tourmente de l’affaire suscitée par la viande de cheval dans les lasagnes, la Commission n’a pas trouvé mieux que de ré-autoriser les farines animales pour l’alimentation des poissons. Annoncée jeudi 14 février, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que la décision provoque des émois : « On n’a jamais vu un poisson manger un cochon » s’offusque José Bové sur Rue89.

Relations extérieures et élargissement

Un rendez-vous important a marqué cette semaine: la réunion du Conseil des Affaires étrangères sous la présidence de Catherine Ashton, lundi 18 février. Toute l’Europe  indique que le cas malien y a été abordé à travers le lancement de la mission « EUTM Mali » (Opération européenne de Formation et de Conseil) et la question de la reprise de l’aide versée à ce pays. Le site du Ministère français des Affaires étrangères précise par ailleurs que, suite au troisième essai nucléaire réalisé en Corée du Nord, des conclusions et des sanctions autonomes ont été adoptées vis-à-vis du régime par le Conseil. De son côté, Europolitique analyse la position des 27 sur le partenariat oriental de l’UE. Les négociations avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie seront conditionnées au respect des normes internationales lors de leurs élections respectives en 2013. Europa mentionne le communiqué de presse de la Commission européenne.

Euractiv rappelle que ce Conseil des Affaires étrangères a largement été consacré à  l’inscription du Hezbollah parmi la liste des organisations terroristes de l’UE. L’organisation chiite est tenue officiellement responsable par le premier ministre Bulgare de l’attentat perpétré l’été dernier à l’aéroport de Bourgas contre des ressortissants israéliens. Les 27 pays de l’UE se divisent sur la question : les Pays-Bas et le Royaume-Uni  sont favorables à cette reconnaissance, la France et l’Italie plutôt réticents par peur de fragiliser le Liban et de mettre en péril les troupes de la FINUL. Haaretz ajoute que Bruxelles propose une solution médiane qui consisterait à sanctionner des responsables de « la branche militaire » du parti chiite. Or ce procédé n’a pas lieu d’être d’après les États-Unis et Israël qui rappellent qu’il n’y a pas de distinction au sein du « Parti de Dieu » entre aile militaire et politique; l’organisation est unique et dirigée par un seul leader, Hassan Nashrallah. En revanche, Washington et Tel Aviv exhortent les Européens à faire preuve de fermeté à l’égard du Hezbollah.  « L’Europe doit maintenant agir collectivement et répondre avec résolution à cette attaque sur son sol en ajoutant le Hezbollah sur sa liste des organisations terroristes », écrit Thomas Donilon, conseiller à la Sécurité Nationale des États-Unis,  ajoutant que les Européens « ne peuvent plus continuer à ignorer la menace que pose ce groupe au continent et au monde ».

Autre menace à laquelle s’est consacré le Conseil des Affaires étrangères de l’UE, celle pesant sur la Syrie. D’après Euronews, l’UE a décidé, ce lundi 18 février , d’assouplir l’embargo sur les armes à destination du pays, suite à la demande du Royaume-Uni qui souhaite un soutien plus fort aux rebelles syriens. Mais l’UE craint que cette aide aux forces de l’opposition n’attise encore le conflit et ne tombe entre de « mauvaises mains ». Par ailleurs, Europa publie ce 20 février une interview du député démocrate socialiste espagnol, Juan Fernando López Aguilar, sur la situation syrienne. Celui-ci s’était rendu, il y a une semaine, en Jordanie, avec une délégation pour constater l’ampleur du désastre. Il s’inquiète de l’inaction du Parlement et de l’UE face à la crise humanitaire syrienne et rappelle que les 27 devraient accroître l’aide humanitaire afin de « remplir nos engagements », et intervenir plus activement dans la région « à la mesure de nos ambitions affichées ». Bien-sûr, il n’oublie pas d’évoquer les Syriens qui « rêvent de retourner dans leurs maisons et nous demandent d’agir ».

Outre ces dossiers brûlants, l’actualité internationale de l’UE a de nouveau été marquée cette semaine par l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne qui devrait être opérationnel d’ici deux ans. Alors que le Financial Times consacrait sa Une jeudi dernier aux négociations, The Telegraph , réputé conservateur et eurosceptique, saluait le projet et estimait que « le libre échange est une fin en soi ». Euractiv quant à lui évoque la proposition de la présidence irlandaise d’un projet de limitation des bonus des banquiers qui se fonderait sur une nouvelle réglementation. Une rencontre officielle s’est tenue jeudi dernier.

Europa revient ce mercredi 20 février sur le cas de l’adhésion croate à l’UE, rappelant que la commission des Affaires étrangères considère le pays sur la bonne voie et comme un exemple à suivre par les autres candidats. Les commissaires.ont encouragé les efforts de réformes, souligné leur confiance dans la vigueur et la maturité de la démocratie et l’économie sociale de marché. Ils ont également poussé les trois derniers États membres à ne pas avoir encore signé le traité d’adhésion de la Croatie à l’UE (Slovénie, Danemark et Allemagne) à le faire au plus vite.

Enfin, une initiative de la Croix Rouge et de la Commission européenne est relayée par Euronews : l’ONG et l’institution lancent conjointement une campagne visant à sensibiliser l’opinion sur les « désastres silencieux » non médiatisés. Pour ce faire, un mini documentaire sera diffusé pendant un mois à la télévision et au cinéma dans 11 pays européens.

Sur ce, bon week-end.

Une revue de presse réalisée par Pierre Baussier, Mathilde Godoy, Rosalie Laurent, Alice Laurent, Thomas Sila et Emmanuelle Stein.

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