The Economist – A la une cette semaine…Syria – The death of a country
Cette semaine, The Economist revient sur le problème syrien et les enjeux qui incombent à la région. Selon l’UNHCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations-Unies), on comptabilise plus de 70.000 morts et des millions de déplacés depuis le début du conflit. Alors que l’on insiste beaucoup sur la nécessité d’un changement de régime et la nature révolutionnaire du conflit, la revue constate que l’on omet d’aborder les sujets qui dérangent. Parmi eux, la possibilité que la Syrie, une fois le conflit terminé, ne ressemble plus à celle que l’on connait. Trois grands sujets posent véritablement problème : le veto russe au Conseil de Sécurité de l’ONU ; la nature des combattants anti-Assad ; et la fuite des élites et de la population en générale.
Sur la question du veto russe, The Economist nous rappelle que celui-ci ne peut pas être évité. Par conséquent, les États-Unis devraient faire preuve de « leadership » et demander une « no-fly zone » au-dessus du territoire syrien de manière unilatérale, avec le support de l’Union Européenne au Conseil de sécurité. Cette stratégie, ainsi que celle qui consisterait à armer les rebelles syriens, sont contraires au droit international, et donc systématiquement refusées par les Américains. De plus, se mettre à dos la Russie dans les circonstances actuelles serait une grosse erreur stratégique, sans parler du refus d’une approche volontariste par l’administration Obama, motivé par un contexte national difficile. On notera par ailleurs que le dilemme sous-jacent à la question de l’armement des rebelles syriens est le même que celui auquel la CIA avait dû faire face durant les années d’occupation soviétique de l’Afghanistan. Et nul besoin de rappeler le poids des décisions prises, qui pèsent aujourd’hui encore sur l’Intelligence Community.
La composition de la rébellion syrienne est loin d’être homogène. Ce manque de clarté et la montée du nombre de djihadistes issus de la mouvance d’Al Qaeda parmi les combattants, suscitent les craintes de la communauté internationale. Cette radicalisation de la rébellion va rendre difficile la transition, d’autant plus que le soutien international risque de devenir complexe, voire impossible dans ces conditions. Le Conseil National Syrien (CNS) gagnerait à clarifier la position des acteurs de la rébellion afin de faciliter l’aide internationale. Les tensions entre Kurdes, Sunnites, Chiites, Alawites, Chrétiens et djihadistes doivent être clarifiées avant toute intervention sur le modèle irakien, qui ne ferait que provoquer l’enlisement des acteurs extérieurs dans un nouveau conflit régional.
La population qui fuit la Syrie ne le fait que dans une optique sécuritaire. Mais face à l’enlisement du conflit, il se pourrait que cette nouvelle diaspora décide de s’installer à terme ailleurs, provoquant ainsi une véritable fuite des élites séculières. Le danger: laisser la place à des acteurs en Syrie qui ne seraient certainement pas favorables aux intérêts des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Cette difficulté stratégique n’est pas évidente à évaluer, et comme toujours, The Economist en fait un problème humanitaire alors que les enjeux sont bien plus complexes. Les acteurs étatiques ne peuvent pas agir en l’état, pas avant que la position des acteurs de la rébellion ne se soit clarifiée. Les services de renseignements sont au travail.
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