La revue de presse hebdomadaire du monde arabe (16-24 juin)

La revue de presse hebdomadaire du monde arabe (16-24 juin)

L’actualité hebdomadaire du monde arabe, vue par DesOrientCette semaine (16-24 juin), la revue de presse débute par un point sur la situation en Algérie,  où les perspectives de l’après-Bouteflika croisent des problématiques sociales sensibles. A Saïda (Liban) des affrontements meurtriers ont opposé l’armée libanaise à la milice d’ Ahmad al-Assir, un cheikh salafiste, mettant le pays au centre de l’actualité régionale. En Egypte, le président Morsi  qui fait face à un mécontentement grandissant au sein de la population, préfère blâmer « la corruption des institutions« , survivance supposée de l’ère Moubarak. 

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L’actualité algérienne a été marquée ces dernières semaines par l’hospitalisation du président Abdelaziz Bouteflika. Les premières images du président algérien diffusées le 12 juin, 50 jours après le début de son traitement à Paris, sont abondamment commentées par le journal arabophone le plus lu du pays, al-Shurûq, qui titre en Une le lendemain 13 juin : Bouteflika en son et en image. Le journal, connu pour son irrévérence, analyse la mise en scène politique de la vidéo, où le chef de l’Etat apparaît en robe de chambre en réunion de travail avec le premier ministre Abdelmalek Sallel et le chef d’état-major Ahmed Gaied Salah.

De son côté, Hacen Ouali s’interroge sur l’après-Bouteflika dans les colonnes du journal francophone al-Watan, et dresse le portrait des forces politiques en présence.  Le journaliste fustige notamment l’impuissance des partis du « pôle démocratique » à s’unir et à proposer une véritable alternative politique, malgré les exhortations d’opposants motivés, tels Djamel Zenati ou Abdessalam Ali-Rachedi, qui a lancé une grande campagne en faveur de la IIe République.

Côté société, l’hospitalisation du chef de l’État à Paris a focalisé l’intérêt des médias sur l’hôpital algérien. Si le journal al-Watan consacre un reportage au CHU Mustapha Pacha intitulé « Anarchie aux urgences« , le journal al-Khabar renchérit et titre : « Le médecin de Bouteflika flingue le secteur de la santé« . Lors d’une intervention face aux députés de l’Assemblée nationale algérienne, le « médecin du président » a révélé « l’augmentation effrayante » des cas de cancers du poumon et du sein, et le manque d’efficacité de leur prise en charge par le secteur de la santé. Il dénonce notamment l’augmentation du tabagisme, et pointe du doigt le manque de médecins spécialisés, l’absence de prévention et le manque d’organisation de l’hôpital public, qui fait que les patients atteints du cancer ne sont traités souvent qu’une fois parvenus au stade terminal.

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Titre : « Les autorités locales ». A droite : Affaires publiques. A gauche : Affaire privée.

Côté société encore, les nouvelles mesures du Wali de Tlemcen pour lutter contre le trafic de carburant limitent l’achat d’essence, divisant par 5 les quotas accordés aux camions (passant de 10 000 à 2 000 dinars). Ces mesures restrictives ont provoqué la colère des citoyens excédés, furieux de payer à la place des trafiquants. Un sit-in improvisé à Tlemcen aux cris de « Basta, M. le Wali ! » a été empêché par la police, qui a utilisé la force, suscitant l’indignation dans les médias algériens.

Enfin, une petite émulation médiatique a accompagné la visite en Algérie d’Arnold Schwarzenegger à l’occasion de l’inauguration à Oran du siège méditerranéen de l’ONG écologiste « R20 Regions of Climate Actions », dont il est le fondateur.

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Titre : « La star d’Hollywood Arnold Schwarzenegger bientôt en Algérie. -Monsieur Schwarzenegger, quelle est la raison de votre visite ? -Je vais jouer dans « L’immeuble du Hadj Lakhder » [série algérienne à succès].

Le ton est plus grave au Liban, où l’attention des médias, partagée en début de semaine entre l’ouverture des festivals estivaux et le mauvais feuilleton de la formation du gouvernement Tammam Salam, a été brutalement accaparée en fin de semaine par les affrontements de Saïda entre l’armée et les partisans du cheikh Assir.

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Depuis des mois, le cheikh salafiste Ahmad al-Assir entretenait les tensions à Saïda en appelant ouvertement au conflit avec le Hezbollah chiite et l’armée accusée de faire son jeu, en n’empêchant pas le parti chiite de combattre en Syrie, aux côtés de Bachar al-Assad, les rebelles sunnites. Le 19 juin encore, trois jours avant l’attaque contre une escouade de l’armée libanaise à Abra (banlieue de Saïda), le journal al-Akhbar dénonçait la terreur que les partisans du cheikh faisaient régner dans la ville, en rappelant notamment les nombreux incidents, morts et blessés provoqués par les accrochages entre partisans du cheikh et du Hezbollah depuis le début de l’année.

Si le journal francophone L’Orient Le Jour titre ce matin : « Assir maté, le problème demeure« , le journal al-Akhbar  dénonce la responsabilité du Qatar et de l’Arabie saoudite dans les événements de Saïda, les accusant d’avoir voulu présenter les affrontements comme un conflit chiite-sunnite plutôt que comme une intervention de l’armée contre des criminels, et parle de « La fin du phénomène Assir » non sans tourner le cheikh en dérision, soulignant qu’il s’est évaporé du champ de bataille, laissant derrière lui ses propres partisans. De son côté, L’Orient Le Jour s’inquiète de l’écho provoqué à Tripoli par l’attaque de Saïda contre l’armée, dresse la carte des incidents survenus depuis la fin mai, et s’interroge : le conflit syrien en finira-t-il de déborder sur le Liban ?

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L’été des festivals concerne aussi la Libye, comme le rappelle le bloggeur Abullah al-Woshesh en consacrant un billet au Festival libyen de l’héritage culturel et de l’artisanat traditionnel, qui s’est ouvert le 8 juin à Misrata. Bien sûr, les bloggeurs ne perdent pas de vue les objectifs de la Libye post-Kadhafi, tel Amrooni, qui voit derrière le retard pris dans la mise en place d’une armée nationale un déficit de confiance entre les différents courants de l’Assemblée libyenne, ainsi qu’une méfiance générale des députés envers l’institution militaire, méfiance héritée de la dictature.

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Tamarod. En haut : « Retirons notre confiance au régime des Frères. »

En Égypte, c’est la mobilisation lancée par la campagne anti-Morsi « Tamarod » qui agite les médias depuis deux semaines. En attendant la manifestation des opposants prévue le 30 juin, attendue par la moitié du pays et redoutée par l’autre, Tamarod recueille sur son site les signatures des Égyptiens dans le but de pousser Morsi à la démission, et revendique déjà plus de 15 millions de signatures d’Égyptiens retirant leur confiance à la présidence Morsi. Le président égyptien est désavoué notamment sur la base du non-respect de son fameux « programme des 100 jours » (voir plus bas, ITW de M. Morsi par al-Ahrâm). Face à cette vague de contestation massivement relayée sur les réseaux sociaux et à tous les niveaux de la société, les pro-Morsi ont décidé de répliquer en créant une campagne concurrente, Tagarrod, qui revendique pour sa part 11 millions de signatures.

Al-Misry al-Yawm a essayé d’y voir plus clair au milieu de cette guerre des chiffres et présente une enquête intitulée « Al-Misry al-yawm fait une expérience en recueillant des signatures pour Tamarod et Tagarod« . Les titres des deux articles à voir résument assez bien les résultats obtenus : d’une part « Tamarod : Les jeunes célèbrent la campagne », et d’autre part : « Tagarod : les passagers insultent la campagne ».

Le journal al-Ahrâm, quant à lui, publie au début du mois une longue interview du président Morsi ; interpellé à propos de son « programme des 100 jours », que l’opposition l’accuse de ne pas avoir respecté, M. Morsi répond en insistant sur « la corruption de l’ancien régime, plus tenace que prévue », qui bloque les projets gouvernementaux. Au sujet de la crise du barrage éthiopien, Morsi se veut rassurant : « L’Égypte ne s’opposera pas au développement d’un pays ami » dit-il, mais l’Égypte ne se laissera pas non plus flouer dans ses intérêts. Ces propos mesurés n’ont finalement pas été le prétexte, comme plusieurs observateurs l’avaient pensé, de dérapages nationalistes de la part du président.

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A droite : le président Mohammed Morsi. A gauche : Abd al-Nasser Salama, rédacteur en chef d’al-Ahrâm

La crise politique intérieure s’est en effet doublée ce mois-ci d’une crise extérieure entre l’Égypte et Éthiopie à propos des eaux du Nil, suite à l’annonce du projet éthiopien de construction du barrage « Renaissance ». Le chantier, prévu pour septembre, a été en effet lancé fin mai dans l’incompréhension générale. Toutefois, des négociations sont en cours, comme le rapporte le site Yawm 7, qui publie également un article relayant les efforts du quotidien Ethiopian Herald pour calmer les esprits et apaiser les craintes égyptiennes au sujet du barrage.

Loïc Bertrand

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