« Les valeurs fondamentales de cette nation, notre rang dans le monde, notre démocratie même, tout ce qui a fait l’Amérique, est en jeu ». C’est ainsi que Joe Biden, vice-président de Barack Obama pendant huit ans, a annoncé sur Twitter sa candidature à la Maison Blanche en avril dernier. Le décor est planté. Donald Trump est prévenu.
Depuis le mois de janvier 2019, le coup d’envoi des primaires démocrates aux Etats-Unis a été donné. C’est le caucus de l’Iowa, qui s’est déroulé le 3 février dernier, qui a lancé officiellement les festivités. Au total, pas moins de vingt-neuf démocrates se sont déclarés candidats. Seuls douze d’entre eux sont toujours en lice, les autres s’étant retirés en raison de leurs difficultés à financer leur campagne. Aux côtés de Joe Biden, on retrouve notamment Bernie Sanders, sénateur du Vermont, déjà candidat aux primaires en 2016, Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, Michael Bloomberg, ancien maire de New-York de 2002 à 2013, mais aussi d’autres personnalités issues de la société civile comme Andrew Yang, entrepreneur. Tous ne rêvent que d’une chose : battre Donald Trump.
Les primaires font partie d’un mécanisme complexe de désignation du candidat d’un parti à l’élection présidentielle américaine. Si on parle de primaires au pluriel, c’est parce qu’il n’y a pas un vote pour l’ensemble du pays mais un vote dans chaque État américain, ce qui implique que ces élections s’étalent sur plusieurs mois, entre février et juin. Elles sont complexes car les modalités de scrutin diffèrent d’un État à un autre. Le scrutin peut prendre la forme d’une primaire ou d’un caucus. Dans les deux cas, il s’agit d’un scrutin indirect à la proportionnelle [1] : les citoyens élisent des « délégués », dont le nombre varie en fonction du poids démographique des États. Ce sont des représentants de chaque candidat qui s’engagent, avant le scrutin, à voter pour eux. Une fois élus, ils se rassemblent lors d’une convention nationale pour désigner leur candidat officiel à l’élection présidentielle. Pour les démocrates, elle se tiendra du 13 au 16 juillet 2020, à Milwaukee, dans le Wisconsin. Aux côtés des délégués, s’ajoutent des « super délégués », qui sont des personnalités politiques de premier rang (représentants, sénateurs, gouverneurs, anciens présidents), non élus lors des primaires, et qui prennent part librement à la convention nationale, c’est-à-dire qu’ils peuvent voter pour le candidat de leur choix. Au total, 1 991 délégués sont nécessaires pour remporter la nomination.
Quelle est la différence entre une primaire et un caucus ? Aux États-Unis, quand un citoyen s’inscrit sur les listes électorales, il doit s’identifier comme démocrate, républicain ou indépendant. D’où l’organisation de deux types d’élections différentes.
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- Les primaires
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Elles sont organisées par les Etats et peuvent prendre trois formes. Elles peuvent être ouvertes, auquel cas un électeur républicain peut par exemple voter à une primaire démocrate, mais il n’aura plus la possibilité de voter à la primaire de son parti. Elles peuvent également être mixtes, à savoir que les électeurs indépendants peuvent choisir de voter au sein du parti de leur choix. Enfin, elles peuvent être fermées et, dans ce cas, seuls les électeurs déclarés membre du parti démocrate, par exemple, pourront voter à la primaire démocrate. Dans chaque cas, les électeurs votent directement pour les délégués déclarés, qui se rendront à la convention nationale. Ce type de scrutin est organisé dans une trentaine d’Etats.
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- Les caucus
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Les caucus sont, eux, plus complexes. Ils sont mis en place par les partis et réservés aux militants, qui se rassemblent à l’occasion d’assemblées générales et qui votent à main levée pour désigner les délégués de circonscription. Ces derniers désignent à leur tour les délégués de comté, qui, eux-mêmes, désignent les délégués de l’Etat, qui se rendront à la convention nationale. De même que pour les primaires, il peut y avoir des caucus fermés, réservés aux militants d’un parti, et des caucus ouverts à l’ensemble du corps électoral. Ce système est organisé dans une quinzaine d’Etats.
Les primaires étant étalées dans l’année, il s’agit donc d’un long processus durant lequel un candidat va se révéler et s’affirmer au fur et à mesure des scrutins. Pour gagner en influence et en médiatisation tout au long des primaires, les Etats ont deux solutions : soit être les premiers comme l’Iowa ou le New Hampshire, soit unir leurs forces avec d’autres Etats comme lors du Super Tuesday où 15 Etats [2] votent le même jour – en l’occurrence le mardi 3 mars 2020. C’est d’ailleurs durant le Super Tuesday que sont désignés plus d’un tiers des délégués (1 344) qui se rendront à la convention nationale car les Etats concernés par cet événement sont parmi les plus peuplés et les plus diversifiés socialement du pays. Le candidat qui emporte le plus de délégués à l’occasion du Super Tuesday est, en général, assuré d’être le candidat de son parti à l’élection présidentielle. Au fur et à mesure du calendrier, les candidats se retirent lorsqu’ils n’ont arithmétiquement aucune chance de l’emporter si bien que, depuis 1968 et l’avènement des primaires, il ne reste, dans l’écrasante majorité des cas, qu’un seul candidat à la convention.
L’enjeu de ces élections pour les démocrates est grand. Très grand. Peut-être plus qu’il ne l’a jamais été. L’échec d’Hillary Clinton face à Donald Trump lors de l’élection présidentielle de 2016 a été très mal vécu dans les rangs démocrates. Non seulement ces derniers échouaient à conserver la Maison-Blanche mais ils perdaient aussi la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat. Pire, en élisant Donald Trump, une grande partie du corps électoral exprimait son rejet de l’establishment [3], incarné à ce moment-là par Hillary Clinton, mais auquel la majorité de la classe politique actuelle est rattachée. Le parti démocrate s’est donc retrouvé face à la question du renouvellement de ses élites mais aussi de ses idées. Pourtant, paradoxalement, les trois candidats qui font course en tête aujourd’hui dans ces primaires sont Joe Biden, âgé de 77 ans et figure historique du parti démocrate, appartenant à son aile droite, Bernie Sanders (78 ans) et Elizabeth Warren (70 ans), tous deux icônes de l’aile gauche du parti, faisant du néolibéralisme leur ennemi commun. Les deux candidats qui se disputeront le bureau ovale le 3 novembre prochain seront donc très vraisemblablement deux septuagénaires, Donald Trump étant âgé de 73 ans, et le gagnant deviendrait ainsi le plus vieux président que le pays ait connu.
Les élections de mi-mandat en janvier 2019 ont certes permis à la gauche américaine de reconquérir la chambre basse du Congrès mais elle n’est pas parvenue à regagner la majorité à la chambre haute, perdant même un siège de plus par rapport à la législature précédente, ce qui aurait pu lui être aujourd’hui d’une grande utilité dans le cadre de la procédure d’impeachment de Donald Trump. Celle-ci a été lancée par les démocrates après que le président américain ait fait pression sur l’exécutif ukrainien pour qu’il enquête sur les activités commerciales en Ukraine de Hunter Biden, le fils de Joe Biden. N’ayant pas la majorité nécessaire au Sénat, la mise en accusation de Donald Trump s’est soldée par un acquittement du président. Cet échec pourrait jouer en défaveur des démocrates lors de l’élection présidentielle, Donald Trump pouvant s’emparer de cet échec pour asseoir sa légitimité et galvaniser les rangs républicains et les éventuels indécis.
C’est donc dans un climat politique intense que les primaires démocrates se sont ouvertes. Et l’enjeu est de taille : battre celui qui est parvenu à bouleverser les codes de la politique américaine et changer les dynamiques mondiales tout en préservant une base électorale solide. Mais face à l’âge avancé des trois principaux candidats démocrates, la question qui revient le plus dans les débats porte sur la capacité même de ces derniers à le vaincre. Peter Leo, président du parti démocrate dans le comté de Carroll, situé dans l’Iowa, le souligne : « cela [l’âge] rentre en compte dans les discussions que les gens ont au niveau local […] il y a une certaine inquiétude ». Et il y a de quoi. En octobre 2019, Bernie Sanders a été victime d’une crise cardiaque. Le doyen des prétendants à l’investiture démocrate n’est, certes, resté que deux jours et demi à l’hôpital mais cet incident donne à réfléchir sur l’aptitude de certains candidats à exercer pleinement la fonction de président des États-Unis. Si Bernie Sanders venait à l’emporter, il serait âgé de 79 ans au moment de son investiture et de 83 ans à la fin de son mandat. Difficile donc de l’imaginer apte à se représenter pour assurer une continuité à la tête de l’Etat. Il en est de même pour Joe Biden.
Comment expliquer alors que ces ténors historiques du parti démocrate aient autant le vent en poupe ? Depuis que Barack Obama a quitté le pouvoir en 2016, la gauche américaine peine à se trouver des leaders à la fois expérimentés et charismatiques. Aujourd’hui, le seul à combiner ces deux qualités est certainement Joe Biden. L’ancien vice-président est ce qu’on pourrait appeler un vétéran de la politique américaine. À 30 ans, il est élu sénateur du Delaware et devient alors le plus jeune primo-entrant du Sénat. Il fut réélu sans interruption pendant 36 ans, parvenant à se hisser progressivement en haut de la hiérarchie sénatoriale pour finir président de la prestigieuse commission des affaires étrangères du Sénat. Joe Biden est d’ailleurs reconnu par ses pairs, de gauche comme de droite, pour son expertise en matière de diplomatie mais aussi pour sa capacité à dépasser les clivages partisans, n’hésitant pas à travailler de concert avec les républicains, notamment en 1999 quand il fut co-auteur, avec John McCain, d’une résolution du Congrès autorisant le président de l’époque, Bill Clinton, à utiliser la force nécessaire pour faire cesser les violences contre les droits de l’Homme au Kosovo en 1999. Il s’est également présenté à deux reprises aux primaires démocrates, en 1988 puis en 2008. Toutefois, derrière ce parcours politique brillant, se cache une vie de famille dramatique. Alors qu’il vient tout juste de remporter son siège au Sénat, en 1972, sa femme et sa fille d’un an décèdent dans un accident de voiture. En 2015, c’est son fils Beau qui succombe à un cancer du cerveau.
Mais ces tragédies ne l’ont pas empêché de se faire un nom dans le milieu. Né dans une famille catholique irlandaise modeste, Joe Biden a su tisser un lien privilégié avec la classe ouvrière de la « Rust Belt » du Nord-Est américain ; la même qui a, en grande majorité, voté pour Donald Trump en 2016. Pour tenter de s’imposer en novembre prochain, il pourra également compter sur l’électorat Noir. Les Afro-Américains plébiscitent Joe Biden et sont 48% à le choisir pour les primaires. Comment expliquer ce phénomène alors qu’il a soutenu plusieurs positions ségrégationnistes au début de sa carrière et que des candidats Noirs étaient en lice dans ces primaires à l’instar de Cory Booker et Kamala Harris ? Pour Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis à l’IFRI, il y a trois raisons. La première est qu’il a été le vice-président de Barack Obama pendant huit ans. Ensuite, parce qu’il dégage une image sympathique et rassurante. Enfin, car ils considèrent qu’il est le plus à même de battre Donald Trump. Face à la nécessité d’imposer un nouveau souffle après le cataclysme Donald Trump, Uncle Joe incarne donc une forme de stabilité et d’expérience qu’aucun autre candidat ne peut se targuer d’avoir. C’est peut-être cet élément qui fait toute la différence. Connu pour son côté gaffeur, et malgré certaines positions polémiques, Joe Biden a cette capacité de rassurer l’électorat démocrate et rallier l’électorat indépendant, un fait non négligeable dans l’optique de la présidentielle.
Bernie Sanders et Elizabeth Warren incarnent, quant à eux, l’aile progressiste du parti avec des programmes très radicaux par rapport à ceux de leurs concurrents. Leur présence dans le trio de tête confirme la dynamique à l’œuvre depuis les primaires de 2016 : le virage à gauche amorcé par le parti démocrate. Ils ont notamment en commun la mise en place d’un système public de couverture santé universelle, qui irait encore plus loin que l’Obamacare : Medicare for All. La volonté de réformer le système de santé, dans un pays peu coutumier du fait, est révélatrice du déplacement vers la gauche du parti démocrate. Selon un sondage Ipsos/FiveThirtyEight, la réforme de l’assurance santé est le deuxième sujet qui préoccupe le plus l’électorat démocrate. Le programme d’Elizabeth Warren se distingue par un contrôle plus accru de Wall Street, un démantèlement des géants de la tech (Google, Amazon, Facebook, Apple), un renforcement des impôts dus par les très grandes entreprises et un durcissement des régulations financières. Elle a d’ailleurs déclaré : « Les patrons de Wall Street, ceux qui ont détruit notre économie et des millions d’emplois continuent à se pavaner au Congrès, sans honte, demandant des faveurs et faisant comme si nous devions les remercier ». L’idée qu’une candidate tenant un tel discours accède à la Maison-Blanche donne des sueurs froides à Wall Street, qui joue un grand rôle dans le financement des campagnes et qui a donc misé sur Joe Biden, candidat bien plus modéré et qui ne risque pas de bouleverser le milieu financier américain, pour l’élection présidentielle.
Si aujourd’hui les deux progressistes de ces primaires ne parviennent pas à prendre la tête de ces primaires, c’est certainement parce que leur électorat est principalement composé de jeunes, désireux d’un véritable changement, et d’électeurs vivant en général sur les côtes Est et Ouest, excédés par l’establishment. Toutefois, ce vivier est insuffisant pour dépasser la barre des 25%. La majorité silencieuse peu politisée, dans laquelle on retrouve notamment les Afro-Américains, peut se sentir effrayée par les grands changements portés par Elizabeth Warren et Bernie Sanders, et préfère s’en remettre à des candidats plus modérés. Laurence Nardon explique justement que les Noirs ne sont pas très radicaux, que ce soit sur le plan économique ou sur le plan des valeurs, comme ces deux candidats peuvent l’être, et font donc le choix d’un candidat qui les rassure et dans lequel ils ont confiance.
Face à eux, des candidats plus jeunes font office d’alternative mais peinent à s’imposer. La plupart ont d’ailleurs déjà mis fin à leur campagne. Parmi eux, on retrouve l’une des étoiles montantes du parti démocrate, Kamala Harris, 55 ans, sénatrice de Californie et procureure générale du même État de 2011 à 2017. Elle s’est révélée aux yeux du grand public lors des auditions menées par la commission du Renseignement, dans laquelle elle siège, à l’occasion de l’enquête sur l’ingérence supposée de la Russie pendant la campagne de 2016 mais aussi lors de l’audition de confirmation de Brett Kavanaugh au poste de juge à la Cour suprême. Ses interrogatoires, souvent poussés et vigoureux, lui ont valu les louanges des démocrates mais aussi les foudres des républicains. D’un point de vue idéologique, Kamala Harris est considérée comme progressiste et modérée. Elle est favorable à un « Green New Deal », qui vise à investir dans les énergies décarbonées tout en promouvant la justice sociale. Elle est également en faveur de l’assurance maladie pour tous, la légalisation du cannabis et souhaite un contrôle plus poussé des armes à feu. Lors du premier débat télévisé des primaires, le 27 juin 2019, elle s’est distinguée en s’opposant au favori Joe Biden, qu’elle accuse d’avoir travaillé avec des sénateurs républicains favorables à la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Cette prestation lui vaudra une hausse spectaculaire dans les sondages, parvenant même à talonner l’ancien vice-président dans les enquêtes d’opinion, avec 20% d’intentions de vote, selon une étude menée par l’Université Quinnipiac. Toutefois, l’engouement est vite retombé. Dans un sondage réalisé par Morning Consult à la mi-août, elle n’est plus créditée que de 9% d’intentions de vote, quatrième derrière Joe Biden, Elizabeth Warren et Bernie Sanders. Trois mois plus tard, le même institut ne la crédite plus que de 5%. Le 3 décembre, elle retire sa candidature, arguant un manque de moyens financiers.
A ses côtés, une autre relève démocrate se distingue : Pete Buttigieg. A 37 ans, il est le benjamin de ces primaires. Diplômé de Harvard et Oxford, polyglotte (il parle huit langues dont le français, le norvégien et l’arabe), ancien militaire, aujourd’hui réserviste dans la marine américaine, il a été maire de South Bend, dans l’Indiana, de 2012 à 2020 mais n’a jamais occupé de poste au niveau national. Avec ses deux mandats de maire, il considère avoir « davantage d’années d’expérience en matière de gouvernance que Donald Trump ». Il a été déployé sept mois en Afghanistan en 2013, pendant sa première mandature. En 2015, il annonce dans une publication qu’il est homosexuel, devenant aujourd’hui le premier homme politique ouvertement gay à se lancer dans la course à la Maison-Blanche. Il se veut également progressiste et modéré, et ses positions se rapprochent beaucoup de celles de Kamala Harris, notamment en ce qui concerne la couverture maladie universelle et la lutte contre le réchauffement climatique. En outre, il propose une vaste réforme constitutionnelle : révision du nombre de juge à la Cour suprême et de leur mode de désignation pour dépolitiser l’institution, suppression du collège électoral qui élit le président des Etats-Unis – élu au suffrage universel indirect par des grands électeurs, eux-mêmes élus par le peuple. Généralement en quatrième position derrière Joe Biden, Bernie Sanders et Elizabeth Warren au niveau national, il crée la surprise en remportant le caucus de l’Iowa avec 26,2% des voix. Toutefois, ses chances de l’emporter au niveau national semblent assez faibles.
En dépit de ces différences, tous les candidats veulent faire corps face à la présidence de Donald Trump. Le souvenir des primaires de 2016, qui avaient divisé le parti en profondeur, les pousse à faire front uni. Cela se traduit notamment par l’absence de publicités négatives ciblant les démocrates entre eux. Les candidats sont également parvenus à un consensus sur certaines mesures, notamment sur l’immigration. Chacun s’est engagé à arrêter la construction du mur, à mettre fin à la séparation des familles migrantes, à relever des quotas de réfugiés et à mettre en place un programme d’accession à la citoyenneté pour onze millions d’immigrés clandestins. Il n’en reste pas moins qu’il persiste un clivage important : celui des idées. Les modérés et les progressistes s’auto-maintiennent dans un débat que fui de plus en plus les électeurs démocrates. Une chose est sûre, la présence de deux candidats au profil, perçu par beaucoup d’Américains comme « socialiste », dans le trio de tête de ces primaires aurait été inimaginable il y a encore vingt ans et atteste du virage à gauche du parti démocrate. Émergent d’ailleurs dans ses rangs, de plus en plus de personnalités qui se retrouvent dans les positions de Bernie Sanders et Elizabeth Warren, à l’instar de la jeune députée Alexandria Ocasio-Cortez, qui s’est faite remarquée par ses discours flamboyants au sujet de l’environnement ou contre les propos racistes de Donald Trump.
Quoi qu’il en soit, le caucus de l’Iowa, qui a eu lieu lundi 3 février, n’a pas lancé idéalement la course démocrate à la présidence puisqu’un bug informatique a paralysé le décompte des voix. Les organisateurs avaient opté cette année pour une application électronique afin de centraliser les résultats, mais des failles dans le cryptage des données ont retardé le processus et les lignes téléphoniques, que des responsables ont utilisées par la suite pour faire remonter les résultats, ont été vite saturées. Pour Jean-Eric Branaa, spécialiste des Etats-Unis, la cacophonie autour de ce caucus reflète la situation d’un parti qui, depuis 3 ans, « manque de structure, de vision claire et de dynamique ». Selon lui, celui qui tire son épingle du jeu de cette situation, c’est Donald Trump, qui a remporté ce caucus avec 97,1% des voix dans le cadre des primaires républicaines, qui se tiennent en même temps que celles des démocrates, mais sans véritable enjeu. Le président américain parvient donc à mobiliser et réunir son camp, à l’inverse du parti démocrate qui a été dans l’incapacité de donner l’image d’un parti organisé, aspirant à la victoire.
Les résultats définitifs ne sont tombés que six jours plus tard, offrant déjà son lot de surprise. Avec 26,2% des voix, le jeune modéré Pete Buttigieg remporte de justesse la première manche de ces primaires, suivi de très près par Bernie Sanders (26,1%). Le premier repart de l’Iowa avec quatorze délégués, le second avec douze délégués. Elizabeth Warren termine, quant à elle, à la troisième place avec 18% des voix, ce qui représente l’équivalent de huit délégués. Enfin, l’ancien vice-président Joe Biden finit en quatrième position avec 15,8% des suffrages et six délégués. Toutefois, ces résultats doivent être remis dans leur contexte. L’Iowa lance certes la dynamique mais ne représente qu’en réalité 1% du nombre de délégués envoyés à la Convention démocrate de juillet. C’est le Super Tuesday du 3 mars prochain qui dessinera une véritable tendance puisque plus d’un tiers des délégués seront nommés à cette occasion. Pete Buttigieg parviendra-t-il à créer la surprise et contredire les sondages, qui le donne quatrième au niveau national ? Bernie Sanders saura-t-il imposer son image anti-establishment ? Elizabeth Warren arrivera-t-elle à tirer son épingle du jeu et devenir la première femme présidente des Etats-Unis ? L’expérience de Joe Biden finira-t-elle par séduire dans les grands Etats ? Réponse dans les prochaines semaines…
Théo QUIERS.
Notes :
[1] Le scrutin indirect est un système d’élection dans lequel les électeurs ne choisissent pas eux-mêmes la ou les personnes qu’ils souhaitent voir élues, mais élisent des personnes qui font ce choix. Lorsque ce scrutin est proportionnel, le nombre de sièges à pourvoir est partagé en fonction du nombre de voix recueillies.
[2] Alabama, Arkansas, Californie, Caroline du Nord, Colorado, Maine, Massachusetts, Minnesota, Oklahoma, Samoa Américaines, Tennessee, Texas, Utah, Vermont et Virginie.
[3] Anglicisme, souvent péjoratif, pour désigner une minorité sociale exerçant un fort contrôle sur la société.
Bibliographie :
2020 Primaries & Caucuses. CNN. https://edition.cnn.com/election/2020/primaries-and-caucuses
AFP. « Pete Buttigieg a bien gagné la primaire démocrate de l’Iowa ». Le Huffington Post. Février 2020. https://www.huffingtonpost.fr/entry/pete-buttigieg-a-bien-gagne-la-primaire-democrate-de-liowa_fr_5e410219c5b6b7088703846d
AUTRAN Frédéric. « La sénatrice démocrate Kamala Harris, candidate à la Maison-Blanche ». Libération. Janvier 2019. https://www.liberation.fr/planete/2019/01/21/la-senatrice-democrate-kamala-harris-candidate-a-la-maison-blanche_1704381
FEVRIER Renaud. « 8 questions pour tout comprendre aux primaires américaines ». L’Obs. Janvier 2016. https://www.nouvelobs.com/monde/elections-americaines/20160126.OBS3391/8-questions-pour-tout-comprendre-aux-primaires-americaines.html
CANTIE Valérie & PHILIPPS Grégory. « Point fort, programme, citation : voici les portraits de tous les candidats à la primaire démocrate américaine ». France Inter. Avril 2019. https://www.franceinter.fr/monde/point-fort-programme-citations-voici-les-portraits-des-20-candidats-a-la-primaire-democrate-americaine
CONNAN Arthur. « Seule candidate démocrate à pouvoir battre Trump ? ». Slate. Août 2019. http://www.slate.fr/story/180657/kamala-harris-candidate-democrate-election-presidentielle-americaine-battre-trump
HANNE Elizabeth. « Présidentielle américaine: Pete Buttigieg, le millenial qui monte ». Libération. Avril 2019. https://www.liberation.fr/planete/2019/04/02/presidentielle-americaine-pete-buttigieg-le-millenial-qui-monte_1718736
NARDON Laurence. « L’électorat afro-américain et Joe Biden, un choix paradoxal ? ». Slate. Janvier 2020. Nhttp://www.slate.fr/podcast/186605/electorat-afro-americain-joe-biden-choix-paradoxal-trump-2020-24
PARTI Tarini. « Présidentielle américaine: l’âge des candidats pose question après l’attaque cardiaque de Bernie Sanders ». L’Opinion. Octobre 2019. https://www.lopinion.fr/edition/wsj/presidentielle-americaine-l-age-candidats-pose-question-apres-l-199774
Rédaction de CNEWS. « Tout savoir sur Joe Biden, le favori démocrate pour affronter Donald Trump ». CNEWS. Février 2020. https://www.cnews.fr/monde/2019-05-16/tout-savoir-sur-joe-biden-le-favori-democrate-pour-affronter-donald-trump-840926
Rédaction de Le Point. « Warren, la démocrate qui grimpe grâce à son programme ». Le Point. Mai 2019. https://www.lepoint.fr/monde/le-journal-de-trump/etats-unis-warren-la-democrate-qui-grimpe-grace-a-son-programme-18-05-2019-2313409_3241.php
Rédaction de LVSL. « L’establishment démocrate panique face au succès d’Elizabeth Warren et de Bernie Sanders ». LVSL. Octobre 2019. https://lvsl.fr/lestablishment-democrate-panique-face-au-succes-delizabeth-warren-et-de-bernie-sanders/
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