D’hier à aujourd’hui : le Salvador

D’hier à aujourd’hui : le Salvador

   Plus petit pays d’Amérique centrale avec une superficie de 20 742 km², soit à peu près la taille de l’ancienne région française de la Picardie, le Salvador est néanmoins peuplé par plus de six millions d’habitants. Si l’ensemble auquel il est rattaché, la Capitainerie générale du Guatemala, obtient son indépendance de l’Espagne en 1821, le Salvador reste toutefois une province de la République fédérale d’Amérique centrale, aux côtés des puissances voisines du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua, du Costa Rica et de l’actuel État mexicain des Chiapas. Suite à la dissolution de la République en 1839, le Salvador devient un pays à part entière en 1841.


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   Son économie se fondant sur la culture du café, du sucre et du coton, quelques élites dominent le pays durant près d’un siècle en disposant d’une mainmise sur les moyens de production. Les graves inégalités sociales qui en découlent mènent finalement à une révolte paysanne que l’armée mate en 1932. Forts de ce succès, les militaires tiennent ensuite le pouvoir jusqu’en 1979, date à laquelle la Junte Révolutionnaire Gouvernementale, composée de militaires progressistes et de civils démocrates-chrétiens, les renverse avec la bénédiction des États-Unis. En octobre 1980, alors que des révoltes marxistes grondent chez les voisins guatémaltèques et nicaraguayens, le Front Farabundo Martí de libération nationale – nommé d’après Augusto Farabundo Martí, chef du Parti Communiste salvadorien tué lors du soulèvement paysan de 1932 –  fait son apparition. Après une décennie de persécutions des guérillas d’extrême gauche par le pouvoir militaire, cette organisation est pensée comme un moyen de coordonner l’action des cinq différents groupes révolutionnaires alors existants. La junte au pouvoir en 1980 tolère le déploiement de groupes paramilitaires d’extrême-droite – qui se révèleront être de véritables escadrons de la mort – pour contrer le FMLN, ainsi que la création de l’Alliance républicaine nationaliste (ARENA), un parti qui n’est rien de moins que la réponse politique de ces milices d’extrême-droite au mouvement armé marxiste, en septembre 1981.

   S’ensuivent alors de violents affrontements qui conduisent à une longue et douloureuse guerre civile pour le Salvador de 1981 à 1992. La sortie de crise se fait par l’aboutissement d’une opération de dialogue initiée par les Nations Unies en mars 1990 en vue de rétablir le lien entre le gouvernement et le FMLN. L’accord ainsi obtenu permet de remplir deux objectifs.  Le premier est la démocratisation la vie politique en faisant du FMLN un parti et en autorisant le multipartisme. Le second est la démilitarisation des deux camps par le biais d’une forte réduction des effectifs de l’armée, de la réinsertion des combattants dans la société ainsi que de la création d’une police civile. La guerre civile aura profondément meurtri le pays en laissant un triste bilan de 80 000 victimes et un million de réfugiés.

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(Guerrilleros salvadoriens durant la guerre civile)

   Des premières élections organisées en 1994 jusqu’à celles de 2009, l’ARENA s’installe à la tête du pays malgré la persistance de l’ombre du FMLN dont la nouvelle branche politique fait craindre à beaucoup le retour de la guerre civile et une rupture de la relation vitale avec les États-Unis. En janvier 2009, le FMLN remporte finalement les élections législatives puis gagne les présidentielles au mois de mars suivant. Le candidat du parti, Mauricio Funes, assure ainsi la première alternance démocratique depuis 17 ans en accédant à la présidence du Salvador. Toutefois, loin des craintes de la droite salvadorienne, il maintient de bonnes relations avec les États-Unis, avec notamment une visite de Barack Obama en 2011, bien qu’il mette un point d’honneur à rester proche des différents gouvernements de gauche d’Amérique du Sud. Après une présidence assurée entre 2012 et 2014 par l’ARENA, le FMLN revient au pouvoir en portant au pouvoir un ancien guerrillero, Sanchez Cerén. Il est ainsi le 4ème guerrillero à devenir président en Amérique latine en suivant l’exemple de Daniel Ortega au Nicaragua, de José Mujica en Uruguay et de Dilma Rousseff au Brésil. Malgré son statut d’ancien combattant dont certains s’émeuvent, et les troubles survenus à la suite du vote concernant le comptage des voix, la situation politique salvadorienne reste aujourd’hui stable. Les Salvadoriens montrent en effet une volonté de tourner le dos aux conflits politiques et de faire confiance à la démocratie. Par ailleurs, l’équilibre est frappant puisque si le FMLN est à la tête du pays, l’ARENA domine le Parlement avec 35 députés contre 31 pour son principal adversaire.

Dépendance américaine et déconvenues économiques

   Au fil des années, le Salvador a développé un lien très étroit avec les États-Unis. Une importante émigration en direction de la puissance nord-américaine est ainsi à signaler dès les années 1940 en raison de la dictature militaire alors en place. Ces mouvements migratoires s’amplifient dans les années 1970 mais ce n’est réellement que vingt ans plus tard qu’ils atteignent des sommets en raison de plusieurs facteurs. En effet, réunifications familiales, situation économique déplorable et violences structurelles poussent de nombreux Salvadoriens à rejoindre les États-Unis. Ainsi, en 2013, on estimait que deux millions de Salvadoriens résidaient, de manière légale ou non, dans le pays (1). Longtemps au pouvoir, l’ARENA a également développé d’étroits liens avec le Parti républicain américain et a agi à de nombreuses reprises dans l’intérêt des États-Unis. Son président élu en 1999, Francisco Flores, fait par exemple remplacer la monnaie nationale par le dollar et favorise la création de zones franches destinées à attirer les entreprises américaines. Cette relation prend des formes parfois étranges comme le soutien de l’intervention américaine de 2003 en Irak qui a suscité la mobilisation de 390 hommes et, décision unique en Amérique latine, le maintien de ces mêmes troupes après 2008. Enfin, le pays a rejoint l’Accord de libre-échange d’Amérique centrale (ALEAC) en 2006 qui le lie encore davantage aux États-Unis au niveau économique. Cette relation a créé une telle dépendance pour le Salvador qu’en 2015, 16.6% de son PIB provenait des transferts monétaires en provenance de sa diaspora installée aux États-Unis (2).

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(Le président Sanchez Ceren au côté de John Kerry, ancien secrétaire d’Etat américain)

   Par ailleurs, le pays ne brille pas par ses performances économiques. Le retour de la démocratie s’est en effet accompagné de l’application rigoriste du « consensus de Washington », condition sine qua non à l’obtention de prêts de la part du FMI et de la Banque mondiale, avec le soutien du département du Trésor américain. Ces mesures économiques, construites autour du triptyque dérégulation, privatisation et libéralisation commerciale, n’ont pas permis la renaissance économique du Salvador puisqu’entre 1994 et 2004, son PIB a seulement crû de 2.9% par an en moyenne (3), le taux le plus faible d’Amérique centrale. Malgré le mea culpa exprimé par la Banque mondiale dans un rapport de 2007 (4) à propos des méthodes néolibérales brutales employées dans de nombreux pays, dont le Salvador, le mal était déjà fait. Les mesures pro-américaines de l’ARENA et l’absence de dépenses publiques suffisantes conjuguées à des facteurs externes, tels que les coulées de boues provoquées par des séismes en 2001 qui ont occasionné des dégâts matériels à hauteur de 2 milliards de dollars, ont fait qu’en 2005, le PIB par habitant était toujours plus faible que son niveau de 1979, avant la guerre civile. Ainsi, la croissance du Salvador ne s’établissait qu’à 2.5% en 2015 (5) alors même que selon les critères des Nations Unies, le pays n’est toujours pas considéré comme développé, avec un Indice de Développement Humain de 0.427, le 116ème au monde (6). Élément tout aussi inquiétant, environ 32% de la population est considérée comme pauvre (7) et le Salvador figure au deuxième rang des pays latino-américains ayant le taux de chômage le plus élevé, derrière le Costa Rica (8).

   En dépit d’une absence de grave agitation politique depuis la fin de la guerre civile, le pays souffre d’une dépendance structurelle vis-à-vis des États-Unis et est plongé dans un marasme économique dont il ne semble pas réussir à se dépêtrer. Plus inquiétant encore, le contexte de forte pauvreté a permis à la délinquance de se développer de façon dramatique depuis la fin de la guerre civile (9).

Corentin Mançois

(1) http://www.pewhispanic.org/2015/09/15/hispanics-of-salvadoran-origin-in-the-united-states-2013/

(2) http://data.worldbank.org/indicator/BX.TRF.PWKR.DT.GD.ZS?locations=SV

(3) http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?locations=SV

(4) http://www.lemonde.fr/talents-fr/article/2010/04/08/le-demantelement-progressif-du-consensus-de-washington_1329286_3504.html

(5) http://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?locations=SV

(6) http://hdr.undp.org/en/data

(7) http://donnees.banquemondiale.org/theme/pauvrete?locations=SV

(8) http://www.elsalvador.com/articulo/negocios/salvador-segundo-con-mas-desempleo-centroamerica-73468

(9) http://www.laprensagrafica.com/2016/01/03/el-salvador-con-mas-homicidios-en-c-a

Sources:

GARIBAY, DEMYK, E.U., « SALVADOR EL  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 mars 2017. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/el-salvador/

RODRIGUEZ-DOMINGEZ, Angeles.‘The Most Complex Elections’ Since the Signing of the Peace Accords. Nacla, 5 juillet 2015 [consulté le 20 mars 2017]. https://nacla.org/news/2015/05/07/%E2%80%98-most-complex-elections%E2%80%99-signing-peace-accords

Salvador: l’ex-guérillero Sanchez Ceren remporte l’élection présidentielle. L’Express, 13 mars 2014 [consulté le 20 mars 2017]

http://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/salvador-l-ex-guerillero-sanchez-ceren-remporte-l-election-presidentielle_1499647.html

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