Les nouvelles routes de la soie : comment la Chine façonne-t-elle la mondialisation de demain ?

Les nouvelles routes de la soie : comment la Chine façonne-t-elle la mondialisation de demain ?

Le mardi 24 octobre 2017, alors que se clôturait le 19ème congrès du Parti communiste chinois dans le Palais du Peuple, Place Tiananmen, les 2300 délégués du PCC ont voté un amendement pour inscrire dans la charte du parti « La pensée de Xi sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère »[1].

Une résolution en particulier a ajouté à la charte du parti la volonté de « suivre le principe de croissance économique commune à travers les discussions et les coopérations, et de poursuivre la Belt and Road Initiative »[2]. L’intitulé anglais donné par Pékin aux nouvelles routes de la soie fait donc désormais partie de la charte du Parti communiste chinois (PCC). Le gouvernement chinois fait de ce projet, que Xi Jinping a présenté à son lancement comme « le projet du siècle », l’un des concepts clef sur lequel Pékin veut baser sa politique internationale. The Belt and Road Initiative (BRI), qui avait été dans un premier temps nommé OBOR ( One Belt, One Road), annoncée en septembre et octobre 2013 par Xi Jinping se compose d’une part d’une route terrestre qui doit relier les grandes villes de l’intérieur chinois comme Xi’an et Chongqing à l’Europe à travers l’Asie centrale, le Moyen-Orient et la Russie. Et d’autre part d’une route maritime de la soie qui part des grands ports chinois, tel que Fuzhou pour passer par le Sri Lanka, l’Océan Indien, fait un détour notable par l’Afrique de l’Est, franchit le canal de Suez et arrive enfin aux ports d’Athènes et Venise.

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Si nul ne doutait de la place centrale de la Chine dans l’économie mondiale depuis plus de vingt ans, l’initiative d’un projet global d’une telle envergure de la part de Pékin provoque des inquiétudes chez certains des dirigeants européens mais aussi asiatiques et russes, qui redoutent un expansionnisme chinois. Le gouvernement chinois de son côté, présente les nouvelles routes de la soie comme une plateforme de coopération visant à améliorer l’intégration économique du « continent eurasiatique » afin de favoriser la croissance de l’économie mondiale.

Quels objectifs cache Pékin derrière ces nouvelles routes de la soie ? Doit-on s’attendre à un changement de leadership de la gouvernance mondiale à l’heure où les Etats-Unis semblent, si ce n’est économiquement, du moins politiquement plus fragiles ?

Aux yeux de tous, l’objectif fondamental des nouvelles routes de la soie est de relancer l’économie chinoise. La croissance chinoise stagne pour l’année 2017 à 6,5 % de croissance, son plus faible taux depuis vingt-cinq ans. Pékin cherche donc à accroître et fluidifier ses échanges avec le marché européen, son premier partenaire commercial qui représente 18% des exportations chinoises[3]. Mais telle l’ancienne route de la soie qui permit à des oasis qui la jalonnaient de se développer, les nouvelles routes de la soie sont l’occasion pour Pékin d’encourager le développement de nouveaux marchés avec lesquels elle aurait des relations privilégiées. Dans ce sens, les nouvelles routes de la soie traversent l’Asie centrale, le Moyen Orient, et passent par l’Afrique, qui sont toutes des régions en voie de développement. L’Asie centrale et le continent africain, qui constituent chacun, un débouché pour 4% des exportations, représentent des marchés en expansion, dont Pékin souhaite accélérer le développement.

Évidemment le gouvernement chinois ne présente pas la Belt and Road Initiative comme une tentative d’accroître sa pénétration des marchés étrangers mais met en avant la nécessité d’une plus grande « connectivité mutuelle » entre partenaires pour relancer l’économie mondiale. Pour atteindre cette connectivité prônée, Pékin compte se servir de deux outils principaux qui constituent les deux piliers concrets des nouvelles routes de la soie. Tout d’abord le gouvernement chinois s’évertue à négocier des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux de libre-échange avec les pays traversés par la route terrestre de la soie. Plus important encore Pékin mène une politique d’investissement et de financement massif de projets d’infrastructure titanesques, des constructions de réseaux routiers, de chemins de fer et de ports.

Malgré l’augmentation constante des échanges commerciaux entre l’Europe et la Chine, le potentiel économique reste freiné selon Pékin par les barrières douanières, les restrictions et les normes[4]. La BRI veut donc lancer une dynamique de renforcement du libre-échange et d’intégration d’un « continent eurasiatique » auquel Pékin fait de plus en plus référence. Certains auteurs comme  Yuan Li docteur à l’Institut des Études de l’Asie de l’est, voient même la volonté de Pékin de faire à terme une zone complètement intégrée de libre-échange entre les pays traversés par les Nouvelles Routes de la Soie.[5]

À plus court terme, des conférences et réunions sont impulsées par le gouvernement chinois pour trouver des terrains d’entente avec ses partenaires. Les 14 et 15 mai 2017, Pékin accueillait 29 chefs d’États, dont Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan et les représentants d’une centaine de pays pour un Sommet sur les Nouvelles Routes de la Soie. À cette occasion, 30 accords de réduction des tarifs douaniers et d’harmonisation des normes ont été signés par le gouvernement chinois et ses partenaires commerciaux. Le 2 novembre, Pékin a d’ailleurs décidé d’encourager ce mouvement de libéralisation des échanges à travers le discours de son vice-ministre du commerce Wang Bingnan, qui a annoncé des mesures de réduction des droits de douanes chinois.[6]

L’autre pilier des nouvelles routes de la soie est le nombre colossal de projets d’infrastructures dont Pékin a l’initiative. La construction de lignes ferroviaires à grande vitesse et particulièrement la ligne transcontinentale Chongqing-Duisbourg « Yu’Xin’Ou Railway » est un symbole de la connectivité mutuelle prônée par Pékin. À l’origine pour se rendre de Chongqing à Duisbourg par voie ferrée il fallait environ 40 jours, entre des procédures douanières lourdes et des infrastructures anciennes.[7]  Désormais la ligne transcontinentale traverse en seize jours sur 11180 kilomètres le continent eurasiatique à travers le Xinjiang, le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie et la Pologne, et arrive en Allemagne à Duisbourg, le plus grand port fluvial au monde, que Xi Jinping a visité pour assister à l’arrivée d’un des premiers convois de marchandises en 2014.

À terme, le gouvernement chinois veut aussi réduire à 11 jours le trajet en camion et s’est déjà lancé dans la construction de routes. Ainsi une voie express de 213 km entre Kashgar (Xinjiang) et Erkeshtam (Kirghizistan) d’un coût de 660 millions de dollars a été financée et construite par le gouvernement chinois.

De l’autre côté de la « ceinture », le gouvernement chinois s’intéresse particulièrement à la construction d’infrastructures dans deux zones : l’Europe de l’Est et l’Europe du Sud, et notamment dans les pays ayant un accès à la Méditerranée.  Ainsi à l’arrivée de la route maritime en Grèce on peut citer le port du Pirée à travers le géant public chinois Cosco, plus grand armateur public au chiffre d’affaires annuel de 10 milliards de dollars, qui modernise le port depuis 2009 et dont il a acquis un des terminaux en 2016. La Grèce joue en effet un rôle crucial comme nouveau port d’entrée pour la route maritime de la soie. Pékin a dans la même logique lancé un projet intitulé Belgrade Budapest Railway[8] : le chantier de 1,8 milliard de dollars permettra de relier Belgrade à Budapest en trois heures, au lieu des huit nécessaires actuellement, et ainsi d’améliorer la connexion entre la Grèce et l’intérieur du continent européen sans devoir passer par les grands ports de Rotterdam ou Hambourg pour atteindre le marché européen. Ces investissements, présentés comme faisant partie des Nouvelles Routes de la Soie, touchent également l’Afrique, que Pékin a décidé d’intégrer aux cartes du projet à travers un détour de sa route maritime de la soie. Ainsi l’entreprise d’État China Road and Bridge Corporation, a financé et construit une ligne de chemin de fer de 472 km reliant la capitale kenyane, Nairobi, au port de Mombassa pour un coût de 3 milliards de dollars. Les marchandises arriveront désormais en 5 heures au lieu de deux jours.[9] Ce ne sont là que quelques exemples d’un ensemble impressionnant de projets dans les pays que Pékin veut voir intégrer son « projet du siècle ».

Le nombre faramineux de projets financés par Pékin nécessite des moyens tout aussi démesurés. En tout, ce sont 1200 milliards de dollars qui vont être débloqués pour financer la réalisation du projet d’ici un délai d’environ trente-cinq ans. La Chine utilise ses différentes banques publiques et les banques d’investissement dont elle est actionnaire : la China Development Bank a annoncé débloquer 890 milliards de dollars en mai 2015.  La Banque asiatique d’Investissement pour les Infrastructures (AIIB), créée le 14 octobre 2014, ayant son siège à Pékin a déclaré vouloir investir 50 milliards de dollars. Surtout un fonds spécial pour les nouvelles routes de la soie, créé en novembre 2014, a été doté de 40 milliards de dollars qui devront à priori se porter sur les projets d’infrastructures en Asie centrale.

Mais alors comment expliquer de telles dépenses économiques de la part de Pékin alors même que la dette commence à susciter des interrogations ?

D’une part c’est une façon pour le gouvernement de régler le problème des surcapacités de nombreux secteurs chinois essentiels aux infrastructures, la sidérurgie, le ciment, l’aluminium, ont des excédents de production particulièrement importants. Entre 2011 et 2013 la Chine a produit plus de ciment que les États Unis pendant tout le XXème siècle. En l’absence de demande au niveau national la production chinoise doit trouver des débouchés dans la construction d’infrastructures à l’extérieur du pays. En 2015 sur les 800 millions de tonnes d’acier produits par les entreprises d’État chinoises, 112 millions ont été exportés à prix cassés, faute de trouver des débouchés à l’échelle nationale[10]. La multiplication des projets d’infrastructures au niveau mondial permet à Pékin de réduire cette surproduction qui met en danger ce secteur si important pour l’économie chinoise et qui crée des tensions avec l’Europe notamment. Mais plus largement, les routes de la soie doivent également accompagner  le mouvement de transformation de la structure de l’économie chinoise. Le modèle économique chinois jusqu’alors basé sur les exportations de produits de consommation à faible valeur ajoutée, est en train de se rééquilibrer. Pour faciliter cette transition la Chine doit entres-autres trouver de nouveaux marchés, et diversifier sa production. Une majorité de pays concernés par la BRI sont des pays émergents et pourraient ainsi constituer des nouveaux marchés où écouler la production chinoise. C’est le cas de l’Afrique, du Moyen Orient mais également de l’Asie centrale, qui se retrouve du fait de sa position géographique au premier plan des nouvelles routes de la soie.

Depuis les années 1980 et les réformes de Deng Xiaoping l’ouverture de la République populaire de Chine au monde s’est essentiellement faite au travers de sa façade littorale. Les Zones Économiques Spéciales chinoises, Xiamen, Shantou, Shenzhen et Zhuhai, étaient le symbole d’une ouverture de la Chine par la mer. Ces dernières années s’est cependant amorcée une politique de développement de l’Ouest, le fameux « Go West » que le projet des nouvelles routes de la soie vient parachever et qui place l’Asie centrale au cœur de la nouvelle diplomatie économique chinoise. Ce n’est pas d’ailleurs un hasard si c’est lors d’une visite au Kazakhstan que Xi Jinping a revelé le projet de route de la soie en 2013. L’Asie centrale constitue en effet plus que du point de vue économique, une région essentielle pour les enjeux d’indépendance énergétique et de sécurité intérieure.

La zone attire l’intérêt de Pékin essentiellement pour ce qui concerne sa politique d’approvisionnement énergétique. Tout d’abord les autorités chinoises cherchent à réduire leur dépendance énergétique par rapport à la Russie d’où proviennent 10% de son pétrole et 3% de son gaz. Pékin cherche également à créer des nouvelles routes d’approvisionnements énergétiques à l’ouest notamment en provenance du Moyen-Orient. En effet 43% du pétrole chinois et 38% de son gaz viennent de la péninsule Arabique. Outre les vives tensions qui existent au Moyen-Orient, le transport de ces ressources énergétiques passe jusqu’à présent par les voies maritimes sous tensions comme Ormuz, Aden et Malacca, ce à quoi viennent s’ajouter la présence redoutée de la 5ème flotte et 7ème flotte américaine respectivement positionnées dans l’océan Indien et dans l’océan pacifique. La Chine pour ces raisons multiplie donc les investissements en Asie centrale tant pour augmenter la part de son énergie provenant de cette région à priori plus stable et plus proche, que pour créer de nouveaux corridors énergétiques. Les corridors de développement projetés par les nouvelles routes de la soie sont un moyen pour Pékin d’affirmer son emprise sur la zone et d’investir dans des infrastructures qui servent son intérêt énergétique tout en prônant son rôle de leader dans la croissance internationale. Ainsi la construction du Atyrau-Alashankou pipeline entre le Kazakhstan et la Chine est un outil majeur de cette politique, en connectant le Xinjiang aux riches champs pétroliers de la mer Caspienne. Pour le Kazakhstan la construction de ce pipeline est aussi un moyen de diversifier les corridors d’exportations, puisque c’est le seul pipeline kazakh à ne pas passer par le territoire russe[11]. Cet accès sécurisé aux ressources de la mer Caspienne s’est fait parallèlement à l’acquisition par Pékin de 8% de la North Caspian Operation Compagny qui exploite le gisement de Kashagan en mer caspienne, cinquième plus grosse réserve de pétrole au monde[12]. Pour son approvisionnement en gaz, la Chine se tourne depuis quelques années de plus en plus vers le Turkménistan qui possède la 4ème réserve de gaz naturel au monde, et fournit déjà plus de 40% du gaz chinois à travers un gazoduc construit en 2009. La Chine a également prêté 8 milliards de dollars au Turkménistan pour qu’elle commence à exploiter la deuxième plus grande réserve de gaz au monde à Galkynysh.

Cette avancée diplomatique et économique chinoise en traditionnelle zone d’influence russe n’est cependant pas sans poser problème. Moscou tente de faire pression sur les gouvernements d’Asie Centrale pour ralentir cette expansion chinoise. Mais la chine par son poids économique semble plus à même de convaincre les pays de rompre l’hégémonie de l’influence russe.  La rivalité existante de fait entre les deux grandes puissances de la région s’est cristallisée autour de la confrontation entre deux projets émanant de chacune des deux puissances. Ainsi aux nouvelles routes de la soie, la Russie a répondu par le lancement en 2014 de l’Union économique eurasiatique (UEE), un projet de coopération économique régionale qui exclut la Chine et réaffirme à travers cette structure, tant économique que politique, l’influence de Moscou sur la région. Malgré cela la route de la soie semble peut-être plus attractive, d’abord par l’impact économique plus positif du projet chinois qui inclut tant un renforcement du libre-échange que des investissements conséquents dans des infrastructures, tandis que l’Union économique eurasiatique ne semble offrir qu’une union douanière pour faciliter les échanges entre ses membres et ce d’autant plus que la Russie connaît des difficultés économiques. Mais surtout l’UEE implique des liens politiques beaucoup plus rigides, avec la nécessité d’une adhésion en tant que membre, là où la nouvelle route de la soie repose dans sa structure et sa méthodologie par un ensemble d’accords bilatéraux et multilatéraux. La Chine n’est donc pas vis-à-vis de l’Asie centrale dépourvue d’intérêts nationaux, mais semble faire miroiter aux pays d’Asie centrale une plus grande capacité à participer à leur développement. Quoi qu’il en soit les pays d’Asie centrale qui redoutent autant l’expansionnisme chinois que l’hégémonie russe, semblent pouvoir jouer de la rivalité entre les deux puissances pour faire monter les enchères.

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Xi Jinping et Vladimir Poutine, en juillet 2017. Source : http://en.kremlin.ru 

D’autre part l’impact économique que pourrait avoir le projet sur la zone est aussi un outil géopolitique développé par Pékin pour stabiliser une zone qui importe des tensions dans son territoire national et notamment évidemment dans la région autonome du Xinjiang. La majorité ouïghour turcophone et de confession musulmane supporte mal la domination de Pékin, et les nombreuses tentatives de sinisation, voire de hanisation,  menées par le gouvernement, notamment à Urumqi la capitale ou les Ouïghours sont désormais minoritaires. Cela se traduit par des attentats réguliers depuis quelques années, le dernier en date, en décembre 2016 a fait une dizaine de morts. À cela vient s’ajouter la montée de l’islamisme radical au niveau mondial auquel la Chine n’a pas échappé. En 2015, 200 Ouïghours avaient rejoint Daech selon les chiffres officiels du gouvernement. L’Asie centrale qui partage donc avec le Xinjiang la confession musulmane et un socle culturel turc, sert depuis toujours de base arrière aux Ouïghours les plus radicaux. Développer économiquement ces zones à travers un projet mondial, sert l’objectif national de maîtrise et de contrôle du Xinjiang, une région qui par ailleurs contient les plus grandes réserves d’énergies fossiles du pays.

La suite de cette logique qui marque un tournant majeur dans la politique de Pékin, est que les nouvelles routes de la soie sont également un motif pour légitimer des projets militaires dans la zone afin de sécuriser les nouvelles routes commerciales et bien sûr ses investissements énergétiques. La Chine a ainsi rompu l’hégémonie russe en matière de défense et livre désormais plusieurs millions de matériel militaire aux pays centrasiatiques. En octobre 2016 l’armée chinoise et l’armée du Tadjikistan se sont entraînés ensemble pendant 5 jours à la frontière afghane[13]. Si sur le plan économique l’avantage semble tourner en faveur de la Chine, sur le plan sécuritaire la Russie possède une nette avance notamment à travers l’Organisation du traité de sécurité collective qui regroupe l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan. Cependant étant donné l’importance que la région est amenée à prendre aux niveau économique (en étant la première étape de la nouvelle route de la soie) et énergétique, Pékin souhaite s’assurer soi-même de la stabilité et de la sécurité de la zone. Ainsi elle a entamé des négociations avec le Turkménistan pour que celui-ci accueille une base militaire chinoise, la deuxième en dehors du territoire chinois après celle de Djibouti ouverte cette année. En septembre 2016, le gouvernement chinois a également proposé une alliance sécuritaire avec l’Afghanistan, le Pakistan, et la Tajikistan, afin de lutter contre le terrorisme[14].  

Quoi qu’il en soit le développement de la coopération militaire entre la Chine et les États d’Asie centrale est un véritable tournant dans la politique extérieure chinoise qui a traditionnellement consisté dans un principe de non intervention et de non interférence dans les affaires internes de ses voisins. Si les routes de la soie sont un outil géopolitique pour s’affirmer comme puissance économique mondiale, elles le sont aussi pour s’ériger en puissance militaire continentale. Ce nouveau statut que revendique Pékin et cette redirection de l’influence chinoise vers l’ouest se fait aux dépens non seulement de la Russie, mais également de l’influence américaine en Asie. En effet tant l’océan pacifique et la mer méridionale de Chine que l’Océan Indien semblent toujours soumis à l’influence américaine puisque le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, Philippines, et bien sur l’Inde restent des partenaires majeurs de Washington. Au contraire si l’Asie centrale a bien connu une influence américaine après la chute de l’URSS, celle ci tend largement à diminuer depuis les années 2000 et le regain de puissance de Moscou. On peut souligner à ce titre que les tracés des nouvelles routes de la soie sont aussi l’occasion de réintroduire du développement économique dans des zones de tensions particulièrement redoutés par les Américains, ce à quoi ils peuvent difficilement s’opposer notamment dans des pays comme le Pakistan et l’Afghanistan. La Chine de plus en plus tend à montrer que par sa place dans la mondialisation elle se doit d’intégrer des régions du monde en proie à l’instabilité. Réussir ce défi serait d’autant plus révélateur de la nouvelle place chinoise dans la géopolitique mondiale, que les américains eux n’y sont pas parvenus malgré des interventions militaires, comme en Afghanistan.

Certains voient dans les nouvelles routes de la soie une menace rampante chinoise, d’autres un nouvel outil pour relancer la croissance chinoise. Ce qui semble en tout cas certain c’est que les nouvelles routes de la soie témoignent d’une nouvelle mentalité chinoise à l’égard du monde. Elles sont d’abord une initiative pour relancer l’économie mondiale et s’ériger dès lors en leader économique à l’heure ou les Etats-Unis dans le discours tout du moins prônent le protectionnisme et se retirent du Traité transpacifique. Cela semble d’autant plus vrai, que les investissements colossaux consentis par Pékin ne seront pas tous rentables, les prêts accordés pas tous remboursés. Pékin met en avant ce paramètre pour se poser en champion du libre-échange, et de la mondialisation de demain et ce parfois même aux dépens de ses propres intérêts individuels. La Chine endosse donc pleinement ce rôle en réorientant les flux de la mondialisation de demain, notamment ceux des échanges avec l’Europe, vers l’Hinterland autrefois délaissé. Ce nouveau statut mondial ne doit cependant pas cacher que les nouvelles routes de la soie sont également un moyen pour bâtir une zone d’influence au niveau régional et ainsi montrer aux États-Unis que le monde est désormais politiquement multipolaire. En tout état de cause les nouvelles routes de la soie témoignent une nouvelle mentalité chinoise à l’égard du monde.  

Esteban Lopez

 

Sources :

[1]http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20171024-19e-congres-pcc-chine-pensee-xi-jinping-inscrite-charte

[2] https://eng.yidaiyilu.gov.cn/qwyw/rdxw/31395.htm.

[3] http://ec.europa.eu/trade/policy/countries-and-regions/countries/china/

[4] China’s Belt and Road Game Changer, Alessia Amighini, 2017.

[5] Belt and Road : A logic behind the Myth, Yuan Li, China’s Belt and Road a Game Changer ?

[6]http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/11/02/97002-20171102FILWWW00015-la-chine-va-reduire-ses-droits-de-douane.php

[7]  Belt and Road : A logic behind the Myth, Yuan Li, China’s Belt and Road a Game Changer ? Alessia Amighini, 2017.

[8] Europe and China’s New Silk Roads, A Report by the European Think-tank Network on China, 2016. P.4.

[9] http://geopolis.francetvinfo.fr/la-chine-tisse-son-reseau-ferroviaire-en-afrique-de-l-est-144919

[10]http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-comment-ailleurs/c-est-comment-ailleurs-la-siderurgie-en-chine_1865889.html

[11]China’s Belt and Road Game Changer, Alessia Amighini, 2017, p45.

[12]https://www.challenges.fr/entreprise/la-chine-achete-8-33-du-gisement-petrolier-kazakh-de-kashagan_192376

[13]https://www.cacianalyst.org/publications/analytical-articles/item/13429-china’s-long-march-into-central-asia-how-beijing-expands-military-influence-in-tajikistan.html

[14]https://www.reuters.com/article/us-china-security/china-joins-afghanistan-pakistan-tajikistan-in-security-alliance-idUSKCN10F1A6

 

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