Bilan : le monde en 2020

Bilan : le monde en 2020

L’année 2020 ne fut pas de tout repos. Alors que la pandémie a mobilisé l’attention des citoyens et des pouvoirs publics à travers le monde, d’autres grands événements ont marqué l’actualité internationale. Classe Internationale vous propose aujourd’hui un panorama de l’année 2020, qui restera à n’en point douter dans les annales.

Afrique

Ecrit par Florian Mattern et Walid Es-Sakr.

Des partisans de l’opposition se sont réunis le 10 octobre 2020 à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, pour dire “non” à un troisième mandat du président Alassane Ouattara. (SIA KAMBOU / AFP)

Afrique de l’Ouest

En Côte d’Ivoire, des élections présidentielles de grande importance se sont tenues le 31 octobre. Après deux mandats à la tête du pays, le président sortant Alassane Ouattara s’est représenté malgré la limite fixée par la Constitution. En effet, si celui-ci avait annoncé qu’il voulait le renouvellement de la classe politique nationale, la mort soudaine en juillet de son protégé et successeur désigné Amadou Gon Coulibaly le pousse à revenir sur sa décision. Ouattara fait alors interpréter la nouvelle Constitution de 2018 qu’il a fait adopter comme une possibilité de remettre les compteurs à zéro et se représenter. Dans un contexte particulièrement tendu, dans lequel son adversaire historique Henri Konan Bédié et le leader de l’opposition Pascal Affi N’Guessan finissent par appeler au boycott général, Ouattara est réélu avec 95.3% des suffrages. En réponse à cette victoire, Bédié proclame un Conseil National de Transition pour contester sa réélection, ce qui fait craindre une résurgence des violences de 2010 lors de l’élection disputée entre Ouattara et Laurent Gbagbo qui avaient fait des centaines de morts. Après quelques semaines de négociations, Bédié annonce la fin de ce régime et Ouattara promet un dialogue avec l’opposition en vue des élections législatives de mars 2021.

Au Mali, la tenue des élections législatives en mars et avril dans un contexte tendu a provoqué une crise politique majeure. Déjà contestées pour leurs nombreux reports – celles-ci auraient dû avoir lieu en 2018 – ces élections ont été troublées par l’enlèvement de Soumaïla Cissé, leader de l’opposition, par des groupes terroristes. Des violences émaillent le déroulement des scrutins et des soupçons de fraude électorale entourent le pouvoir présidentiel. En juin, des milliers de manifestants viennent alors demander la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. Le 18 août, un groupe de militaires dépose le président, son Premier ministre Boubou Cissé, et arrête de nombreux responsables politiques. Le lendemain, les putschistes proclament la création d’un Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) pour diriger la transition du pays. Ils engagent alors un tortueux processus de négociations avec la coalition d’opposition du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5J-RFP) et avec des délégués de la CEDEAO (Communauté Économique Des États d’Afrique de l’Ouest) qui aboutit à une charte de Transition le 12 septembre. Rejetée par le M5J-RFP, celle-ci entre malgré tout en vigueur le 1er octobre et donne naissance au nouvel organe législatif du pays le 5 décembre, le Conseil National de la Transition. Dénoncé par la communauté internationale – en premier lieu la CÉDÉAO et la France – mais largement soutenu par la population malienne, le CNSP est dissous le 18 janvier 2021.

De nombreuses autres élections présidentielles se sont déroulées sur le continent africain en 2020. Au Ghana, le 7 décembre, Nana Akufo-Addo est réélu dès le 1er tour contre l’ancien président John Mahama. Si l’opposition conteste les résultats de la présidentielle, suivie de législatives sans qu’une majorité soit dégagée, ces élections se passent sans violences majeures. En février au Togo, en revanche, la candidature de Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, pour un 3e mandat après avoir modifié la Constitution fait l’objet de nombreuses controverses. L’opposition dénonce une fraude électorale et dépose un recours devant la Cour suprême – sans succès – et le fils du président Eyadema qui avait dirigé le pays de 1967 à 2005 assume son 3e mandat le 3 mai 2020. En Guinée, après des mouvements de contestation réprimés par les autorités qui font plusieurs morts, le président Alpha Condé est réélu dès le 1er tour pour un 3e mandat. Si le scrutin du 18 octobre se déroule dans un calme relatif, la proclamation des résultats déclenche des affrontements dans les rues de Conakry, soutenus par le leader de l’opposition Cellou Dalein Diallo qui refuse de reconnaître la victoire de Condé. Ce dernier prête malgré tout serment le 16 décembre. Au Burkina Faso dans un contexte de tensions sécuritaires, Roch Kaboré est réélu pour un 2e mandat à la tête du pays le 22 novembre 2020. Celui-ci relance immédiatement un projet de modification de la Constitution pour se rapprocher d’un modèle semi-présidentiel.

Au Nigéria, l’enlèvement de plus de 300 lycéens par des forces de Boko Haram le 11 décembre provoque l’émoi dans un pays où l’organisation terroriste sévit depuis des années. Les forces de sécurité nigériane parviennent heureusement à libérer les jeunes étudiants une semaine plus tard.

L’actualité de l’année est aussi marquée par les développements de l’opération Barkhane au Sahel menée par la France. L’armée française parvient à abattre de nombreux djihadistes – un nombre qui s’approcherait de 600 – et à faire reculer les forces terroristes dans la région du Liptako. Cependant, la mort de trois soldats français le 28 décembre et de deux autres le 2 janvier 2021 relance le débat sur l’intervention française dans la région.

Sur le plan économique, l’année 2020 aurait dû être celle de l’arrivée de l’eco, le projet de monnaie unique porté par la CEDEAO. Cependant, les complications économiques et l’augmentation des dépenses publiques causées par la pandémie ont poussé l’organisation à repousser son lancement à une date indéfinie. Cependant, le 20 mai, la France entérine cette transition en confirmant son retrait des instances dirigeantes de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest et en renonçant au dépôt auprès du Trésor français de la moitié des réserves de change du franc CFA.

Afrique des Grands lacs

Au Burundi, après 15 ans de présidence de Pierre Nkurunziza, dont les mandats ont été marqués par la violence et la répression de l’opposition ainsi qu’une tentative de coup d’État par des militaires en 2015, le pays se préparait à une élection présidentielle inédite. Bien que Nkurunziza avait lui aussi modifié la Constitution pour pouvoir se représenter, ce dernier annonce ne pas se représenter et désigne alors Évariste Ndayishimiye pour lui succéder, tout en gardant la tête du parti en tant que « Guide suprême ». Le 20 mai, Ndayishimiye est élu président dès le 1er tour malgré l’appel au boycott de l’opposition et des conditions sanitaires difficiles. Mais la mort soudaine de Nkurunziza le 8 juin 2020 d’un arrêt cardiaque plonge le pays dans une crise institutionnelle, l’investiture ne devant avoir lieu que le 20 août. Après de nombreuses hésitations, la Cour constitutionnelle décide d’avancer cette cérémonie de transition au 18 juin.         

Le 16 mai, Félicien Kabuga, homme d’affaires et financier présumé du génocide de 1994 au Rwanda, est arrêté en France après 25 ans de recherches. Accusé de génocide par le Tribunal pénal international pour le Rwanda en 1997, celui-ci est alors transféré à La Haye en attendant son transfert pour la Tanzanie ou siège le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (MTPI). Si l’intéressé conteste ces chefs d’accusation, la justice française valide la remise de Kabuga au MTPI et l’exécution de son mandat d’arrêt.

Afrique australe – Afrique de l’Est

Insurrection djihadistes au Mozambique

L’année 2020 est celle de l’intensification du soulèvement djihadiste dans le nord du Mozambique. En effet, dans la province à majorité musulmane du Cabo Delgado, une insurrection sanglante menée par des islamistes qui ont porté allégeance au groupe État islamique provoque un exode massif des populations locales vers les autres provinces du pays. Le gouvernement central se heurte donc à une crise migratoire immense, plus de 550 000 personnes ayant fui les violences de la région. 

La prise de la ville de Mocímboa da Praia (130 000 habitants) par les djihadistes, en août dernier, témoigne notamment de la vigueur de l’insurrection. Face à cette situation, les forces mozambicaines de sécurité peinent à reprendre le contrôle de la zone. Ces dernières sont d’autant plus mises en difficulté que le groupe terroriste génère un attrait croissant au sein de la population locale, historiquement abandonnée par le pouvoir central et géographiquement éloignée de la capitale Maputo.

En outre, la révolte représente un risque conséquent pour les entreprises internationales présentes au Cabo Delgado, province qui abrite des réserves de gaz considérables. Ainsi, en décembre 2020, les attaques se sont multipliées à proximité du site d’Afungi, contrôlé par le géant français Total, qui a évacué son personnel et qui prévoit de relocaliser sa production autre part.

Guerre du Tigré en Ethiopie

L’escalade des tensions entre le gouvernement éthiopien et les séparatistes de la région du Tigré, au nord de l’Éthiopie, a débouché sur un conflit ouvert depuis novembre 2020. L’opposition entre les deux parties remonte à la réforme politique majeure pilotée par le nouveau premier ministre, Abiy Ahmed, élu en 2018. En effet, sa décision de fusionner en décembre 2019 les quatre partis ethniques majoritaires ― celui des Oromos, des Amharas, des Tigréens et des Peuples du Sud ― et donc de mettre fin au système politique ethnocentré historiquement favorable aux Tigréens a rencontré l’opposition de ces derniers. Ainsi, après des mois de tensions, un groupe de séparatistes finit par attaquer un poste militaire, poussant le gouvernement central à intervenir militairement pour contenir le mouvement. 

Face à leur perte croissante de terrain face aux troupes éthiopiennes, les miliciens tigréens n’ont pas hésité à s’adonner à des massacres sanglants, dirigés notamment contre l’ethnie amhara. Dans la nuit du 9 au 10 novembre, plus de 600 civils amharas sont ainsi assassinés dans la ville de Maï-Kadra. 

La situation dans le Tigré a provoqué un exode massif de la population locale, qui se réfugie par dizaines de milliers dans le Soudan voisin. Le risque, à terme, est celui d’une déstabilisation générale de la Corne de l’Afrique, déjà sévèrement affectée par la guerre civile somalienne et les tensions récurrentes dans les zones périphériques de l’Éthiopie.

Politique

En Tanzanie, la réélection du président John Magufuli en octobre, avec plus de 84% des suffrages, a notamment cristallisé les tensions et les accusations de fraude de la part de l’opposition. Cette victoire aux accents brejnéviens s’inscrit dans la ligne d’un premier mandat placé sous le signe de la réduction des libertés individuelles et du musellement croissant de l’opposition. De plus, la monopolisation du pouvoir par le Parti de la révolution depuis l’indépendance du pays en 1961 attise la colère d’une part croissante de l’électorat.

A l’approche des prochaines élections présidentielles qui se tiendront en 2022, le Kenya s’enfonce dans l’instabilité. Le clan de l’actuel président Uhuru Kenyatta livre une bataille sans merci contre le vice-président William Ruto. Des heurts lors de rassemblements politiques ont déjà fait 2 morts, faisant craindre des élections violentes qui rappelleraient indubitablement celles de 2007, qui ont fait près de 1 700 morts.

En Afrique du Sud, le parti de l’ANC, au pouvoir depuis l’élection de Mandela en 1994, a fait un premier pas vers l’expropriation terrienne des fermiers blancs. En effet, il entend faire passer une loi controversée ouvrant la possibilité d’une expropriation sans compensation. Néanmoins, dans un pays qui se casse les dents sur la question de la réforme agraire depuis un quart de siècle, cette mesure cristallise les tensions raciales et les protestations de la population blanche, qui détient encore les trois-quarts des terres agricoles alors qu’ils représentent moins de 10% de la population.

Economie

La chute drastique des cours du cuivre combinée aux conséquences de la crise sanitaire a plongé la Zambie dans une crise économique d’envergure. En manquant une échéance de dettes de près de 34 millions d’euros au mois d’octobre, le pays est techniquement en défaut de paiement. Bien que le président Edgar Lungu compte sur la décision historique du G20 d’annuler la dette de près de 40 pays africains, la Zambie se prépare à des jours noirs.
En Angola, la situation économique n’est pas non plus très réjouissante, le pays se heurtant à une grave crise pétrolière aggravée par l’épidémie du coronavirus. Cette situation est d’autant plus inquiétante que le secteur de l’or noir réprésente 90% des exportations angolaises et que le pays peine à diversifier son économie. L’extrême dépendance vis-à-vis de la Chine, à qui l’Angola vend les deux-tiers de son pétrole, n’arrange rien.

Environnement

Dans le nord du Botswana, plus de 350 éléphants ont été mystérieusement retrouvés morts en l’espace de quelques semaines. Cette catastrophe pour l’écosystème local serait due à une bactérie présente dans l’eau, dont le développement se trouverait favorisé par le réchauffement climatique, particulièrement violent en Afrique australe. De la même manière, une cinquantaine de carcasses ont été retrouvées dans le pays voisin du Zimbabwe, présumément pour les mêmes causes.

Afrique du Nord

Maroc

Force est de constater que le dossier du Sahara occidental est un problème toujours d’actualité entre les parties prenantes, impliquées dans cette affaire depuis 1975. Cette nouvelle période de tensions entre le Maroc et le Front Polisario s’explique par la préparation par ce dernier d’un plan destiné à bloquer le trafic commercial transitant par le passage d’El Guerguerat.

Après trois semaines de blocage, le Maroc a lancé une opération militaire destinée à rétablir la sécurité alimentaire de la Mauritanie et à mettre fin au harcèlement des observateurs de l’opération onusienne Minurso. Cela permet de rétablir l’ordre dans la mesure où aucune victime n’est à déplorer des deux côtés.

Cependant, la rupture du cessez-le-feu par le Front Polisario le 13 novembre 2020 (conclu sous l’égide de l’ONU il y a près de 30 ans) est une preuve de l’échec des négociations entre les deux parties. Ceci est renforcé par l’absence d’envoyé onusien après la démission de l’émissaire onusien Horst Kohler pour raisons de santé.

Par ailleurs, le Royaume du Maroc a normalisé ses relations avec Israël en rétablissant ses rapports diplomatiques le 10 décembre 2020. Ce choix s’inscrit notamment dans la continuité d’une décision de Trump ayant permis de reconnaître la souveraineté sur le Sahara occidental. Cependant, selon le Centre arabe de recherche et d’études politiques, 88% rejetteraient cette reconnaissance diplomatique.

Libye

Aucune des trêves qu’a connues la Libye n’a été assez longue pour relancer le dialogue national entre les deux camps principaux de la guerre civile, à savoir le Gouvernement de l’accord national (GAN) et l’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar. 

L’année 2020 a notamment été marquée par la forte présence militaire turque sur le sol libyen dans le cadre d’un déploiement de forces terrestres et de milices pro-turques. Cet engagement militaire a pris encore plus d’ampleur suite à son approbation par le parlement turc le 2 janvier 2020. L’action en question avait pour objectif d’assister militairement le GAN après la perte de la ville de Syrte en janvier. En outre, la reprise de la base aérienne stratégique d’Al Watiya par les troupes du gouvernement, reconnue internationalement, n’aurait pu avoir lieu sans l’intervention militaire des Turcs.

Cette présence turque a notamment inquiété quelques États frontaliers de la Libye. En Égypte, afin de lutter contre toute menace à la sécurité nationale, le président Sissi a déclaré qu’une opération militaire de légitime défense n’était pas à exclure si les Turcs s’approchaient trop près de Syrte. Cette décision, adoptée après un vote à l’unanimité du Parlement, est le résultat de l’échec de la diplomatie égyptienne, qui prévoyait d’introduire une période de transition de 18 mois dans le cadre de la déclaration du Caire de juin dernier.

Ainsi, la tenue de négociations destinées à garantir un processus politique paisible a été un échec complet. En ce sens, la conférence de Berlin, qui s’est déroulée le 19 janvier, n’a pas réussi à proposer une sortie de crise crédible. 

Tout cela a contraint l’envoyé spécial des Nations Unies à annoncer sa démission en mars, en pleine période de crise. Dix mois après cette démission et une période d’intérim assurée par l’Américaine Stephanie Williams, un nouvel émissaire a été nommé : le Bulgare Nickolay Mladenov. 

Algérie

Les manifestations populaires qui se sont multipliées en 2020 ont permis de mettre pacifiquement au ban une grande partie de la classe politique. Toutefois, ce soulèvement n’a pas réussi à enraciner une démocratie réelle. En effet, la crise sanitaire a servi de tremplin aux autorités algériennes pour étouffer la force collective de tout un peuple.

Malgré tout, bien que l’Algérie soit considérée comme l’un des pays les moins touchés par la pandémie, la stratégie préventive mise en place par les autorités s’est révélée partiellement efficace. En effet, les mesures strictes prises par le pouvoir ont suscité de nombreuses critiques de la part de la population, qui considéraient qu’elles entravaient le Hirak (nom donné aux manifestations).

La pandémie a révélé le dysfonctionnement du système sanitaire et l’incapacité des autorités à coordonner leurs efforts afin de garantir un service aérien minimum. La fermeture des frontières aux voyageurs internationaux décidée au mois de mars a eu un impact économique considérable, notamment pour la compagnie nationale Air Algérie. La crise sanitaire n’a pas non plus épargné le président Tebboune, infecté par le virus et évacué vers l’Allemagne au vu de la dégradation de son état de santé. L’absence de celui-ci a notamment été sanctionnée par les urnes, le référendum portant sur la réforme de la Constitution, qui s’est tenu le 1er novembre, ayant été accueilli avec près de 77% d’abstention.

Amérique de Nord

Ecrit par Etienne Chaumeau, Théo Quiers et Lou Hoffmann.

Kamala Harris et Joe Biden, vice-présidente et président élus des Etats-Unis, le 7 novembre 2020. (JIM WATSON / AFP)

Joe Biden et Kamala Harris, main dans la main avec l’annonce de leur victoire le 7 novembre 2020. JIM WATSON / AFP

Politique étrangère

USA-Iran

Alors que les célébrations de la nouvelle année se terminaient, l’actualité géopolitique a été marquée par le risque d’un énième conflit armé au Moyen-Orient. L’assassinat du général iranien Suleimani le 3 janvier a exacerbé les tensions entre l’Iran et les USA, alors déjà au plus bas. En effet l’année 2019 a vu les USA imposer de nouvelles sanctions économiques à l’encontre de l’Iran qui a alors riposté en descendant un drone américain présent dans son espace aérien ou en abordant des pétroliers transitant par le détroit d’Ormuz. Cette succession d’évènements ne pouvait dès lors que mener à une dégradation des relations. Le général, alors en visite en Irak, était accusé par les américains d’avoir contribué à la mort de centaines de leurs soldats en équipant et en entraînant des rebelles irakiens. Si son assassinat a porté un coup dur aux opérations militaires iraniennes, il a également engendré un relatif sentiment d’union national autour du gouvernement. Si l’Iran avait promis une riposte à la hauteur de l’affront, seuls quelques missiles ont été tirés vers des bases militaires abritant des soldats américains, et cela sans faire de victimes. Cette riposte contrôlée a permis de désamorcer la situation. Si les tensions entre les 2 états sont restées vives tout au long de l’année, la crise sanitaire a éclipsé tout risque de conflit ouvert sue le court terme. Par ailleurs les dirigeants iraniens ont également parié sur l’élection d’un nouveau président aux USA. Cette approche explique en partie la retenue dont a fait preuve l’Iran face à cette agression. En cas d’escalade, un nouveau président n’aurait eu d’autres choix que de poursuivre la politique étrangère de Trump ce qui aurait compromis tout espoir de levée des sanctions. L’élection de Joe Biden en novembre 2020 laisse espérer un retour au statut quo voir un retour des USA au sein de l’accord de Vienne.

USA-Chine

SI les relations sino-américaines n’ont fait que décliner ces dernières années, 2020 a marqué un véritable tournant. En effet si la guerre commerciale lancée par Donald Trump a eu des conséquences négatives sur certains secteurs de l’économie américaine, elle a également rappelé l’interdépendance des ces deux économies. Bien que la méthode Trump ne soit pas plébiscitée par les démocrates, ces derniers ne sont pas forcément opposés au bras de fer avec la Chine qu’ils considèrent comme étant déloyale dans ses pratiques commerciales.

Outre l’aspect économique de ce conflit, on a également pu assister, et nous assistons toujours, à un conflit idéologique entre les superpuissances du XXIème siècle. En effet Donald Trump, plutôt que de prendre des mesures pour protéger sa population, a laissé circuler le virus tout en blâmant le régime chinois. Si la Chine a effectivement une part de responsabilité dans le déroulé des évènements, la stratégie américaine, si l’on peut parler de stratégie, s’est limitée à accuser la Chine d’être derrière tous les maux des américains. Cela a permis à Donald Trump d’entretenir sa popularité auprès de son électorat alors qu’il venait de faire face à une procédure de destitution.

Par ailleurs, la répression à l’égard des ouïghours  a donné du grain à moudre au président américain et a mis fin au relatif isolement des USA dans leurs critiques du régime autoritaire chinois.

Coronavirus

Le Canada et les Etats-Unis sont tous deux des Etats fédéraux, il est donc compliqué de faire état d’une politique unique d’endiguement de la pandémie, chaque Etat aux Etats-Unis et provinces au Canada ont mis en place leurs propres mesures. En revanche, la gestion des relations internationales, notamment des frontières, et de l’économie en cette période de trouble dépendaient du gouvernement fédéral dans les deux pays. Alors que Justin Trudeau a opté pour la prudence dans ses mesures prises en période de pandémie, Donald Trump lui n’a eu de cesse de minimiser la dangerosité du virus. Il déclarait en février 2020 que le virus « disparaîtrait un jour, comme par miracle » et évoquait en conférence de presse une potentielle injection de désinfectant ou l’utilisation d’ultraviolets pour venir à bout du virus. La minimisation de la gravité de la situation sanitaire opérée par le Président des Etats-Unis a pu se ressentir dans la politique mise en place par les Etats pour endiguer la propagation du virus. Ainsi, le 30 mars 2020, seuls dix Etats avaient mis en place des mesures particulièrement restrictives aux Etats-Unis alors que le monde commençait à se confiner successivement. Parmi ces dix Etats, la Californie et l’Etat de Washington ont imposé la fermeture des bars et des restaurants, des écoles et des commerces non-essentiels ainsi que l’interdiction des rassemblements. D’autres Etats, comme l’Oklahoma, se contentaient à cette date d’une fermeture des écoles. Les Etats-Unis ont dû faire face à un autre obstacle dans leur lutte contre le coronavirus : dès le mois d’avril, alors que de plus en plus d’Etats adoptaient des mesures de confinement, des milliers de manifestants se réunissaient à travers le pays pour protester contre des mesures qu’ils jugent liberticides. Ils invoquent la liberté de déplacement et de travailler pour contester la restriction de liberté dont ils se disent victimes. Le bilan du coronavirus aux Etats-Unis en 2020 sera dramatique : le 31 décembre 2020 on dénombre 8 914 806 cas recensés depuis le début de la crise et 326 867 décès aux Etats-Unis. Dès le 26 mars, les Etats-Unis deviennent le pays le plus touché par la crise sanitaire dépassant la Chine. La fin de l’année fut marquée aux Etats-Unis par l’espoir que suscite le vaccin contre le covid 19. Le 14 décembre une infirmière new-yorkaise fut la première américaine à être vaccinée contre le coronavirus. Dix jours plus tard, ce sont déjà 1 million d’américains qui sont vaccinés. Le pays a pour objectif de dépasser la barre des 100 millions de vaccination au 1er trimestre 2021.

Au Canada, la population et les pouvoirs publics ont pris au sérieux la gravité de la situation sanitaire à un stade très avancé. Dès le 28 janvier le Canada connaît une pénurie de masque du fait de l’importante demande que suscite ce produit, alors même qu’ailleurs ce nouveau virus suscite encore peu d’inquiétude. Le 3 mars, le Canada connaît une ruée sur les produits de première nécessité alors qu’aucune mesure de confinement n’a encore été annoncée. Le coronavirus a très tôt suscité la crainte de la population canadienne. En parallèle à l’inquiétude de la population, les pouvoirs publics mettent en place des mesures d’endiguement de l’épidémie. Le 13 mars Ontario décide de fermer ses écoles et ses universités pour deux semaines minimum. Le 15 mars, c’est le Québec qui déclare l’urgence sanitaire pour la première fois de son histoire. Dans les jours et les semaines qui suivent, toutes les provinces adoptent des mesures de confinement. Le 19 mars, Justin Trudeau annonce la fermeture des frontières canadiennes pour tout déplacement non nécessaire. Les étudiants étrangers, les étrangers avec un visa de travail et les échanges commerciaux restent néanmoins possibles. Au 31 décembre 2020, le Canada dénombre 581 428 cas cumulés depuis le début de l’épidémie et 15 606 décès. Le pays a débuté son plan de vaccination le 14 décembre 2020.

Les économies des deux pays furent éprouvées par la crise sanitaire. Au Canada, le Produit Intérieur Brut (PIB) a chuté de près de 11% dès le mois d’avril 2020 et le chômage a atteint les 13%, bien loin des 5,6% d’avant la crise sanitaire. Le taux de chômage national cache d’importantes disparités au niveau régional : au plus fort de la crise l’Alberta atteint les 25% quand le Québec lui atteint les 13%. Les Etats-Unis, quant à eux,  ont connu la plus forte chute du PIB et le plus fort taux de chômage depuis la Grande dépression de 1929 : le PIB a chuté de 31,4% et le chômage a atteint les 14% au plus fort de la crise. 

Politique et société

La campagne présidentielle de 2020

A l’issue des primaires démocrates qui se sont tenues entre janvier et août 2020, l’ancien vice-président Joe Biden a été désigné candidat de son parti pour affronter le président sortant Donald Trump. Cette élection 2020 restera unique dans l’histoire de la politique américaine, et ce pour plusieurs raisons. Elle a tout d’abord mis aux prises les deux plus vieux candidats de l’histoire – Donald Trump est âgé de 74 ans, Joe Biden, lui, de 78 ans. Elle s’est déroulée ensuite dans un contexte sanitaire extrêmement pesant qui est devenu le sujet numéro un de la campagne, les Etats-Unis étant le pays le plus touché dans le monde par la pandémie de coronavirus avec plus de 230 000 morts au moment de la campagne. Enfin, elle n’a jamais suscité autant de division dans la société américaine, déjà fracturée sur la question raciale, les violences policières et la crise du coronavirus. Aussi, Donald Trump s’est empressé pour dire avant même le jour de l’élection, le 3 novembre, que ce scrutin serait volé. En cause, les votes par correspondance, qui, en raison de la crise sanitaire, ont été généralisés à tout le pays et qui selon le président Trump serait un système frauduleux favorisant les démocrates. Quoi qu’il en soit, si l’état de la démocratie américaine a souvent été remis en question au cours de cette campagne, elle a néanmoins montré une grande vitalité. En effet, près de 160 millions d’Américains se sont rendus aux urnes, un record.

La tragédie George Floyd et les manifestations Black Lives Matter

En mai 2020, en pleine primaires démocrates, alors que l’épidémie de la Covid-19 fait rage dans tout le pays, George Floyd, un Afro-Américain vivant dans la ville de Minneapolis, dans le Minnesota, est tué par la police lors de son arrestation par la police. Les conditions tragiques de sa mort – allongé au sol, le genou d’un policier blanc sur sa nuque l’empêchant ainsi de respirer – sont diffusées en direct sur les réseaux sociaux et suscitent rapidement l’indignation dans tout le pays. Beaucoup d’autres Noirs Américains avaient été tués avant lui, souvent dans des circonstances laissant penser plus à un crime raciste qu’à une arrestation qui a mal tourné. C’est pourtant cette tragédie qui mettra le feu aux poudres et le pays à feu à sang. Pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, Minneapolis, puis le reste des grandes métropoles américaines à l’instar de New York, Washington, Atlanta, Los Angeles, Miami ou encore Seattle, ont été le théâtre de scènes de pillages, de vandalisme, d’incendies et de violences, le tout sous le regard indifférent du président Donald Trump. Ces tensions, qui se sont répandues dans le monde entier comme une traînée de poudre, ont au moins eu le mérite de remettre le combat pour les droits civiques et contre les violences policières sur le devant de la scène, dans une Amérique trop souvent meurtrie par ces bévues policières. Plus qu’un slogan, le mouvement « Black Lives Matter » est l’un des événements majeurs de cette année mais aussi du 20e siècle car il nous rappelle que le combat pour les droits civiques des années 1960 n’est toujours pas terminé. Et jamais, depuis le Civil Right Act de 1968, la cause des Noirs avait été autant défendue dans les rues et monopolisé les esprits.

La mort de Ruth Bader Ginsburg

En septembre 2020, deux mois avant l’élection présidentielle, l’icône de la Cour Suprême américaine, Ruth Bader Ginsburg, nommée juge assesseure par Bill Clinton en 1993, est décédée à l’âge de 87 ans. Elle était seulement la deuxième femme à siéger au sein de la plus haute juridiction des Etats-Unis. Cette progressiste convaincue était depuis 2016 l’un des derniers remparts contre le trumpisme. Dès le début de sa formation universitaire, elle se confronte au sexisme qui règne dans les hautes sphères de la société américaine à cette époque-là. Le comportement de ses congénères masculins jalonnera tout son début de carrière mais aura le mérite de motiver ses futurs combats pour les droits des femmes et des minorités. En 1972, elle fonde le Women’s Rights Project qui s’efforce de garantir aux femmes des droits égaux aux hommes dans toutes les sphères de la société. RBG portera six procès devant la Cour suprême américaine et remportera cinq d’entre eux. A sa mort, Donald Trump a nommé une fervente catholique ultra-conservatrice opposée notamment à l’avortement, ce pourquoi la juge Bader Ginsburg s’est tant battue. Désormais, la Cour Suprême, dont les décisions peuvent avoir un effet considérable sur le paysage politique et social américain, est composé de six juges conservateurs et trois juges progressistes. De ce fait, le droit à l’avortement pourrait potentiellement être un des nombreux acquis constitutionnels à être remis en cause dans les prochaines années.

La victoire de Joe Biden

Quatre jours. C’est le temps qu’il a fallu attendre avant de connaître le nom du gagnant de l’élection présidentielle. La raison ? Le délai d’attente qui peut aller jusqu’à trois jours après l’élection pour la réception des votes par correspondance. Dans les Etats swing states tels que la Géorgie, la Pennsylvanie, le Michigan ou encore le Wisconsin, les résultats étaient tellement serrés qu’il a fallu recompter l’intégralité des voix, parfois manuellement. Alors que Donald Trump n’avait pas encore atteint le nombre suffisant de grands électeurs (270), le président sortant, fidèle à lui-même, a proclamé sa victoire précipitamment, créant un capharnaüm politico-médiatique sans précédent. Finalement, le samedi 7 novembre, peu avant midi, les médias ont attribué l’Etat-clé de Pennsylvanie à Joe Biden lui permettant ainsi d’atteindre le nombre suffisant de grands électeurs pour être élu 46e président des Etats-Unis. Depuis ce jour, Donald Trump n’a jamais accepté sa défaite, répétant le même crédo qu’il utilisait durant la campagne de fraude électorale. Pas moins d’une soixantaine de recours en justice ont été déposés par l’équipe de campagne du président sortant pour tenter de démontrer cette fraude à grande échelle. Tous ont été rejetés faute de preuves. Tant est si bien que la transition présidentielle, habituel temps fort de la démocratie américaine, s’est retrouvée complètement bloquée pendant plusieurs semaines, empêchant le président-élu et son administration d’avoir accès à certains dossiers sensibles comme ceux concernant la sécurité nationale. Si l’élection de 2020 a suscité une mobilisation massive des électeurs, elle a néanmoins mis en lumière la dangerosité du populisme qui a failli faire vaciller la démocratie américaine.

Amérique latine

Ecrit par Alexis Coquin.

Le palais présidentiel de la Moneda à Santiago du Chili va-t-il être le témoin de bouleversements constitutionnels majeurs en 2021 ? (© Wikipédia) 

Gestion de la crise sanitaire (Covid-19)

Plus tardivement touchée que d’autres continents – au moins à grande échelle – l’Amérique latine a sans nul doute été l’un des grands foyers de la pandémie mondiale de coronavirus au cours de l’année 2020. Pays latino-américain le plus touché, le Brésil se distingue autant par le nombre de cas déclarés et de personnes décédées – plaçant respectivement le géant sud-américain aux troisième et deuxième rangs mondiaux – que par l’inconséquence de ses dirigeants qui n’ont cessé de traiter avec désinvolture la « gripette » inoffensive de la Covid-19. Pour Jair Bolsonaro, qui a lui-même contracté le virus, le résultat d’une telle impéritie est on ne peut plus cinglant : l’épidémie a mis en lumière les failles béantes du système de santé public brésilien et a grandement creusé les inégalités économiques et éducatives. À l’heure où sont écrites ces lignes, ce grand pays fédéral apparaît plus que jamais désorganisé, chaque État prenant les mesures qu’il estime opportunes pour endiguer la déferlante de la maladie. Mêlant préoccupations sanitaires et marasme économique, cette situation dramatique se retrouve aussi en Argentine. Buenos Aires s’est en effet distingué par la longueur d’un confinement interminable –  près de neuf mois entre mars et novembre ! – qui laisse augurer des pires difficultés économiques pour le principal pays du Cône Sud en 2021. D’un mot, les perspectives de reprise économique s’annoncent donc particulièrement sombres dans les mois à venir, certains analystes parlant d’ores et déjà d’une « décennie perdue » où les récessions devraient s’enchaîner en cascade pour le sous-continent. Alors que les campagnes de vaccination s’amorcent à peine dans la région, on peut estimer que la résilience des populations, déjà très éprouvée par l’ampleur de la crise, trouvera une nouvelle fois ses ressorts dans la persistance d’une économie informelle, qui, même mise à mal, reste le seul moyen de subsistance pour plus de 60 millions de Mexicains.

Crises et refondations politiques

L’agenda politique latino-américain continue de générer de nombreux rebondissements année après année. Si 2019 avait vu l’éclosion de nombreux mouvements sociaux du Chili à l’Équateur en passant par la Bolivie, 2020 aura été l’occasion de trouver un début de réponse aux nombreuses crises politiques et institutionnelles qui parsèment la région. Si la Bolivie n’a justement pas cédé aux sirènes de l’autoritarisme voire de la guerre civile que d’aucuns lui prédisait après l’élection présidentielle de 2019 qui a vu le départ du pouvoir d’Evo Morales au bénéfice de la droite conservatrice, elle le doit beaucoup au retour en grâce du MAS (mouvement vers le socialisme) qui a finalement remporté l’élection présidentielle d’octobre dernier. Ce succès de la gauche bolivienne, reconnu depuis par l’opposition de droite comme par la communauté internationale, a permis de rétablir une stabilité institutionnelle jusque-là menacée. Tel n’est pas le cas du Pérou, autre pays andin largement déstabilisé par la crise du coronavirus comme par les interminables vicissitudes de sa vie politique. Au XXIème siècle, les cinq présidents péruviens ont tous fait l’expérience de la prison, du suicide ou de la destitution – la dernière remontant à novembre 2020 – !  Miné aussi bien par les affaires de corruption que par l’activisme de la droite réactionnaire mené par le clan Fujimori – Alberto Fujimori, aujourd’hui en prison, fut en effet chef de l’État entre 1990 et 2000 et sa fille Keiko est candidate à l’élection présidentielle d’avril 2021 -, c’est peu dire que le Pérou recherche désespérement un homme ou une femme d’État d’envergure capable de ramener la concorde nationale et de faire front aux crises sociale et sanitaire. Le scrutin du printemps prochain, où 17 candidats sont en lice, a toutes les chances de prolonger cette désillusion politique permanente. On pourrait tout aussi bien appliquer ce constat à l’inextricable crise présidentielle vénézuélienne où l’autoritarisme du président Nicolas Maduro apparaît plus que jamais renforcé après la tenue des élections législatives de décembre dernier face à une opposition de droite déclinante incarnée par le président autoproclamé Juan Guaidó. Deux ans après l’irruption de Guaidó sur la scène internationale, l’issue de l’imbroglio politique vénézuélien est toujours des plus incertaines. Tant que l’opposition au chavisme se déchirera, il est vraisemblable que Nicolas Maduro, dont le mandat court jusqu’en 2024, se maintiendra au pouvoir. À moins que les États-Unis de Joe Biden, au demeurant fin connaisseur de l’Amérique latine, n’en décident autrement… Dans ce contexte politique régional pour le moins tourmenté, l’éclaircie viendra-t-elle du Chili ? Faisant suite aux manifestations qui avaient secoué Santiago en 2019, le référendum constitutionnel du 25 octobre 2020 a eu le mérite de clarifier les aspirations politiques des Chiliens qui se sont très majoritairement exprimés – à près de 79 % – en faveur d’une nouvelle Constitution devant à terme sceller la refonte du modèle économique et social du pays. L’année 2021 s’annonce d’autant plus décisive pour le Chili qu’au-delà des seules élections constituantes prévues le 11 avril, se tiendra également l’élection présidentielle au mois de novembre. Cette vitalité politique inédite sera-t-elle de nature à refonder le Chili contemporain ? Ce serait là présumer un peu vite du succès d’une nouvelle Constitution qui doit encore être rédigée et approuvée par les électeurs. En cas de rejet, la Constitution actuelle, héritage de la dictature ultra-libérale du général Augusto Pinochet, continuerait d’orienter le contrat social chilien. À l’inverse, le nouveau président chilien désigné à l’automne, pourrait ne pas survivre bien longtemps à ce nouvel ordre constitutionnel. Quoiqu’il en soit, les changements institutionnels désormais engagés devraient aboutir à l’horizon 2022 – 2023.  

Droits humains et sociaux

L’Amérique latine est traditionnellement un grand laboratoire pour la lutte et la reconnaissance des droits humains et sociaux. Si la question de la réforme agraire est lancinante dans bien des sociétés latino-américaines, c’est sur le terrain glissant de la légalisation de l’avortement que l’Argentine d’Alberto Fernández s’est distinguée fin décembre 2020. Rappelons qu’à l’exception de Cuba ou de l’Uruguay, l’Amérique latine reste particulièrement rétive à l’idée de dépénaliser l’avortement – une pratique toujours très encadrée sinon encore purement et simplement interdite au Nicaragua ou en République dominicaine -, un  sujet qui passionne des opinions publiques souvent animées de machisme ou marquées par la prégnance historique du catholicisme. En autorisant le droit à l’avortement après un premier échec en 2018, l’Argentine, pays du pape, vient assurément de faire un grand pas dans la reconnaissance des droits des femmes les plus élémentaires. L’exemple argentin fera-t-il des émules dans la région ? 

Asie

Ecrit par Naomy Soudry et Louis Ouvry.

Dans le cadre du 37ème sommet de l’ASEAN à Hanoi, le 15 novembre 2020, les dirigeants de l’ASEAN ont assisté au quatrième sommet du RCEP par visio-conférence. Nhac Nguyen/AFP

Le nouvel accord de libre-échange RCEP

Du côté économique, le dimanche 15 novembre s’est clôturé le sommet virtuel de l’ASEAN par la signature d’un accord commercial qui réunit quinze pays d’Asie de l’est et du Pacifique : Indonésie, Thaïlande, Singapour, Malaisie, Philippines, Vietnam, Birmanie, Cambodge, Laos, Brunei, Chine, Japon, Corée du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande. Ce partenariat régional économique global (RCEP) a été notamment promu par la Chine, et représente par ses membres 30% du PIB mondial et plus de 2 milliards d’habitants, faisant de ce dernier le plus important partenariat commercial au monde. L’accord traite prioritairement des questions de libre-échange avec une élimination de 90% des tarifs douaniers, mais aussi de propriété intellectuelle, laissant de côté les sujets environnementaux et de protection des travailleurs.

La Thaïlande marquée par des manifestations depuis la mi-année

La Thaïlande a connu de nombreuses manifestations depuis le mois de juillet 2020, portant tout d’abord sur la volonté d’une plus forte démocratie, la population Thaïlandaise a également réclamé une réforme de la monarchie. Les revendications, initialement portées par des étudiants, se concentraient sur le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha, arrivé au pouvoir après un coup d’État en 2014, et sur la réécriture de la Constitution, jugée trop favorable à l’armée. Toutefois, les manifestations ont pris de l’ampleur tout au long du second semestre 2020 et une modernisation de la monarchie est demandée, chose inédite. L’abolition de la loi de lèse-majesté, qui fait partie des plus sévères au monde, est notamment en jeu, ainsi que le contrôle sur la fortune royale et la non-ingérence du souverain dans les affaires politiques.

2ème élections semi-démocratiques au Myanmar

Début novembre 2020 se sont tenues les secondes élections législatives démocratiques en République du Myanmar, depuis la transition démocratique initiée en 2015. Ces élections ont consacré le parti politique d’Aung San Suu Kyi : la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND). Ces élections montrent la popularité que conserve la lauréate du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi alors que son image se dégrade sur la scène internationale, dans un contexte de crise des Rohingyas et de dépendance croissante du pays vis-à-vis de la Chine et de l’Inde.

Avec une victoire plus nette qu’en 2015 pour la LND, les élections auraient pu permettre de renforcer les institutions démocratiques en place. Pourtant, l’actualité de ce lundi 1er février montre que la démocratie est loin d’être assise. En effet, les forces militaires n’acceptant pas les résultats de ces élections législatives ont arrêté Aung San Suu Kyi ainsi que le président de la République, Win Myint. Selon les informations communiquées par l’armée de la République du Myanmar, le général Min Aung Hlaing aurait été placé à la tête du pouvoir, et un état d’urgence a été décrété suite au coup d’État. 

Un accord sur le retrait des troupes américaines en Afghanistan

Le samedi 29 février 2020 un accord qualifié d’historique a été signé entre les États-Unis et les talibans d’Afghanistan, à Doha, au Qatar. Cet accord fixe à la fois les conditions mais aussi le calendrier de retrait des troupes américaines présentes en Afghanistan. Il reste important de souligner que ce dernier ne correspond pas à des négociations de paix : les violences en Afghanistan ne se sont pas atténuées, en atteste la recrudescence des attaques contre des postes militaires, à l’instar de celle de fin novembre contre une base de l’armée afghane, dans la province de Ghazni, à l’est du pays. L’accord, contraignant pour les américains en ce qui concerne le rythme de retrait des troupes, ne prévoit en revanche aucun cessez-le-feu, question qui devra être gérée de manière interne. Notons que l’Afghanistan est par ailleurs touché par des attentats organisés et revendiqués par l’État islamique, ennemi des talibans.

Shinzo Abe, bilan d’un mandat record

Après avoir réalisé le plus long mandat de l’après-guerre au Japon avec huit années à la tête de l’exécutif, Shinzo Abe, le Premier Ministre japonais, a annoncé son départ du gouvernement le 28 août 2020 pour raisons de santé.

Durant ces huit années à la tête du gouvernement, Shinzo Abe est parvenu à redonner du crédit au Japon sur la scène internationale, prônant par exemple un pacifisme actif dans le monde, ou travaillant encore à la réalisation de l’Indo Pacifique libre et ouvert. Le Premier Ministre a réussi à faire du Japon une puissance stratégique en Asie, notamment en termes de sécurité maritime, mais également un partenaire privilégié des États-Unis. Il est néanmoins important de souligner la dégradation des relations avec la Corée du Sud, et les controverses soulevées dans l’archipel au moment des réformes de 2014 et 2015 sur la politique de défense japonaise. Le bilan de l’ère Abe en termes de politiques économiques internes est également nuancé. Les mesures anti-austérité, et la politique monétaire accommodante n’ont pas permis d’atteindre l’objectif d’une croissance annuelle de 2% du PIB.  La réforme de l’organisation de l’emploi au Japon, et la promotion du travail des femmes n’ont pas eu les effets escomptés, avec des conditions de travail de plus en plus précaires pour les japonais (cf article https://classe-internationale.com/2020/04/23/lorganisation-de-lemploi-au-japon-sur-la-route-de-la-precarite/?fbclid=IwAR266yfuCe6-LNpB4pF2dluDKw6KWV8ypDQhGGnYxWavW8yp6D67Uo2FstU)

Finalement, Shinzo Abe aura laissé son empreinte sur le pays, concrétisant en partie la vision qu’il avait pour ce dernier. Son successeur, Yoshihide Suga, fut désigné le 16 septembre 2020, deux jours après son élection en tant que Président du Parti Libéral Démocrate. Ancien bras droit de Shinzo Abe, Yoshihide Suga poursuit la politique de l’ancien Premier ministre.

Sanctions US-Chine

Les relations sino-états-uniennes n’ont pas été des plus simples pendant l’année 2020. Au-delà de la compétition « systémique » que les deux géants entretiennent, la diffusion du COVID-19 et la prise de contrôle assumée de la ville de Hong Kong par Pékin ont renforcé les tensions entre Pékin et Washington. Les concrétisations de ces tensions furent nombreuses – des cyberattaques aux confrontations navales en mer – mais elles se sont davantage matérialisées sous la forme de sanctions. Leur publication a rythmé l’année 2020, et elles ont affecté toutes les dimensions de la relation bilatérale. Deux consulats ont été fermés de part et d’autre du Pacifique, au moment où des journalistes états-uniens et chinois subissaient une pression accrue sur leurs activités. Des personnalités de premier rang ont été également ciblées, telles que Chen Quango, secrétaire général du PCC dans la région du Xinjiang et Mike Pompeo, ancien Secrétaire d’État des États-Unis.

Hong Kong

Le Royaume-Uni estime que près de 300 000 ressortissants hongkongais pourraient s’y installer au cours des cinq prochaines années.  Ce chiffre éclaire sur la gravité de la crise politique en cours à Hong Kong, où le gouvernement chinois a mis fin au statut d’exception de la zone administrative spéciale. En effet, une « loi sur la sécurité nationale » fut promulguée en juillet 2020, et donne aux autorités chinoises les moyens juridiques de marginaliser toute opposition médiatique et politique à Hong Kong.

Taïwan

Pourtant toujours aussi soucieuse de préserver son indépendance, Taïwan demeure considérée comme une « province rebelle » par la Chine, qui continue ses actions de pressions contre Taipei. L’explosion du COVID19 a donné aux dirigeants de l’île un moyen d’affirmer l’existence politique de Taïwan dans le monde, grâce à sa maîtrise de la diffusion de l’épidémie et au maintien de son intégrité économique. Avec la campagne « #TaiwanCanHelp », le gouvernement taïwanais a réussi à fissurer le discours politique chinois faisant de la « gouvernance aux caractéristiques chinoises » la meilleure formule de gouvernement en temps d’épidémie. Pékin répliqua fermement, en renforçant les incursions militaires dans l’espace aérien et maritime de l’île, dont le nombre d’occurrences a atteint un niveau historique en 2020.

Les tensions Inde-Chine

Les tensions ne s’affaiblissent pas à la frontière sino-indienne, où des troupes des deux pays sont fait face le 20 janvier dernier , à la frontière entre le Tibet et le Sikkim. Plusieurs soldats des deux côtés de la frontière ont été blessés en 2020 lors d’affrontements à propos du contrôle de la frontière entre les deux pays. Pékin et New Delhi entretiennent toujours des différends frontaliers répartis sur différentes localités situées tout le long de la frontière, longue de 3440 kilomètres. Les deux pays réussirent à préserver le niveau d’intensité à un certain niveau ; aucune arme susceptible de faire dégénérer le conflit en guerre ouverte ne fut utilisée, les soldats des deux pays se battant à l’aide de bâtons et de leurs mains. Toutefois, la tension demeure vive. Les armées des deux pays renforcent leurs positions de part et d’autre de la frontière, dans un contexte où la somme des désaccords demeure lourde entre New Dehli et Pékin, que cela soit à propos de la prise du leadership dans l’océan indien ou de la compétition économique féroce que se livre la Chine et l’Inde.

Australie-Chine

Les relations entre Canberra et Pékin se sont significativement dégradées en 2020. Du point de vue de Pékin, l’Australie serait le « bras armé » de l’alliance « anti-Chine » qui se constituerait autour des États-Unis, du Japon, de l’Inde et de l’Australie. En effet, Canberra a considérablement renforcé ses critiques vis-à-vis de la Chine, allant même jusqu’à demander la mise en place d’une enquête sur les origines de l’épidémie du Covid19. Pékin riposta par des mesures de rétorsion commerciale sur les céréales, spiritueux et les minerais en provenance d’Australie, pourtant nécessaires à l’industrie lourde chinoise. 

Caucase

Ecrit par Marika Ruggiero.

Document diffusé par le ministère de la Défense d’Azerbaïdjan montrant des tirs d’artillerie le 27 septembre sur le Haut Karabakh sur le site de France Inter © AFP / Ministry Of Defence of Azerbaijan / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

La réactualisation de la guerre en Haut-Karabagh

Le contexte : La seconde guerre du Haut-Karabagh est l’un des plus anciens conflits gelés issue de la période de tutelle de l’URSS sur l’Arménie et l’Azerbaïdjan. La dislocation de l’URSS et l’indépendance autoproclamée du Haut-Karabagh- dont la population est à 90% arménienne- en 1991 actent le déclenchement de conflits armés violents entre Azerbaïdjan et Arménie, nouvellement indépendants. Malgré l’instauration d’un cessez- le-feu en 1994 sous la supervision du Groupe Minsk de l’OSCE, un conflit frontalier ne cesse de se matérialiser le long de la frontière, cristallisant les tensions entre ces deux pays. 

Des conflits meurtriers s’enlisent brutalement le 27 septembre, réactivés par l’Azerbaïdjan. En effet, la crise économique interne liée au pétrole qui touche le pays depuis le début de l’année 2020 a poussé les acteurs politiques à répondre de manière patriotique: le bombardement de la capitale du Haut-Karabagh. Après trois tentatives de pacification, la fin des hostilités entre en vigueur le 10 Novembre, par médiation de la Russie, suite à la décision du Premier Ministre arménien Nikol Pachinian de mettre fin aux affrontements. L’Azerbaïdjan est reconnu comme le gagnant de cette guerre aux dépens de l’Arménie et du peuple arménien du Haut-Karabagh. De fait, ils conservent les territoires conquis durant le conflit et le retrait des troupes arméniennes des zones que celles-ci avaient occupé.

Ce conflit a mis en jeu deux puissances régionales : la Turquie -qui soutient l’Azerbaïdjan- et la Russie, au rôle ambigu et privilégié, étant proche des deux belligérants auxquels elle vend des armes. L’Iran, plus proche de l’Azerbaïdjan, surveillait également la situation car il partage une frontière avec les deux pays. Ces liens ont été réactivés au moment de la signature de l’accord. En effet, ce dernier n’a été négocié qu’en présence des deux belligérants sous l’égide de la Russie. Le Président Poutine a tenu à mettre à l’écart la Turquie -du fait de ses aspirations sur des zones d’influence russes- ainsi que les puissances occidentales, les deux autres co-présidentes du Groupe Minsk, la France et les Etats-Unis, afin de renforcer son influence dans le Caucase.

La résolution du conflit n’a fait que renforcer la dépendance de l’Arménie à la Russie. L’accord prévoit en effet la présence de forces armées russes pour permettre la mise en place d’un couloir entre le Haut-Karabagh et l’Arménie. De son côté, l’Azerbaïdjan d’Ilham Aliev, en répondant aux aspirations nationalistes de son pays, en sort renforcé sur le plan national.

Economie

La situation économique a aussi été marquée par les affrontements au Haut-Karabagh. L’Iran a été le pays vers lequel l’Azerbaïdjan a le plus exporté cette année. La valeur des exportations s’est élevée à près de trente-huit millions de dollars. Les relations particulières entretenues entre ces deux pays ainsi que le soutien apporté à l’Azerbaïdjan durant ce conflit peuvent sûrement expliquer cette situation.

La résolution de ce conflit a également réduit la fonction de transit des marchandises qu’exerçait la Géorgie dans la Transcaucasie. De fait, les voies de communication et de transport seront débloquées afin de permettre, par exemple, le transit des marchandises de l’Azerbaïdjan à la Turquie en passant directement par l’Arménie.

Du côté de la Russie, les conséquences économiques liées à la pandémie du Covid-19 ont été contenues et relativement moins significatives qu’à l’international. De fait, la structure économique russe est marquée par un poids faible des services dans le panier de consommation des ménages, par une présence considérable de grands groupes aux moyens importants se finançant de manière indépendante et par l’application d’un taux de change flottant. Cette structure, accompagnée de mesures de sécurité sanitaire strictes, ont été des facteurs d’amortissement de la crise. En effet, l’économie russe repose très peu sur le tourisme et les flux internationaux, ce qui a conduit une réorientation des dépenses vers l’économie domestique, un atout en cas de crise comme celle-ci. Alors même que le pays avait connu entre avril et mars un recul considérable des cours pétroliers, la croissance en Chine et un nouvel accord OPEP+ entré en vigueur en Mai, ont permis une remontée de ces derniers. Cependant, la Banque Centrale de Russie estime que le PIB du pays a reculé de 3,5% entre janvier et novembre 2020.

Politique

En Géorgie, deux ans après les élections présidentielles, les manifestations qui ont rythmé l’année 2019 se sont poursuivies, cette année encore. Les élections législatives qui ont eu lieu en novembre ont massivement mobilisé, dénonçant la fraude et une mauvaise représentation des suffrages permettant au parti dominant et majoritaire « Rêve Géorgien » -dirigé par l’homme le plus riche du pays, Bidzina Ivanishvili-, d’assurer une majorité au Parlement et d’arriver en tête des élections depuis 2012. Ce dernier, pour apaiser les mouvements de manifestation, avait promis une modification du système électoral en passant à un système de représentation à la proportionnelle, une promesse non tenue -l’amendement est rejeté par le Parlement après abstention des députés de la majorité-, déclenchant ainsi la colère de la population. Cette situation est symptomatique « d’un recul pour la démocratie en Géorgie » selon l’ONG Transparency International. L’analyste politique Ghia Nodia, analyste politique géorgien explique en effet que la Géorgie et son système politique reste encore très ancré dans une personnalisation du pouvoir politique : « Tout est contrôlé par un seul parti autour d’un seul homme. Comme les partis au pouvoir précédents, « Rêve Géorgien » contrôle tous les leviers du pouvoir et de la justice, et utilise sa position pour harceler l’opposition ». 

D’autres projets de révision du système politique ont été menés en 2020. C’est le cas de la Russie qui a révisé sa Constitution après le Référendum qui a eu lieu entre juin et juillet et qui a recueilli 78% de voix en sa faveur. Ces réformes politiques intègrent la remise à zéro du compteur des mandats de Vladimir Poutine, ainsi que l’immunité donnée aux présidents sortants, l’enseignement patriotique dans les écoles et l’interdiction du mariage homosexuel. La Russie est aussi bouleversée par l’empoisonnement du principal opposant politique de V. Poutine, Alexeï Navalny, le 20 Août. Après plusieurs mois dans le coma et de convalescence en Allemagne, ce dernier décide de rentrer en Russie en janvier. Cet empoisonnement a fait l’objet de plusieurs versions énoncées par les acteurs politiques russes. L’hypothèse d’un empoisonnement de Navalny aurait dans un premier temps été écartée, puis validée, mais la responsabilité russe toujours niée. Alors que l’opposant politique défend l’idée d’une responsabilité du Kremlin, la Chancelière russe croit à un empoisonnement allemand dans l’objectif de déranger l’équilibre interne russe.

La résolution du conflit du Caucase du Sud marque le début de relations politiques plus apaisées entre Arménie et Azerbaïdjan. Des prisonniers de guerre arméniens sont en effet rentrés chez eux, après avoir été détenus en Azerbaïdjan.

Société et santé

Dès le mois de mars, l’Arménie devient le principal foyer du virus Covid-19 dans le Caucase du Sud. Il faudra cependant attendre le mois d’avril pour que le Premier Ministre N. Pachinian décrète l’état d’urgence. L’opposition critique les politiques menées par les pouvoirs publics, la situation arménienne étant plus grave que celle de ces voisins.

La guerre du Haut-Karabagh a été accompagnée d’une envolée du nombre de cas. L’OMS constate que le nombre de nouveaux cas de Covid-19 a doublé en deux semaines en Arménie – qui compte désormais 56 451 cas dont 1020 décès- et a augmenté de 80% en Azerbaïdjan, portant le nombre de cas à 41 982 dont 609 morts. Les systèmes sanitaires de ces deux pays, déjà fragiles, ont dû faire face à une « perturbation directe des services de soins et de santé » liée aux combats. En effet celui-ci crée les dispositions idéales à la propagation du virus entraînant une baisse des gestes barrières, un déplacement de population et la mobilisation de nombreuses troupes. L’OMS a donc décidé d’intensifier ses efforts dans ces zones.

La Géorgie fait aussi face à une flambée des cas avec 240 000 contaminations pour 3.7 millions d’habitants.

En Russie, les statistiques officielles de mi-décembre montrent que 2.7 millions de personnes ont été touchées par le virus. Elle se place donc au quatrième rang mondial en termes de contaminations. Le directeur de l’Observatoire Franco-Russe explique cependant qu’« étant donné cette surmortalité enregistrée ces derniers mois, on peut multiplier par deux ou trois les chiffres avancés par le ministère de la Santé, compte tenu de leur méthodologie ». En novembre, alors même que la course à la recherche d’un vaccin se renforce, la Russie affirme que son vaccin Spoutnik V, développé par les laboratoires de Moscou en Août, serait à 95% efficace contre le coronavirus. La vaccination a ainsi débuté dès le mois de Décembre. 

Europe

Ecrit par Eva Samaddar et N’deye-Arame Kebe

Des dizaines de milliers de biélorusses défilent dans la rue le 13 septembre 2020 pour protester contre le maintien au pouvoir du président Alexandre Loukachenko. TUT.BY / via REUTERS.

La crise politique biélorusse : lutte pour la démocratie et tensions européennes

La crise politique biélorusse est un des évènements qui a marqué l’Europe plus particulièrement l’Europe centrale. En effet, la réélection d’Alexandre Loukachenko (président de la Biélorussie de 1994) le 9 août 2020 avec 80% des voix a été contestée par les citoyens biélorusses et les pays frontaliers à la Biélorussie pour cause de falsification. Alors que l’OSCE avait appelé le 5 novembre 2020 à l’annulation des résultats pour une élection plus juste ainsi que la fin des répressions auprès des manifestants mais aussi la libération des prisonniers politiques et des journalistes, le président fraîchement réélu n’a pas tenu compte des recommandations de l’OSCE ni des sanctions prises par l’Union Européenne à son égard. En Biélorussie, l’année 2020 a été ponctuée par des manifestations citoyennes hebdomadaires contre ce sixième mandat d’Alexandre Loukachenko mais aussi en réaction à la mauvaise gestion de la crise sanitaire qui n’ont trouvé comme réponses de la part du gouvernement que des arrestations violentes entraînant des blessés voire des morts. La cérémonie d’investiture qui a eu lieu le 23 septembre à l’abri du grand public témoigne donc des tensions internes. Svetlana Tikhanovskaïa, principale rivale d’Alexandre Loukachenko s’est aussi révélée être la figure de l’opposition en Biélorussie et un emblème de la démocratie, cette année. Elle a notamment trouvé refuge en Lituanie et a demandé le soutien de l’Union Européenne afin de résoudre cette crise politique, elle a aussi récemment demandé le soutien au président américain Joe Biden. La non-coopération d’Alexandre Loukachenko pour résoudre cette crise politique ainsi que les violentes répressions contre l’opinion populaire ont entaché les relations entre l’Union Européenne et la Biélorussie. Si l’Union Européenne a tenté d’apporter son soutien à l’opposition biélorusse, elle a été souvent critiquée pour sa timide intervention dans la médiation de cette crise politique notamment par les pays frontaliers à la Biélorussie. En effet, la Lituanie a par exemple apporté son soutien à la population dès le début de cette crise en annonçant que les Biélorusses pouvaient se réfugier en Lituanie pour des raisons politiques ou humanitaires. Le Seimas a quant à lui voté le 18 août pour la non-reconnaissance du résultat de cette élection présidentielle. Ne trouvant pas de soutien auprès des pays frontaliers et de l’Union Européenne, Alexandre Loukachenko s’est donc tourné vers le président russe, Vladimir Poutine. Minsk reste en effet très indépendante de la Russie sur le plan économique et cette dernière entend bien garder un certain contrôle. Néanmoins, l’année 2020 a fait évoluer les relations entre les deux pays. En effet, Alexandre Loukachenko, un partenaire politique de longue date de Vladimir Poutine a accusé la Russie d’ingérence sur son territoire notamment lors de l’arrestation d’un groupe de mercenaires russes soupçonnés de vouloir déstabiliser le pays lors des élections. Les tensions internes restent encore très fortes à la fin de l’année 2020 et aucun accord politique n’a encore été trouvé pour mettre en place un régime démocratique, dans le respect des droits de l’Homme et du droit international.

L’Europe devient l’épicentre de la pandémie 

13 mars 2020. Le directeur général de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus déclare que « l’Europe est actuellement l’épicentre de la pandémie du Covid-19 ». Il s’en est fallu de quelques mois dans certains pays européens voire de quelques semaines pour que les hôpitaux soient submergés et les états d’urgence sanitaire déclarés. Peu à peu les frontières se ferment et l’Italie, un des pays européens les plus touchés, est la première à confiner sa population le 8 mars 2020, peu à peu suivie par l’Espagne, la France, la Belgique et de nombreux autres pays européens. Arrive le mois de mai où de nombreux pays européens décident de se déconfiner et de profiter d’un petit moment de répit durant l’été, le 30 juin l’Union Européenne ouvre à nouveau ses frontières extérieures à une dizaine de pays. Cette crise sanitaire a violemment touché tous les secteurs économiques, en effet on note une baisse du PIB de plus de 7%  au sein de l’Union Européenne et dans la zone euro. Un plan de relance de 750 milliards d’euros est présenté par la Commission européenne et adopté à Bruxelles le 21 juillet. La Banque centrale européenne annonce quant à elle le rallongement des programmes de rachat des titres de dettes. Cette épidémie a donc mis à l’épreuve la solidarité européenne, la politique de l’Union européenne a donc été de d’adopter plus que jamais une politique commune afin d’agir efficacement : « Nous avons décidé d’agir, de frapper fort et de frapper ensemble. » Charles Michel, président du Conseil européen. À la fin de l’année, certains pays européens décident de se confiner à nouveau pour contrer l’augmentation de la présence du virus et pour ralentir la propagation de ses variants comme la Grande-Bretagne ou la France. En 2020 cette pandémie a lourdement affecté de nombreux domaines comme le secteur de la culture qui a dû se réinventer et qui a été frappé de plein fouet par la fermeture des lieux culturels. Cette pandémie a aussi mis à mal une très grande partie de la population comme les personnes âgées, notamment confrontées à l’isolement et à la solitude mais aussi la jeunesse étudiante qui souffre aussi de cet isolement à travers les cours à distance et d’une incapacité à pouvoir se projeter à court et moyen terme. La crise sanitaire a mis en exergue les difficultés et le manque de moyens dont font face le personnel hospitalier et les professionnels de la santé dans certains pays d’Europe. Néanmoins l’autorisation de la Commission européenne pour la commercialisation du vaccin BioNTech et Pfizer le 21 décembre offre une lueur d’espoir en cette fin d’année 2020. 

2020 : l’année des promesses environnementales en Europe

L’introduction du Pacte vert pour l’Europe impulsé par la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen et présentée par cette dernière comme la « nouvelle stratégie de croissance de l’Europe » a été votée le 15 janvier 2020. Ce plan a pour objectif notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2050, la mise en place d’un fonds de transition énergétique. Ce plan se veut promouvoir une Europe durable et inclusive visant à restaurer la biodiversité ainsi qu’à réduire la pollution. Cette année 2020 a donc permis la mise en place des plans d’action de ce projet et de mesurer les différends entre les membres de l’Union européenne. La crise sanitaire et la suspension brutale de nombreuses activités économiques ont permis à tous d’observer l’impact de l’homme sur son environnement et la rapidité avec laquelle il était possible de percevoir des effets à court terme. 2020 a d’ailleurs été l’année la plus chaude sur cette partie du globe. En effet, on observe qu’au nord de l’Europe, les températures étaient en moyenne plus élevées de 1 à 2 degrés que les normales saisonnières. La COP 26, initialement prévue du 9 au 19 novembre 2020 à Glasgow a été reportée pour cause de pandémie du 1er au 12 novembre 2021. En réponse à cette annulation a eu lieu du 19 novembre 2020 au 1er décembre, la MockCop26 sous l’impulsion d’étudiants britanniques. Cet événement virtuel dans la même veine que les Fridays For Future montre une nouvelle fois l’engagement et l’intérêt grandissant de la jeunesse au sein de la protection de l’environnement et de ses problématiques. La MockCop26 se présente comme une simulation de la Cop et a ainsi été l’occasion pour des jeunes activistes à travers le monde mais surtout en Europe de faire entendre leurs voix et leurs opinions concernant les décisions gouvernementales prises en matière de protection de l’environnement. 

2020 : l’année du Brexit

L’année 2020 a été marquée par la toute première sortie d’un des membres de l’Union Européenne de l’organisation. Rappelons brièvement qu’à la suite d’un référendum voté le 23 juin 2016, le Royaume-Uni se lance officiellement dans une procédure qui conduira à terme le pays à sortir de l’Union. C’est aujourd’hui chose faite. Boris Johnson, le Premier Ministre actuel au Royaume-Uni a repris la lourde tâche qui incombait précédemment à Theresa May le 24 juillet 2019. Après avoir déclaré la sortie officielle du pays le 31 janvier 2020 par la signature d’un accord de retrait, le pays est rentré dans une nouvelle « phase de transition » qui correspondait à la négociation d’un nouvel accord commercial avec l’UE. Ce dernier a été signé in extremis au moment des fêtes de fin d’année les 24 et 28 décembre derniers.

L’accord de retrait solde notamment la question de la frontière avec l’Irlande du Nord, point chaud des négociations depuis 2016. L’Irlande du Nord est en effet partie intégrante du Royaume-Uni. La sortie du pays de l’union économique et douanière de l’UE, quand la République d’Irlande restait membre de l’organisation, donnait lieu à deux scénarios possibles. Le premier était le rétablissement d’une « frontière dure » entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, qui faisait peur à de nombreux citoyens des deux Irlandes pour le souvenir qu’elle ranimait de la période des Troubles (1968-1998). L’accord décide finalement d’opter pour le deuxième scénario : un « backstop » (filet de sécurité) entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni. S’il permet de conserver une union douanière entre la République d’Irlande, l’Irlande du Nord et le reste de l’UE, il reste critiqué par les unionistes d’Irlande du Nord, qui cherchaient à éviter à tout prix toute mesure les éloignant du Royaume-Uni, et par les pro-Brexit britanniques qui souhaitaient sortir complètement de tout accord douanier contraignant sans conditions.

L’accord met également un terme à la libre circulation des travailleurs de l’Union Européenne. Le Parlement britannique a ainsi voté en mai 2020 une loi y mettant fin. Elle est rentrée en vigueur le 1er janvier 2021. Le Royaume-Uni a annoncé depuis sa « nouvelle politique migratoire », qui lui permettra de « reprendre le contrôle de ses frontières » (Prit Patel, Ministre de l’Intérieur britannique). L’objectif officiel principal est une suppression de l’afflux de travailleurs venant des pays de l’Est, une forte immigration s’étant développée au Royaume-Uni depuis l’élargissement de 2004. « Autrefois le système était entre les mains des employeurs, maintenant le système est entre les mains de l’Etat. » (ancien Président du parti conservateur britannique). Le coût de ces procédures ne se situe pas seulement du côté des travailleurs de l’UE souhaitant travailler au Royaume-Uni, mais également du côté des entreprises britanniques qui devront gérer des frais d’administration supplémentaires et des délais d’accès à une main-d’œuvre européenne. Les conditions d’obtention d’un visa de travail visent en effet à être particulièrement durcies.

Pour le reste, l’accord de retrait de janvier 2020 stipulait que le Royaume-Uni devait continuer d’appliquer la législation européenne, de contribuer au budget, et de respecter les clauses de l’union économique et douanière pendant la phase de transition, jusqu’à la fin de la période de transition. Le pays ne serait néanmoins plus représenté dans les organes de décision de l’UE.

Plusieurs enjeux majeurs se sont succédés lors des négociations de ce nouvel accord. Ces dernières ont été menées par Michel Barnier et David Frost, respectivement négociateurs européen et britannique pour le Brexit. Le ralentissement des négociations dû à la pandémie Covid-19 n’a pas empêché une signature de dernière minute à quelques jours de la fin de la période de transition.

Le premier point-clé sur lequel ont buté longtemps les négociateurs est le libre accès aux eaux britanniques pour la pêche. D’un côté, les pêcheurs Français, Hollandais, Belges ont traditionnellement eu accès à ses eaux depuis des années, et de l’autre, les pêcheurs britanniques, largement pro-Brexit tiennent particulièrement à ce que l’accès par les autres pays membres fassent l’objet de restrictions. Le résultat en ce qui concerne les enjeux de pêche est le suivant : le Royaume-Uni ne fera plus partie de la politique commune de la pêche, l’accord du 24 décembre prévoyant que les navires européens renonceront progressivement à 25% de leurs captures d’ici la fin de la période transitoire de cinq ans et demi.

Le deuxième point-clé est celui qui concerne la crainte de l’Union européenne du développement d’une concurrence déloyale. En échange d’un accès sans droits de douanes ni quotas au marché du continent demandé par le Royaume-Uni, il s’agissait de déterminer des règles de concurrence équitables qui permettent d’éviter que Londres, hors de l’Union, ne s’affranchisse des normes sociales, environnementales et surtout fiscales en vigueur sur le continent. Finalement, un large nombre de produits d’exportation de l’UE vers le Royaume-Uni resteront libres de droits de douane avec seulement quelques exceptions.

2020 : l’année d’un Nouveau Pacte sur l’Asile et la Migration ? Un bilan sur la situation migratoire en Europe

Quand le nombre de demandeurs d’asile s’est vu décroître continûment depuis 2015, la Belgique ayant connu un record historique en 2020 correspondant au nombre de demandes enregistrées le plus bas depuis 10 ans, les obstacles à leur accueil et leur installation continuent à l’inverse d’être mis en place à chaque étape du parcours migratoire. 

En 2020, les migrations par voie irrégulière en Méditerranée ont fait comme pour les années précédentes plusieurs centaines de morts, parmi ceux qui ont été répertoriés. Rien que sur le dernier trimestre 2020, deux drames se sont produits. Un naufrage de migrants aux abords des côtes tunisiennes a fait une dizaine de morts et plusieurs blessés à la mi-octobre. Puis dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 novembre, deux bateaux ont coulé au large de la Lybie causant la mort de 94 personnes selon l’ONG Médecins Sans Frontières. La Manche n’échappe pas à ces événements tragiques. S’ajoute depuis 2020 une nouvelle grande voie d’immigration irrégulière par les Canaries, en vue de rejoindre ensuite l’Espagne continentale. Ils ont été 17 000 à venir d’Afrique de l’Ouest cette année. L’année Covid a ajouté considérablement aux bilans des naufrages qui ont pu se produire : le navire d’SOS Méditerranée Ocean Viking n’a pu reprendre la mer que fin décembre 2020, après 6 mois d’immobilisation en Italie pour cause d’irrégularités techniques” constatées à la suite d’un sauvetage de 180 personnes, débarquées dans un port italien.  

Par ailleurs, les procédures de demande d’asile se sont durcies dans plusieurs pays européens. C’est le cas en Hongrie, mais plus grave dans certaines grandes terres d’accueil traditionnelles des migrants (en Suède par exemple). De plus, le mouvement de fermeture des frontières à l’échelle de tous les Etats Européens à l’heure du Covid a conduit au durcissement des conditions d’acceptation des demandes d’asiles. En France, en Autriche, en Belgique, en Grèce, au Luxembourg, en Espagne, aux Pays Bas, en Roumanie et en Pologne, les services administratifs reliés aux procédures d’asile ont fermé leurs portes au public, et donc, aux exilés en attente de protection

Enfin, les migrants en statut d’irrégularité arrivés dans un pays transitoire ou dans le pays où ils souhaitent s’installer ont vu certains abus se produire à leur encontre. Sous prétexte du confinement, les mesures de sécurité sanitaire ont conduit à l’isolement des populations migrantes dans des camps d’internement et à la dégradation de leur conditions de vie. Cela a par exemple été le cas en Moldavie à l’encontre des populations Roms.

Ces abus se sont principalement concentrés sur les pays situés en première ligne, la Grèce notamment. Celle-ci est accusée depuis l’été 2019 par les ONG et défenseurs des droits des migrants de mener une politique de refoulement des migrants, tout comme l’agence européenne Frontex qui continue d’être dénoncée pour son incapacité à mettre en place des corridors sûrs d’immigration en provenance d’Etats dans lesquels ils subissaient des violations de leurs droits fondamentaux. L’incendie qui s’est déclenché à la fin de l’été 2020 sur l’île de Lesbos, où s’est construit le plus grand camp de migrants du continent européen avec 10 000 individus au moment des faits, n’est que l’aboutissement d’une situation explosive sur laquelle les institutions de l’UE ont fermé les yeux.

Le Nouveau Pacte sur la Migration et l’Asile, projet laissé à l’abandon à plusieurs reprises, a enfin été présenté au cours de l’année 2020. Un premier communiqué de la Commission Européenne a été délivré fin septembre, et les premières réactions sont tombées. Brièvement, ce Pacte consiste principalement à remplacer un mécanisme de répartition obligatoire des migrants ayant obtenus l’asile (non effectif parce que trop contraignant selon Bruxelles) par un mécanisme de solidarité obligatoire plus flexible (qui sera appliqué et permettra de soulager les pays en ligne de front). Ce mécanisme permet de choisir entre trois options : l’accueil direct sur son sol, la participation aux retours, la participation à l’accueil. Certains gouvernements crient aux abus que représenteraient ce Pacte pour la souveraineté nationale, les ONG comme Oxfam, Médecins sans Frontières et d’autres dénoncent au contraire des mesures beaucoup trop modestes pour garantir les droits des réfugiés. Les négociations risquent de se prolonger sur de nombreux mois, la Commission prévoyant la validation de premiers textes par le Parlement d’ici l’été 2021.

Un Black Lives Matter européen ?

Les mouvements contre les violences policières aux États-Unis ont eu un impact significatif en Europe cette année, entraînant une vague de contestations sur le continent. En effet, les manifestations contre les violences policières notamment après la mort de Georges Floyd le 25 mai 2020, la médiatisation du mouvement Black Lives Matter ont trouvé écho au sein de nombreux pays d’Europe ce qui a fait resurgir sur le devant de la scène des débats concernant l’usage de la violence, les discriminations raciales au sein des forces de l’ordre et le racisme institutionnel. Ainsi, au Royaume Uni, en Belgique, en Allemagne, en Italie ou encore en Pologne les manifestations de soutien avec le mouvement américain Black Lives Matter se sont peu à peu recentrées sur les préoccupations propres à chaque pays européen. Les circonstances de la mort de Tomy Holten aux Pays Bas le 14 mars 2020 ou encore celle d’Adama Traoré  le 16 juillet 2016 ainsi que le passage à tabac de Michel Zecler le 21 novembre 2020 en France ont permis de relancer ces débats sociétaux  sur la place publique. À cela s’ajoute aussi durant l’année le mouvement de déboulonnage des statues qui entend questionner certains pays européens concernant leur rapport avec leur propre histoire coloniale. 

Moyen-Orient

Ecrit par Oscar Peyramond, Walid Es-Sakr et Emma Pillonel.

 Le 25 octobre 2020, des milliers d’Irakiens se sont rassemblés Place Tahrir à Bagdad, un an après la révolte d’octobre. REUTERS/Thaier Al-Sudani

Dix ans après les premiers soulèvements populaires de masse, le rejet des élites politiques est toujours aussi vif

Dans la continuité des mouvements protestataires initiés en 2019, les mobilisations populaires ont persisté au sein du monde arabe. Nées des déceptions des Printemps arabes, ces mouvements se sont manifestés par un rejet des élites politiques traditionnelles et de la corruption, ainsi qu’au travers de revendications pour plus de liberté sociale et politique. 

En Iran, alors qu’un grand mouvement contestataire contre la hausse du prix du pétrole avait été fortement réprimé par le gouvernement iranien en novembre 2019, de nouveaux rassemblements critiquant vivement la corruption et les manipulations ont émergé à partir de janvier 2020. C’est ainsi que des étudiants se sont réunis à Téhéran le 11 janvier pour dénoncer les velléités manipulatrices des élites du pays, après qu’un Boeing ukrainien ait été abattu par erreur par le gouvernement. Face à ces rassemblements de contestation, le gouvernement iranien était plus surveillé par la communauté internationale, notamment à cause de la violence de la répression du mouvement de novembre 2019. 

Des soulèvements populaires ont également été constatés en Irak où les manifestations reprirent début janvier places Tahrir et Tayaran à Bagdad. En effet, le mouvement initial demandant une refonte totale du pouvoir en place en octobre 2019 s’était tari à la fin de l’année 2019 à cause de la montée des tensions entre l’Iran et l’Irak. Une fois le mouvement de retour, les revendications se sont rassemblées autour de la fin de la corruption, de l’élection d’un nouveau premier Ministre et de la mise en place d’un nouveau scrutin basé sur une nouvelle loi électorale. Mais les forces de l’ordre ont fortement réprimé les manifestations, provoquant la mort de 460 personnes.

Près d’un an après le départ de leur ancien Président Abdelaziz Bouteflika, les algériens, par l’intermédiaire d’un mouvement populaire anti-régime appelé Hirak, ont continué de dénoncer la confiscation du pouvoir politique par l’élite du pays, le népotisme et la corruption. Les manifestations ont repris en 2020 pour l’Aïd en soutien notamment à l’arrestation de certains membres du Hirak, et ce, malgré les interdictions de rassemblement du fait du contexte sanitaire. 

Le rejet des élites politiques et les revendications sociales à l’œuvre au sein du monde arabe se sont fortement cristallisés au Liban. Comme pour les Etats cités précédemment, le soulèvement populaire au Liban tout au long de l’année 2020 s’inscrit dans la continuité du mouvement initié en octobre 2019 contre une taxe Whatsapp. La violente explosion du 4 août dans le port de Beyrouth a exacerbé les difficultés socio-économiques et la crise de défiance entre la population libanaise et son élite. Dans ce contexte de crise économique, politique et de drame national, les manifestations se sont faites de plus en plus déterminées. Le 10 août 2020, le Premier Ministre Hassan Diab, en place depuis le 29 octobre 2019 démissionne. 

Ces différentes vagues de protestations s’inscrivent dans le continuum des Printemps arabes et de ses désenchantements ; elles touchent une jeunesse populaire et apolitique en proie à de plus en plus de libertés politiques et sociales. Ces vagues risquent d’être de plus en plus répétitives et permanentes sans une véritable démocratisation de la vie publique au sein du Monde arabe et du Moyen-Orient.

Une année critique pour les monarchies de la péninsule arabique

La péninsule arabique fut en 2020 la scène des grands défis : ses États monarchiques ont été contraints à plus de vigilance et d’attention pour faire face à toute surprise indésirable liée au processus de succession héréditaire à la tête des monarchies. Ces défis ont été multiples ; de la désignation des successeurs, Emir ou Sultan, à la gestion d’affaires “sensibles” dans la région, tous étaient susceptibles d’avoir des effets sur le déroulement des évènements dans tout le Moyen-Orient

Politique : succession héréditaire entre l’inattendu et l’incertitude 

Oman

Le Sultanat d’Oman a connu des perturbations depuis le début des printemps arabes, des manifestations populaires suffisantes pour pousser le Sultan Qabous à s’engager vers la création de 50.000 emplois. Le 10 janvier 2020, le Sultan meurt des suites d’un cancer du colon, maladie contre laquelle il se battait depuis 2014. 

La procédure de succession a été achevée en un temps record puisque le conseil de la famille, compétent à désigner le nouveau sultan, a ouvert dans un délai de trois jours l’enveloppe du Sultan Qabous dans laquelle il avait inscrit le nom de son successeur. C’est le 11 janvier que Haitham Ben Tarek, ministre du patrimoine et de la culture depuis 2002 et diplômé de l’Université d’Oxford, a été désigné comme le nouveau sultan. 

Le nouveau Sultan va poursuivre la ligne directrice de la diplomatie omanaise, la médiation et le rapprochement entre les différents partenaires : les Etats Unis/Iran, Iran/Arabie Saoudite, l’Arabie Saoudite/ les rebelles Houthis. Le grand défi du nouveau Sultan était de diminuer la dépendance au pétrole. L’échec de la vision 2020 ne l’a pas empêché de relancer cette vision pour 2040, dans l’idée de réussir  l’Omanisation de l’économie nationale. 

Koweït

« C’est avec une grande tristesse et un grand chagrin que nous pleurons […] la mort de cheikh Sabah al-Ahmad al-Jaber al-Sabah, émir du Koweït ». C’est avec ces mots que le décès de l’émir du Koweït a été rendu public le mardi 29 septembre 2020.

Libéral autoritaire mais aussi chef de la diplomatie dans le Golfe depuis son arrivée au pouvoir en 2006 , cet émir a mis un terme à la rupture avec l’Irak durant deux  décennies en s’y rendant pour participer au sommet de la ligue arabe de 2012.

Le prince héritier, son demi-frère Nawaf Al-Ahmad Al-Sabah, âgé de 83 ans, a été intronisé le 29 septembre 2020. Cet émir projette de garder une notoriété diplomatique ; les funérailles restrictives ont d’ailleurs connu la présence de deux responsables rivaux du Qatar et les EAU, ce qui conforte le Koweït dans sa position de   pilier d’une diplomatie régionale équilibrée et son attachement infatigable à l’unité du Golfe et du monde arabe.

Bahreïn

Au Bahreïn, le décès du Premier ministre Khalifa Ben Salman Al-Khalifa le 11 novembre 2020, peut être vu comme marquant la fin d’une lutte des clans entre les membres de la famille royale. Cette confrontation a commencé lors des manifestations, Place de la perle, dans la période du printemps arabe (le 14 Février 2011), c’était une confrontation entre des faucons autoritaires et les libérateurs représentés le prince héritier. Cette figure politique, à la tête du gouvernement depuis l’indépendance du pays en 1971, a effectué à cette heure le plus long mandat de premier ministre dans le monde.

La normalisation des relations entre le Bahreïn et Israël, fut un événement majeur :ces deux États ont décidé de coopérer dans un cadre bilatéral via la signature d’un accord d’entente, incluant un partenariat dans 7 secteurs importants sans négliger l’enjeu sécuritaire de l’Iran. Il faut néanmoins rappeler que les deux grands responsables du Bahreïn,  l’ancien premier ministre Khalifa Ben Salman Al Khalifa et le premier ministre actuel Salman Ben Hamad Ben Issa Al Khalifa (prince héritier depuis 1999 et vice premier ministre depuis 2013, fils de l’émir actuel du Bahreïn), n’ont pas assisté à cet accord historique.

Enfin, cette normalisation a été  reçue comme une trahison de la part du peuple bahreïni, en déclenchant de nouveaux épisodes de confrontation avec les forces de l’ordre, déployées dans des villes majoritairement chiites. 

Economie et droits de l’Homme

La normalisation des Emirats arabes unis : une paix chaude

Ce contexte de rapprochement diplomatique peut apparaître comme la source d’une potentiel relance de la politique des Emirats arabes unis, la plus agressive dans la région de MENA pour donner un regain à cette voie contre-révolutionnaire qui l’a menée dès 2011.

Ce scénario semble précaire ou bien radical pour introduire ses prémices d’une rupture avec un Etat voisin comme l’Arabie Saoudite mais la pérennité du partenariat avec Israël est largement souhaitable pour MBZ, Mohammed ben Zayed Al Nahyane, prince héritier et ministre de la Défense d’Abou Dabi, la capitale et le plus riche des sept émirats arabes unis.

En effet, les propos de certains israéliens sont optimistes, saluant une nouvelle ère des rapports avec le monde arabe plus prometteuse que certains accords figés comme c’était le cas avec l’Egypte et la Jordanie. La normalisation avec Israël se présente comme une exception puisque les autres pays qui ont reconnu cet État, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan, ont des ambitions beaucoup plus limitées.

Pour l’opinion publique arabe, c’était une période traumatisante mais pour ceux qui suivent les rapports bilatéraux comme l’éditorialiste Abdulrahman Al-Rashed « Les accords de normalisation auraient dû être signés il y a vingt ans. Les États du Golfe ont plus en commun avec Israël qu’avec beaucoup d’États arabes ».

Arabie Saoudite : leadership économique / dilemme des droits de l’homme

Le Royaume saoudien vit une période difficile. Cette période de transition intergénérationnelle semble stérile puisque la lutte des clans s’effectue dans un ordre horizontal entre Mohammed Ben Salmane (prince héritier), jeune et inexpérimenté à la fois et son cousin Mohammed Ben Nayef (ancien ministre de l’intérieur), déchu de son droit d’être le prochain Roi du Royaume.

En effet, l’Arabie Saoudite a accueilli virtuellement les travaux du G20 les 21 et 22 novembre 2020. Ce sommet a traité des questions économiques de grande importance comme le rétablissement de la croissance pour pallier le choc pétrolier. Cette baisse massive est la conséquence d’un double choc entre l’offre et la demande. Ce sommet multilatéral a de plus traité des modalités d’une action collective pour faire face à cette crise sanitaire au caractère mondial : « les vaccins pour tous contre le Covid-19 ».

Dans le contexte de ce sommet, des organisations internationales ont imploré les autorités saoudiennes de mettre un terme à sa politique de répression systématique contre les militants pour les droits de l’homme et les droits des femmes en particulier. Ces organisations ont critiqué le système judiciaire saoudien, décrit comme la consécration d’une iniquité flagrante de la part de l’ONU, ou bien le cadre inapproprié de la procédure judiciaire (le recours au Tribunal pénal spécial) selon la directrice régionale d’Amnesty International dans la région du MENA.

En réalité, les condamnations sont injustifiées par rapport aux revendications des militants, citant le cas de Mohammad al-Otaibi, condamné pour 14 ans de prison suite à la création de l’Union pour les droits humains, puis l’exemple de docteur Salmane Al-Ouda, prédicateur et théologien, détenu depuis 2017 pour ces propos de la nécessité de renouer les relations diplomatiques avec le Qatar, et finalement le cas de Mme Loujain Al-Hathloul, jeune militante de 31 ans, condamné le lundi 28 décembre 2020 pour 5 ans et 8 mois de prison.

Cependant, les réactions sont purement diplomatiques, aucune action gouvernementale n’a eu lieu, la France a exprimé son souhait d’ une libération rapide, l’Allemagne a pris la peine de critiquer la sévérité excessive des autorités saoudiennes. Du côté américain, Jake Sullivan, en tant que futur conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, a fustigé dans un tweet cette condamnation comme étant « injuste et troublante ».

Le maintien des régimes forts en Egypte et en Turquie

En Egypte, la répression se durcit sur fond de pandémie

Comme dans beaucoup d’autres pays, la pandémie de Covid-19 a révélé les lacunes du système de santé égyptien. La privatisation entamée depuis deux décennies a entraîné des inégalités d’accès à la santé qui ont, durant la crise sanitaire, coûté la vie à une centaine de personnes âgées modestes. Le personnel médical, en première ligne face au coronavirus, fut lui aussi particulièrement affecté et s’est senti abandonné par le gouvernement égyptien. Dès début avril, certains professionnel.le.s de santé avaient fait part sur les réseaux sociaux de leurs inquiétudes à propos du manque d’équipement, aussi bien pour soigner les patients que pour se protéger eux-mêmes. « Nous n’avons pas de masques pour les médecins ni d’équipements de protection pour les équipes médicales en Egypte, mais nous en offrons à la Chine et à l’Italie ! », s’était offusqué l’un d’entre eux, Hani Bakr, sur sa page Facebook, avant d’être arrêté. Face à la multiplication des critiques, le régime du président, Abdel Fattah Al-Sissi, a durci le ton ; entre mars et juin 2020, l’Agence nationale de sécurité égyptienne (ANS) a arrêté et incarcéré six médecins et deux pharmaciens, accusés de « diffusion de fausse informations », « d’appartenance à un groupe terroriste » et « de porter atteinte à la sécurité de l’Etat ». Tous avaient exprimé leurs préoccupations quant à leur sécurité, en critiquant la façon dont le gouvernement gère la crise du Covid-19, ou en dénonçant des conditions de travail dangereuses, des pénuries d’équipements de protection individuelle (EPI), une formation insuffisante à la prévention de l’infection, des tests restreints pour les professionnels de santé ou encore un manque d’accès à des soins de santé vitaux. Selon Amnesty International, en plus d’avoir interpellé des soignants, les autorités égyptiennes ont conduit des campagnes de harcèlement et d’intimidation à leur encontre. L’organisation a mené des entretiens avec des médecins, leurs proches mais aussi des avocats et des syndicalistes ; une source a confirmé que les médecins sont menacés, interrogés par l’ANS ou par l’administration, et soumis à des sanctions administratives. Des représentants de l’ANS sont présents dans les « cellules de crise covid-19 » mises en place et les membres du personnel de santé exigeant des équipements de protection individuelle sont bien souvent mutés dans un autre hôpital, dans un autre gouvernorat, à titre de sanction. En juin, alors que 90 médecins étaient déjà morts du coronavirus depuis le début de la pandémie en Egypte début mars, le syndicat des médecins égyptiens a exigé la libération des soignants incarcérés, soulignant « le mécontentement et la peur parmi les médecins ». Le gouvernement a plus généralement profité de la pandémie pour justifier la répression des libertés d’expression et de la presse. Selon le Réseau arabe d’information sur les droits de l’homme, ce sont plus de 500 personnes qui, à la date de juin 2020, furent interpellées pour avoir critiqué la gestion de l’épidémie par le gouvernement. Ce ne sont pas seulement les soignants qui sont muselés mais toutes les voix dissidentes qui sont tues. Les autorités avaient commencé par les journalistes étrangers, en les prévenant de leur tolérance zéro à l’égard des reportages sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement égyptien. En mars, Declan Walsh, responsable du bureau du New York Times au Caire, a été censuré pour avoir « fait preuve de mauvaise foi pour nuire aux intérêts égyptiens ». La correspondante du Guardian, Ruth Michaelson, a été expulsée du pays le même mois, pour avoir remis en cause le décompte officiel des cas. Les autorités égyptiennes se sont ensuite attaquées aux journalistes égyptiens ; en mai, Lina Attalla, rédactrice en chef de Mada Masr (dernier média en ligne indépendant d’Egypte), a été arrêtée, le mois suivant, c’est au tour de Nora Younis, rédactrice en chef d’al-Manassa. Mohamed Monir, un journaliste apparu sur Al Jazeera, a également été arrêté « pour diffusion de fausses informations ». Ayant contracté le Covid-19 en prison, il est libéré peu de temps avant de mourir. Les prisons égyptiennes sont des lieux de danger immédiat, où le virus circule encore plus facilement qu’ailleurs. La population carcérale égyptienne est en constante augmentation et s’explique par l’accroissement du nombre de prisonniers politiques, arrêtés en partie grâce au récent amendement permettant d’utiliser la détention préventive comme sanction. Cette modification de la loi illustre la détermination du régime actuel à empêcher la répétition de manifestations de masse comme celles des évènements de 2011-2012. Il y a plus de 60 000 détenus d’opinion aujourd’hui. La détention préventive, les arrestations arbitraires ou encore les disparitions forcées permettent au régime actuel d’emprisonner les activistes et défenseurs des droits de l’homme, souvent jeunes, pour une durée indéterminée, sans qu’ils aient été condamnés. La prison est redevenue un lieu d’exil, d’oubli et même de mort. Le durcissement de la répression est par ailleurs visible par la hausse alarmante des exécutions : selon Amnesty International, sur les seuls mois d’octobre et novembre 2020, les autorités égyptiennes ont condamné à mort au moins 57 hommes et femmes, près du double des 32 exécutions recensées tout au long de l’année 2019. L’organisation affirme qu’« au moins 15 personnes auraient été exécutées dans le cadre d’affaires liées à des violences politiques, à l’issue de procès manifestement iniques entachés par des « aveux » forcés et de graves violations des droits humains, notamment actes de torture et des disparitions forcées.». Ce décompte est probablement sous-estimé, étant donné que les autorités égyptiennes ne publient ni les chiffres relatifs aux exécutions, ni le nombre de prisonniers présents dans le quartier des condamnés à mort. Selon Antoine Madelin, directeur du plaidoyer international de la FIDH (International Federation for Human Rights), l’élection de Sissi en 2014 a entraîné « une escalade dans la répression » pour aboutir à « la situation la plus grave de l’histoire moderne de l’Égypte », où « les avocats, les journalistes, les défenseurs des droits humains y sont poursuivis, harcelés, réprimés ».

A l’heure de la crise sanitaire, Erdogan ravive une Turquie conquérante 

Comme Sissi en Egypte, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a lui aussi été critiqué pour sa gestion de la crise du Covid-19 et comme son homologue égyptien, il a répondu par la répression. Les autorités turques ont en effet multiplié durant cette année 2020 les arrestations et des destitutions de députés d’opposition, de journalistes mais aussi de médecins, de militaires, de gendarmes et de policiers. Ces tentatives de restreindre la liberté d’expression ont conduit le 9 juin 2020, à 414 arrestations, des militaires principalement, accusés d’être liés au mouvement religieux du prédicateur Gülen, qui aurait organisé la tentative de coup d’Etat ratée de 2016. Deux journalistes ont également été placés en détention par la police turque dans le cadre d’une enquête pour « espionnage politique et militaire ». La police antiterroriste a interrogé Ismail Dukel, représentant d’Ankara sur la chaîne de télévision TelE1, et Müyesser Yildiz, du site d’information OdaTV, accusés d’avoir diffusé des informations sur la mort d’un officier du renseignement turc en Libye. En mai, six autres journalistes avaient été placés en détention pour des raisons similaires. Tous risquent dix-sept ans de prison pour avoir révélé des « secrets d’Etat ». Selon l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, quatre-vingt-quinze journalistes sont actuellement emprisonnés en Turquie. En juin, des arrestations avaient concerné trois députés condamnés dans le cadre de différents procès, après avoir été déchus de leur mandat. Quelques jours plus tard, Enis Berberoglu, du Parti républicain du peuple (CHP, centre gauche, laïque) ainsi que Leyla Güven, du Parti démocratique des peuples (HDP, gauche, prokurde), avaient été libérés. 

Sur fond de pandémie, la Turquie prépare son rôle prépondérant dans le nouvel ordre mondial censé émerger en sortie de crise sanitaire. Dans une adresse à la nation en avril 2020, Erdogan avait déclaré que « pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, nous assistons à une nouvelle restructuration du monde. La Turquie a l’opportunité d’être au centre de ce processus ». L’Etat turc met en avant son « pouvoir de séduction » pour redorer son blason, terni par ses violations des droits de l’homme, sa perte de dynamisme économique ainsi que la dérive autocratique de son président. En avril 2020, elle a avancé dans sa stratégie en transmettant du matériel médical (masques, blouses jetables, kits de dépistage, médicaments et respirateurs artificiels) à une trentaine de pays dans le monde dont l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne mais aussi à l’Israël et l’Arménie, des Etats avec lesquels les relations sont habituellement tendues. La mention « présidence » avait alors été déposée sur tous les colis afin de souligner le rôle central de la Turquie dans la mise en œuvre de cette « diplomatie humanitaire ».

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