Le Libéria de George Weah – combattre (pour) la corruption et la démocratie ?

Le Libéria de George Weah – combattre (pour) la corruption et la démocratie ?

« Le football est un jeu simple. Vingt-deux joueurs courent après un ballon pendant 90 minutes, et à la fin… » on devient président du Libéria. Oui, les Allemands gagnent d’habitude, mais ce n’est pas ce que George Weah a retenu de la citation iconique de Gary Lineker. La superstar du ballon rond des années 1990 est aujourd’hui le second chef d’État démocratiquement élu du Libéria (au XXIe siècle), un poste très difficile à occuper dans un des pays africains les plus ravagés par les guerres civiles, les coups d’État, la pauvreté et la corruption. Son élection en 2017 a été marquée par un désir de renouvellement démocratique au sein du pays. 

         Mesures anti-corruption, sauvetage de l’économie, stabilisation des aspects démocratiques du régime pour lesquels les Libériens se sont battus – que reste-t-il des promesses présidentielles de Weah ? Après deux ans au pouvoir, que peut-on dire des réformes que le peuple libérien attendait ? Pour examiner les actions et promesses présidentielles de ce footballeur, il nous faut d’abord jeter un rapide coup d’œil à l’histoire récente du Libéria. Ensuite, il s’agira de mettre en perspective la personnalité de George Weah et d’analyser ses promesses en tant que telles. Enfin, un éventuel bilan de ses résultats en tant que chef d’État pourra être tracé.

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L’histoire du Libéria : un bref retour en arrière

         Le Libéria est un petit pays d’Afrique de l’Ouest, limitrophe de la Sierra Leone, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire. Fondé par des esclaves américains affranchis, le Libéria est connu pour être – avec l’Éthiopie – le seul pays africain à ne pas avoir été colonisé par les puissances européennes. Cependant, de 1822 à 1951, le Libéria n’était pas réputé pour ses valeurs démocratiques, refusant de jure le droit de vote à tous ceux qui ne descendent pas directement de ces Américains « libérés » (appartenant au groupe ethnique des Congo). Mais même le bond démocratique de 1951 ne put briser les structures complexes de l’État libérien. Celui-ci, gouverné depuis Monrovia par une élite américano-libérienne, s’appuyait sur une combinaison de force et de corruption pour incorporer les chefs locaux dans les structures embryonnaires de l’appareil étatique, renforçant ainsi un sens d’appartenance ethnique dans les communautés locales (essentiellement rurales). L’imbrication des structures de pouvoir et des différences ethniques ont façonné la politique libérienne, générant des luttes pour le pouvoir à de multiples échelles que personne ne pouvait gagner.

         Cependant, la domination quasi-autoritaire des Américano-libériens prit fin en 1980 lorsque le président fut assassiné par un groupe d’officiers mené par Samuel Doe – d’ethnie Krahn – et son gouvernement renversé. Aussi corrompu que le régime précédent, avec en bonus une teinte délicate de violence ethnique sans équivoque, le règne de Doe est rapidement menacé par des tentatives de putsch, le dernier desquels voit l’arrivée de deux armées rebelles menées par Charles Taylor et Prince Johnson depuis la Côte d’Ivoire. Cette rébellion ouverte déclenche une guerre civile qui va durer une décennie, une guerre civile libérienne aux fortes tendances ethniques. Bien que Doe finisse par être assassiné en 1990, la guerre ne prend pas fin sous l’administration brutale de Taylor, celle-ci brûlant écoles et hôpitaux, fusillant, mutilant et violant des milliers de Libériens.

         La guerre civile prit fin en 2003, notamment grâce aux interventions étrangères. Plus de 250 000 personnes sont mortes au cours de ces guerres civiles qui ont opposé groupes ethniques et communautés rurales de façon continue, empêchant ainsi la construction d’une véritable unité nationale. Néanmoins, la démocratie se devait de prendre son envol, si ce n’est pour ses valeurs intrinsèques mais au moins pour préserver la paix. À cette fin, Ellen Johnson Sirleaf est librement élue à la présidence du Libéria en 2005.

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Rencontre entre Hillary Clinton et la présidente du Libéria Ellen Johnson Sirleaf en avril 2009

La présidence difficile d’Ellen Johnson Sirleaf

         Pendant longtemps une des plus puissantes et plus admirées femmes d’Afrique, colauréate du prix Nobel de la Paix en 2011, Johnson Sirleaf incarnait tout ce que le Libéria avait pu espérer après des années de lutte, de misère et de chaos. Est-il possible de faillir à sa tâche dans un pays aussi dévasté ? En effet, évaluer un telle présidence avec nos standards occidentaux de performance est très sûrement vain.

         Cependant, ce que l’on retient de ces douze ans au pouvoir, c’est la nature même de ses mandats, sa position anti-corruption et prodémocratie. En ce sens, il est difficile de ne pas se souvenir des résultats lors de sa réélection en 2011. Bien que, une fois de plus, chaque donnée dans une région traumatisée et déchirée par la guerre doit être manipulée avec précaution, le chiffre extraordinairement bas de 36.8% de taux de participation conteste inévitablement l’idée prima facie d’une légitimité irrévocable. De plus, cette militante africaine de longue date a aussi été accusée de népotisme, puisque ses deux fils occupaient des rôles majeurs dans son administration. Mais cette accusation est loin d’être la plus incriminante pour sa présidence et son parcours politique. En effet, elle est aussi connue pour avoir eu des liens très étroits avec les anciens seigneurs de guerre Charles Taylor et Prince Johnson.

         Qui sont ces deux personnages ? Charles Taylor, président de 1997 à 2003, est un criminel de guerre publiquement reconnu comme tel non seulement sur le territoire libérien mais aussi pour son implication dans la guerre civile dans la Sierra Leone voisine. Il a été condamné en 2012 pour complicité avec une organisation de guerre, pour crimes contre l’humanité, meurtre, travail forcé, esclavage, recrutement d’enfants-soldats, et, bien entendu, viol. Il est de notoriété publique que Johnson Sirleaf a aidé financièrement ce délicieux personnage dans sa lutte contre la dictature brutale de Samuel Doe. Et pour ce qui est de Prince Johnson, il est mondialement connu pour sa cynique et atroce exécution de Samuel Doe – séance de torture pendant laquelle ce dernier est filmé en train de siroter calmement une bière en canette pendant que ses hommes découpent l’oreille de Samuel Doe – pour ses crimes de guerre qui ont transformé toute une génération de Libériens en soldats, mais aussi pour avoir reçu de multiples sommes d’argent de la part de Johnson Sirleaf dans des contextes obscurs.

         Il est alors plus dur de se représenter la bienveillante et chaleureuse Ma Ellen quand on découvre ses liens étroits avec ces deux personnages. Ça l’est encore plus lorsque l’on apprend que ce même Prince Johnson – après un « détour » au Nigéria pendant le mandat présidentiel de Taylor pendant lequel il prétend être devenu un «  chrétien régénéré », effaçant ainsi ses pêchés passés qu’il ne cache même pas – est aujourd’hui un sénateur qui a participé à l’élection présidentielle de 2011.

         Néanmoins, malgré ces affiliations qui obscurcissent le tableau et mettent en doute l’intégrité politique d’Ellen Johnson Sirleaf, sa présidence était dévouée à la lutte contre l’omniprésente culture du viol, à la consolidation le système judiciaire et au maintien de la paix ; des mesures ambitieuses desquelles elle n’a jamais démordu.

         Avant l’arrivée de Weah dans le Manoir de l’Exécutif à Monrovia – le bâtiment présidentiel, où des dizaines de meurtres ont eu lieu entre 1980 et 2003 – le Libéria a été frappé par une autre crise qui doit être prise en compte pour comprendre ses premiers mois au pouvoir. L’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016 a eu de graves effets sur chaque aspect de la vie au Libéria, bien au-delà de notre prospection politique. Massivement contagieux, avec un taux de mortalité de 50% en moyenne, allant de 25% à 90% dans les diverses épidémies depuis 1976, cette fièvre hémorragique a frappé la population du Libéria qui se remettait encore des décennies de violence armée. Et voici quelques phrases qui vont avoir une résonance étonnamment redondante en ce printemps 2020 : les établissements et le personnel médical dans l’ensemble du pays étaient très largement mal préparés, mal fournis, mal formés. Le manque d’équipement était si tragique que la maladie a pu se propager chez tous ceux qui étaient plus ou moins impliqué dans les premiers cas. Couvre-feux, restrictions des déplacements, fermetures de marchés – Johnson Sirleaf a été obligée de déclarer l’état d’urgence et d’appeler l’armée pour assurer la tenue de ces mesures. Avec l’aide de l’Organisation mondiale de la santé, les Libériens ont cependant pu répliquer et aplanir cette courbe. À la fin de la crise sanitaire, le Libéria comptabilisait 4 810 morts pour un total de 10 678 cas déclarés à l’OMS. Mais le virus a aussi tué 8% des médecins, infirmiers, et sages-femmes du pays. Et comme pour tout virus virulent – une connaissance personnelle originaire de Wuhan me vient à l’esprit – cela a aussi des conséquences désastreuses pour toutes les autres maladies qui ne peuvent être traitées avec la même rigueur pendant une épidémie mortelle. On estime que plus de 10 000 personnes sont mortes de la tuberculose, du sida, ou de la malaria au Libéria, dans la Sierra Leone et en Guinée pendant ces quelques mois.

         Mais retournons en arrière une dernière fois…

Pauvreté, succès & politique – la vie de George Weah

         George Manneh Oppong Weah est né en 1966 dans un des quartiers les plus pauvres de Monrovia. Stéréotype de « l’enfant du ghetto » , Weah grandit dans les rues de Clara Town, jouant au football pour le club d’à côté, les Young Survivors. C’est cette activité qui initie ce qui allait devenir la carrière individuelle la plus prestigieuse d’un footballeur africain. Grimpant les échelons des diverses ligues du Libéria, de Côte d’Ivoire et du Cameroun, Weah est finalement repéré par Arsène Wenger qui travaille alors pour l’AS Monaco. En 1998 commence donc la carrière européenne de Weah, une carrière qui allait très vite être sous les projecteurs. De son contrat à Monaco, Weah évolue ensuite dans d’autres clubs – le PSG, l’AC Milan, Chelsea – où il gagne de nombreux trophées et sera considéré comme l’un des meilleurs attaquants de son époque. Ce parcours extraordinaire est couronné en 1995 lorsque celui-ci devient le premier athlète africain à recevoir le Ballon d’or, la plus haute récompense individuelle pour un footballeur professionnel. À ce jour, il est le seul sportif africain à avoir ainsi été honoré.

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George Weah a gagné le Ballon d’or en 1995.

         Ainsi, de 1988 à 2003 – date à laquelle Weah met un terme à sa carrière sportive – celui qui est désormais appelé « Mister George » a été en marge de la violence et des conflits qui se sont déroulés dans son pays. Bien que celui-ci ne soit pas totalement resté silencieux, Weah était de facto éloigné du « charivari » politique de sa terre natale, un aspect qui lui a valu d’être souvent décrit comme le seul politicien non corrompu du groupe.

         Cependant, la carrière politique de Weah ne mit pas longtemps à décoller puisque l’ancien athlète fonde son parti – le Congrès pour un Changement Démocratique (CDC) – en 2004 pour pouvoir être éligible au plus vite. Et en effet, Weah parvient à lancer une campagne présidentielle contre Ellen Johnson Sirleaf pour l’élection cruciale de 2005 que nous avons déjà mentionnée. Bien que l’on puisse penser que « Mister George » ait peu de chances de battre « Ma Ellen », tant à cause de sa popularité indubitable à l’époque que pour son inexpérience relative en gestion politique, Weah se hisse au second tour, finissant même en première position au premier tour avec 28,3% des scrutins, presque 10% de plus que son opposante ! Néanmoins, malgré ce qui peut être considéré comme une prouesse politique, Weah n’obtient que 40,6% des suffrages au second tour, et est donc, non sans moults protestations et exigences d’un autre second tour, obligé de s’avouer vaincu et de laisser le souci de la reconstruction à Johnson Sirleaf.

         C’est à ce moment-là que Weah déménage aux États-Unis pour combler les lacunes académiques que ses détracteurs pointaient du doigt. L’athlète libérien fait des études de business et de gestion en Floride avant de retourner dans son pays en 2009, prêt pour les élections de 2011. Cependant, une série de désaccords internes et de coalitions manquées entre partis aboutit à un ticket qui ne peut qu’être décevant pour Weah. Winston Tubman est choisi par le CDC comme candidat à la présidence contre Johnson Sirleaf, à l’époque encore très populaire, ne laissant que la position moins reluisante de vice-président à l’ancien footballeur. Avec le recul, cela reflète peut-être le choix pragmatique d’aligner l’inexpérimenté Weah avec un politicien de carrière, Tubman ayant occupé de nombreux postes haut placés pendant des décennies, tant à l’étranger qu’au Libéria.

         Et pourtant, comme nous le savons déjà, Weah a du attendre encore un peu avant de faire son entrée au Manoir de l’Exécutif. Terminant deuxième avec 32,7% des votes, seulement 11,2% derrière Johnson Sirleaf, le ticket de Weah et Tubman put encore participer au second tour. Cependant, après de nombreuses critiques dirigées contre Johnson Sirleaf, alléguant que le pouvoir avait trafiqué les élections, Tubman appelle ses supporters à boycotter le second tour, causant ainsi la réélection de la présidente avec 90,7% des suffrages et une participation exceptionnellement basse (38,6%). Bien que cette abstention ait pu suffire à discréditer Sirleaf et déclencher une autre procédure électorale, rien de tel ne fut décidé. Paix et continuité avant tout, dans un pays qui portait encore les stigmates de la violence civile, plutôt que défi constitutionnel et garanties démocratiques.

         Mordant ainsi la poussière pour la seconde fois en six ans, Weah ne renonce pourtant pas. Repensant ses deux dernières défaites politiques, la conclusion logique à la quête du plus haut poste politique était de d’abord accumuler de l’expérience en politique avant de réessayer. Weah saisit sa chance et participe aux élections sénatoriales de décembre 2014 dans son comté natal, Montserrado. Comté de la capitale, projet ambitieux ? Le résultat semble réfuter cette théorie puisque l’ancien athlète gagne avec une large majorité de 78%, battant chacun de ses adversaires, notamment le propre fils d’Ellen Johnson Sirleaf. En janvier 2015, Weah enfin élu, quoique seulement sénateur, peut se préparer sereinement pour les prochaines élections, son adversaire de toujours ne pouvant de surcroît pas se présenter pour un troisième mandat.

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George Weah lors d’une rencontre avec le Président israélien Reuven Rivlin en février 2019.

Des promesses présidentielles aux actions présidentielles

         En 2016, Weah peut donc enfin lancer sa campagne présidentielle décisive, la campagne victorieuse, qui lui permet enfin de rentrer dans le Manoir de l’Exécutif et d’y rester six ans. Le 26 Décembre 2017, « Mister George »devient le second chef d’État du Libéria du XXIe siècle avec 61,5% des intentions de vote, battant son adversaire Joseph Boakai, ancien vice-président pendant les 12 ans de mandat de Johnson Sirleaf. Malgré une participation limitée – seulement 55,8% au second tour – c’est une grande victoire pour Weah qui écrase le Parti de l’Unité de Sirleaf dans tous les comtés sauf un. Cependant, une telle victoire n’est possible qu’après un énième compromis de la part de l’équipe de Weah qui doit former une coalition (la Coalition pour le Changement Démocratique) avec le Parti Démocratique Populaire du Libéria et le Parti Patriotique National, ce dernier étant soupçonné d’être toujours dirigé par Charles Taylor depuis la prison.

         Pendant sa campagne et lors de la passation de pouvoir, le slogan de Weah est avant tout la lutte contre la corruption rampante du pays. En plus de cette promesse assez peu surprenante, « Mister George » déclare vouloir rendre l’éducation et la santé gratuites et accessibles à tous, ouvrir des postes dans le secteur militaire pour les jeunes des milieux pauvres et signer des accords économiques pour attirer des investissements étrangers afin de dynamiser l’économie. À cette fin, la première visite officielle hors d’Afrique est au président français Emmanuel Macron. Mais cette lutte contre la corruption, cette promesse de mettre un terme au détournement de fonds par des membres de gouvernement et du parlement reste le cœur de son projet politique qui lui a permis d’accéder au pouvoir.

         Selon l’Indice de Perceptions de Corruption (IPC) de Transparency International (1) – un outil statistique qui ne peut être utilisé qu’avec précaution puisqu’assez loin de la perfection – le Libéria se positionne 122e en 2017, avec un score de 31.  Ce chiffre assez peu évocateur doit être comparé avec les IPC des années 2005 et 2011 pour essayer d’avoir un aperçu de l’évolution de la corruption entre les élections présidentielles. En effet, tout juste sorti de la guerre civile, le Libéria se positionne 137e avec un score de 22, ce résultat s’améliorant nettement pendant les six premières années pour atteindre un chiffre record de 32 (91e place) en 2011. Bien que cette collection de données un peu floues ne relève pas de la plus pure des sciences, cela nous permet de mettre en perspective les deux premières années de Weah au pouvoir, puisque son pays est de nouveau 137e avec 3 points de moins.

         Deux ans plus tard, les promesses de Weah semblent avoir été vides de sens ou trop ambitieuses, à l’exception de l’enseignement supérieur qui a bien vu ses frais d’inscription supprimés. Les critiques sont alors devenues des manifestations dénonçant son apparente incapacité à résoudre l’épineuse question de la corruption. Bien qu’il ait immédiatement annoncé réduire son salaire de 25% pour montrer sa bonne volonté et sa détermination à mettre un terme aux privilèges de l’élite bureaucratique dirigeante, peu de choses ont été depuis mis en place pour véritablement changer la situation. Au contraire, choisir l’ex-femme de Charles Taylor, Jewel Taylor, comme vice-présidente a probablement dégradé son image avec le temps. De plus, des scandales de pots-de-vin aux législateurs ont récemment été révélés dans la presse nationale.

         De surcroît, lors de son élection, Weah avait promis des amendements – symboliques mais avec une réelle importance – à la Constitution. En effet, la Constitution libérienne, en place depuis 1986, précise que seuls les « personnes de couleur » peuvent être citoyens du Libéria, qu’elles seules peuvent être propriétaires dans le pays (il faut même posséder une propriété valant au moins 25.000$ pour être éligible). Jugées « non nécessaires, racistes, et inappropriées » par Weah lui-même, ces clauses attendent encore leur abrogation.

         Quant à la situation économique, celle-ci a peu changé pour la plupart des Libériens, puisque plus de 60% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté. Bien que le président ait injecté des millions de dollars dans l’économie en juillet 2018 pour arrêter l’inflation, il a été contraint d’observer l’inefficacité d’une telle mesure, critiquant les fonctionnaires de la banque centrale, ainsi que son fonctionnement sans supervision. Des rapports de disparition de billets de banque dans les services de l’établissement ont été perçus comme un outrage par la plupart des supporters de Weah, des centaines d’entre eux allant même jusqu’à manifester leur mécontentement.

         Dernièrement, avec la pandémie de COVID-19 qui frappe toute la planète, les capacités présidentielles de Weah sont encore une fois remises en question, les souvenirs de la catastrophe d’Ebola restant très frais dans les mémoires. Bien que les pays africains n’aient été, à ce jour, que peu touchés par le virus, l’élite politique du Libéria n’a pas été épargnée, puisque plusieurs membres du gouvernent ont été testés positifs ces derniers jours. Avec 7 comtés touchés, et seulement 211 cas officiellement déclarés en date du 13 mai 2020, le Libéria semble encore relativement éloigné de cette pandémie mortelle. Mais bien conscients des potentielles conséquences dévastatrices qu’une augmentation exponentielle aurait, Weah a rapidement demandé – et obtenu – au Parlement de soutenir sa décision de déclarer un état d’urgence national, avec en plus la possibilité de mettre en place des mesures draconiennes de quarantaine dans lesdits comtés.

         Puisque c’est le cas dans tous les pays frappés par les dramatiques conséquences de ce virus, le Libéria de George Weah ne s’attend pas à un avenir radieux, tant pour son peuple que pour ses institutions. Néanmoins, de telles prévisions n’empêchent pas Mister George d’inciter ses citoyens à respecter les consignes sanitaires en chanson, expliquant à tout le monde que « ça pourrait être ta maman, ton papa, frère ou sœur, unissons-nous maintenant pour combattre cette maladie mortelle ».

Florian Mattern

(1) L’IPC de Transparency International utilise une échelle allant de 0 à 100, où zéro est hautement corrompu et 100 très peu corrompu.

Sources

Mike McGovern, “Rebuilding a Failed State: Liberia”, Development in Practice, 15/6 (2005), pp. 760-766.

Morten Boas & Mats Utas, “The Political Landscape of Postwar Liberia: Reflections on National Reconciliation and Elections”, Africa Today, 60/4 (2014), pp. 47-65.

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/01/06/liberia-manifestation-contre-la-politique-economique-de-george-weah_6024951_3212.html

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/30/au-liberia-l-opposition-maintient-sa-manifestation-prevue-lundi-malgre-son-interdiction_6024389_3212.html

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/17/au-liberia-l-hopital-manque-de-tout_5477400_3212.html

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/07/au-liberia-des-milliers-de-manifestants-anti-weah-dans-les-rues-de-monrovia_5473229_3212.html

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/06/au-liberia-heurts-entre-opposants-et-policiers-a-deux-jours-d-une-grande-manifestation_5472210_3212.html

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/04/un-audit-revele-les-methodes-peu-orthodoxes-de-la-banque-centrale-du-liberia_5431063_3212.html

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/06/liberia-les-jeunes-et-les-pauvres-priorites-affichees-de-george-weah_5393490_3212.html

https://www.jeuneafrique.com/mag/853352/politique/liberia-la-personnalite-de-george-weah-divise/

https://www.jeuneafrique.com/mag/853437/politique/liberia-lentourage-heteroclite-du-president-weah/

https://www.worldbank.org/en/country/liberia

http://mecometer.com/whats/liberia/gini-index/

http://www.hdr.undp.org/en/countries/profiles/LBR

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/01/11/au-liberia-le-nouveau-president-weah-comptable-d-un-beau-moment-democratique_5240546_3212.html?xtmc=liberia_george_weah&xtcr=10

https://www.theguardian.com/world/2011/oct/18/liberia-president-second-term-warlord

https://www.theguardian.com/global-development/2017/jul/23/can-president-ellen-johnson-sirleaf-save-liberia

https://www.theguardian.com/world/2013/oct/10/former-liberian-president-charles-taylor-british-prison

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2019 Corruption Perceptions Index 2019 Transparency International

https://www.transparency.org/research/cpi/cpi_2005/0#results

https://www.cdc.gov/vhf/ebola/history/2014-2016-outbreak/distribution-map.html?CDC_AA_refVal=https%3A%2F%2Fwww.cdc.gov%2Fvhf%2Febola%2Foutbreaks%2F2014-west-africa%2Fdistribution-map.html

https://www.cdc.gov/vhf/ebola/history/distribution-map.html

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https://www.cdc.gov/vhf/ebola/history/2014-2016-outbreak/case-counts.html

https://www.cdc.gov/vhf/ebola/history/2014-2016-outbreak/cost-of-ebola.html

https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/ebola-virus-disease

http://www.rfi.fr/en/africa/20200325-liberia-president-weah-sings-for-covid-19-awareness

http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/4433844.stm

http://www.necliberia.org/results2011/

https://www.theguardian.com/world/2019/jun/07/thousands-protest-in-liberia-against-failure-to-tackle-corruption

https://www.liberianobserver.com/news/whos-telling-the-truth-darius-dillon-or-prince-johnson/

https://www.liberianobserver.com/news/covid-19-infections-too-close-to-seat-of-power/

Liberia’s Constitution of 1986 available at www.constituteproject.org

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/10/25/au-liberia-le-president-weah-annonce-la-gratuite-pour-le-premier-cycle-universitaire_5374382_3212.html

 

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