Le Bilan de l’année 2019
Alors que nous entrons dans une nouvelle décennie déjà riche en rebondissements, Classe Internationale vous propose de revenir sur les grands événements qui ont marqué et structuré le monde en 2019 à travers ce bilan, établi par aires régionales.
AMÉRIQUE LATINE
Crise vénézuélienne
En Amérique Latine, 2019 est l’année de la crise sociopolitique qui secoue le Venezuela. Depuis la réélection de Nicolas Maduro à la présidence du pays en 2018, celui-ci est régulièrement critiqué 一 tant dans la rue qu’à l’international 一 pour le tournant autoritaire qu’a pris sa politique. Face à ce manque de légitimité, l’opposition a répondu le 23 janvier par la proclamation d’une présidence par intérim du Président du parlement, Juan Guaidó. Alors que les États-Unis et la majeure partie de l’Europe reconnaissent la légitimité de Guaidó, des pays tels que la Russie, Cuba ou la Chine ont affiché leur soutien envers Maduro. Cette crise politique se double d’une crise économique profonde qui met à mal le pays, déjà fragilisé par sa dépendance au pétrole, par le découragement de l’apport de capitaux étrangers et par une corruption systémique. L’inflation a atteint cette année des chiffres astronomiques, rendant le quotidien de millions de Vénézuéliens très difficile. Ils doivent notamment faire face à de plus en plus de pénuries alimentaires et de produits de base. Cette crise sociale se matérialise dans la rue, à travers les manifestations de soutien à Guaidó 一 à l’image de la grande marche de soutien du 1er mai qui a rassemblé des milliers d’opposants à Maduro 一 ainsi que les contre-manifestations en faveur du maintien du président chaviste. C’est donc l’image d’un pays divisé et affaibli par les difficultés d’ordre à la fois politique, social et économique que donne à voir 2019.
Environnement
Les feux de forêts ayant ravagé l’Amazonie cette année rappellent que l’urgence climatique n’épargne pas l’Amérique Latine. De janvier à octobre, de nombreux incendies ont touché majoritairement le territoire brésilien mais aussi la Bolivie, le Pérou et le Paraguay. Une des causes directes n’est autre que la déforestation, qui aurait augmenté de plus de 90% en 2019. De nombreuses ONG ont dénoncé la politique écocide menée par le gouvernement Bolsonaro, qui sape les fondements de la protection environnementale en homologuant par exemple des dizaines de pesticides toxiques ou en diminuant drastiquement le montant des amendes pour « crimes contre l’environnement ». Au-delà de l’impact environnemental évident des feux 一 pollution provoquée par les fumées, destruction de la faune et la flore, … 一, les populations autochtones se trouvent en première ligne face à la menace des flammes. Cela rappelle le rôle central des populations indigènes dans la protection de l’environnement, comme en témoigne l’activisme écologique de Raoni, un des chefs emblématiques du peuple kayapo. En outre, les feux en Amazonie ont provoqué d’immenses manifestations parmi la société civile latino-américaine, de Porto Alegre, en passant par Bogota et Mexico. De telles mobilisations témoignent de la force contestataire portée par les nouvelles générations, dans un contexte plus global de lutte contre le réchauffement climatique, dont la figure de proue n’est autre que la jeune suédoise Greta Thunberg.
Politique
L’année 2019 a été une année riche en élections législatives et présidentielles. En effet, ce sont les citoyens de pas moins de six pays (Salvador, Panama, Guatemala, Bolivie, Argentine, Uruguay) qui ont dû se rendre aux urnes. Si le cycle électoral qui a débuté en Amérique du Sud en 2017 semblait annoncer un virage politique orienté vers la droite, les résultats de cette année nuancent nettement cette hypothèse. L’Argentine amorce un retour vers le centre avec Alberto Fernández au pouvoir, soutenu par un ensemble de partis de gauche et Cristina Kirchner, ancienne présidente, comme vice-présidente. Du reste, nombreux sont les pays à débuter un gouvernement d’alternance politique comme le Salvador et l’Argentine. Panama, après dix ans de droite nationale conservatrice au pouvoir, fait preuve de changement en ayant porté le parti révolutionnaire démocratique de centre-gauche à la présidence. Le cas bolivien est pour sa part à distinguer tant la situation politique s’est dégradée en peu de temps. Evo Morales, déjà détenteur de trois mandats présidentiels, a présenté sa candidature après avoir bravé le résultat du référendum populaire qui lui interdisait de briguer un quatrième mandat. Les suspicions de fraude électorale suite à l’interruption de l’annonce des résultats du premier tour des élections présidentielles et la colère des opposants ont déclenché des manifestations citoyennes et une crise politique sans précédent. Mis sous pression, Evo Morales s’est réfugié au Mexique, et Jeanine Áñez du parti opposant conservateur s’est auto-déclarée présidente par intérim. La situation est aujourd’hui qualifiée de “coup d’État” par certains, et le futur de la Bolivie reste incertain.
Mouvements sociaux
La fin d’année a été mouvementée sur le continent latino-américain, donnant lieu à des manifestations citoyennes de grande envergure qui n’avaient pas été observées depuis longtemps. En effet, depuis la fin de la dictature au Chili ou dans un contexte de lutte contre les guérillas – jusqu’aux accords de paix – en Colombie, les contestations sociales semblaient quelque peu éteintes. Cela était notamment dû à la tendance à les considérer comme peu légitimes en comparaison des conditions de vie antérieures. Pourtant, comme dans le reste du monde, à Hong-Kong ou au Liban, des décisions politiques relativement banales ont donné lieu à des crises sociales d’une rare intensité en Amérique latine. La suspension de la subvention au carburant en Équateur, l’augmentation du ticket de métro au Chili, ou encore la mort d’un jeune manifestant en Colombie ont déclenché des vagues de revendications s’étendant bien au-delà de leur cause initiale. Ce sont notamment les inégalités sociales qui sont remises en cause parallèlement à la revendication d’un meilleur accès aux systèmes d’éducation et de santé. Les manifestants ont rappelé le besoin de dignité des populations et ont montré du doigt une élite politique et économique accaparant les ressources. Au Chili, la réponse de cette dernière a été particulièrement violente, faisant une trentaine de morts. La contestation continue dans le pays alors qu’en Colombie et en Equateur, les gouvernements tentent d’instaurer un dialogue avec la population afin d’apaiser la situation.
AMÉRIQUE DU NORD
Politique étasunienne
Le millésime 2019 est un cru de haute volée si l’on s’en tient à certains indicateurs quantitatifs : une hausse du revenu médian et un recul du taux de pauvreté sont venus accompagner la croissance et la baisse du chômage. Ce dernier s’est établi à 3,6% de la population active en avril 2019, atteignant ainsi son taux le plus bas depuis 1969. Principaux vecteurs de cette progression, les services aux entreprises, la santé ou encore l’assistance sont les secteurs qui ont particulièrement embauché. À côté de cela, les États-Unis ne savent plus où donner de la tête quand on parle de pétrole et de gaz. Leurs réserves de schiste en sont pour beaucoup dans la mesure où le pays est devenu exportateur net en 2019, tout en étant le premier importateur mondial.
Il est cependant possible de voir le verre à moitié vide, si l’on s’attarde sur la progression des inégalités, ou encore sur la dégradation de la mobilité sociale. En réalité, les taux bas qui s’exercent font le bonheur des riches : 2019 achève une décennie qui a vu la valeur des 400 premières fortunes se multiplier par 2,3.
Le verre peut presque être vu complètement vide si l’on analyse plus finement la trajectoire de cette année 2019, riche en événements pour la première puissance mondiale. Une approche téléologique ferait dire que le plus long shutdown de l’histoire des États-Unis (22 décembre 2018 – 25 janvier 2019) laissait présager de longs mois cahoteux et une vie politique enlisée dans ses paradoxes et ses forces contraires. Selon une approche plus neutre, le pays serait déjà bien mal embarqué. Le blocage institutionnel n’a d’ailleurs trouvé un dénouement que dans un accord temporaire sur le financement de l’administration américaine, et non dans une solution au dissensus initial, relatif au financement d’une éventuelle construction d’un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
Économie
Ces tergiversations ont également marqué cette année préélectorale au niveau international, avant que des postures plus claires ne se décantent. C’est ainsi que les États-Unis ont fini par choisir avec qui ils désiraient s’afficher. Afin d’éloigner le spectre d’une nouvelle guerre commerciale, l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) est en passe d’être ratifié depuis le milieu du mois de décembre. Depuis octobre, Pékin et Washington tentent également de calmer des tensions commerciales qui ébranlent les marchés financiers depuis des mois. La hausse des droits de douanes prévues pour le 15 décembre ont été annulées in extremis.
En outre, les négociations autour d’une « taxe GAFA » ont été suspendues par les États-Unis, alors même que Washington avait donné son accord de principe. Aucune précision sur les motivations de ce retour en arrière n’a pourtant été avancée. Les pays européens sont les premières victimes de ce revirement. L’Oncle Sam devient également toujours plus pro actif sur la question des évolutions dans la péninsule coréenne, et n’hésite plus à convoquer le Conseil de Sécurité de l’ONU, comme le 11 décembre dernier, pour avancer sur le sujet. En affichant une impatience, réelle ou feinte, les États-Unis adoptent une posture ferme à l’égard de Pyongyang, alors même que le régime nord-coréen a fixé comme date butoir le 31 décembre à la reprise des pourparlers au sujet de sa dénucléarisation en contrepartie de la levée des sanctions économiques. L’échec du deuxième sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un en février, après des prémices pourtant décrites comme prometteuses par certains en 2018, a largement orienté l’évolution des relations entre les deux homologues. Enfin, et c’est peut-être le symbole le plus éloquent qui a défini la couleur des États-Unis dans les relations internationales version 2019, l’abandon des Kurdes en Syrie, et la tentative de corruption du président ukrainien par Donald Trump, dénoncées par de nombreux analystes et observateurs, en octobre dernier, a consommé la rupture avec l’idéal américain de guerre froide et de pays exemplaire.
L’ensemble de ces évolutions, de ces quêtes de victoires commerciales ou de ces défense des intérêts américains, est largement influencé par le contexte préélectoral dans lequel les États-Unis se situent. Ce contexte est d’autant plus prégnant qu’il s’agrémente d’une procédure d’impeachment à l’encontre de Donald Trump — la troisième dans l’histoire du pays. Enclenchée le 24 septembre par la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, cette même chambre a voté le 18 décembre pour la destitution du président pour abus de pouvoir et obstruction au Congrès. En vertu du caractère partisan qui se dégage de cette mise en accusation, Donald Trump peut dormir sur ses deux oreilles avant le vote au Sénat. Néanmoins, elle ne laissera pas le président le plus controversé de l’histoire de la première puissance mondiale indemne.
Politique canadienne
En politique, l’année 2019 a été marquée par les élections fédérales du 21 octobre, à l’issue desquelles le Parti libéral du Premier ministre Justin Trudeau conserve le pouvoir mais perd la majorité absolue gagnée en 2015. Malgré son arrivée en tête des suffrages, le Parti conservateur demeure donc encore le parti d’opposition officiel. La campagne électorale a été secouée par de nombreux scandales à la défaveur du Premier ministre sortant, notamment par la publication de clichés montrant un Justin Trudeau grimé avec le visage noir.
Le gouvernement libéral est également secoué par l’affaire SNC-Lavalin au début de l’année 2019 : le Cabinet de Justin Trudeau aurait interféré avec l’enquête du ministère de la Justice sur le géant québécois de la construction SNC-Lavalin, en faisant pression sur la ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould, afin qu’elle n’intervienne pas dans la procédure. Ce scandale a mené à la poursuite de plusieurs ministres importants du gouvernement fédéral. Le 18 décembre, l’entreprise SNC-Lavalin a reconnu sa culpabilité pour fraude en Libye devant la Cour au Québec, mettant donc un terme au scandale qui a miné la fin du premier mandat du gouvernement Trudeau.
Comme pour de nombreux pays occidentaux, l’année 2019 a marqué un tournant dans le combat contre le réchauffement climatique. Le changement climatique a été l’un des thèmes majeurs des débats pour l’élection fédérale d’octobre au Canada. En septembre, plus d’un demi million de personnes ont protesté à Montréal en faveur d’un réveil écologique, ainsi que d’autres centaines de milliers dans les autres grandes villes du pays.
Economie et politique extérieure canadiennes
En matière d’affaires étrangères, le Canada est resté discret sur la scène internationale, comme à son habitude. L’année 2019 a été l’occasion pour Ottawa d’affirmer sa position sur certains dossiers multilatéraux. Ainsi en décembre, le Canada, les Etats-Unis et le Mexique ont signé une version mise à jour du nouvel Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Les discussions étaient en cours depuis 2018. La signature doit être encore suivie d’une ratification par le gouvernement fédéral canadien et par un vote du Sénat américain en 2020. Par ailleurs, lors du sommet G7 qui s’est tenu à Biarritz au mois d’août, le Canada a réaffirmé son refus catégorique de réanimer le G8 afin de laisser la Russie prendre de nouveau part aux discussions entre les géants de la géopolitique mondiale. Au contraire, Donald Trump s’est dit favorable à un retour de Moscou. La question ukrainienne reste le principal point d’achoppement qui empêche la reformation du G8.
Le principal défi sur les questions étrangères canadiennes reste celui de la Chine. Les relations entre Ottawa et Pékin se sont davantage tendues en 2019, dans un triangle avec Washington. A la demande des Etats-Unis, le Canada détient depuis décembre 2018 Meng Wanzhou, la directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei. Les procédures d’extradition vers les Etats-Unis sont toujours en cours et contestée par la détenue devant les tribunaux. Après l’interpellation de Meng Wanzhou, la Chine avait annoncé l’arrestation de deux Canadiens, soupçonnés d’avoir mis en danger la sécurité nationale. Cette arrestation est perçue par Ottawa comme de représailles déguisées. Lors d’un direct télévisé en décembre 2019, Justin Trudeau a demandé à Donald Trump de ne pas finaliser son entente commerciale avec Pékin sans que le cas des deux Canadiens détenus en Chine ne soit réglé. Ottawa a reçu le soutien de Washington, non sans accentuer les tensions vives et préexistantes entre les deux pays d’Amérique du Nord et la Chine.
Enfin, alors que l’année 2019 marque le soixante-dixième anniversaire de l’OTAN, le Canada est mis à l’index par les Etats-Unis pour leur trop faible participation au budget de l’Alliance. En effet, tous les pays-membres se sont engagés à atteindre plus de 2 % du PIB en dépenses pour la défense nationale et collective. Or, les résultats publiés par l’OTAN pour l’année 2019 montrent qu’Ottawa n’a consacré qu’environ 1,31 % de son PIB pour le budget militaire. Parmi ces 2 % à atteindre, au moins 20 % doivent être également destinés à l’équipement. Là encore, le Canada est loin d’atteindre les engagements pris pour 2024 puisque ses dépenses sont estimées à seulement 13,3 %. Toutefois, le Canada a souhaité rassurer les partenaires de l’Alliance atlantique en renforçant sa participation à la force de réaction rapide de l’OTAN par la mise à disposition d’une frégate et de six avions de combat additionnels ; et aux opérations otaniennes que les forces canadiennes commandent en Lettonie.
ASIE
Économie
2019 a été l’année de l’intensification des guerres commerciales entre la Chine et les États-Unis notamment à cause de la menace d’interdiction de ventes de produits de la marque chinoise Huawei sur le sol américain, décrétée par le président Donald Trump. Les arguments avancés pour justifier l’interdiction sont ceux de l’espionnage potentiel par les téléphones mobiles qui recueilleraient les données des utilisateurs via la technologie de la 5G et les transmettraient au gouvernement chinois. La guerre commerciale menée par le président américain s’explique d’autre part par la balance commerciale américaine très déficitaire par rapport à la Chine ; en effet en 2019 elle s’élevait à 351,8 milliards de dollars. Ce chiffre déplaît profondément au président américain qui n’a eu de cesse de critiquer le protectionnisme chinois, en l’accusant de concurrence déloyale et qui a même lancé des processus de renégociations des traités commerciaux entre les deux pays afin de favoriser le géant américain par rapport à son concurrent asiatique.
Au Japon, la nouvelle ère baptisée « reiwa » (« ordre et harmonie », souvent traduit « belle harmonie ») ne semble pas de tout repos pour le pays du soleil levant. Entre la volonté d’Abe de réformer l’article 9 de la Constitution relative à la renonciation à une armée offensive, et l’affaire Carlos Ghosn qui a fait couler beaucoup d’encre en France quant au traitement du concerné, l’année 2019 ne fut d’ailleurs pas à l’abri des controverses. Toutefois, le Premier Ministre Abe Shinzo s’efforce de rester loin de ces scandales.
À l’extérieur, cette nouvelle ère se manifeste par la volonté du Japon de s’investir plus globalement dans ses relations multilatérales. Abe essaye de jouer le même jeu que Macron : un rôle pivot sur l’échiquier international. La médiation en juin 2019 du conflit entre les États-Unis et l’Iran a été une occasion de montrer que le Japon est prêt à s’investir davantage dans les relations internationales, à l’heure où l’équilibre des forces semble trouble.
À l’intérieur, un ambitieux plan de relance de 13 200 milliards de yens est présenté le 5 décembre. Ce programme – le premier depuis 2016 – a pour but de stimuler l’économie pour faire face aux concurrences commerciales diverses auquel le Japon est confronté. Il s’inscrit également dans la continuité des Jeux Olympiques de 2020, une autre stratégie d’Abe pour s’attirer un capital sympathie auprès des États du monde entier.
Une autre guerre commerciale a commencé à l’été 2019 et est toujours en cours entre le Japon et la Corée du sud. Tout a commencé lorsque le gouvernement japonais a décidé de restreindre l’exportation de matières premières importantes à la création de semi-conducteurs notamment utilisés lors de la fabrication d’écrans plats LCD et OLED ainsi que de puces de mémoires, fleurons de l’industrie sud-coréenne. Séoul a vu dans cette décision une revanche politique de la part des Japonais suite aux réclamations demandées par la Corée quant aux dédommagements pour les travailleurs sud-coréens forcés de travailler pour les entreprises japonaises pendant la Seconde Guerre mondiale ainsi que pour les femmes de réconfort.
Lors de la fête nationale sud-coréenne, qui célèbre justement l’indépendance de l’empire colonial nippon, le 15 août, le président Moon Jae-in s’était exprimé à ce sujet en demandant au gouvernement japonais de choisir “la voie du dialogue et de la coopération”. Cette querelle commerciale a reçu des soutiens quasi égaux dans les deux pays. Au Japon, l’opinion publique est favorable à l’exclusion de la Corée du Sud en matière d’exportation de matières premières. Chez le voisin coréen, de nombreuses associations et d’organisations non-gouvernementales ont appelé au boycott de tout ce qui provenait du voisin nippon et préconisait de s’abstenir pour le tourisme au Japon. Le slogan “안가 안사” (“n’y va pas, n’achète pas”) est caractéristique de cette forme de boycott qui perdure depuis quelques mois, en témoigne la chute libre des ventes de produits japonais en Corée. Les hauts-représentants des deux pays se sont rencontrés à plusieurs reprises pour convenir d’accords bilatéraux et se sortir de cet immobilisme commercial mais, pour l’instant, aucun accord n’a été trouvé pour satisfaire les deux pays.
Politique
Au Japon, le record de longévité de mandat atteint par Shinzo Abe en novembre 2019 apparaît comme l’illustration parfaite du désintérêt des Japonais de la vie politique et l’enlisement de celle-ci avec une quasi-domination du Parti Libéral Démocrate depuis 1955. Toutefois, l’ère du changement semble être marquée le 1er mai 2019 par l’accès au trône du nouvel empereur Naruhito. En effet, cette passation a plongé la société dans une profonde réflexion sur le rôle de l’Empereur, puisque le père de Naruhito, Akihito, a exprimé en 2016 son souhait d’abdiquer alors que ce n’est en principe pas possible. Si le Parlement l’y a finalement autorisé en 2017, c’est une intronisation tout à fait inédite qui a eu lieu à partir du 22 octobre 2019.
Le deuxième débat qui a secoué le Japon concerne la succession de Naruhito, puisqu’il n’a jusqu’alors qu’une héritière. Si, de fait, il y a eu des Impératrices dans l’Histoire du Japon, le code de la maison impériale écarte les femmes de la succession au trône à partir de la Restauration impériale de Meiji (1868). La jeune Aiko aujourd’hui âgée de 17 ans sera-t-elle la première Impératrice du Japon de « l’ère moderne » ?
De l’autre côté de la mer de l’Est, au cours de l’année passée, les rues de Hong Kong n’ont pas désempli de manifestants protestant ardemment contre l’amendement de l’ordonnance de délinquants en fuite, relative à l’entraide judiciaire avec les autres pays qui n’ont pas d’arrangement avec Hong Kong, y compris Taïwan, la Chine continentale et Macao. Cet amendement avait été proposé par la cheffe de l’exécutif Hongkongais Carrie Lam en mars dernier. Cette modification prévoyait l’extradition pure et simple de criminels d’une RAS (région administrative spéciale, subdivisions de la République populaire de Chine) à une autre, permettant ainsi son jugement où qu’il se trouve. Ce changement dans la nomenclature juridique hongkongaise avait été motivé par une affaire de meurtre sinistre qui avait secoué la ville en 2018. L’histoire d’une jeune hongkongaise âgée de 20 ans, assassinée à Taïwan par son petit ami, lui aussi hongkongais, qui s’était débarrassé du corps à Taipei avant de rentrer à Hong Kong.
Son crime n’avait pas pu être jugé ni par les autorités Hongkongaise en vertu du principe de territorialité du droit international qui interdit aux autorités d’un État de juger d’un crime en dehors de leurs frontières, ni par les autorités Taïwanaises, incompétentes elles aussi. Pour combler ce « vide juridique », le gouvernement de Hong Kong a proposé en février 2019 un amendement à l’ordonnance sur les délinquants en fuite afin d’établir un mécanisme de transfert au cas par cas des fugitifs vers toute juridiction avec laquelle la ville ne dispose pas d’un traité d’extradition officiel ; dont Taïwan et, par extension, la Chine continentale.
Ce projet d’amendement de la loi a rapidement mis le feu aux poudres : la population hongkongaise a très vite eu peur que ce procédé de transfert de fugitifs ne vise les dissidents politiques hongkongais ouvertement en désaccord avec la politique de Pékin qu’ils se retrouvent en prison en Chine continentale – sous-entendu que là-bas ils n’auraient pas le droit à un procès équitable. Cette peur s’est généralisée et a entraîné des dizaines de manifestations dans le pays, la population réclamant la conservation du principe « Un pays, deux systèmes » qui avait été mis en place lors de la rétrocession de Hong Kong à la Chine par les britanniques en 1997. L’exécutif a tant bien que mal tenté de défendre son projet mais les protestations qui ont duré des mois dans la ville, réunissant jusqu’à 1,8 millions de citoyens (sur une population de 7 millions de personnes) ont eu raison de Carrie Lam qui a finalement décidé d’abandonner ce projet de loi. Il n’est cependant pas dit qu’une autre alternative pour le jugement de Chang Tongkai ne soit trouvée d’ici 2020.
Société
La Corée du Sud, de son côté, a vu une de ses lois datant d’il y a plus de 66 ans être déclarée comme anticonstitutionnelle. Celle-ci concerne l’avortement qui est désormais légal au pays du matin calme. La légalisation de ce droit humain fondamental s’est faite sans protestations massives, malgré quelques manifestations de petits mouvements chrétiens rigoristes condamnant cette décision, clamant que mettre fin à la vie du fœtus serait immoral.
Les questions relatives à l’égalité des genres a été très présente cette année aussi en Corée du Sud. A la suite des crimes concernant les « molka » (caméras cachées) qui espionnaient l’intimité des femmes sud-coréennes dans les lieux publics comme les toilettes, magasins, ou même les transports en commun, le gouvernement a investi plusieurs centaines de millions de wons dans la lutte contre les caméras espionnes et la vérification de 50 000 toilettes publiques à Séoul. Cette pratique a également été au cœur d’une affaire de harcèlements sexuels massifs et de proxénétismes concernant une série de célébrités sud-coréennes dont le chanteur Seung-ri du groupe de K-pop « Big Bang », mettant en avant le côté sombre et méconnu d’une industrie qui est souvent qualifiée de « lisse » et « bon enfant » par les médias occidentaux. Cette affaire a largement secoué la société coréenne – dont le taux de criminalité est inférieur à 1% – et les discussions autour de la question féministe restent très clivantes parmi les sud-coréens.
Au Japon, les troubles sociaux qui ont bouleversé toute l’année 2019 tendent à démontrer que le Japon n’est pas prêt à un profond changement social, le poids des traditions genrées reste très fort. Le long parcours tortueux de la journaliste Ito Shiori pour faire reconnaître son viol est exemple cinglant du retard des japonais sur les problématiques féministes. Si le 18 décembre, le tribunal de Tokyo a fini par lui rendre justice, les discussions autour du viol dans la société japonaise ne font toutefois que commencer.
À Taïwan, la légalisation du mariage homosexuel a été un des événements les plus marquants en Asie au cours de l’année 2019. En effet, l’île de Taïwan est devenue le premier pays asiatique à autoriser deux personnes de même sexe à pouvoir se marier. La décision est l’aboutissement d’un combat de plus trente ans mené par des groupes militants LGBT. La Cour suprême taïwanaise a décrété que l’absence de possibilité d’un mariage homosexuel était anticonstitutionnelle et nécessitait de fait que la loi s’adapte à cette réalité sociale afin de garantir le principe d’égalité à tous les citoyens taïwanais. Cet avancement dans les droits humains est désormais emblématique d’une émancipation sociale du visage moderne taïwanais qui souhaite s’ériger en opposition totale sur tous les aspects – sociaux, économiques et écologiques – face au gouvernement de Pékin qui ne reconnaît toujours pas l’indépendance de Taïwan.
Au sultanat de Brunei, l’entrée en vigueur d’un nouveau Code pénal inspiré de la loi islamique (la « charia ») le 3 avril 2019 a particulièrement défrayé la chronique dans les pays occidentaux. Ce processus engagé de fait depuis 2014 est l’oeuvre du sultan Hassanal Bolkiah, dernier monarque absolu du continent asiatique, sur le trône depuis 1968 et Premier ministre de Brunei.
En effet, l’adoption de ce Code pénal, et en particulier les sanctions à l’égard de l’adultère et de l’homosexualité – punies par lapidation –, a profondément choqué en Occident, au point où le Parlement européen a voté le 18 avril en faveur de sanctions contre le Brunei. La délégation des Nations unies pour les droits de l’Homme (UNHCR) ainsi que l’Union européenne ont parlé de « peines de barbares ». Pourtant, l’homosexualité, l’adultère ou le viol sont interdits à Brunei sous peine de prison, et ce depuis l’époque du protectorat britannique, dont le pays s’est émancipé en 1984. Mais ce sont les méthodes avancées dans ce Code qui ont troublé les différents États et organismes internationaux. Dans un communiqué, le bureau du Premier ministre a invoqué pouvoir, en tant qu’État souverain, choisir son propre système juridique.
Enjeux environnementaux en Asie du sud-est
Selon les chiffres de 2018 du Emission Database for Global Atmospheric Research (EDGAR) de la Commission Européenne – une base de donnée des émissions de CO2 et de gaz à effet de serre pour chaque pays – l’Asie ressort comme le continent où tout est à jouer en matière de climat avec une part de plus de 50% des émissions mondiales de CO2. Toutefois, elles sont le fait principal du géant chinois premier de la liste, suivi de près par l’Inde et le Japon.
L’Asie du Sud-est reste une zone qui porte de fait le poids des défis environnementaux à venir en Asie, et du monde. La Chine, ancien épicentre du recyclage internationale, a lancé sa politique dite de l’ « Épée nationale», se fermant quasi-totalement aux importations de déchets recyclables. Ainsi, l’essentiel des plastiques usagés a été dérouté vers l’Asie du Sud-Est et en quelques mois, la Malaisie s’est retrouvée première importatrice de plastiques usagés. Le Vietnam a lui vu ses importations de plastiques usagés doubler, tandis qu’elles ont augmenté de 56% en Indonésie et de 1370% en Thaïlande.
Ce sont surtout les importations frauduleuses de déchets dangereux ou simplement non-autorisés par les divers gouvernements (par exemple les déchets électroniques) qui ont créé le scandale. En Thaïlande, ce sont 95% des cargaisons contrôlées de déchets qui ne respectaient pas les règles imposées par le Ministère de l’Industrie. En Malaisie, les usines clandestines se sont multipliées pour gérer la masse de déchets qui se déversait initialement en Chine. L’Indonésie s’est retrouvée quant à elle premier pays après la Chine à déverser le plus de plastique dans l’océan, malgré un business fructueux du déchet, bien souvent au détriment des travailleurs qui sont très peu rémunérés ; selon le Jakarta Globe, le revenu quotidien des ramasseurs de déchets s’élèverait à 1,90 € en 2019.
Cette polémique a soulevé la question des limites de la convention de Bâle des Nations unies de 1992, relative à la gestion des déchets au niveau international, et plus particulièrement pour réglementer de potentiels transferts de déchets dangereux des pays développés vers les Pays en développement. En effet, elle insiste sur le fait que les déchets électroniques ne peuvent être exportés qu’avec le consentement du pays importateur, mais ne le précise en aucun cas pour les déchets plastiques. Ainsi, sous l’impulsion d’une décision du Conseil de l’Union européenne, de nouvelles réglementations relatives aux déchets plastiques non-dangereux ont été ratifiées le 10 mai 2019 par près de 200 pays, dans lesquels ne figure pas les États-Unis. Ces dispositions devraient prendre effet en 2021.
Malgré les tentatives de pacification du problème au niveau international, une vague d’indignations s’est enchaînée : cette année, le Canada a accepté de récupérer ses déchets en provenance des Philippines, ce qui a provoqué la décision des malais de renvoyer leurs déchets plastiques importés illégalement à 14 pays. L’Indonésie est venue s’ajouter à la liste des pays qui se sont retournés contre l’envoyeur – en l’occurrence, principalement l’Australie. Il s’agissait encore là de déchets électroniques ou toxiques non-autorisés et non-recyclables. Début octobre 2019, la Ministre de l’Environnement malaise Yeo Bee Yin a annoncé le gel des importations des déchets plastiques, amorçant de ce fait le processus de réflexion des pays développés sur la gestion de leurs déchets.
La crise mondiale des déchets n’est pourtant pas le seul enjeu environnemental auquel est confronté l’Asie du Sud-est : Elle paye également le lourd tribut du dérèglement climatique. En effet, l’île de Bornéo qui concentre des territoires de Malaisie, Indonésie et Brunei a été ravagée par de terribles incendies depuis début août 2019 et jusqu’à mi-septembre de manière soutenue. Plus d’un million d’hectares de forêt ont été détruit par le feu en Indonésie depuis le début des incendies. Si les sécheresses engendrées par le changement climatique intensifient ces incendies, la vraie cause réside dans l’intervention humaine : le défrichement par le feu pourtant interdit en Indonésie est utilisé pour développer des plantations de palmier à huile.
La COP25 de Madrid du 3 au 12 décembre a par ailleurs été un terrain propice pour mettre en exergue les difficultés auxquelles font face les pays d’Asie du Sud-est concernant les problématiques climatiques et environnementales. On a pu observer notamment une proposition de l’Indonésie portée par son vice-ministre de l’Environnement et des Forêts, Alue Dohong, premier autochtone Dayak (peuple de Kalimantan sur l’île de Bornéo) à être membre du gouvernement. Il a présenté un programme de « village climatique » où acteurs étatiques et non-étatiques œuvreraient ensemble vers une résilience climatique.
LE CAUCASE
Politique
L’année 2019 commence en Arménie par des élections législatives qui consacrent la victoire écrasante de Nikol Pachinian, figure phare de l’opposition lors de la Révolution dite de “velours” en 2018, qui a fait renaître une forme d’espoir chez les Arménien. Au cours de l’année, le pays a été également secoué par le procès de l’ex président Kotcharian, considéré avant tout comme responsable de la répression sanglante des manifestations de 2008, ou encore de l’attentat contre le Parlement en 1999 à l’issu duquel ses principaux ennemis politiques ont été froidement assassinés.
En Géorgie, l’année a été rythmée par des manifestations très violentes qui ont d’abord dénoncé les élections de décembre 2018. En effet, les élections présidentielles ont été remportées de justesse par Salomé Zourabichvili, ex-diplomate française d’origine géorgienne. Mais la raison principale de ce mécontentement reste la dénonciation par les opposants d’un scrutin truqué, lequel a également été critiqué par l’OSCE.
La Géorgie a connu une véritable crise politique en juin 2019. On constate depuis quelques années les tentatives rapprochement vers l’Occident et notamment de l’UE ; le rêve européen reste en effet cher à l’opinion publique géorgienne qui craint directement la menace du voisin russe, notamment depuis le conflit qui les a opposé en 2008 en Ossétie du Sud. La présidente Salomé Zourabichvili a déclaré en mai 2019, que la Géorgie serait « heureuse d’occuper la place de la Grande-Bretagne ». Les tensions avec la Russie se sont cristallisées en juin dernier, lors de la visite officielle d’un député russe : son intervention en russe au Parlement géorgien a été perçue comme une réelle provocation, entraînant dans la rue des dizaines de milliers de manifestants, dénonçant la trahison du pouvoir en place, jugé « complaisant face à Moscou ».
Economie
L’Arménie a enregistré une légère hausse des entrées d’IDE en 2019, venant de la part des pays tels que la Russie, la Grèce, Chypre ou l’Allemagne. Néanmoins, la part de la diaspora arménienne dans ces investissements reste conséquente. Si le pays est considéré comme étant désormais stable politiquement, avec un niveau d’éducation élevé et une population active qualifiée, la pauvreté de la population et la petite taille du marché freinent ces investissements. De la même manière la Banque mondiale a enregistré une croissance de 1.5 % des salaires en 2019. Mais la réalité est contrebalancé par un taux de chômage extrêmement élevé.
La pétromonarchie azérie, aux mains de la famille Aliyev depuis des décennies a connu un décollage économique important au cours de ces vingt dernières années. Le pays possède des ressources très prisées grâce à la mer Caspienne qui offre des gisements naturels en gaz et pétrole. Ces ressources naturelles ont été la base du développement économique en Azerbaïdjan. Cependant, depuis peu, on constate une diversification de l’économie azérie. Elle se tourne désormais vers le tourisme, jouant sur la force du soft power en mettant en avant sa cuisine ancestrale et sa culture considérée comme unique.
Au vu de la violence des manifestations sur le sol géorgien en 2019, le président russe Vladimir Poutine a immédiatement ordonné la suspension des vols vers la Géorgie afin de “protéger les citoyens russes”. Cette mesure a en réalité une visée plus importante car une grande part de l’économie géorgienne repose sur le tourisme avec la Russie et interdire l’entrée d’un million de touristes russes par an sur le sol géorgien peut être assimilé à une véritable sanction économique.
Société
Le discours historique d’une femme transgenre au Parlement arménien cette année a ravivé les tensions autours de sujets considérés encore comme tabous, dans un pays aux racines profondément chrétiennes. Le démantèlement des réseaux mafieux n’est pas aussi évident que leur dénonciation. Confirmant ainsi que les habitudes politiques de « dépendance aux sentiers » compliquent les réformes et modifications potentielles.
C’est également en 2019 que l’Azerbaïdjan a été classé comme « le pays le plus anti LGBT de l’Europe ». L’épuration systématique menée contre la communauté LGBT est justifiée par le ministère de l’Intérieur par une lutte menée contre la prostitution
Malgré les conditions difficiles, le manque de liberté et de démocratie, la société civile et l’opposition tentent de s’organiser. Les tentatives antérieures pour freiner la manifestation, comme par exemple la fermeture du métro ou la coupure d’internet n’ont pas empêché les quelques centaines de manifestants de se réunir dans le centre ville. Néanmoins, ces timides manifestations contre le régime, survenues en octobre 2019 ont été violemment réprimées. L’ONG Human Rights Watch fait état d’une terrible violence qui a réprimé les principales figures de l’opposition, et observe le non-respect des droits humains, et de l’État de droit, principes fondamentaux énoncés par la Convention Européenne des Droits de l’Homme, dont l’Azerbaïdjan est signataire.
MOYEN-ORIENT
Monde arabe
Comme chaque année, le monde arabe a renvoyé une image ambivalente à ses observateurs : partagés entre l’immobilisme apparent de certains pays et la permanence voire l’aggravation de plusieurs conflits, d’aucuns peuvent être tentés de céder à un jugement sévère et alarmiste condamnant le devenir de la région. À l’inverse, certains événements de cette année, même s’ils s’inscrivent dans un climat de tensions indéniable, témoignent d’une certaine vitalité politique émanant des populations des pays arabes. Nous proposons d’aborder trois thèmes majeurs, autour de la question des mouvements sociaux : le rejet massif des élites jugées corrompues et inefficaces, des élections démocratiques sous tensions et la permanence de conflits qui suscitent cependant quelques espoirs de résolution.
Rejet des élites
L’année 2019 a été marquée par un mouvement de rejet des élites au pouvoir dans plusieurs pays du monde arabe. Cette dynamique s’amorce avec l’annonce en février de l’intention du président algérien Abdelaziz Bouteflika de briguer un cinquième mandat consécutif. Au moment de cette déclaration, le président est en réalité hospitalisé en Suisse en raison de son âge et de sa santé ; c’est son entourage qui le pousse à se représenter. Des manifestations d’une ampleur inédite depuis une décennie éclatent dans le pays pour protester contre la réélection d’A. Bouteflika, laquelle (d’après certain observateurs) entérine l’immobilisme et le manque de perspective du pays depuis plusieurs années. De retour en Algérie au mois de mars, le président renonce à se représenter mais décide de reporter sine die l’élection présidentielle et déclare se maintenir au pouvoir aussi longtemps qu’il sera nécessaire pour réformer le système politique. Face au regain de contestation de la rue, il annonce qu’il quittera la présidence au terme d’une période de transition précipitée mais ne parvient pas à trouver de candidat susceptible d’accepter le poste dans ces conditions. Pressé par son État-Major, A. Bouteflika démissionne finalement le 2 avril 2019 ; cet événement ouvre une période d’incertitude puisque son successeur par intérim, Abdelkader Bensallah, annonce le report des élections présidentielles en juillet 2019 avant que le Conseil constitutionnel ne les reporte sine die. Les manifestations redoublent et à l’initiative de l’armée les élections sont prévues pour le 12 décembre 2019.
Cette pression populaire s’est également produite au Liban à partir de la fin du mois d’octobre. L’annonce par le gouvernement d’une nouvelle taxe sur l’application de messagerie en ligne WhatsApp a déclenché le soulèvement d’une frange hétéroclite de la population, faisant fi de l’âge, de la profession ou de l’appartenance religieuse. Fait marquant, les libanais se sont unis autour du slogan « Tous veut dire tous », qui fait référence au rejet de l’ensemble de la classe politique jugée incapable et corrompue. Le fait est que depuis la fin de la guerre civile en 1990 la classe politique n’a quasiment pas évolué et le pouvoir demeure entre les mains de quelques dynasties. Très vite, sous l’ampleur des manifestations, les ministres appartenant au parti politique des Forces libanaises démissionnent et le Premier Ministre Saad Hariri annonce une série de réformes économiques incapables de soulager la colère de la rue. À la fin d’un mois de novembre marqué par différents heurts, Saad Hariri annonce la démission de son gouvernement. Les étudiants ont joué un rôle très important dans la conduite du mouvement de contestation, au moyen de sit-in ou d’actions ciblées à effectif réduit contre ce qu’ils estiment être des symboles de la corruption. Depuis la démission de son Premier Ministre, le Président Michel Aoun recherche un nouveau ministre qui sera apte à répondre aux aspirations du peuple libanais.
En Irak, le mois d’octobre a également été marqué par d’importantes protestations dénonçant la corruption et les conditions de vie de ses habitants. Jusqu’à présent, ces manifestations ont subi une très forte répression par le pouvoir en place : en 40 jours de marche, on déplore plus de 300 morts et des milliers de blessés. Pourtant, le gouvernement refuse de reconnaître ces chiffres provenant de différentes ONG et s’accroche à un bilan bien différent : il n’y aurait eu qu’une poignée de victimes, dont la grande majorité serait des membres des services de sécurité. Le caractère exceptionnel de ces manifestations en Irak relève d’une part de la volonté inflexible du pouvoir à n’accorder aucune concession aux manifestants et d’autre part de la férocité de la répression : mise en place de couvre-feu, coupures prolongées d’internet et recours à des snipers tirant à balles réelles sur la population. Acculé et incapable d’apaiser la rue, le Premier ministre Adel Abdel-Mehdi est alors contraint de démissionner le 29 novembre, laissant ouverte la question de sa succession dont la tâche première sera d’apaiser les Irakiens descendus dans la rue depuis bientôt 3 mois.
Des élections démocratiques sous tensions
En Turquie, les élections municipales du 31 mars 2019, ont constitué un revers électoral pour le Parti de la justice et du développement AKP d’Erdogan, ayant perdu la main sur la capitale politique du pays Ankara et sur Istanbul, son poumon économique et financier. Depuis plus de 25 ans, ces deux plus grandes villes de Turquie étaient des fiefs imprenables de l’AKP. Pour causes, la situation de plus en plus critique que connaît le pays, du fait de la dépréciation de la livre turque, de la récession économique, de l’augmentation du chômage, et de la montée des prix sur des produits primaires alimentaires notamment. Néanmoins, la campagne et le scrutin ne se sont pas déroulés sans turbulence. Les premiers résultats à Istanbul avaient été annulés par le Conseil électoral supérieur (YSK) à la suite d’une « requête extraordinaire » de l’AKP, dénonçant des « irrégularités » le jour du vote. Le YSK avait publié dans les bureaux de vote la liste de quelque 40 000 électeurs jugés suspects et décrits comme « mentalement instables, incapables d’exercer leur droit de vote ». Ekrem Imamoglu, sorti vainqueur dans la ville d’Istanbul, avait lui été discrédité par le pouvoir et accusé de terrorisme par Erdogan lui même. D’importantes manifestations ont eu lieu dans la ville en soutien à celui-ci.
Le 15 septembre 2019, en Tunisie, a eu lieu l’élection présidentielle de manière anticipée en raison de la mort du président sortant au mois de juillet. Il s’agissait de la deuxième élection présidentielle au suffrage universel direct depuis la révolution de 2011. La qualification pour le second tour de deux candidats hors système marque le rejet par les électeurs de la classe politique sortante, dans un contexte d’éparpillement des candidatures. Aucun candidat n’ayant remporté la majorité absolue, un second tour est organisé, à l’issue duquel Kaïs Saïed l’emporte avec 72,71 % des suffrages. L’analyste Michaël Ayari, de l’International Crisis Group, indique : « Personne ne croyait vraiment à ce candidat hors norme, sans aucune expérience politique. Kaïs Saïed incarne la probité et la lutte contre la corruption, c’est un homme qui croit que tout se règle en appliquant les lois à la lettre. Kaïs Saïed incarne les espoirs déçus de 2011, il parle au nom des marginaux, veut rétablir la dignité et combattre les inégalités régionales. »
Le 17 septembre ont eu lieu en Israël, les élections législatives de manière anticipée, suite à l’échec de B. Netanyahou à former une coalition après les élections organisées cinq mois plus tôt. La campagne avait été marquée par la concentration des principaux partis en plusieurs grandes coalitions et alliances politiques, conduisant à un nombre inhabituellement faible de partis en lice pour une élection israélienne. Les résultats du scrutin de septembre cependant ne parviennent pas à mettre un terme à la crise politique dans laquelle se trouve le pays, aucun des camps en présence ne recueillant suffisamment de sièges pour obtenir la majorité absolue.
En Algérie, l’élection présidentielle du 12 décembre 2019 aurait dû constituer l’aboutissement d’une transition démocratique, après près de huit mois de manifestations non violentes contre le pouvoir de Bouteflika, le président déchu et après deux reports de la date des élections la même année. Cependant, le scrutin n’a pas été organisé dans les conditions de transition réelle, légitime et transparente vers un accord politique global. Les ex-ministres du président sortant ont fait mine de participer à une compétition qui n’avait qu’un but : faire émerger une personnalité du sérail pour que rien ne change véritablement. La presse a été sujette à une forte pression de la part du pouvoir pour qu’elle diffuse sa bonne parole ; les arrestations arbitraires et la justice d’exception ont été elles encore bien présentes. Comme redoutée, l’élection a été perçue pour beaucoup comme vide de sens avec des taux de participation relativement faibles et de votes blancs significatifs. Abdelmadjid Tebboune, une personnalité du régime, est élu dès le premier tour avec 58,13 % des suffrages exprimés. Selon le sociologue Nacer Djabi, « Tebboune va démarrer avec un grand handicap de légitimité. Même si le scrutin n’est pas falsifié, les Algériens n’ont plus confiance ».
Permanence de nombreux conflits, espoirs de résolution ?
Depuis 2011, la Syrie est le théâtre d’une guerre civile qui s’est transformée en conflit international en raison de l’implication de plusieurs acteurs extérieurs. Tandis que durant les premières années du conflit, le régime de Bachar al-Assad paraissait menacé par l’avancée des rebelles syriens, l’implication de la Russie et le soutien de l’Iran ont permis au pouvoir en place de se maintenir et de renverser progressivement la tendance du conflit, réduisant aujourd’hui les territoires contrôlés par les rebelles à peau de chagrin. Depuis bientôt 9 ans que dure le conflit, une issue semble finalement se dessiner en raison de plusieurs facteurs : tout d’abord, les Etats-Unis de Donald Trump ont décidé de se désengager du conflit en retirant leurs troupes du sol syrien ; ensuite la menace terroriste que constituait l’Etat Islamique est considérée comme annihilée depuis la mort récente de son chef Al Baghdadi, ce qui permet au pouvoir syrien de concentrer ses forces pour venir à bout des rebelles définitivement ; enfin la Russie consolide sa présence au Moyen-Orient en pesant de tout son poids sur le conflit aux côtés du régime d’al Assad. L’année 2020 pourrait-elle marquer la résolution plus ou moins heureuse d’un conflit devenu emblématique des heurts qui façonnent la région du Proche et Moyen-Orient ?
Le Yémen est également en proie à une guerre civile depuis 2015 qui est progressivement devenue un conflit régional aux conséquences humanitaires désastreuses. Alors que la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite tente depuis 4 ans de vaincre les rebelles houthis qui contrôlent une grande portion du territoire yéménite, des dissensions sont apparues au sein de la coalition saoudienne : les Emirats arabes unis, un allié de poids dans ce conflit, ont entamé un retrait partiel de leurs troupes dans la mesure où une solution militaire paraissait de moins en moins probable. De plus, alors que l’Arabie saoudite capitalisait sur une victoire militaire rapide au Yémen, l’enlisement dans le conflit s’accompagnait au moins pour le royaume saoudien d’une incontestable position de domination sur ses adversaires. Mais au mois de septembre, des missiles houthis sont parvenus à frapper deux sites pétroliers au sud de l’Arabie Saoudite : les Houthis semblent désormais capables de riposter aux offensives de ses ennemis. Il n’est toutefois pas impossible que l’acceptation du prince héritier Mohammed Ben Salman de la proposition de cessez-le-feu de la part des rebelles houthis permette une résolution non militaire du conflit.
AFRIQUE
Politique
Tout comme en 2018, l’année 2019 a connu de nombreuses élections, parfois marquées par des incertitudes. Si la fin de l’année a été caractérisée par une répression plus importante contre les manifestants algériens, qui réclament une transition démocratique et un réel changement politique, elle a également débuté dans les difficultés comme l’illustre le coup d’État qui a éclaté le 7 janvier 2019 au Gabon mais avorté dans la journée.
En janvier 2019, un réel changement s’est opéré en République Démocratique du Congo avec les élections. Pour la première fois, une alternance politique a été consacrée par le vote et la transition a eu lieu de manière pacifique, en dépit des inquiétudes soulevées par de multiples reports et des élections parfois chaotiques. Félix Tshisekedi est devenu président de RDC avec 38,57% des suffrages, malgré un doute émis sur la conformité des résultats par Jean Yves le Drian, ministre français des Affaires étrangères, et la dénonciation d’un “putsch électoral” par l’opposant Martin Fayulu.
Au mois de février, les élections présidentielles se sont tenues au Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique avec un peu plus de 190 millions d’habitants. Elles devaient se tenir le samedi 16 février 2019 mais ont finalement été reportées d’une semaine dans l’urgence par la commission électorale indépendante (INEC) pour cause de « problèmes logistiques ». Finalement, suite aux élections du samedi 23 février, c’est le chef d’État sortant, Muhammadu Buhari qui a été réélu avec 56% des voix. Son principal rival, Atiku Abubakar, a obtenu 41% des voix mais a contesté ce résultat en raison de graves problèmes relevés lors de l’organisation de ce vote.
Au Sénégal, le président Macky Sall a aussi été réélu malgré une certaine confusion au moment de l’annonce des résultats. Alors que les élections et que la journée de vote s’étaient déroulées calmement sans accroc particulier, le 24 février au soir le premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne annonce la réélection de Macky Sall avec au minimum 57% des voix, avant la parution des résultats officiels. Traditionnellement les candidats attendent les premiers résultats provisoires avant d’annoncer leur défaite et de féliciter le gagnant. Cette annonce a donc suscité l’incrédulité de la population qui a réagi sur les réseaux sociaux. Toutefois, le jeudi 28 février, la commission de dépouillement du scrutin a confirmé la réélection au premier tour de Macky Sall avec 58,27% des suffrages. Macky Sall était considéré comme favori à ces élections en raison du bilan économique positif qui a accompagné son premier mandat.
Au Soudan, après près de 30 ans à la tête de l’État, dont quatre mois comme cible de manifestations populaires, le dirigeant Omar al-Bachir a été destitué par l’armée en avril, puis emprisonné pour corruption. Les autorités ont annoncé une phase de “dé-bachirisation” du Soudan, qui implique notamment une refonte judiciaire.
Au Maroc, Nasser Zefzafi, leader du Hirak (« mouvement » en arabe), qui avait agité la région du Rif au Nord du royaume entre 2016 et 2017 a été condamné ainsi que ses compagnons à vingt ans de prison ferme. La protestation populaire du Hirak a été déclenchée par la mort d’un vendeur de poissons en octobre 2016, broyé dans une benne à ordures en tentant de s’opposer à la saisie de sa marchandise, de l’espadon en l’occurrence, dont la pêche est interdite. Nasser Zefzafi s’était imposé comme le visage de la protestation avec ses discours véhéments contre l’Etat « corrompu » ou « l’arbitraire » du pouvoir. Il a boycotté son procès en appel, comme 37 autres prévenus en détention, en dénonçant un procès « politique ». Toutefois, le jugement d’avril 2019 confirme les peines allant jusqu’à vingt ans de prison. Le substitut du procureur avait même demandé d’alourdir en appel toutes les peines qui ne correspondaient pas au maximum prévu par le code pénal. Comme en première instance, les avocats de la défense ont refusé de plaider en demandant un procès « équitable ». En réponse aux critiques, les autorités ont assuré que le processus judiciaire était en tout point conforme aux normes internationales en soulignant que la justice était indépendante.
En Afrique du Sud, le Congrès National Africain (ANC) a conservé sa majorité lors des élections législatives de mai 2019 avec 57,7% des suffrages. Le parti historique de Nelson Mandela note cependant un net recul avec une perte de 5 points depuis les dernières élections législatives. Ces élections étaient de réelles « élections test » pour l’ANC, en raison des nombreuses affaires de corruption qui ont entaché l’image du parti ces dernières années.
Économie
La Zone de libre-échange continentale (ZLEC) a été créée lors d’un sommet extraordinaire de l’Union africaine à Niamey le 7 juillet. Innovante en ce qu’elle lève certains des droits de douane d’Alger au Cap et de Dakar à Djibouti, elle est constituée de l’ensemble des pays africains, à l’exception de l’Érythrée qui souhaite toutefois y adhérer. Réunissant 1,2 milliard de personnes, la ZLEC sera progressivement mise en oeuvre et le marché devrait commencer à prendre effet à partir du 1er juillet 2020. Malgré cette avancée, les détracteurs du projet continuent de souligner le manque de complémentarité des économies et craignent les conséquences que pourraient avoir les importations bon marché sur les plus petits producteurs agricoles et industriels. De plus, les tensions politiques et les problèmes logistiques risquent, eux aussi, de freiner le projet.
Environnement
Le dimanche 22 septembre 2019, un nouveau type d’accord a été signé entre le Gabon et la Norvège à New York. Celui-ci prévoit que la Norvège paiera 10$ au Gabon pour chaque tonne de carbone non émise par rapport à la moyenne d’émission entre 2005 et 2014. Ce montant est cependant limité à 150 millions de dollars versés sur dix ans. Bien que cet accord soit le premier en la matière et que le Gabon soit le premier pays à recevoir un potentiel versement pour la bonne gestion de sa forêt, de nombreux efforts restent à faire dans d’autres domaines. Au Gabon encore, le braconnage des pangolins, dont les écailles sont vendues sur le marché noir car très utilisées dans la médecine traditionnelle chinoise, est toujours en hausse. En outre, la 5ème édition du Forum régional africain sur le développement durable s’est tenue du 16 au 18 avril 2019 à Marrakech. Bien que le rapport final souligne les nombreux efforts réalisés par certains États dans différents domaines, tant au niveau environnemental qu’en termes d’accès à la justice et à l’éducation, ce rapport recommande en premier lieu de lutter rapidement contre les changements climatiques. Le plan décennal mis en oeuvre dans le cadre de l’Agenda 2063 ne traite pas pleinement des questions climatiques. De réelles lacunes sont aussi constatées dans de nombreux pays concernant le regroupement et le traitement des données sur les changements climatiques afin de pouvoir agir de manière efficace.
EUROPE
Brexit
Après des va-et-vient entre le Parlement britannique et le Commission européenne, la peur d’un no-deal, une Theresa May épuisée qui remettait sa démission le 24 mai 2019, et un Boris Johnson catapulté Premier Ministre malgré une forte opposition populaire, le Brexit se précise et devrait avoir lieu le 31 janvier prochain.
Si les négociations ont été longues et ont souvent échoué, cela est dû à la difficulté des deux partis à se mettre d’accord sur les modalités de sortie du Royaume-Uni. Les débats portent notamment sur la participation financière du pays au budget européen et de la taxe dont il devrait s’acquitter à sa sortie, mais aussi sur la question de la frontière entre les deux Irlande qui risquerait de redevenir un champ de bataille.
Ce nouvel accord trouvé entre Johnson et l’UE prévoit un double régime douanier en Irlande pour éviter le backstop, promet aux résidents étrangers qu’ils conserveront leurs droits, que la CJUE restera compétente et que le Royaume-Uni paiera sa facture. Cet accord semble donc inaugurer une sortie en douceur pour les Britanniques, même si beaucoup de sujets risquent encore d’être discutés dans les mois à venir.
Climat et protestations
2019 a vu arriver sous les projecteurs la jeune suédoise activiste, Greta Thunberg. Cette jeune militante, engagée pour le climat, reçue aux Nations Unies et dans de nombreux parlements nationaux, a réussi à mobiliser plusieurs centaines de milliers de jeunes à travers le monde pour protester contre l’inaction des gouvernements face au changement climatique lors des Fridays for future.
Cette mobilisation à grande échelle entend exercer une pression sur les dirigeants et les contraindre à appliquer les mesures pour lesquelles ils se sont engagés lors du sommet de la COP21 à Paris en 2015. En effet, depuis cette conférence qui réunissait 150 chefs d’États, les messages d’alarme se sont multipliés de la part des scientifiques.
Économie
À l’occasion des vingt ans de l’euro, une enquête de novembre 2018 de l’Eurobaromètre a dévoilé que 64% des Européens interrogés considéraient que l’euro a été bénéfique à leur pays. Ce bilan positif n’est pas sans cacher les multiples difficultés auxquelles la zone euro a fait face en 2019. Le carcan de l’ordolibéralisme ne fut pas ébranlé par le risque de récession qui a parcouru l’économie allemande. Le premier élève de la classe, dont l’économie a pâti de la guerre commerciale sino-américaine a bien failli tomber malade. Malgré les appels de son homologue français, la chancelière Angela Merkel n’a pas souhaité mettre en place une politique de relance. Avec un chômage qui persiste par rapport à nos voisins anglo-saxons et scandinaves et des performances économiques décevantes, la zone euro fait figure de mauvais élève. Les facteurs d’explications de cette situation se trouvent essentiellement dans la grande hétérogénéité des économies européennes et le manque de moyens pour pallier ces divergences. La zone euro n’est pas au bout de ses peines puisque face à sa population vieillissante, ses pays membres mettent en place tant bien que mal une réforme du système des retraites. En outre, la zone euro est extrêmement attendue sur les problématiques de fiscalité des entreprises.
Commission
Le 1er décembre 2019, la nouvelle Commission européenne présidée pour la première fois par une femme, Ursula von der Leyen, est entrée en fonction. L’élection de l’ancienne ministre de la Défense allemande a souligné le recul du rôle du Parlement européen qui, contrairement à 2014, n’a pas eu la main sur la présidence de la Commission. Le mécanisme du « Spitzenkandidaten » n’a en effet pas été respecté et Donald Tusk n’a pas manqué de souligner son caractère non-automatique. Parmi les priorités de la Commission, le Green Deal européen devrait permettre à l’Europe d’être le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050. À cette fin, la Commission a présenté le Pacte Vert pour l’Europe, qui regroupe des mesures très ambitieuses. Ce pacte essaye de lier des politiques clés mais également des investissements dans les technologies vertes et dédiés aux nouvelles entreprises. Il devrait constituer le premier pas vers un nouveau modèle de croissance en Europe.
Élections
En mai 2019, plus de la moitié des Européens s’est déplacée pour élire ses représentants au Parlement européen. Pourtant, dans les pays de l’Est, les bureaux de vote ont enregistré des taux de participation tristement record (22,74% en Slovaquie). Fait majeur de ces élections : le PPE (groupe conservateur) et les sociaux-démocrates du S&D ont perdu la majorité pour la première fois depuis deux décennies. L’ADLE et les Verts/ALE sont les deux forces montantes de ces élections et s’imposent dès lors comme des alliés de choix. À l’inverse, la gauche radicale a subi un revers de taille en perdant 40 sièges. Conformément à la montée des droites souverainistes et des partis populistes en Europe, les droites eurosceptiques voire europhobes ont enregistré une victoire et raflent une vingtaine de siège en plus par rapport à la dernière législature. Néanmoins, leur stratégie s’est légèrement modifiée. Alors qu’elles se targuent d’être des anti-européens, aujourd’hui la plupart défend une Europe des Nations, un projet qui semble aller à rebours de l’intégration politique européenne.
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